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La planification urbaine à travers les PDAU-POS et la problématique de la croissance et de l ... PDF

401 Pages·2013·10.76 MB·French
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1 REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITE MOULOUD MAMMERI DE TIZI-OUZOU FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES, COMMERCIALES ET DES SCIENCES DE GESTION DEPARTEMENT DES SCIENCES ECONOMIQUES THESE DE DOCTORAT Es sciences Économiques TITRE La planification urbaine à travers les PDAU-POS et la problématique de la croissance et de l’interaction villes/villages en Algérie. Référence empirique à la wilaya de Tizi-Ouzou Sous la direction du Professeur Mohamed DAHMANI Présentée par : AGHARMIOU née RAHMOUN Naima Jury composé de : Président :Mr Yacine FERFERA, Professeur, Université d’Alger (directeur du CREAD) Rapporteur : Mr, Mohamed DAHMANI, Professeur, Université de Tizi-Ouzou Examinateur :Mr Hamid KHERBACHI, Professeur, Université de Bejaia Examinateur : Mr Abdelmadjid DJENANE, Professeur, Université de Sétif Examinateur :Mr Ahmed TESSA, Professeur, Université de Tizi-Ouzou Examinateur : Mr Djamel SI-MOHAMMED, Maitre de conférences, Classe A, Université de Tizi-Ouzou Date de soutenance : Septembre 2013 2 Remerciements Je tiens tout d'abord à remercier le Professeur Mohamed DAHMANIpour avoir proposé,accepté et encadré cette thèse, mais aussi pour m'avoir guidé, encouragé, conseillé tout au long de ces années de recherche. Sa relecture méticuleuse de chacun des chapitres, ses observations et suggestions enrichissantes m‘ont permis d‘avancer. Cette thèse lui doit beaucoup… qu‘il trouve ici toute ma reconnaissance. Mes remerciements vont également, pour les membres du jury d‘avoir aimablement accepté d‘évaluer et de juger ce travail et pour tous les membres du conseil scientifique de la faculté des sciences économiques, commerciales et des sciences de gestion… Qu‘ils trouvent ici, l‘expression de mon respect et de ma gratitude Merci à ma collègue et amie AKNINE Rosa pour la lecture de cette thèse, pour ses conseils toujours très pertinentset son appui documentaire et bibliographique. Merci à mon amieSAHEB Zohra pour sa lecture enrichissante et pourles nombreux conseils et suggestions toujours avisées. Merci à tous mes amis et collègues qui, de près ou de loin, ont contribué à la concrétisation de ce travail de thèse de doctorat… Mes remerciements vont aussi à ma famille, particulièrement mon époux, mes trois enfants et mes parents… 3 Introduction générale Notre recherche s‘inspire d‘abord de l‘observation de la ville algérienne et plus particulièrement de la ville en Kabylie, du vécu dans la ville mais aussi de sa pratique et de sa perception. Nul doute, et loin de toute théorie ou doctrine économique, l‘image qui en est reflétée est celle de la ville se présentant comme un continuum du village avec ses atouts comme haut lieu des liens sociaux mais aussi avec ses écueils et ses limites. La ville observée serait ainsi les méandres du village. Un espace en transition, en pleine maturation à la recherche d‘une harmonie entre formes spatiales et formes sociales. Est-ce le résultat des expériences de développement vécues par le pays depuis l‘indépendance (1962) ou l‘aboutissement d‘un long processus historique bien plus lointain que les conquêtes coloniales ? C‘est dans le contexte d‘une urbanisation accélérée vécue par le pays ces cinquante dernières années que le phénomène peut être appréhendé. Une urbanisation sélective spatialement car « littoralisée », elle ne vient pas juste « gonfler » les villes existantes mais empiète sur les villages traditionnels les plus rebelles et réfractaires. La région de Kabylie, à travers l‘exemple de la wilaya de Tizi-Ouzou offre un exemple intéressant d‘analyse, « un laboratoire » à ciel ouvert où l‘urbanisation ne touche plus les villes « classiques » mais les villages qui s‘érigent à leur tour en véritables villes ou du moins en agglomérations urbaines. Des villes-villages où l‘urbain et le rural sont totalement imbriqués. Legs colonial et précolonial, puis sujets auxiliaires dans les expériences nationales de développement, les villes et le fait urbain n‘ont pas toujours suscité l‘intérêt des pouvoirs publics. « L‘économie nationale » a toujours primé sur « l‘économie des territoires » et encore plus sur « l‘économie des villes ». Ainsi, une planification urbaine provisoire des années 70 n‘a pas été murement réfléchie même à l‘ombre d‘une planification économique centralisée ayant cours plusieurs décennies durant. Même si de multiples instruments d‘aménagement urbain, ont été progressivement mis en place, l‘effort de planification urbaine est resté faible au regard du désordre urbain observé aujourd‘hui. Les impératifs nationaux de développement ayant de tout temps évincé la logique territoriale. Ainsi, des outils d‘aménagement et de gestion de l‘espace urbain se sont certes succédé depuis l‘indépendance du pays1 s‘engageant à promouvoir la ville et veiller à son bon fonctionnement. Du plan d‘urbanisme provisoire (PUP) au plan de modernisation urbaine(PMU) dans les années 60 et les années 70, puis du plan d‘urbanisme directeur (PUD) au Plan Directeur d‘Aménagement et d‘urbanisme(PDAU) dans les années 90, on passe d‘une vision sectorielle de la ville à une vision plus réaliste théoriquement, puisque globale et harmonieuse intégrant tout l‘espace communal. Conçus comme des outils d‘aide à la décision en matière d‘organisation et de gestion de l‘espace urbain et communal, les PDAU, les instruments en vigueur aujourd‘hui, suivis des Plans d‘occupation de Sol (POS) marquent une rupture avec la démarche centralisée, dirigiste et sectorielle prévalant jusque dans les années 70 et 80 (l‘État ayant été, alors, le seul promoteur du développement). Ils deviennent, selon les textes, des instruments au service de la ville et de la région dans le cadre d‘un aménagement du territoire harmonieux et équitable 1 Au lendemain de l‘indépendance, l‘Algérie a repris les mêmes outils de gestion à l‘instar des autres secteurs économiques. 4 soucieux du nouveau contexte économique et des exigences du vingt et unième siècle. Mais sa relative portée sur le terrain et son aspect standard et uniforme (un même PDAU est applicable aussi bien pour une commune rurale ou de montagne que pour une commune urbaine), limite considérablement son rôle sur la gestion spatiale des collectivités locales. Les résultats observés ne semblent pas refléter ses ambitions. L‘exemple étudié ici est, la planification urbaine à travers les PDAU/POS dans la wilaya de Tizi-Ouzou (2957.94 km2, 1139593 millions d‘habitants en 2008 dont 52% dans les chefs- lieux de commune et une densité démographique 385 habitants au km2) présente à notre sens un double intérêt. D‘une part, tenter de faire un état des lieux, un temps de réflexion pour « écouter » ce que proposent les autorités publiques en termes d‘aménagement et de développement économique à travers ces PDAU. Et d‘autre part, « écouter » le terrain, traduit – il les orientations de planification et d‘aménagement ? Ce terrain, ces territoires que présentent – ils en termes de potentialités, qu‘offrent-t-ils comme spécificités, qu‘attendent- ils comme développement ? Le PDAU répondit– il à un besoin exprimé par les acteurs des territoires eux – mêmes ? Pour éviter une approche tous azimuts, nous axerons notre travail sur les aspects urbains, sur les enchevêtrements entre la ville et le village, sur l‘urbanisation qui empiète sur l‘une et l‘autre de ces entités spatiales. Constat : partout, l‘urbanisation informelle bouscule les instruments d‘urbanisme officiels. Objet de la recherche Les villes algériennes, relativement jeunes pour la plupart d‘entre elles, ne souffrent pas de ce gigantisme connu de par le monde, notamment dans les pays en développement. Le réseau urbain algérien étant constitué principalement de petites et moyennes villes. La ville algérienne ne se pose peut être pas en termes d‘explosion urbaine ou « d‘inflation urbaine »2, mais en termes d‘organisation spatiale (territoriale) et d‘efficience économique. L‘interaction entre la ville (pratiquée, vécue, pensée, perçue) émanant de l‘échelle micro- économique ou méso – économique et la ville « décidée » d‘en haut est à rechercher en puisant dans les instruments et méthodes que l‘analyse économique nous permet3. Notre questionnement principal peut être formulé de la façon suivante : quelles sont les correspondances, les interactions, entre les villes « réelles » observées et les villes « officielles » planifiées par l‘État ? Autrement dit, comment expliquer les enchevêtrements, les interrelations, les disparités ou les concordances entre les instruments de la planification urbaine et les réalités locales ? L‘observation nous donne, sans détour, la non – ville, la ville dans l‘habit du village ou même l‘inverse, le village devenu ville, agglomération ou grosse bourgade. Les raisons sont diverses. D‘abord la stratégie de développement de l‘État. Son objet étant la répartition de programmes de développement (grilles nationales d‘équipement, normes nationales d‘occupation de logements, d‘équipement…) mais en occultant le paramètre clé de toute politique de développement, le « local », le terrain, le territoire, les 2 Paul BAIROCH, « De Jéricho à Mexico : villes et économie dans l‘histoire», édition Gallimard, 1985 3LACASE JP., « Introduction à la planification urbaine : imprécis d‘urbanisme à la française », édition presse de l‘école nationale des ponts et chaussées, 1995 ; CAMAGNI R. « Principes de l‘économie urbaine », édition économica, 1996 5 attentes des citoyens et leur bienêtre. Une standardisation des territoires est mise en marche. Corolairement une imprécision dans les concepts de base tels que ville, village souvent confondus et insuffisamment cernés qui donne une inadéquation des instruments de planification urbaine avec les entités économiques ciblées. La législation régissant les plans d‘urbanisme ne distingue pas une commune rurale d‘une commune urbaine. Face au caractère standard et homogène de planification et d‘aménagement urbain tels que pratiqués en Algérie, est-il possible de montrer les spécificités territoriales différentes à travers l‘exemple étudié, la wilaya de Tizi-Ouzou ? Des spécificités traduites en termes d‘avantages comparatifs (savoir- faire local, atouts culturels, stratégiques, économiques, stabilité sociale, réseaux d‘information, proximité de la capitale, …) requérant, théoriquement une « planification émanant d‘en bas » et non l‘inverse. La démarche n‘est certes pas aisée, puisqu‘elle fera intervenir un grand nombre de variables. Comment appréhender l‘économique et le ramener à notre objet d‘étude ? 1. En traitant de la question du foncier Si les villes et les villages se confondent c‘est qu‘il y a une dénaturalisation de l‘espace tant urbain que rural. L‘explication se trouverait sans doute dans la problématique du foncier. Éparse et étalée, l‘urbanisation en Kabylie se fait souvent le long des routes et voies de communications jusque dans les terres agricoles. Pourquoi une urbanisation diffuse ou étalée et non des villes « grossies » par auréoles successives ? En d‘autres termes pourquoi la montagne kabyle n‘a –elle pas secrété de villes, de vraies villes. Et pourtant vue du ciel (à partir des images satellitaires de Google Earth), la Kabylie semble offrir une sorte d‘étalement urbain, une sorte de « conurbation » tant les villages sont si enserrés les uns aux autres tout au long des crêtes, joints de manière presque ininterrompue par des routes urbanisées. 2. Le paramètre social Tensions sociales, perte de repères sociaux, inadéquation entre comportement social et offres de la ville (l‘usage de l‘espace public, les trottoirs, les centralités…), mutations du genre de vie, l‘émigration, le mimétisme, la modernité,... Une transition sociale en marche. Le sentiment d‘appartenance locale très fort dans la région étudiée est – il considéré dans les documents de planification ? Ici, plus qu‘ailleurs, habiter en ville c‘est souvent garder le pied à la montagne (cimetière, Djemaa, fêtes villageoises, maison natale, des parents et des grands parents…). Les PDAU ambitionnent un équilibre social, une « paix urbaine ». À quel prix se fait la planification en termes de retombées sociales, mœurs, us et coutumes et cohésion sociale du groupe quand on mesure la forte interaction ville/village dans la région étudiée, la Kabylie. Défini comme instrument d‘aménagement urbain, il occulte de fait le village et ses particularismes. La transition sociale que connait la société algérienne expliquerait-elle la transition urbaine ? 3. L’économique C‘est le paramètre pivot autour duquel se fera notre analyse. Plusieurs variables constitueront l‘ossature de l‘analyse économique. Considérer par exemple les concentrations des entreprises à l‘échelle de la région étudiée, en dégager les « spécialisations » et voir l‘adéquation entre celles-ci et le plan. Ce dernier qui ne considère que l‘économie officielle prend-il en compte le fait que la commune de Maatkas par exemple, est spécialisée dans la confection et où le 6 secteur informel y est largement dominant ou que la région d‘Ath-Zmenzer est spécialisée dans la menuiserie et l‘ébénisterie ? Il s‘agira de mesurer entre les réalités économiques locales (l‘existentiel) et les projections des PDAU. Un autre élément sur lequel il serait intéressant d‘insister est la présence de zones d‘activités et les prévisions des PDAU. Nous allons vérifier sur le terrain ce que M. Dahmani appelle « les zones d‘activités routières informelles ». 4. L’emploi Ce que prévoit le PDAU en termes de projection d‘emplois, ce qui existe réellement dans la commune considérée, ce qu‘offre la région (la localité ou la commune), voilà un autre paramètre pouvant nous éclairer sur la pertinence de ces instruments d‘aménagement territorial. Bien que fort pertinent pour nous instruire sur une situation économique, le paramètre emploi semble constituer un écueil majeur tant les données statistiques4 et les enquêtes sur la question font défaut, seules les données globales au niveau de la wilaya sont disponibles. Notons cependant, que la simple observation nous permet de dire que l‘emploi informel est considérable. Il s‘est accaparé des pans entiers de l‘économie : le BTP (bâtiment et travaux publics), l‘agriculture, le commerce, l‘artisanat, le travail à domicile (couture, pâtisserie, tapis, bijoux, restauration, hôtellerie, transports, services domestiques,…) 5. L’infrastructure Y a-t-il une localisation « intelligente » en termes de besoins locaux, ou une juxtaposition des grilles nationales de planification ? Incohérences des PDAU ou volonté irréfléchie de répandre le développement partout, pour des raisons électoralistes ou autres ? La wilaya de Tizi-Ouzou a, faut-il le noter, tiré profit des programmes de développement économiques depuis les premières décennies de l‘indépendance. Elle est électrifiée à hauteur de 98%, le taux de raccordement au réseau d‘assainissement et de 85%, l‘alimentation en gaz de ville est de près de 50%, l‘alimentation à l‘eau potable à plus de 90%, …la totalité des routes est désenclavée par des routes asphaltées. Notre démarche d‘économiste se doit d‘aborder la question économique tout en évitant les œillères, puisque nous aurons à recourir à l‘histoire comme à la sociologie ou à la géographie. La problématique de la ville étant incontestablement multidisciplinaire5. Il faut noter cependant, que le cadre de ce travail ne permet pas d‘analyser de manière fine toutes les variables présentées ci-dessus. Notre choix portera sur les aspects urbanistiques, tels les options d‘aménagement préconisées dans les plans, les formes d‘urbanisation projetées et réelles, les spécificités locales… Pour ce, nos investigations ont porté sur trois échelles. Une échelle macro quant à la problématique générale de l‘urbanisation en Algérie, une échelle méso puisque l‘analyse portera sur la wilaya de Tizi-Ouzou et enfin une échelle micro, plus fine, quand il s‘agira d‘étudier des cas spécifiques de PDAU. C‘est ainsi que nous avons structuré le travail en cinq chapitres. Dans le premier chapitre nous tenterons de cerner les contours théoriques de la question de la ville et de son développement économique, des spécificités des villes de montagne et des villages. Il s‘agira 4 À ce jour, Novembre 2012, les résultats du RGPH 2008 relatifs à l‘emploi ne sont pas encore publiés. 5 Toutes les sciences sociales se questionnent sur les villes : sociologie, politique, histoire… 7 de voir les théories et les concepts relatifs au sujet. C'est-à-dire situer la problématique de la ville dans les courants de la pensée économique (économie classique et néoclassique notamment), puis voir l‘apport des autres sciences sociales (sociologie, histoire, …). L‘hypothèse centrale, à notre sens, est l‘interaction ville/village. De ce fait, il y a lieu de dépasser la seule notion de ville pour creuser celle du village et revenir au maillage de base du système urbain pour mieux cadrer avec la région étudiée. Un détour par les notions telles que développement économique, urbanisation ou planification urbaine sera tout aussi nécessaire. Dans un deuxième temps, nous présenterons la zone d‘étude, à travers l‘histoire, la géographie et l‘économie. Trois visions pouvant nous éclairer sur le phénomène de l‘urbanisation, son évolution, mais surtout faire ressortir les trois éléments qui en sont à l‘origine à savoir, la route, la montagne et le village traditionnel. Ces éléments semblent à leur tour fortement liés à la démographie, à l‘absence de mobilité sociale et à l‘attachement tribal. Dans le chapitre deux il sera question du processus d‘urbanisation depuis les premières conquêtes coloniales. Le phénomène urbain peut être appréhendé à travers l‘histoire lointaine (ère précoloniale) et l‘histoire plus récente (après 1830), c‘est-à-dire en distinguant deux types de colonisations, l‘une traditionnelle (romaine, arabe, turque) qui a été peu urbanisante. L‘autre colonisation dite moderne, qui en faveur de l‘histoire économique, de la révolution industrielle,… a permis l‘émergence d‘un réseau urbain. Ainsi, la conquête française a entrainé une première rupture dans l‘urbanisation de la région et du pays. La deuxième rupture se fera au moment des décolonisations (indépendance du pays, en 1962) par l‘exode rural, la conquête de la ville… Une troisième rupture survenue à partir des années 90 et 2000 va « retourner » les villes en Algérie. Le boom urbanistique, l‘engouement pour un renouvèlement de l‘habitat dans une conjoncture économique favorable, l‘ère libérale,… vont booster, ces vingt dernières années, une urbanisation tous azimuts. Le chapitre trois traitera du peuplement et de la formation des villes en Kabylie. Nous nous interrogerons, comme certains auteurs l‘ont fait avant nous, pourquoi une venue tardive des villes dans cette région de montagne. En nous appuyant sur certaines hypothèses déjà émises nous proposons une autre piste de réflexion, à savoir le primat du village et sa constance séculaire. Avec les différentes conquêtes que la Kabylie a eu à subir, la ville devient des « morceaux » de l‘histoire. Sa forme actuelle, à tendance linéaire, est souvent un conglomérat de villages contigus à centralités multiples. Processus historique et résultat d‘une culture spécifique, le village et les axes routiers constitueraient le pivot de l‘urbanisation. C‘est dans le chapitre quatre que nous analyserons des cas de PDAU. Nous en étudions trois : celui de Tizi-Ouzou, de Mékla et de Draa-Ben-Khedda. Le choix de ces communes qui n‘a pas été fortuit, peut se justifier par deux éléments. Le nombre de cas étudié est certes réduit, mais ayant pris connaissance du contenu de la quasi-totalité des PDAU de la wilaya (au nombre de 67), il nous a été de constater la redondance dans l‘analyse, les projections et orientations de développement de ces instruments et cela quelque soit la vocation économique de la commune ou sa localisation géographique. Ainsi, le choix des communes a été plus motivé par leurs spécificités locales (Tizi-Ouzou comme capitale régionale, Draa-Ben- Khedda comme nœud de communication et ville « concentrique », Mékla exemple type d‘une 8 ville/village où l‘emprise de ce dernier fausse le regard actuel sur la ville et la planification urbaine). Les trois PDAU étudiés sont des PDAU révisés, donc relativement récents. Un grand nombre d‘autres PDAU est exploité, de manière indirecte et moins subtile dans les autres chapitres de ce travail. Leur analyse nous informe néanmoins, sur le peu d‘emprise que ces instruments ont sur le terrain. D‘autres cas de communes auraient bien pu enrichir notre analyse sur les PDAU, tels Larbaa-Nath –Irathen, Ain-El-Hammam, Bouzeguene, Boghni, … Il s‘agit d‘études souvent en cours de révision. Dans ce chapitre 4, nous rappelons les facteurs ayant favorisé la formation de ces villes puis, nous en donnons les orientations d‘aménagement et de développement tels que prévus par les PDAU. Nous nous intéresserons particulièrement à la ville de Tizi-Ouzou, comme pôle régional qui bénéficie de grands projets de développement dont une nouvelle ville. Mais comme pour le reste de tous les PDAU que nous avons eu à consulter, la faible écoute du terrain semble reproduire les mêmes erreurs du passé, une planification normative et standardisée, peu empreinte des réalités des territoires. Enfin, dans le cinquième et dernier chapitre nous tenterons de présenter les limites des PDAU non seulement des trois communes étudiées, mais aussi de toutes celles ayant fait l‘objet de l‘enquête par questionnaire, c‘est-à-dire une trentaine de communes. L‘analyse se fera à travers un ensemble d‘éléments déduits de l‘enquête, de l‘analyse des documents d‘urbanisme mais aussi de l‘observation des grandes conurbations des routes nationales et des chemins de wilayas. Il ressort de toutes nos investigations que dans une grande partie des actions engagées, la planification se réduit souvent à une « gestion de coups partis ». L‘urbanisation devient alors plus comme une somme de manifestations individuelles. L‘échec de la planification urbaine s‘expliquera essentiellement par une réalité locale peu présente dans les études faites. Puis en reprenant les orientations du plan d‘aménagement de la wilaya et en nous appuyant sur nos résultats, nous examinerons cette possible émergence d‘une nouvelle génération de villes à travers la wilaya de Tizi-Ouzou, les villes-villages. La primauté du village sur la ville, aspect non abordé dans les phases diagnostic des PDAU qui pourrait expliquer la non - émergence de grandes villes dans la région. 9 Éléments de problématique La spécificité de la région étudiée, la Kabylie (illustrée ici par la wilaya de Tizi-Ouzou), apparait à travers un fait urbain « éclipsé » par un peuplement villageois depuis les temps les plus reculés de l‘histoire. Notre premier questionnement serait alors l‘interaction ville/village à l‘heure où l‘urbanisation entraine, par ailleurs, congestion et « inflation urbaine ». La ville n‘étant que le village (ou les villages) élargi (s), un ensemble des lieux d‘appartenance et d‘identification des habitants. La ville en Kabylie semble ainsi bien peu « détribalisée », contrairement à ce qu‘affirment certains auteurs6. Une analyse de l‘histoire urbaine de la région de Kabylie, au demeurant très récente, nous éclairera davantage7. Par ailleurs, l‘observation nous permet de dire que ce ne sont plus les villages (au sens de village traditionnel) qui s‘urbanisent mais plutôt les axes routiers et voies de communications. Les villages devenant accolés les uns aux autres en ligne ininterrompue. Il s‘agit plus de villages joints que de villes ! Une conurbation oserons-nous dire. La ville d‘aujourd‘hui apparait ainsi comme un conglomérat d‘espaces ruraux et urbains, des morceaux de villes et de villages, un « métissage » de l‘urbain et du rural. Conséquemment, les dysfonctionnements sont multiples, entre offre et demande de biens et services urbains, entre consommation et production urbaine, entre richesses générées et pressions locales, entre l‘esthétique et le rôle des villes… La ville d‘un pays développé n‘étant pas le référentiel par excellence, ni la ville de l‘après indépendance de construction coloniale. Mais la ville algérienne, d‘il y a une décennie ou deux, présentait des ruptures moins tranchées. L‘ouverture de l‘économie nationale et l‘ère libérale a permis un certain confort matériel. En ce début du 21èmesiècle, avec l‘aisance financière du pays, la libéralisation de l‘économie et un contexte de plus en plus mondialisé (changements dans les mœurs et les comportements, phénomènes de mimétisme sur ce qui se fait ailleurs, exigences en termes de qualité et de prestations de services etc.), on exige plus de la ville8. Un travail d‘investigation sur le contenu des programmes scolaires nous aidera probablement à comprendre sur l‘inaptitude (ou la non préparation) du citoyen rural à vivre en ville9. Le citoyen habitant la ville, consommant l‘espace urbain, ne semble pas être préparé ou prêt à vivre en citadin : respect de l‘espace collectif, comportement civilisé s‘attelant aux convenances sociales face au rythme accéléré du progrès technique il y a une lente évolution 6 P. Bairoch, op. cité 7 Nous avons travaillé sur les ouvrages, cités en bibliographie, de Hannoteau A. et Letourneux A. ; A. Mahe ; Ch. A. Julien ; M. Dahmani ; Carette E. Masqueray E,… 8 Il aurait été intéressant ici d‘interroger, par une enquête par questionnaire portant sur un échantillon de la population stratifiée par structure d‘âge, sur leurs attentes de la ville. Ce qui pourrait faire l‘objet de futures recherches. 9F. Braudel, « Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVe - XVIIIe siècles) », Paris, Armand Colin, volume 1, 1979.L‘auteur explique l‘invasion de la ville ou sa ruralisation par le fait que dans les manuels scolaires on a toujours fait l‘apologie de la ville et dévalorisé la campagne. 10 sociale et culturelle10, voire une volonté de ressourcement permanente. C‘est la question de la transition sociale expliquant cette transition urbaine. Ni urbaine, au sens universel du terme, ni franchement rurale avec ses propres spécificités, la ville en Kabylie serait un « mixage » de villages et des prémisses de villes. Nous assistons à un réseau de « nouvelles » villes en construction. La campagne ou le village traditionnel serait un peu comme un continuum de la ville. C‘est l‘enchevêtrement ville – village (physique, sociologique, culturel, économique,…) À travers l‘analyse des PDAU de la région d‘étude, nous tenterons de comprendre pourquoi le phénomène de l‘urbanisation tel qu‘observé, démographique plus qu‘économique, échappe à toute volonté d‘organisation spatiale. N‘y a-t –il pas là, une réponse des « territoires » qui, n‘ayant pas été consultés, écoutés, réagissent plus par l‘indifférence à des « injonctions » des pouvoirs centraux ? Les PDAU n‘émanent pas d‘un besoin « local », mais sont astreints à toutes les communes. Incohérents, les PDAU semblent être des instruments « importés » des pays développés et calqués sur des réalités territoriales, sociologiques et administratives fort différentes. M. Dahmani écrit à ce sujet « le PDAU, (le SDAU en France) en tant qu‘instrument d‘aménagement urbain et rural, a vu le jour dans les pays industrialisés à économie libérale, à vieilles traditions urbaines. Il est appliqué par les élites politiques, administratives, techniques et associatives compétentes dans un cadre où les collectivités locales sont réellement décentralisées. Est-ce le cas pour l‘Algérie, sous-encadrée et bureaucratique ? Les PDAU sont insuffisamment muris et réfléchis car n‘ayant pas tenu compte du contexte socioculturel et économique du pays ni des besoins des collectivités locales ». « Imposés » par les pouvoirs centraux, ils ne répondent pas à un besoin exprimé par la collectivité locale quant à l‘opportunité de telles études. Il en résulte un manque d‘adhésion et un désintérêt. Les villes sont, très souvent « éclatées », parfois, « bicéphales ». Le noyau urbain ancien avec une certaine centralité et la ville éclatée née de lotissements plus ou moins illicites ou greffées au village traditionnel apparaissent plus comme des ex - croissances de la ville primaire puisque dépendant à tout point de vue d‘elle mais ayant du mal à s‘y accrocher. Villes tentaculaires ou villes « chapelets », la forme « classique » de la ville avec ses aires concentriques semble se perdre avec le temps. Ce qui semble bien nous éloigner des enseignements de la théorie de l‘économie urbaine classique. On assiste à de nouveaux types de villes, reflet de certaines valeurs sociales reproduisant des schémas traditionnels, brassant des villages et de nouvelles formes urbaines. La ville-village, nouvelle forme urbaine, dépassant la notion de village et celle de ville nous invite à un renouveau sur la question urbaine. Le PDAU s‘attèle, théoriquement, à minimiser ces ex - croissances tentaculaires, démesurées et échappant à tout contrôle mettant en péril l‘équilibre local et le cadre de vie. Dans les faits, arrive- t – il à un tel pari ? L‘urbanisme à l‘image de l‘économie nationale et de toute la société est touché par l‘informel, c‘est-à-dire l‘absence d‘existence juridique et fiscale de tout contrôle ou encadrement public. 10 Le déphasage et l‘anachronisme entre le progrès technique, exemple, l‘usage du téléphone portable et l‘Internet un autre élément sur la mutation de la société.

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