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LA TERRE INSPIRÉE ET LE POÈTE-PAYSAN Alain DEREMETZ Présente, depuis la plus haute ... PDF

25 Pages·2008·3.83 MB·French
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LA TERRE INSPIRÉE ET LE POÈTE-PAYSAN Alain DEREMETZ Présente, depuis la plus haute antiquité, dans tous les domaines où la pensée humaine s'est exercée (la religion, la philosophie, la poésie, l'art, la politique, la science...), notion protée que les siècles ont déclinée sous des formes et sous les noms les plus divers (souffle, enthousiasme, délire, ivresse, flamme, ardeur, feu, fureur, prodige, grâce, illumination, divination, génie, voyance...), l'inspiration constitue un thème anthropologique et culturel majeur qui témoigne de la fascination curieuse que l'homme a continuellement éprouvée devant les mystères de la création. De sa longue méditation sont nées quelques grandes ihèses, largement partagées, comme celle qui postule une analogie entre la création du monde auquel l'homme appartient et celle qui produit les œuvres dont il est l'auteur, et quelques distinctions chères à nombre de poètes et de philosophes, comme celle qui oppose deux paradigmes « poiétiques » généraux, la « poièse », qui inclut les deux modèles empiriques de la génération et de la fabrication, et « l'autopoièse », qui caractérise un type de création qui s'effectue de soi-même, sans recours à la technique et à l'emprunt. C'est à ce second modèle qu'appartient précisément l'inspiration, de manière certes parfois déguisée. De fait, si l'on s'en tient aux éléments les plus saillants d'une définition préalable communément acceptée, l'inspiration apparaîtra comme un processus ou comme le résultat d'un processus de création « poétique ». En tant que processus, elle désignera une sorte de jaillissement spontané ou de surgissement naturel dont le principe réside dans un au-delà ou un en deçà de la conscience créatrice et de la compétence technique, correspondant, dans le premier Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» Alain Deremetz cas, à l'action d'un agent extérieur au sujet ou à l'instance créateurs (le souffle divin, par exemple), et, dans le second, à une disposition innée de ce sujet ou de cette instance 0e génie, par exemple) ; elle s'oppose ainsi à tout ce qui relève de la fabrication et de l'art, de l'activité mécanique et réglée, du savoir-faire méthodique. En tant que résultat, l'inspiration sera la manifestation d'une puissance véridictoire et prophétique, d'une capacité inventive et novatrice, d'une aptitude insigne à la grandeur et à la beauté et s'opposera à la simple virtuosité technique ou à l'habileté imitative. Fille du sacré, comme le rappelle Cicéron1 à propos de la poésie : Il est d'ailleurs une notion que nous tenons des hommes les plus éminents et les plus instruits : c'est que, si toutes les autres études supposent un enseignement, des leçons, un art, le poète, lui, vaut par sa seule nature, ce sont les forces de sa pensée qui lui donnent l'essor, une sorte de souffle divin l'inspire. Aussi use-t-il de son plein droit notre illustre Ennius, quand il applique aux poètse l'épithète de sacrés, voulant dire qu'ils apparaissent comme des êtres qui nous ont été confiés en quelque sorte par un don, par une faveur des dieux, l'inspiration est aussi mère du sublime, comme le proclame Horace dans la pièce liminaire de ses Odes : Moi, le lierre, parure des doctes fronts, me mêle aux dieux du ciel... Si tu me comptes au nombre des lyriques inspirés, j'irai, tout en haut des airs, toucher les astres de ma tête2. Telles qu'elles nous apparaissent élaborées par la tradition antique, les principales configurations de ce thème culturel témoignent toutes de la prégnance3 d'une conception du monde résolument dualiste. Cette conception demande que soient distingués, dans la représentation du monde, deux niveaux de réalité dont l'un, qui se dérobe à la 1.Cicéron, Pro Archia, 18. 2. Horace, Ode, 1, 1, 35-36. 3. La question de savoir si l'utilisation du motif correspond ou non à une croyance réelle ne nous concerne pas ici. 156 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» La terre inspirée et le poète-paysan vue mais non à l'intelligence, serait la source profonde ou la cause secrète de tout ce qui advient d'inouï ou d'inexplicable dans l'autre, celui qui nous est directement accessible, la distribution de ces niveaux se réalisant verticalement selon un ordre hiérarchique qui commande un système généralisé d'oppositions : invisible/ visible, métaphysique/ physique, vérité/ apparence, divin/ humain, âme/ corps, inné/ acquis etc.. Au sein de ce système duel, l'inspiration, qui est associée à la sphère transcendante de l'activité créatrice en ce qu'elle est censée relier un effet visible (l'œuvre) à une cause appartenant à un second niveau de réalité (le divin, par exemple), relève donc d'une sémiosis verticale qui ne s'épuise pas « dans le système des faits directement ou indirectement observables4 », mais « s'intègre dans un ordre supérieur », alors que l'art qui, selon les traditions les plus constantes du moins, reste cantonné dans le versant physique et humain de cette activité, constitue un système d'explication horizontal qui ne prend en compte qu'un seul niveau de réalité. De cette opposition en découle logiquement une seconde : alors que l'inspiration, qui exprime un contact avec un ordre transcendant, incluant la possibilité même d'une connaissance véridique des principes ultimes de la réalité, pourra être définie comme anagogique, c'est-à-dire comme « conduisant vers les choses supérieures », l'art, qui est un « mensonge réfléchi prenant le masque de la vérité5 » et créateur d'illusions vraisemblables, se trouve du côté de l'ironie qui, conformément à la définition précédente, commande une attitude critique vis-à-vis de ses productions et de leur rapport à la réalité6. 4. Voir F. Hallyn, La structure poétique au monde : Copernic, Kepler, Des travaux, Seuil, 1987, p. 20 sqq. 5. G.B. Vico, Scienza nuova, 408, trad. de J. Michelet (Principes de la philosophie de l'histoire, Paris, 1827, p. 132), cité par F. Hallyn. 6. Cf. F. Hallyn, ibid., p. 22. 157 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» Alain Deremetz La valeur de ces deux modalités poétiques est donc généralement donnée comme inégale : à l'inspiration est rattachée toute création artistique portant la marque distinctive de la nouveauté, de la perfection et de l'originalité ou, à tout le moins, de la noblesse, de la singularité et de l'exemplarité, tandis que l'art, qui implique le respect de règles déjà édictées et d'un savoir-faire hérité, s'inscrit dans une logique de l'imitation, de la répétition et de l'exercice de style. C'est ainsi, par exemple, que les Grecs rendaient un hommage plus grand à l'aoidos autodidaktos, l'aède qui sait de lui-même par un don divin, qu'au rhapsode qui, ayant appris les chants créés par les autres, n'est capable que d'en coudre artistement des fragments en un tout harmonieux. Le motif et ses types L'ensemble des traits et des propriétés assignés à ce motif de l'inspiration ont été développés voire conjugués par les Anciens en des scénarii qui sont autant de fictions inventées pour décrire les modes plausibles du franchissement par certains hommes des limites de leur condition et de leur accès à l'au-delà. Ils se résument généralement à des alternatives simples : le franchissement se fait par anabase ou catabase7 et l'accès est d'ordre visuel ou auditif (ou les deux à la fois). Ces scénarii varient en fonction des domaines «poétiques» qui les convoquent et qu'ils magnifient, ainsi que des époques où ils ont été élaborés. S'agissant plus particulièrement du domaine poétique, on soulignera la prédominance de deux grands groupes de variantes qui sont 7. Ces deux concepts peuvent désigner deux types inverses de rapport à la transcendance, selon le point de vue considéré : si l'on se place du point de vue des hommes, l'accès à l'au-delà se fera par un mouvement d'ascension vers l'Olympe (anabase) ou de descente vers les Enfers (catabase) et si l'on se place du point de vue du divin, l'inspiration résultera d'une descente d'un dieu ou d'une montée d'une âme-démon vers le milieu humain. 158 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» La terre inspirée et le poète-paysan parfois employées isolément, mais souvent combinées entre elles, et que l'on trouve plus communément associées aux poésies épique et lyrique : les variantes de l'élection, de l'initiation et de la quête « prométhéenne », d'une part, celles de la production naturelle, de l'autre. Cette dernière, sur laquelle nous ne nous arrêterons qu'un instant avant de la retrouver au terme de cette étude, apparaît principalement dans la poésie lyrique. G. Norwood8, J. Duchemin9 et D. Auger10 ont enregistré la présence dans les odes et les hymnes de Pindare et de Bacchylide de nombreuses métaphores décrivant l'activité poétique « soit comme une production naturelle, soit comme une transformation à l'intérieur de la nature11 » : le poème est ainsi une fleur ou une floraison, le miel du poète qui butine comme l'abeille, un élément naturel, vent ou flamme, ou un liquide, eau de source12, rosée ou via S'opposant aux métaphores artisanales (ou les complétant), ces métaphores de nature présentent le poète comme un « hôte généreux » inspiré des Muses, dont le génie poétique est inné, et le poème « comme un “liquide au jaillissement spontané”13 ». Les poètes latins les ont largement reprises, tout particulièrement celles du miel et de l'abeille que Virgile, après Lucrèce, a exploitées de manière originale, comme nous aurons l'occasion de le vérifier à la fin de cette étude. Mais, pour représenter leur pratique et en célébrer la dimension prophétique, les poètes antiques ont plus fréquemment recouru aux motifs poétiques qui consistent soit à se désigner comme élus de la Muse et d'Apollon ou 8. G. Norwood, Pindar, 1945. 9. J. Duchemin, Pindare poète et prophète, Paris, 1955. 10. D. Auger, « De l'artisan à l'athlète », in Le texte et ses représentations, PENS, 1987, pp. 39-56. 11. Ibid., p. 44. 12. Pour un exemple dans la poésie latine, voir Properce, 4, 6, 4 : Que mon urne dispense les eaux de Cyrène. Sur la liaison de l'eau à un rituel initiatique, cf. infra. 13. Ibid., p. 47. 159 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» Alain Deremetz comme initiés aux mystères de Dionysos et à se prétendre inspirés par eux et bénéficiaires de leur « don sacré », soit enfin à revendiquer un génie divin capable par ses seules forces d'accéder au savoir des dieux. La représentation la plus connue du type électif est celle du « simulacre14 » de la Muse qu'Hésiode a illustrée dans le proème de sa Théogonie par la scène célèbre de sa rencontre avec les déesses : ...ce sont elles, [dit-il (signant par là même son œuvre)], qui à Hésiode un jour apprirent un beau chant. Après lui avoir offert un superbe rameau détaché d'un laurier florissant, elles lui inspirèrent des accents divins pour qu'(il) glorifie ce qui sera et ce qui fut, cependant qu'elles (lui) ordonnaient de célébrer la race des bienheureux toujours vivants, et d'abord elles-mêmes au commencement ainsi qu'à la fin de tous (ses) chants. Et ce sont elles qui vont lui conter la naissance du monde et des dieux, en commençant par le début.15 Ainsi présenté, et je résume ici les conclusions d'une analyse antérieure16, le chant que les Muses inspirent au poète préexiste à son énonciation, mais cette préexistence résulte moins d'un quelconque travail de composition, fût-il celui des Muses, que d'une création spontanée de la nature. Les Muses, en effet, se contentent de dire la réalité, c'est-à- dire de lire le sens qui s'inscrit dans la forme close et achevée du cosmos. Aussi le poème qu'elles dictent n'est-il rien d'autre que le monde lui-même prêt à être lu par les dieux qui en détiennent le code et dans lequel ils perçoivent ordre, forme et sens ; coïncidant avec la structure intelligible du monde, il est un objet autopoiétique dont la genèse se définit comme la manifestation de la transcendance accessible à l'homme par la seule révélation divine. L'aoidos autodidaktos est celui qui sait sans apprendre, par un don 14 L'expression est empruntée à C. Calame, Le récit en Grèce ancienne, Klincksieck, Paris, 1986. 15. Théogonie, 22 sq. et 115 ; la traduction est de P. Mazon (CUF). 16. Nous résumons dans les lignes suivantes les analyses développées dans notre Miroir des Muses, Lille, Septentrion, 1995, Chp. 5 « Poétiques de la romanité ». 160 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» La terre inspirée et le poète-paysan de voyance qui lui vient des dieux. Cette capacité est donc élective et distinctive ; c'est par elle que le poète magnifie sa fonction d'homme de paroles et de maître de vérité, par elle aussi qu'il donne à son chant la beauté et la force persuasive. Dès lors, la qualité de son poème n'est rien d'autre que l'expression de sa conformité à l'ordre des choses, et donc à la vérité. Autour de ce simulacre de la Muse s'est développé un scénario plus élaboré, de type apollinien et delphique, dont Hésiode lui-même témoigne brièvement : Oui, c'est par les Muses et par l'archer Apollon qu'il est sur terre des chanteurs et des citharistes, comme par Zeus il est des rois17. Apollon, que les mythes indo-européens les plus anciens18 identifient avec le Verbe, y apparaît comme l'initiateur de la donation poétique comme il l'est de la révélation prophétique ; c'est lui qui transmet la parole originelle à des êtres intermédiaires, ici les Muses, là la Pythie, avant que celles-ci ne la communiquent à leurs interprètes privilégiés, ici le poète, là le prêtre, chargés l'un comme l'autre d'articuler et de transmettre leurs paroles pour les humains. Cette représentation du processus de l'inspiration aura pour toute la tradition poétique gréco- latine une valeur de référence et, sous les espèces du délire prophétique, de l'incantation divinatoire et du charme poétique, en traverse l'histoire. Parmi bien d'autres, relevons ces deux exemples, empruntés à Horace, qui constituent deux variations typiques du motif : O maître de l'harmonieuse Thalie, ô toi Phébus citharède qui laves tes cheveux dans le cours du Xanthe, défends l'honneur de la Camène de Daunie, imberbe Agyieus. Phébus m'a donné le souffle, Phébus m'a donné l'art du chant et le nom de poète...(Ode 4, 6, 25-30) 17. Théogonie, 94-96. 18. Lire G. Dumézil, Apollon sonore, Gallimard, 1982, pp. 9-107 (Suite vocale et apollinienne). 161 Alain Deremetz Descends du ciel et dis, ô Calliope, un long chant sur ta flûte ou, si tu préfères aujourd'hui, de ta seule voix sonore ou encore sur les cordes, sur la cithare de Phébus. L'entendez- vous ? ou suis-je le jouet d'un aimable délire ? Je crois l'entendre et errer à travers les bois pieux sous lesquels passe la fraîcheur et des eaux et des brises... (Ode 3, 4, 1-8) « Prêtre des Muses et d'Apollon » qui l'inspirent, le poète accomplit par son chant une sorte de sacrifice agréable aux dieux où il célèbre la délivrance de leur révélation véridique. Cette image apparaît à plusieurs reprises dans la poésie augustéenne. Properce, par exemple, dans l'élégie 4, 6, (1-10) où il célèbre le temple d'Apollon Palatin se compare au prêtre couronné de laurier et aspergé d'eau pure qui offre un sacrifice rendu propice par l'immolation d'une génisse ; ailleurs (3, 1, 1-4) il se dit l'initié à des mystères sacrés qu'il célèbre dans le bois sacré de Callimaque et de Philétas, après avoir bu à la source pure19. L'eau sacrée, notons-le, est une nouvelle fois associée à l'inspiration, comme le sera le vin dans les exemples suivants. Toutefois, elle n'y représente plus le poème, produit de l'inspiration, mais bien un élément du processus lui-même, compris comme une aspersion lustrale ou comme une absorption rituelle. Avec la variante initiatique, ce sont deux autres formes du rapport à la transcendance qui sont proposées par les poètes : celles de la possession enthousiaste20 et de la 19. La fontaine Castalie du Parnasse ou la source Hippocrène de l'Hélicon, notamment. 20. Cf. les concepts d'euthumiè, de phusis theazousa et d'enthousiasmos kai hiéron pneûma dans les frgts 18 et 21 de H. Diels, Die Fragmente der Vorsokratiker16, II, 1972 et A. Delatte, Les conceptions de l'enthousiasme chez les philosophes présocratiques, Paris, 1938. Sur Platon et la conception de la mania dans le Phèdre et dans l'Ion (533 d), cf. P. Vicaire, Recherches sur les mots désignant la poésie et le poète dans l'œuvre de Platon, Paris, 1964. Associant Démocrite et Platon, Cicéron (De Or. II, 194 et Div. I, 80) affirme qu'un poète ne peut être bon sans inflammatio animorum et quidam afflatus quasi furoris. Il a en mémoire le célèbre texte du Phèdre (245 a) où est exposée la théorie générale des quatre délires (les maniai). 162 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» La terre inspirée et le poète-paysan catabase. Mise en rapport avec le culte dionysiaque, la première est proche de la précédente, les deux divinités étant étroitement associées dans le rituel delphique. L'inspiration devient délire, ivresse et transport nés de la rencontre avec le dieu à la grappe, qui conduit, dans les lieux qui lui sont familiers, grottes et antres, les danses et les chants frénétiques auxquels les Muses ne refusent pas de s'associer21 : J'ai vu Bacchus enseignant ses chants à l'écart, sur des rochers - croyez-moi, générations futures - et les nymphes les apprenant, et les Satyres au pied de chèvre tendant leurs oreilles pointues. Evohé, mon cœur tremble d'une crainte récente et, dans ma poitrine qu'emplit Bacchus, il se réjouit de son émoi. Evoé, épargne-moi Liber, épargne-moi, toi que ton thyrse pesant rend redoutable. (Ode 2, 19, 1-8) Où m'entraînes-tu, Bacchus, tout plein de toi ? dans quels bois, dans quelles grottes m'emporte l'essor d'une inspiration nouvelle ? de quels antres serai-je entendu, m'essavant à placer la gloire immortelle du grand César parmi les astres (Ode 3, 25, 1-6). Quant à la seconde, on la connaît surtout par certaines versions grecques du mythe d'Orphée qui rattachent la descente du poète dans les Enfers moins à la quête de son épouse disparue qu'à celle d'un savoir sur le monde et sur l'au-delà qu'un fois revenu il délivra dans les cosmogonies ou théogonies associées à son nom22. Le même motif se retrouve, selon nous, dans l'épisode de la Nékyia d'Ulysse, au chant 11 de l'Odyssée, et dans la célèbre catabase d'Enée, relatée par Virgile au livre 6 de son épopée23 : les deux héros retirent de leur expérience un savoir divinatoire, de type politique, qui guidera leur action dans le monde. 21. Voir, par exemple, Properce 2, 30, 37-40. 22. Voir M. Detienne, L'écriture d'Orphée, Paris, Gallimard, 1989, p. 119 sq. et A. Béague et alii, Les Visages d'Orphée, Lille, Septentrion, 1998, passim. Selon les variantes, ce rapport à l'inspiration catabatique exclut ou non la mention de l'épouse perdue. 23. Voir A. Deremetz, op. cit., p. 156-171. 163 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration» Alain Deremetz Quelles que soient les formes narratives qu'empruntent ces « simulacres » de l'inspiration poétique, ils ont donc toujours pour figure centrale un « je » qui se masque, plus ou moins parfaitement, sous une autre figure plus noble. Même lorsqu'il se présente lui-même comme l'auteur d'un chant véridique, le « je » parlant du poète ne prétend jamais être autre chose que « le dépositaire d'une vérité déléguée », établie en dehors de lui et qu'il répète après d'autres locuteurs autorisés. Sa vérité est « d'autorité » avant d'être de référence. Mais, comme le fait remarquer C. Calame, chez Pindare déjà, le « simulacre » de la Muse n'est parfois utilisé que dans un rôle annexe, bien éloigné du rôle de destinateur divin du chant véridique que lui donne la poésie archaïque et la place du narrataire peut être occupée par un grand nombre d'actants autres que les Muses : Le je [précise-l-il], n'assume plus uniquement la position actantielle du sujet d'un verbe “dire” ou “chanter” ; on le rencontre également comme sujet de “vouloir (célébrer)” (Pind. Pyth. 9, 1), de “connaître” (Ol. 13, 3) ou d'un prédicat exprimant la fonction de prophète assurée par le je (fr. 52 f 6 Snell-Maehler). Ainsi chez Pindare (fr. 150 S-M), le je s'attribue le rôle de prophétiser alors qu'il réserve à la Muse, manifestée à la deuxième personne, la fonction de divination. Avec ce dernier donc, la Muse n'est souvent « qu'un simple adjuvant du je, (étant) en général associée à la composition du poème » et « cette position secondaire se traduit souvent par un énoncé à la troisième personne ». En digne émule de Pindare Horace lui-même s'affranchit parfois du scénario contraignant de la poésie archaïque et trouve sa dignité dans l'exhibition d'un je qui prétend détenir son autorité de lui-même. C'est sur une conception analogue que s'est développée la dernière forme, fréquemment utilisée dans la poésie moderne, de l'inspiration poétique, celle qui attribue au poète un génie propre, prométhéen en quelque sorte, qui le rend capable de percer, par ses seules forces, les secrets de la nature. L'illustration la plus significative nous en est donnée par le De natura rerum qui présente Epicure 164 Noesis n°4 «L'Antique notion d'inspiration»

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La terre inspirée et le poète-paysan vue mais non à l'intelligence, serait la source . c'est par les Muses et par l'archer Apollon qu'il est sur terre des chanteurs et des citharistes, comme par Zeus il est .. du sel caustique de son humour), mais lui reproche le manque d'art et une trop grande
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