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La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne PDF

386 Pages·2008·1.77 MB·French
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La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 INTRODUCTION GENERALE « La longue complicité des hommes avec le monde des symboles permet d’espérer qu’il n’y a pas là seulement nostalgie, mais projet. »1 D.J. L’étude des différentes façons de saisir et de définir les “faits symboliques” et “archétypales”, constitue l’objet principal de notre présent essai. La première partie de cet essai traite en particulier des théories de Creuzer, Schelling, Freud, Jung et Eliade émises à ce propos. Si nous commençons par la “Symbolick”2 de Creuzer, oeuvre qu’adaptera Guigniaud à partir de 1825 sous le titre de “Religions de l’antiquité considérées dans leurs formes symboliques et mythologiques”, c’est que nous rencontrons dans cette oeuvre, de suggestives définitions du symbole, et surtout une précieuse étymologie au mot prestigieux et obsédant : “la symbolique”3. Il n’est pas indifférent de constater que, dans les mêmes années 1090-1900, où les poètes ont fait du symbolisme l’expression la plus moderne de la sensibilité esthétique, les sociologues, les ethnologues, les psychologues, les mythologues ont cherché dans les fonds premiers des sociétés élémentaires ou de l’intelligence enfantine, les obsessions symboliques. Le même parallélisme avait gouverné au XVIIIe siècle et au seuil du XIXe, les explorations du monde primitif et les tentations d’une pensée ésotérique. Actuellement, on ne se trompe pas si l’on affirme que la connaissance des faits symboliques et archétypales est liée au domaine le plus étroit de la philosophie de la Religion. Mais, malgré un effort considérable de déchiffrement accompli spécialement par les philosophes allemands, tout effort de véritable synthèse en ce domaine a jusqu’à présent échoué. Il en est aussi de tout système unitaire d’explication qui essaie de définir les religions à partir d’un seul symbole, que ce soit le “soleil” (Max Muller – Khun), ou la voûte céleste - Taylor, etc...). Par contre, on pourrait trouver d’utiles indications sur la vraie nature et sur la complexité de ces matières dans l’usage systématique de toutes sciences parallèles aussi bien la psychologie, la philologie ou la sémantique comparée. 1 Voir Encyclopédie Univ. isl. 15. "symbole", p. 616, 1973 2 Creuzer F. "Symbolick und Mythologie der Alten Volker" trad. française par Guigniaud J.D. en 10 volumes, Paris, Treuttel et Würtz, 1823. 3 Il est un symbolisme qui exprime un certain état primitif des civilisations et un autre qui désigne une époque littéraire ; le symbolique qui est l'adjectif courant dérivé de symbole ne se confond pas avec la symbolique qui est un système d'Histoire des religions. - 1 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 Car la langue parlée, même nos langues très évoluées, a donc la possibilité de fixer soit dans les racines, soit dans des expressions usuelles, des symbolismes très anciens ; nous en indiquerons dans notre essai. Mais, mis à part ces cas privilégiés ou celui des dogmes religieux d’une fixité relative, Salomon Reinach indique la nature fluente des symboles qui évoluent de façon souvent imprévisible. Ainsi en est-il pour ne citer qu’un exemple, de la transformation étrange qu’ont subi les deux piliers de Tyr, “Boaz”, et “Ouakin”. A. Audin,1 a fait une enquête sur les piliers jumeaux dans l’iconographie et les textes du Proche-Orient ancien. En prolongeant l’examen ébauché par ce chercheur, on s’aperçoit que les anciens avaient déjà quelques peines à décrypter le language du symbole. Ainsi Hérodote2 dit-il son étonnement de voyageur devant le temple de Meikart à Tyr, où le Dieu était adoré sous la forme de deux piliers d’or fin et d’émeraudes qui brillaient dans la nuit. Mais Hérodote s’en tient là et ne fait pas d’autre commentaire, Lucien affirme que Dionysos avait érigé dans le temple d’Atargatis à Hiérarpolis (Membig en Syrie) deux colonnes phalliques hautes de plus de cinquante cinq mètres, avec cette inscription ; “ces phallus ont été élevés par moi, Dionysos, en l’honneur de Junon, ma belle-mère”3. En fin de compte, pour le lecteur arrivé au terme du récit, le symbolisme des deux phallus reste ambigu. Hérodote et Lucien sont des observateurs pour lesquels le sens architectural des deux piliers, ou du moins le sens de la dualité des piliers est déjà perdu. Ne possédant plus la clé de lecture du symbole, ils s’en tiennent à de simples mentions d’observateurs. Il y a là le phénomène d’une symbolique vidée de sa portée significative première et affectée d’une nouvelle fonction4. Cela doit nous amener à conclure que le repérage des significations dont la symbolique est chargée, peut être une opération très délicate, et plus encore quand il s’agit d’opérer dans la symbolique phénicienne. Schelling5 et Creuzer nous montrent bien le chemin à suivre dans ce domaine. Un exemple biblique illustre bien la surdétermination langagière dont un symbole peut être affligé. Le temple de Salomon comportait deux piliers : Ouakin au Nord et Boaz au Sud, qui précédaient l’entrée monumentale, et selon toute vraisemblance, ne supportaient rien, flans son état actuel, le texte biblique (1.R.7, 18-20) insiste surtout sur la pureté de la décoration, veillant à mettre en avant l’absence de toute représentation idolâtrique, selon l’interdit de Ex. 20, 2- 1 A. Audin, "les piliers jumeaux dans le monde sémitique" Arch. Orient. 1953, P. 430-439 2 Hérodote Hist., 11. 44 3 Lucien. "De Dea Syria" 16, 28. 4 Notre thèse sur Adonaï vient à l'appui de ces propos. 5 Voir Schelling dans les "Les âges du Monde" suivi des "Divinités de Samothraces" Aub. Mont. Kiris, 1949. - 2 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 6; Dt.3, 8-10 et Ex. 34, 17. On a là la dernière signification architecturale des deux piliers ; concourir dans l’ensemble au refus de représenter la divinité. Les noms donnés traditionnellement aux piliers leur confèrent un autre message, même si dans l’état actuel de nos connaissances, l’interprétation de ces noms reste sujette à conjectures, puisque le texte ne permet pas de préciser qui les a imposés. Soit Hyram de Tyr, l’architecte, soit Salomon lui-même ; dans le premier cas, il s’agirait du voeu de stabilité exprimé par le maître d’oeuvre : “voilà qui tiendra bon”, dans le deuxième cas, la solidité des colonnes est le symbole éloquent du rêve de la continuité dynastique “que Yahweh fasse tenir - Yay-Kin, en force Bé az .”1. A ce niveau, le symbole ne parle donc plus que par l’addition d’un élément étrange à sa nature première et par surdétermination. On peut se demander toutefois si cette herméneutique par pièces rapportées était bien celle des constructeurs phéniciens du Temple. Prompts à sculpter les deux Chérubins et leur image sur les portes successives (l B. 6, 23-26), ils implantent à Jérusalem une langue symbolique dont leur pays d’origine était familier. Car Hiram, en plaçant les deux colonnes à l’entrée du Saint des Saints du Temple de Jérusalem, ne faisait qu’imiter le geste ancestral de Meikart, qui plaça ces mêmes colonnes aux portes de la Méditerranée2, saint des saints de ses adorateurs Tyriens. Ainsi la prophétie de Jurus au sujet de Meikart s’accomplit ; “Tu triompheras d’une mer inconnue, et le premier de tous les mortels tu verras les bornes de la terre, et tu deviendras si grand, que El-Xronos et les autres dieux te regarderont comme leur égal”.3. Nous ajoutons que les correspondances troublantes entre les symboles évolués, usités par les peuplades de nos diverses régions, et visibles surtout dans les coutumes et les monuments, paraîtraient inexplicables, malgré les lacunes inévitables de notre information sur leurs origines, si l’on ne faisait pas état des lois profondes que commence d’établir la psychanalyse, celle de Jung en particulier.4. Et si enfin, on considère d’un peu près l’homme d’aujourd’hui et son comportement, il est aisé de se rendre compte, que, malgré son rationalisme apparent, il n’a pu se détacher des symboles refoulés dans son inconscient. Mircea Eliade avec son oeuvre féconde, nous indiquera lui aussi la voie à suivre quand il nous parle des symboles et des archétypes y notions clés de ce présent essai. 1 Iakin et Boaz reprennent le rôle des chérubins mésopotamiens gardiens des temples, protecteurs de l'Univers contre les malfaisants, guide des adorateurs vers la divinité. Dans le Dict. des Relig. p. 220, nous trouvons mentionnées dans les traditions cabalistiques les deux colonnes, une combinaison séfirotique de la bonne Sitara, et de la Sitra AHArA, monde du Mal. 2 Pour longtemps cette mer fut appelée "Mer Tyrhénienne". 3 Voir Wagenfeld F. "Analyse des neuf livres de la Chronique de Sanchoniathon" Paris, Paulin. 1836. p.127. 4 C'est d'ailleurs sur la question du symbole que se produisit le clivage puis la rupture entre Freud et Jung avec la publication de ce dernier de son "Métamorphose et symbole de la Libido" en 1911. - 3 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 S’il est vrai comme le dit Ernest Cassirer dans sa “Philosophie des formes symboliques”1 “que parmi les grandes religions culturelles, c’est la religion phénicienne qui a conservé avec le plus de pureté et qui a élaboré avec plus d’intensité le sentiment fondamental du mythe”, c’est donc dans cette mythologie de l’“Orient symbolique”2 de Creuzer que nous irons chercher le vrai sens de nos mythes et symboles. Reste à définir le sens même de la “Symbolique”. Le dictionnaire des Religions la définit ainsi : “une symbolique” est un état d’équilibre acquis entre le sens que l’esprit réfléchit et puis universalise dans sa production théorique et pratique, et le sens encore inexprimé dont l’archaïsme du symbole reste porteur.”3 C’est donc autour de cette double définition que se polarise notre enquête : une réflexion sur notre passé accueillant et un regard sur notre présent prometteur. En effet, si certains moments de l’antiquité libanaise demeurent dans la mémoire des hommes à travers les traditions écrites gréco-romaine depuis Homère, ou oriental depuis l’Ancien Testament et l’histoire phénicienne de Sanchoniathon, c’est que ce passé, tout comme les portes de cette côte du Levant, est resté ouvert durant tous les siècles. On ne s’étonnera pas donc si nous trouvons Lamartine entre autres relater les attraits de ce Levant, ni Nerval qui lui restitua une profondeur millénaire : “ce rivage n’est-il pas le berceau même de toutes les croyances du monde ! Interrogez le premier montagnard qui passe : il vous dira que c’est sur ce point de la terre qu’eurent lieu les scènes primitives de la Bible ; il vous conduira à l’endroit où fumèrent les premiers sacrifices... Placez-vous du point de vue de l’antiquité grecque et vous verrez aussi descendre de ces monts tout le riant cortège dont la Grèce accepta et transforma en culte, propagé par les émigrations phéniciennes. Ces bois et ces montagnes ont retenti des cris de Vénus pleurant Adonis...”4. C’est dans cet horizon lointain que nous sonderons notre avenir. Mais les parfums de la “Vallée de YAH Chouch” du Dieu souffrant ne tarderont pas de nous appeler vers leurs abîmes embaumés, vers ces sentiers sauvages et ces crêtes enneigées, itinéraire de toute âme libanaise à la recherche de sa propre identité. Entre l’Appel de Cadmus, l’Aventure éternelle de la Mer, et l’appel d’Adonaï de cette montagne immuable, l’âme libanaise reste l’éternelle déchirée. Mais l’essence même de la symbolique n’est-elle pas cette éternelle déchirure et 1 E. Cassirer "Philosophie des Formes Symboliques" 3 tomes Paris. Minuit, 1972 Voir T II - La pensée mythique p. 222-223. 2 Todorov T. "Théories du symbole" Paris Seuil, 1977, à propos de Creuzer voir p. 235-223. 3 Dictionnaire des Religions Paris PVF 1984. Voir symbole p. 1639 sq. 4 Nerval G. de "Voyage en Orient" Paris Charpentier, 1869» 2 tomes, Voir T.I. p. 335. - 4 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 cette ultime Tentation ? Cette déchirure ne prendra fin qu’à l’aube du printemps quand ces cimes alourdies de leur manteau blanc exploseront en mille torrents et en chariant le sang de cette montagne divine, viendront rougir l’immensité bleuâtre pour que naisse des écumes une nouvelle Astarté, encore plus pure, cueillant les Anémones de son bel Adonis sur les flancs du Liban. Instaurer une nouvelle herméneutique pour la relecture de notre symbolique archétypale ébauchée déjà dans notre thèse de 3ème cycle sur Adonaï, est l’objet principal de notre présent essai. Car à notre avis, la relecture de notre propre histoire est aussi pressante que notre souci en notre avenir, car nous considérons que cette symbolique est le support socio-culturel constitutif de notre vie actuelle, et qu’il est indispensable de ne pas en connaître les fondements. Nous ne nous attarderons donc pas sur les diverses théories émises à ce propos, nous irons directement à notre but : redécouvrir les origines de ce qui nous définit actuellement comme tel. Ainsi nous approchons le deuxième pôle de notre définition de la symbolique ; l’Avenir de notre Présent. On n’apporte rien de nouveau quand nous disons qu’actuellement le Liban traverse une période décisive. Une fois cette problématique posée, nous irons chercher les quelques issues possibles dans notre “miroir historique” si riche en ses leçons. Opterions-nous alors pour l’intégration de notre Ancien Liban aux couleurs du Phoenix, ou laisserions-nous aller dans le courant si sombre des propositions honteuses que nous proposent les nations ? On nous propose le modèle “confédéré”, comme si ce modèle nous est si étrange. La Phénicie, depuis quelle existe, ne vit-elle pas selon ce système ? Et son grand OUI à la vie, et son grand NON à l’hégémonie ne sont-ils pas aussi le produit de ce système qui a permis à la Phénicie de grandir et de prospérer ? Mais il en est de plus grave ! Car ces cités en effet, vivaient aux yeux des conquérants selon une “illogique” que ni la religion et ni la morale de ces derniers ne pouvaient y résoudre l’énigme, l’énigme de cette illogique de la Résistance et du Martyr. En un mot, c’est l’illogique de la coexistence et de l’irrationalité du dualisme libanais qu’on a voulu, et qu’on voudrait détruire. Imposer donc au Liban la logique des temps modernes sous les vocables de la partition ou la division, ou pire encore, celui de la cohabitation honteuse, c’est l’arracher de son âge d’or, de son “ouverture et de son “universalité” qui lui sont innées comme lui sont ses montagnes et ses torrents. Bref, si dans la conscience de chaque libanais, le Liban est considéré comme le don inconditionné et immaculé de Dieu, d’aucun de ces oracles alors ne pourra, et d’aucun pouce, bouger la loi divine des choses. Car est-il possible que El, Adon, Yahweh puissent se révolter sur leur propre demeure -le Liban- ? Leur Majesté n’est-elle pas comparée à ses monts, et leur odeur à ses parfums ? - 5 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 L’Eternel, lui qu’il est, réduira-t-il en cendres ces chaînes et ces cèdres habitacles de ces Archanges ? Adonaï-Yahweh effacera-t-il du Sifr des vivants et de la face du monde sa propre symbolique ? D’ailleurs, “Qui oserait faire du scepticisme au pied du Liban ?” disait déjà Nerval dans son voyage en Orient1. Nous comprenons dès lors le magnifique attachement de ce peuple qui a fait de cette montagne la citadelle même de Dieu, et sa raison d’être. C’est ainsi que notre citation à la tête de l’introduction prendra sens : “la longue complicité des hommes avec le monde des symboles permet d’espérer qu’il n’ y a pas là seulement nostalgie mais projet.”2 Nous voilà donc devant un des mille exemples de l’enracinement de la symbolique archétypale dans la vie quotidienne du peuple libanais, et c’est en tant que philosophe de la Religion qu’ici nous en faisons l’inventaire, sans oublier toutefois, de signaler que c’est grâce à cette symbolique que ce peuple a pu défier l’histoire. Si un jour les vents de l’aventure vous amènent vers nos rivages, n’hésitez point à visiter la fameuse vallée de NAHK-EL-KAL. Ici, vous trouverez que toutes les puissances du monde y ont érigé des stèles commémorant leur passage. Mais il vous en échappera une et une seule, car celle-ci, les libanais l’ont érigée cette fois-ci, non sur les rochers de leur vallée, mais dans le creux de leur âme. Elle dit ceci : « Regarde, Liban, tous ont passé et péri, Toi, Seul, Eternel, tu demeures. » 1 Nerval G. de "Voyage en Orient" T.I. p. 335. 2 Ibid, voir ci-dessus. - 6 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 CHAPITHE I Les théories des faits symboliques et archétypales dans la philosophie de Creuzer, Schelling, Freud, Jung et Mircea Eliade. “La forme obligée de toute religion est le symbolisme” E. Renan “Il n’est aucun peuple, ni Grec, ni Barbare, ni placé sur les bords de la mer, ni reculé dans l’intérieur des terres, ni nomade, ni civilisé, qui n’ait senti le besoin d’avoir sous les yeux des symboles quelconques propres à rappeler l’idée des hommages que l’on doit aux Dieux.”1 Cet extrait de Maxime de Tyr doit nous amener à étudier sa huitième dissertation intitulée “S’il faut représenter les Dieux sous des emblèmes sensibles”. En effet, pour ce philosophe platonicien : si les Dieux ont toujours été regardés comme les gardiens tutélaires des hommes, de leur côté, les hommes ont consacré aux Dieux des honneurs solennels et des objets pour les représenter. Seulement, ceux qui ont de la vigueur dans l’intelligence, et qui peuvent faire prendre à leur âme un essor direct vers la divinité, ceux-là peut-être, peuvent se passer d’emblème. D’ailleurs, il n’existe nulle uniformité touchant ces représentations des Dieux. Les Grecs, par exemple, ont jugé convenable de consacrer à leurs Dieux “la forme humaine”, l’art le plus parfait, ce qui approche le plus de la divinité et ce qui lui ressemble davantage. Quant aux barbares, admettant tous également l’existence des Dieux, ils les représentèrent les uns sous une figure, les autres sous une autre. Les Perses sous l’image fugitive du feu, l’Egypte sous l’image d’un boeuf, d’un oiseau, etc... Chez les Egyptiens, les dieux meurent. On voit à la fois et leurs tombeaux et leurs temples. Les Indiens l’adorent sous l’image du dragon auquel ils offraient des sacrifices Les Lybiens l’adorent sous la forme de leur montagne Atlas, par laquelle ils jurent et à qui ils rendent leurs adorations. Les Celtes adorent Jupiter sous la forme d’un grand chêne. Les Arabes adorent la pierre quadrangulaire, etc... Si telle est la condition commune de tous les peuples, laissons les choses 1 Dissertations de Maxime de Tyr, trad. du texte Grec par Combes-Dounous, 2 tomes, Paris, 1802, Voir T.I., 8ème dissertation IX, p. 93. - 7 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 comme elles sont ; respectons les opinions reçues sur le compte des Dieux, et leurs symboles ainsi que leurs noms. Car il est un Dieu» père et créateur de tout ce qui existe, plus ancien que le soleil antérieur aux temps et à toutes les générations. Mais dans l’impuissance où nous sommes de nous faire une idée de sa nature, nous cherchons un appui dans les mots et les dénominations, et dans les images... Que servirait donc d’aller plus avant et de nous ériger en législateurs sur cette matière ? Il suffit que l’entendement humain ait l’idée de Dieu. D’ailleurs, que le ciseau de Phidias soit employé chez les Grecs à leur en retracer la mémoire, qu’en Egypte le culte qu’on rend aux animaux soit chargé de la même fonction, que chez certains peuples on adore un fleuve, chez d’autres le feu, qu’importe la différence ? Elle ne me choque pas. C’est assez pour moi que les nations sachent qu’il est des Dieux. Il suffit qu’elles les honorent. Il suffit qu’elles en conservent le souvenir. Ni les Chartes des Nations ni les édits des peuples ne peuvent égaler cet enseignement lumineux de ce Tyrien qui porte en lui toute l’authenticité du peuple libanais. C’est dans cet esprit que nous entreprendrons notre recherche sur la symbolique en commençant par Greuzer auteur de “Symbolick und Mythologie der Alten Volker”.1 A- La Symbolick de Creuzer Si nous avons choisi cet auteur allemand, c’est que premièrement son oeuvre est peu connue en France, et donc intéressant de voir son contenu et, deuxièmement, cette oeuvre nous fournit un bon modèle pour l’étude des reli- gions dans leurs formes symboliques. Nous verrons plus tard que loin de s’op- poser à l’école romantique allemande, Creuzer avec sa “symbolick” apporte à cette doctrine romantique une contribution originale et participe de la façon la plus active à la revalorisation du mythe et à la mise en place de la dichotomie signe-symbole, logos-mythos ; il parle même dans un autre ouvrage, de l’Orient comme d’un “monde symbolique” et de l’Occident comme d’un “monde syllogique”2. Mais la contribution originale de Creuzer, c’est de relier au couple symbole-allégorie la catégorie du temps largement investie par les mythologues qui lui succéderont, notamment par Eliade. Dans sa longue introduction de la “Symbolick”3, Creuzer expose sa théorie sur les religions en général, et sur le phénomène symbolique en particulier. Nous essayerons dans la mesure du 1 Cf la traduction française de J.D. Guigniaut en 10 volumes, Paris, Treuttel et Würtz Librairie, 1823. Voir Introduction et Notes du Livre I. 2 Cf Todorov Tzeran "Théories du symbole", p. 235-236. 3 L'objet propre du livre est de faire connaître l'existence chez les Grecs d'une poésie très ancienne, antérieure aux monuments écrits et dont le fond serait d'origine orientale. Cf. Dict.Univ. Larousse, T.5., p. 510-511. - 8 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 possible de donner un résumé plus ou moins objectif de ce que cet auteur apporte de nouveau en ce domaine. Pour Creuzer, expliquer les symboles et créer des figures symboliques sont deux fonctions constamment réunies dans cette vieille école des religions primitives. Bien plus -et ici en citant Goerres célèbre mythologue allemand-, les dieux eux-mêmes ont formé de leurs mains puissantes les premières images proposées à l’adoration des hommes ; eux-mêmes ils ont été les premiers instituteurs de leur culte, ils sont descendus sur la terre pour instruire les mortels, la chronique de Sanchoniathon est significative à ce propos. El lui-même, construit sa demeure et son Temple à Byblos. En Grèce, on voit Apollon introduisant son propre culte à Delphes, Cérès, Démêler instruisant à Eleusis les rois de l’Attique dans la doctrine secrète du sien et, durant ses courses inquiètes à la recherche de sa fille, inventant le précieux usage des signes sacrés, c’est-à-dire des symboles. Ainsi se manifeste à l’origine des institutions religieuses, une miraculeuse alliance de l’homme avec la Divinité. Les premiers fondateurs1 des religions consignaient leurs dogmes dans des représentations figurées : l’antiquité toute entière nous l’atteste2. C’est que, dans cet âge de l’esprit humain, l’image et la parole, la peinture et le discours ne sont point encore distingués l’un de l’autre, tout au contraire, ils se soutiennent et se pénètrent d’une mutuelle lumière auxquels les Grecs appliquèrent indifféremment, dans la suite, le nom si riche et si divers de “symbole”. 1 - Les Deux grandes formes de la doctrine religieuse chez les anciens ; symboles, mythes ; leur nature et leur analogie. Si nous voulons une théorie des formes symboliques si anciennes et si générales, ce n’est pas à ces âges reculés qu’il faut la demander. Tout y est l’ouvrage de la nature et du besoin, tout y est nécessaire, et la réflexion n’y aurait trouvé place. Déjà pourtant le symbole s’était affranchi des liens de son enfance, en Egypte et dans l’antique Orient : quant aux Grecs, ils s’engagèrent pour le polir et lui donnèrent le beau comme objet principal. C’est chez eux donc qu’on ira chercher le fondement de ces théories sur les formes et les symboles. 1 M. Renan dans "Etudes d'Histoire Religieuse" reproche à Creuzer "sa préoccupation dans la théologie et les institutions sacerdotales, néconnaissant le côté naïf et vulgaire de l'antiquité, il cherche des idées abstraites et dogmatiques dans les créations légères où il n'y avait bien souvent que les joyeuses folies de l'enfance". Cf. Dict. Univ. Larousse T.5, P. 510-511. 2 Porphyr de antro Nymph. 6, ex Eubulo. Conter. Clem. Alex. Strom V, 5. - 9 - La Symbolique des Archétypes dans la Mythologie Phénicienne Dr. Clovis Karam Lyon-France 1984 © Copyright 2008 Toutes les idées religieuses et philosophiques des anciens temps se rangent naturellement sous deux formes principales : l’une “symbolique”, l’autre “mythique” avec des subdivisions secondaires dont chacune reçoit un nom particulier. 2 - Sur la division plus générale de l’exposition des doctrines religieuses en intuitive, ou figurée, et en discursive ou nue avec les subdivisions. “Ceux qui parlent des choses divines aux moyens de signes sensibles (intuitivement) s’expriment ou en symboles et en mythes, ou en figures (en simples images). Mais ceux qui énoncent leurs pensées sans voiles, le font ou par la méthode scientifique, ou par une inspiration divine. L’exposition des choses divines par la voie des symboles est orphique et propre en général aux auteurs de théomythie, celle qui se sert de figures est pythagoricienne.”1 La méthode intuitive est appelée encore, d’un nom qui rassemble toutes ses branches diverses, composition. Cette intuition selon Jamblique “est une véritable synthèse, et la première de toutes : l’institution en est rapportée à la nature, aux Dieux, qui se révèlent en révélant toutes choses par des symboles; l’homme possède une faculté analogue, et son esprit conçoit symboliquement ce qui lui est présenté sous la forme symbolique”2. L’intuitive a pour contraire la discursive, celle “qui prend la plus grande route”, la méthode du raisonnement. La méthode d’intuition, suivant Proclus, a deux subdivisions, les symboles et les mythes d’un côté, de l’autre les figures ? Ceux-là propres aux Orphiques, celle-ci aux Pythagoriciens, Par ces derniers, il entend les figures mathématiques, au moyen desquelles Pythagore construisait les idées dans l’espace : ce philosophe ayant transposé aux choses divines les figures et les nombres ; il s’en servait comme d’images et de signes pour exprimer ses dogmes. Nous verrons plus loin les différentes formes symboliques de cette école. 3 - Sur les deux grands genres de l’exposition intuitive ou sur le Symbole et le Mythe, depuis la haute antiquité jusqu’au Christianisme Selon Creusser, la division entre symbole et mythe n’est pas arbitraire, elle est véritablement fondée en raison, et repose sur le génie même de l’antiquité. Ce sont deux ordres, deux genres dont il s’agit de bien déterminer les caractères 1 Proclus in Theolog. Platon, I, 4, 9. 2 Jamblique de Myster., VII, I, II, 15. - 10 -

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Mircea Eliade avec son oeuvre féconde, nous indiquera lui aussi la voie à suivre quand il nous parle des symboles et des archétypes y notions clés
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