THÈSE PRÉSENTÉE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT (ED41) SPÉCIALITÉ HISTOIRE DU DROIT Par Vanessa GUILLEMOT TREFFAINGUY LA PROTECTION DE L’ENFANT CONTRE SES PARENTS (1804-1958) Sous la direction de M. Yann DELBREL Professeur à l’Université de Bordeaux Soutenue publiquement le 1er décembre 2017 Membres du jury : M. DELBREL Yann Professeur à l’Université de Bordeaux, directeur de thèse M. DESCAMPS Olivier Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II, rapporteur Mme GOUTTENOIRE Adeline Professeur à l’Université de Bordeaux M. NÉLIDOFF Philippe Professeur à l’Université de Toulouse 1 Capitole, Doyen de la Faculté de Droit et de Science politique, rapporteur M. PRÉVOST Xavier Professeur à l’Université de Bordeaux, président du jury M. SERRA Olivier Professeur à l’Université de Rennes 1 1 Titre : La protection de l’enfant contre ses parents (1804-1958) Résumé : De la promulgation du Code civil en 1804 à l’Ordonnance civile du 23 décembre 1958, la protection de l’enfant « en danger » a connu ses plus grandes transformations. Le Code civil sacralise la puissance paternelle comme un droit-pouvoir exercé sur l’enfant. De cette conception restrictive découle une absence de protection légale de l’enfant « en danger » au sein de son foyer, qu’il soit légitime ou naturel. Dès le XIXe siècle pourtant, les juges ont dégagé la notion d’intérêt de l’enfant pour pallier les insuffisances législatives, mais confrontés à une conception forte du droit du père sur l’enfant, ils ne peuvent en limiter durablement les effets en l’absence d’abus de droit. À la fin du siècle, le passage de la magistrature paternelle à la magistrature judiciaire s’accompagne de l’immixtion graduelle des autorités publiques dans la sphère privée, marquée par la promulgation de la loi du 24 juillet 1889 instituant la déchéance de la puissance paternelle. Il apparaît cependant que les rares interventions législatives portant atteinte au droit sacré du père répondent à une logique première de sauvegarde des intérêts de l’État face à la menace sociale, représentée par des familles considérées comme défaillantes, plutôt qu’à une volonté d’élaborer un droit protecteur pour l’enfant. Dès lors, en œuvrant pour une politique hygiéniste systématique, le législateur a provoqué une politique judiciaire du « tout ou rien » fondée sur la faute des parents au détriment de l’intérêt de l’enfant. Il faut cependant attendre l’Ordonnance du 23 décembre 1958 pour que l’intervention de l’État ne soit plus fondée sur la faute des parents mais sur le seul intérêt de l’enfant. Mots clés : puissance paternelle – enfant en danger – intérêt de l’enfant – famille – droit de garde – assistance éducative Title: The protection of the child versus his parents(1804-1958) Abstract: From the Civil Code in 1804 to the Ordonnance of Decembre 23rd, 1958, the legal protection of the child « in danger » has been revolutionized. As the Civil Code consideres the « paternal authority » (puissance paternelle) as an inviolable and sacred power of the father on his child, there is a complete absence of legal protection of the child, whether the child is a natural one or a legitimate one. Custody may not been taken away from the father who neglects his own child. Nonetheless, since the early 19th century, the judges had drawn the concept of « interest of the child » in order to protect him against his father's abuse of auhtority. However, they cannot limit durably the effects of the father’s power. At the end of the century, the State involves itself in the legal protection : indeed the law of July 24th, 1889 instaures for the first time forfeiture parental rights when parents has commited a fault. According to this new principle, an harmful judicial policy of "all or nothing" paralyzes the child protection. Thus, the infrequent legislative interventions in the 19th and 20th centuries, harming the paternal authority, are taken in the aim of protecting the interest of the State in stead of developping a real Right to the child. Consequently, the judges still work for the protection of the child by formulating pretorian theoricies. As a result, the interest of the child tends to be the criterion of judicial protection since the interwar years. It is not until the Ordonnance of December 1958 that intervention of the State is not based anymore on a parental fault but on the only interest of the child. Keywords: patria potesta – children in moral danger – Interest of the child – family – custody - assistance Centre Aquitain d’Histoire du Droit – Institut de Recherche Montesquieu Avenue Léon Duguit, 33608 Pessac 2 À mes parents, À Romain, Elodie et Léhanna. 3 4 REMERCIEMENTS Qu’il nous soit permis d’adresser tous nos remerciements aux enseignants en histoire du droit de l’université de Bordeaux, pour nous avoir transmis, dès les premiers temps, la passion de la matière. En premier lieu, nos remerciements sont adressés à Emmanuelle BURGAUD, maître de conférences et directrice de notre mémoire de Master II, pour nous avoir transmis le goût de l’enseignement et de la recherche. Nous tenons à remercier également Laetitia GUERLAIN, maître de conférences, qui a su nous rassurer lors de nos moments de doute. Nous remercions tout particulièrement le Professeur Bernard GALLINATO, pour la bienveillance dont il a fait preuve à notre égard, depuis notre entrée en Master II. Nous remercions également le Professeur Nader Hakim pour ses conseils de lecture sur la doctrine. Nous adressons notre profonde gratitude au Professeur Yann DELBREL, notre maître, pour son soutien inconditionnel dans la préparation de cette étude. Ses conseils avisés, ses nombreux encouragements et la confiance qu’il nous a accordée nous ont été précieux dans la réalisation de ce travail. Nos remerciements vont également aux membres du jury, les Professeurs Xavier PRÉVOST et Olivier SERRA, qui nous font l’honneur d’examiner ce travail. Nous tenons à remercier tout particulièrement le Professeur Adeline GOUTTENOIRE, spécialiste du droit de l’enfant, dont l’enseignement est à l’origine de notre attrait pour le droit des mineurs, d’avoir accepté de siéger dans ce jury aujourd’hui. Nous remercions sincèrement les Professeurs Philippe NÉLIDOFF, doyen de l’Université de Toulouse, et Olivier DESCAMPS d’avoir accepté de rapporter sur cette étude. Sur le plan personnel, nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à nos parents et à nos frère et sœur, pour le soutien inégalable dont ils ont fait preuve depuis notre entrée à l’Université. Nous tenons à remercier chaleureusement, pour leur amitié et leurs relectures, nos collègues et amis France DEISS, Charline ROBINAUD et Clément AUBISSE, ainsi que Kévin BRÉMOND, Pierre- Nicolas BARENOT, Élodie COUTANT et Célia MAGRAS pour leur soutien. 5 6 LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES Art. : article Al. : Alinéa Ass. plén. : Assemblée plénière Bull. off. Min. Hyg. : Bulletin officiel du ministère de l’hygiène et de la santé publique Bull. off. Min. Justice : Bulletin officiel du ministère de la justice Bull. SGP : Bulletin de la société générale des prisons Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre criminelle Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre civile Bull. SEL : Bulletin de la Société d’Études Législatives Bull. SLC : Bulletin de la Société de Législation Comparée Bull. SGP. : Revue pénitentiaire et de droit pénal ; Bulletin de la société générale des prisons C. civ. : Code civil C.N. : Collection nouvelle, Sirey C. pén. : Code pénal Cass. civ. : Cour de cassation, Chambre civile Cass. crim. : Cour de cassation, Chambre criminelle Ch. : Chambre Contra : Opinion ou décision contraire D. : Recueil Dalloz D.A. : Recueil analytique Dalloz (1941-1944) D.C. : Recueil critique Dalloz (1941-1944) D. H. : Recueil hebdomadaire Dalloz (avant 1941) D.P : Recueil périodique et critique de jurisprudence, de législation et de doctrine en matière civile, commerciale, criminelle, administrative et de droit public (Dalloz périodique) Éd. : Edition ou éditeur Gaz. trib. : Gazette des tribunaux Gaz. Pal. : Gazette du Palais P.U.F. : Presses universitaires de France P.U.R. : Presses Universitaires de Rennes P. : Pandectes françaises périodiques Rép. : répertoire RTD. Civ. : Revue trimestrielle de droit civil Trib. : tribunal V° : Verbo (au mot) S. : Recueil général des lois et arrête en matière civile, criminelle, administrative et de droit public (Recueil Sirey) S.E.L. : Société d’études législatives S.L.C : Société de législation comparée SGP : Société générale des prisons 7 8 SOMMAIRE PARTIE 1 L’INTÉRÊT DE L’ENFANT SOUMIS À LA PUISSANCE PATERNELLE TITRE 1 LE REFUS D’INGÉRENCE DE L’ÉTAT DANS LA PROTECTION DE L’ENFANT AU SEIN DE SON FOYER (1804-1889) Chapitre 1 La sacralisation du foyer paternel (1804-1840) Chapitre 2 La force des enjeux natalistes (1840-1889) TITRE 2 L’INGÉRENCE DE L’ÉTAT AU SERVICE DE LA PROTECTION DE L’ENFANT (1889-1914) Chapitre 1 Le paternalisme étatique dans la protection de l’enfant Chapitre 2 L’intérêt de l’enfant au soutien de la famille traditionnelle PARTIE 2 L’INTÉRÊT DE L’ENFANT AU SERVICE DE LA POLITIQUE FAMILIALE TITRE 1 L’OPPORTUNISME DU LÉGISLATEUR AU NOM DE LA PROTECTION DE L’ENFANT (1914-1935) Chapitre 1 L’intervention limitée de l’État dans la protection civile du mineur (1914-1924) Chapitre 2 L’intérêt de l’enfant au service d’une citoyenneté nouvelle (1924-1935) TITRE 2 VERS L’AFFIRMATION DE L’INTÉRÊT DE L’ENFANT (1935-1958) Chapitre 1 L’enfant au service de la politique nataliste et familiale (1935-1944) Chapitre 2 La préservation de l’intérêt de l’enfant (1944-1958) 9 10
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