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La querelle des universaux : De Platon à la fin du Moyen Âge PDF

685 Pages·1996·1.58 MB·French
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La Querelle des universaux Alain de Libera La Querelle des universaux De Platon à la fin du Moyen Âge ÉDITION AUGMENTÉE D’UNE POSTFACE Éditions du Seuil Ce livre a été publié initialement dans la collection « DES TRAVAUX » ISBN 978-2-0213-8208-2 ISBN 1re édition 978-2-02-024756-6 © Éditions du Seuil, janvier 1996 et Points, mars 2014 pour la postface Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Mais la haine peut être ressentie contre les classes. ARISTOTE Il nous arrive, par la volonté, d’aimer ou de haïr quelque chose en général. THOMAS D’AQUIN J’aime les pommes en général. Jacques CHIRAC 1 Un problème saturé En 1845, l’Académie des sciences morales et politiques mettait au concours une histoire de la philosophie scolastique, dont le prix allait être remporté par Barthélemy Hauréau (1812-1886). L’intérêt pour le Moyen Âge était neuf. Victor Cousin venait de publier les Ouvrages inédits d’Abélard (1836), il leur ajouterait bientôt les Petri Abaelardi Opera (1849) coédités avec Charles Jourdain (1817-1886). La vision historique de l’Académie était très précise – c’était celle de Victor Cousin ; le programme narratif qu’elle imposait ne l’était pas moins. Le volume d’histoire de la philosophie scolastique devait s’en tenir à la « grande époque » (les XIIIe et XIVe siècles), porter « une attention toute particulière » au conflit entre réalistes, conceptualistes et nominalistes, cher- cher « la part d’erreur et surtout la part de vérité que ces systèmes et ces écoles pouvaient contenir », « dégager ce qui pourrait encore être mis à profit par la philosophie de notre temps », enfin, « se renfermer dans le domaine de la philosophie proprement dite et rester étranger à celui de la théologie, autant du moins que le permettrait le lien intime de ces deux sciences au Moyen Âge ». On laissera ici de côté les problèmes de frontière entre disciplines et les questions de périodisation pour aller à l’essentiel : dès son premier début en France, pour ne pas dire dans le monde, l’histoire de la philosophie médiévale a rencontré ce qu’on appelle la querelle des universaux. En posant que la philosophie, que l’on disait encore à l’époque scholastique, était « tout 10 La Querelle des universaux entière dans la querelle du nominalisme et du réalisme », à quoi s’ajoutait le « conceptualisme » en arbitre ou en recours, tiers indispensable à un âge du « juste milieu » intellectuel que le règne de Louis-P hilippe réalisait en politique, Victor Cousin prolongeait un geste fondateur, engagé en l’an XI de la République, quand l’idéologue J.- M. Degérando appelait à la réévaluation de la « grande discussion entre les Réalistes et les Nominaux », où, selon lui, se marquaient les « nouvelles figures prises par les philosophies de Platon, d’Aristote et de Zénon »1. Ainsi cette longue querelle médiévale en révélait une autre, interminable, aussi vieille que la philosophie même, une histoire grecque en somme, une histoire d’Académies, de Lycées et de Portiques, continuée dans le latin de l’École. Les choses ont changé depuis Victor Cousin. Le Moyen Âge a conquis sa liberté ; la scholastique, qui a perdu son h, n’est plus qu’une étiquette ; l’histoire s’est donné de nou- veaux objets, dont la querelle des universaux ne fait qu’un sous- ensemble. Derrière le renouvellement des méthodes, des conceptions et des styles, il nous paraît, pourtant, que Degérando a vu partiellement juste. En proposant au lecteur un livre sur la querelle des universaux, de Platon à la fin du Moyen Âge, nous voulons argumenter une thèse simple : le problème médiéval des universaux est une figure du débat qui, depuis l’Antiquité tardive, oppose et rassemble à la fois le platonisme et l’aristotélisme. Ce débat dure encore. Il y a aujourd’hui des « nominalistes » et des « réalistes ». Ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Ce livre est un livre d’histoire. Il a un objet, une méthode et un présupposé. Les trois sont liés. 1. Sur tout cela, cf. J. Jolivet, « Les études de philosophie médiévale en France de Victor Cousin à Étienne Gilson », in Gli studi di filosofia medievale fra otto e novecento. Contributo a un bilancio storiografico, Atti del convegno internazionale Roma, 21-23 settembre 1989, a cura di R. Imbach e A. Maierù (« Storia e Letteratura », 179), Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1991, p. 5-7. Un problème saturé 11 Questions de méthode Nous présupposons ici une certaine conception du Moyen Âge et de l’histoire de la philosophie médiévale. On peut la résumer d’une formule, translatio studiorum, et l’expliciter en quelques phrases. La philosophie n’est pas morte en 529 avec la fermeture de la dernière école philosophique païenne par l’empereur romain d’Orient Justinien, elle a entamé un long transfert, une longue migration (translatio) vers l’Orient musulman d’abord, vers l’Occident chrétien ensuite1. Dans ces voyages successifs où s’égrènent les capitales du savoir et les centres d’études (studia) d’Athènes à Bagdad, de Bagdad à Cordoue, de Cordoue à Tolède, puis à Paris, à Oxford, à Cologne ou à Prague, la philosophie grecque a, de traduction en traduction, parlé arabe et latin ; quelque chose a demeuré, beaucoup de choses se sont perdues, d’autres sont venues qui n’avaient jamais été dites. Faire l’histoire d’un problème, c’est donc suivre un trajet épistémique réel, voir se former des réseaux, se distribuer, se défaire, se recomposer un certain nombre d’éléments, considérer des glissements, des récurrences, mais aussi des faits de structure déterminés par l’état des corpus accessibles. 1. Sur la conception de l’histoire de la philosophie médiévale comme translatio studiorum, cf. A. de Libera, La Philosophie médié- vale (« Premier Cycle »), Paris, PUF, 1993. Sur le thème médiéval de la translatio studii, cf. S. Lusignan, « La topique de la translatio studii et les traductions françaises de textes savants au XIVe siècle », in G. Contamine (éd.), Traduction et Traducteurs au Moyen Âge. Actes du colloque international du CNRS organisé à Paris, Institut de recherche et d’histoire des textes, les 26-28 mai 1986 (« Documents, études et répertoires publiés par l’Institut de recherche et d’histoire des textes »), 1989, p. 303-315 ; F.J. Worstbrock, « Translatio artium. Über die Herkunft und Entwicklung einer kulturhistorischen Theorie », Archiv für Kulturgeschichte, 47 (1965), p. 1-22 ; A.G. Jongkees, « Translatio studii : les avatars d’un thème médiéval », in Miscellanea Mediaevalia in memoriam Jan Frederik Niermeyer, Groningue, 1967, p. 41-51. 12 La Querelle des universaux Cette histoire indissolublement doctrinale et littéraire porte sur une durée longue – d’autant plus longue qu’elle refuse toute coupure philosophique entre l’Antiquité tardive et le Moyen Âge. Quelle méthode impose ce vaste cadrage ? Celle que dicte la nature même de l’objet étudié. Tel que nous l’entendons ici, le problème des universaux n’est pas un problème philosophique éternel, une question qui traver- serait l’histoire par-d elà « les ruptures épistémologiques, les révolutions scientifiques et autres changements d’ἐπιστήμη » : c’est un révélateur de ces changements – si changements il y a. L’histoire d’un objet n’est pas un état de la question à une période donnée. Il n’y a ni période ni question données. Il y a des questions durables en ce qu’elles créent leur propre durée. Soit donc le problème des universaux. La tâche de l’his- torien n’est pas de présenter, de reformuler, de reconstruire les réponses qui lui ont été successivement apportées, c’est de remonter aux données textuelles, aux structures argu- mentatives, aux schèmes conceptuels et aux interférences de champs théoriques que recouvre et désigne cette appellation. On peut évidemment définir ce qu’est le nominalisme pour tel philosophe contemporain – on dira par exemple que, pour N. Goodman, c’est « le refus d’admettre toute entité autre qu’individuelle ». On peut ensuite facilement répartir les phi- losophies médiévales à partir d’un tel refus. Ce n’est pas notre problème. Notre tâche est de définir les réseaux conceptuels qui, dans le long travail historique de réappropriation du platonisme et de l’aristotélisme au Moyen Âge, ont donné naissance aux figures médiévales du débat Aristote-P laton. On ne peut accéder au problème des universaux en faisant l’économie de sa geste et de sa gestation. Quel est, dans ces conditions, l’objet de ce livre ? Répondre à cette question, c’est montrer à la fois sa singularité et la méthode qu’elle implique. Revenons un instant au « conflit entre réalistes, concep- tualistes et nominalistes » dont le concours de 1845 avait fait un thème central, sinon un objet privilégié. Ce conflit

Description:
La célèbre querelle médiévale des universaux est une figure du débat qui, depuis l’antiquité tardive, oppose et rassemble à la fois le platonisme et l’aristotélisme. Ce débat dure encore. Il y a aujourd’hui des « nominalistes » et des « réalistes ». Mais ce livre est d’abord un
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