L'Allemagne, notre secrète tare familiale. Héritée d'une grand-mère bavaroise qui avait fui — pourquoi ? — son pays a vingt ans et d'un père français abattu pour collaboration avec l'occupant allemand, elle a marqué deux générations de femmes de notre famille du sceau de la honte et de la culpabilité. D'une guerre à l'autre, d'un septembre noir à un autre, l'ennemi restait le même, héréditaire, et cet ennemi était nous, cachées sous une identité d'emprunt. Trente-cinq ans passés à planter de fausses racines et à construire des façades en trompe-l'œil, sous lesquelles enfouir, derrière lesquelles abriter l'Allemagne, indicible secret. Et, soudain, les racines coupées, les façades effondrées, je me suis aperçue que l'histoire avait bougé sans moi. L'Allemagne était désormais l'allié européen privilégié. La Collaboration devenait une mode littéraire. C'est alors que j'ai entrepris cet auto-reportage pour faire émerger mon Allemagne à moi, mon Allemagne honteuse, avant qu'elle ne soit effacée par l'amnésie collective. Qui était-elle, cette grand-mère morte en emportant ses mystères ? Qui était cet homme abattu, mon père ? Et ma haine pour lui, d'où venait-elle ? Enquête à travers la mémoire, les livres, les archives et les lieux. Recherche d'une identité dans des racines qui, finalement, n'existent pas. La patrie est une invention des hommes. Je ne suis de nulle part et je me veux ainsi. **