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La pierre des maçons d'autrefois PDF

26 Pages·2010·0.2 MB·French
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La pierre des maçons d’autrefois Henri RAMONEDA Tous droits de reproduction interdits – 2010 ISBN 2- 9517056-0-3 1 L’Ordre des Francs-Maçons est une association d’hommes sages et vertueux, dont l’objet est de vivre dans une parfaite égalité, d’être intimement unis par les liens de l’estime, de la confiance et de l’amitié, sous la dénomination de Frères, et de s’exciter les uns les autres à la pratique des vertus. D’après cette définition, il est de la sagesse et de l’intérêt de toutes les Loges de n’admettre à la participation de nos Mystères, que des sujets dignes de partager tous ces avantages, capables d’atteindre le but proposé, et dont elles n’aient point à rougir aux yeux des Maçons de tout l’Univers. Le Régulateur du Maçon, 1801. L’histoire du rite français est naturellement indissociable de l’histoire de la franc-maçonnerie. Afin d’éclairer la compréhension de ce rite, il paraît nécessaire de relever les principaux évènements marquants de son histoire, car il n’existe pas de définition propre ni unique pour les rites maçonniques en général. On a fait des maçons les héritiers des maîtres d’œuvre babyloniens, égyptiens, grecs et romains. Incontestablement, de nombreux historiens associent la maçonnerie opérative aux guildes de bâtisseurs. Les origines historiques de la maçonnerie médiévale ont suscité d’innombrables travaux plus ou moins sérieux. Il est généralement admis qu’au Moyen Age, le métier de tailleur de pierre implique de se déplacer d’un chantier à un autre. A cette époque, l’artisan mène bien souvent une vie nomade, mouvementée et imprévisible. Il doit quitter sa famille et rejoindre ses compagnons pour la durée d’un chantier. Par obligation, une forme organisée du métier se met progressivement en place. La guilde des métiers devient une fraternité, formant en quelque sorte une famille, liée par des intérêts communs et renforcée par des serments. L’enseignement est donné en loge, c’est-à-dire dans le local où se réunissaient les maîtres d’œuvre ; elle trouve place dans le chantier même de l’édifice religieux car elle n’existe que pour la durée des travaux. Les guildes de bâtisseurs apparaissent vers le XIIIe siècle en Italie, en Allemagne, en France, et en Grande-Bretagne. Ces corporations artisanales, 2 sont destinées non seulement à défendre les privilèges du métier de bâtisseur mais aussi à conserver les secrets du métier. Les textes nous confirment l’existence en 1275 d’un véritable congrès de “maçons” à Strasbourg pour décider la continuation des travaux, longtemps interrompus, de la cathédrale. Erwin de Steinbach fut nommé architecte en chef des travaux et maître en chaire. Aux côtés des guildes, il faut également mentionner les confréries. L’Ordre des Frères Pontifes, fondé en 1176, a eu une importance significative. Il semble bien que les Frères Pontifes, en 1265, bâtirent à Paris le pont Saint-Esprit, associant charpentiers et maçons. Cet Ordre s’incorpora à celui de Saint-Jean de Jérusalem en 1278. A ce propos, Pierre d’Aubusson, Grand Maître de l’Ordre des Hospitaliers de Jérusalem1, accueillit les Compagnons2 lors du siège de Rhodes3 en 1480. Ces derniers étaient munis de leurs outils, emblèmes du travail et portaient le tablier. il convient de remarquer que les maîtres d’œuvre et leurs compagnons manifestaient une édifiante dévotion à la religion catholique. Au cas où il existerait encore quelques doutes à ce propos, il s’avère indispensable de citer les statuts des tailleurs de pierre de Venise (1317) qui révèlent le désir de contribuer : “A la gloire de Dieu et de la glorieuse Vierge Marie, toujours notre avocate.” Il serait aisé de multiplier les citations attestant la piété des Maçons. Les règlements des tailleurs de pierre d’Allemagne commencent par ces mots : “Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et de la glorieuse Mère Marie, et aussi des Quatre Couronnés4 pour mémoire éternelle.” Le texte précité stipule également : “On ne recevra aussi dans l’Ordre aucun ouvrier ni maître qui ne s’approche du Saint-Sacrement, et qui n’observe pas la loi chrétienne.” Dans le même ordre de notions, plus personne ne conteste la présence des ecclésiastiques dans les loges opératives. Ils remplissaient les fonctions de “chapelain”. D’ailleurs, c’est un prêtre qui a rédigé en 1390 le premier poème maçonnique connu également sous les noms de manuscrit Regius (Royal) ou manuscrit Haliwell, du nom de son premier éditeur. Qui sont alors ces opératifs qui pratiquaient des “métiers francs” ? L’épithète de “franc” désignait, au Moyen Age, tout individu libéré de certaines servitudes féodales, municipales ou royales. Les “francs-mestiers” étaient, précisément, des corps professionnels dont les membres avaient acquis ces privilèges : c’est ainsi qu’à Paris, dans le ressort de la prévôté royale, les tailleurs de pierre échappaient à diverses obligations municipales, comme celle du guet en particulier. Ces constructeurs se groupèrent en associations qui étaient essentiellement des sociétés d’assistance mutuelle fournissant des aides en cas de besoin ou bien une sépulture décente pour certains. Voilà pourquoi nous ne possédons que des statuts généraux concernant ces associations. En Allemagne, nous connaissons, par exemple, les statuts et règlements de la confraternité des tailleurs de pierre relatifs à l’assemblée de Ratisbonne du 25 avril 1459. Ces 3 textes confirment l’existence de confréries germaniques de bâtisseurs connues sous le nom de loges (hütten) et reconnaissant la sollicitude des “Grandes loges” (Haupthütten) qui étaient au nombre de cinq : Cologne, Strasbourg, Vienne, Zurich, Magdeburg. La dernière grande assemblée des maçons allemands s’est tenue à Strasbourg en 1564. Si cette corporation, par le passé a su prouver ses capacités professionnelles, c’est avec beaucoup de curiosité que les historiens évoquent certains aspects qui demeurent encore obscurs. En effet, quels sont les secrets du maçon médiéval ? Tout d’abord ce sont des secrets professionnels jalousement gardés. On ne possède aucun traité médiéval d’architecture, sauf l’album de Villard de Honnecourt, incompréhensible pour le non-spécialiste. On a ensuite des marques de reconnaissance. On y retrouve des symboles ésotériques dont l’origine se perd dans la nuit des temps : le cercle, la pyramide, la croix latine, la croix ansée, l’étoile à cinq branches, le trident. Apparaissant vers l’époque des croisades, ces marques se rencontrent à l’extérieur des édifices religieux jusqu’à la fin du XVIe siècle, après, elles se dissimulent au bas des piliers ou le long des joints horizontaux. C’est dans ce contexte d’effervescence intellectuelle, de découvertes architecturales, qu’apparaît le langage ésotérique des constructeurs médiévaux, lié à de nouveaux savoirs. En ces temps lointains, ces associations de bâtisseurs incarnaient une nouvelle dimension professionnelle, morale et spirituelle. Les grandes cathédrales gothiques en sont la manifestation éclatante et les associations de constructeurs couvraient toute l’Europe. La cathédrale de Prague a été construite, au XIVe siècle, par l’architecte français Mathieu d’Arras. Au XVIe siècle, la plupart des grandes cathédrales sont achevées et on assiste au déclin progressif des communautés artisanales conservant les secrets de l’architecture gothique. Mais le caractère unique du métier est fidèlement conservé en Écosse. C’est à cette époque qu’apparaît la référence à l’art de mémoire. En 1598, William Schaw, Maître des travaux de la Couronne écossaise, publie des statuts réglementant l’organisation et la conduite des maçons. Il est clair que les statuts des loges écossaises5, liés au métier de maçon, sont similaires à ceux des corporations professionnelles du continent. Une épitaphe en latin située sur la tombe de William Schaw dans l’abbaye de Dunfermline nous révèle ce qui suit : “A Dieu Très Saint et Très Haut. Sous ce bas monceau de pierres, gît un homme illustre pour sa rare expérience, son admirable rectitude, l’intégrité inégalée de sa vie, et ses qualités affirmées, William Schaw, Maître des Travaux du Roi, Maître des Cérémonies et Chambellan de la Reine. Il mourut le 18 avril 1602, ayant séjourné pendant cinquante deux ans. Dans son vif désir de s’améliorer l’esprit, il voyagea en France et dans de nombreux autres royaumes. Accompli dans tous les Arts Libéraux, il excellait en Architecture. Les Princes le tenaient particulièrement en estime pour ses talents manifestes. Que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans les affaires, il était non seulement infatigable et invisible mais aussi 4 consciencieux et honnête. Sa capacité innée à servir et à mettre les autres devant leur devoir lui ont valu de gagner la bienveillante affection de chaque brave homme qui le connaissait. A présent il demeure au Ciel pour toujours.” Au début du XVIIe siècle, malgré l’affiliation d’un architecte de grand renom, Inigo Jones6, disciple britannique de Palladio, les constructeurs cèdent, peu à peu, la place dans l’Ordre aux “Accepted Masons”, admis en nombre croissant : nobles ou bourgeois. Ces derniers deviennent membres de l’organisation anglaise de freemasons7. Le passage de la maçonnerie des constructeurs de cathédrales à la maçonnerie spéculative s’est opéré en Grande-Bretagne et elle apparaît comme le berceau de la franc-maçonnerie. En 1670, par exemple, à Aberdeen (Écosse), plus des trois quarts des membres ne sont plus des vrais constructeurs, mais des personnages influents, gentilshommes en majorité. En Angleterre, c’était un grand honneur d’être admis parmi les freemasons. Les maçons libres et acceptés étaient fascinés par tout un rite de mots de passe, signes, attouchements. Ils pratiquaient le secret et les symboles des rites compagnonniques : le soleil, la lune, la salière, le vinaigre, le coq, les trois pas, le baiser, la croix. La maçonnerie était déjà auréolée de mystères et d’attraits. La réception symbolique à la “construction” des maçons acceptés prenait une dimension significative et pour s’en convaincre mieux vaut encore se référer à quelques modifications de la constitution primitive, qui furent approuvées le 27 décembre 1663, lors de la réunion des maçons à Londres. Ces nouvelles clauses stipulent8 : 1. Nul, quel que soit son rang, ne sera reçu freemason si ce n’est dans une loge composée d’au moins cinq freemasons... 2. Nul ne sera reçu s’il n’est sain de corps, de naissance honorable, de bonne réputation et fidèle observateur des lois du pays… 3. Nul freemason ne sera admis dans une loge s’il n’est muni d’un certificat du maître de la loge dans laquelle il a été reçu ; ce certificat, écrit sur parchemin, constatera l’époque et le lieu de la réception... Chose digne de remarques, jusqu’au bout les tailleurs de pierre anglais demeureront fidèles au christianisme. La dernière Charte connue (1694) d’York stipule : “Le premier article de vos instructions est que vous serez fidèles à Dieu et à la Sainte Église, et que vous n’emploierez ni hérésie ni erreur dans votre entendement”. De plus, les anciens devoirs et statuts d’York peuvent être intéressants à citer, car ils révèlent un usage fort ancien chez les freemasons anglais : “L’un des anciens prend le Livre, celui ou celle qui doit être fait maçon pose les mains sur le Livre, et alors les instructions sont données”. Le caractère foncièrement chrétien des Old Charges9 de la maçonnerie anglaise est indiscutable. Voilà donc qu’une crise majeure ébranla la très ancienne Confraternité des 5 Maçons Libres Acceptés d’Angleterre. Sir Christopher Wren10, chef de la loge Saint-Paul, élu Grand Maître en 1685 de toute l’Angleterre, réélu en 1698, fut destitué le 20 décembre 1702 du titre d’Architecte de la Couronne à la mort du roi. Il se démit alors de sa dignité de Grand Maître. Toutefois, les maçons de ce temps, choqués du traitement infligé à leur et excellent Grand Maître, ne voulurent pas lui choisir un successeur, ni continuer leurs réunions. Ce malaise va laisser des traces durables dans la vénérable institution qui enregistra subitement de très nombreuses désaffections au sein des assemblées. Dans le but d’augmenter le nombre toujours décroissant des membres de la Confraternité, la vieille loge Saint-Paul décida, en 1703, de recruter davantage de maçons acceptés. Ainsi, nous voyons la loge londonienne prendre la décision suivante : “Les privilèges de la maçonnerie ne seront plus désormais réservés seulement aux ouvriers constructeurs, mais, comme cela se pratiquait déjà, ils seront étendus aux personnes de tous les états11 qui voudront y prendre part, pourvu qu’elles soient dûment présentées, que leurs admissions soit autorisées et qu’elles soient initiées d’une manière régulière.” Une telle initiative ne dénoua nullement cette crise et même longtemps après la disgrâce de Sir Christopher Wren, les maçons demeurèrent très élogieux à son égard. Encore de nos jours, les historiens12 lui attribuent un rayonnement prodigieux et le considèrent plus que jamais comme un homme remarquable. Il incarne toujours le souvenir du sauveur de la cathédrale Saint-Paul. Et pour la noble cause, en 1707, William Benson fut élu à la grande maîtrise. Les maçons achevèrent cependant la cathédrale de Saint-Paul en 1710 et à dater de cette époque, ils cessèrent leurs assemblées générales. Malgré l’autorité du nouvel Inspecteur des bâtiments de sa majesté le roi Georges Ier, il ne put éviter que ce climat de défiance ne s’étendît dans toutes les loges du pays. A cela, s’ajoutèrent de nombreuses dissensions politiques et religieuses. Ces querelles troublèrent la fin du règne de la reine Anne (1714), et des révoltes éclatèrent, de 1715 à 1719, en faveur de son frère, le Prétendant Jacques III. En 1715, il n’existait plus à Londres que quelques loges en activité. C’est alors que Jean-Théophile Désaguliers13 conçoit le projet de restaurer la maçonnerie. Au mois de février 1717, une poignée de maçons acceptés se réunissent à la taverne The Apple tree où, ils se constituent en Grande Loge provisoire. C’est la première fois que le titre de Grande Loge est donné à une assemblée générale de maçons. Jusque-là on se servait de l’expression “General Lodge”. La maçonnerie spéculative se réalise officiellement le 24 juin 1717, à la Saint- Jean d’été. Cet acte solennel marque l’avènement de la maçonnerie obédientielle. Quatre Loges londoniennes, rassemblées dans la cour de la cathédrale Saint Paul et aux noms pittoresques, ceux des tavernes où se réunissaient les maçons acceptés : L’Oie et le Gril, La Couronne, Le Pommier, 6 Le Gobelet et les Raisins, forment la Grande Loge Londres et élisent un Grand Maître qui aura juridiction sur l’ensemble des loges. Elle instaure une autorité maçonnique centrale et prétend dès lors, avoir seule le pouvoir de reconnaître les ateliers nouvellement créés. Selon les anciennes loges de Londres, d’York et de Westminster, c’était répudier le vieux principe de la maçonnerie traditionnelle : “Le maçon libre dans une loge libre”. Peu de temps après, la Grande Loge de Londres prend le titre de Grande Loge d’Angleterre “Mère Grande Loge du Monde” ayant en principe le pouvoir de condamner et d’exclure du corps maçonnique toutes les loges irrégulièrement constituées. En 1719, lors de son installation comme Grand Maître de la Grande Loge, Désaguliers parle d’égalité, admet l’épithète de “frère” et établit les toasts dans les réunions. Toujours sous son impulsion, les loges organisent des banquets, des fêtes et créent un fond de Secours pour les malades. Le 17 janvier 1723, la Grande Loge se donne des Constitutions14 qui deviennent, dès lors, la charte régulière reconnue par tous les francs-maçons dans tous les pays. L’examen attentif du livre des Constitutions nous confirme la reprise des anciennes chartes de la maçonnerie opérative anglaise de la fin du Moyen Age. L’histoire légendaire est soigneusement conservée : “L’Ordre remonte à Adam, qui enseigna la géométrie à ses fils, puis il est fait allusion à Noé, aux Égyptiens, aux Grecs, aux Romains, et aux Saxons.” On peut souligner l’expression de James Anderson15, rédacteur des Constitutions, pour qui la franc-maçonnerie est au centre de l’union vers laquelle tous les hommes peuvent converger sans pour cela ne renoncer à aucune de leurs croyances particulières. En effet, les Obligations stipulent (article VI-2) : “Que vous démêlés particuliers ne franchissent jamais le seuil de la loge, évitez plus encore les controverses sur les religions, les nationalités ou la politique.” Certes, si les liens de métiers s’atténuent, par contre, les symboles ésotériques deviennent fort nombreux : l’équerre, le niveau, la perpendiculaire, le compas, les pierres brutes et taillées, les colonnes ornées des lettres J et B, l’étoile flamboyante. Aux règles religieuses pratiquées par les maçons d’autrefois, James Anderson substitue de simples conditions morales et spirituelles. En collationnant et révisant les vieux manuscrits gothiques des Old Charges, il fait de la tolérance le fondement de la maçonnerie des Modernes. Il est d’ailleurs à noter qu’il devra modifier plus tard le texte du fameux article premier, qui scandalisait les Anciens. Il est illusoire de croire que la maçonnerie des “Moderns” s’est développée ex nihilo à Londres en 1717. Depuis longtemps, les “Accepted Masons” perpétuaient la tradition maçonnique par une chaîne ininterrompue depuis le Moyen Age. La loge de Saint Paul conservait les anciennes formalités. Les Anciens, réagiront tardivement mais très efficacement. Ils soulèveront certaines irrégularités commises par les Modernes, lesquels ont altéré les rituels, interverti les mots d’apprenti et de compagnon, modifié les usages et 7 introduit diverses couleurs dans l’habillement des maçons. De plus, quelques loges de Londres, mécontentes de la façon d’agir de la Grande Loge d’Angleterre, se sépareront de la Grande Loge des Modernes et s’uniront avec les “Antients York Masons”16. Bien que les actions de stratégie se suivent et se ressemblent, ils constituent en 1739, dans Londres même, une deuxième Grande Loge qui prend le titre de : “Grande Loge des Francs-Maçons d’Angleterre, selon les Anciennes Constitutions”. C’est en 175617 que Laurence Dermott publie la première Constitution des “Antients” intitulée “Ahiman Rezon” signifiant : “Lois des Frères désignés ou choisis”. Si Anderson a introduit le mot “Land mark”, Dermott note le “Royal Arch”, une sorte de maçonnerie supérieure. Les rapports entre les deux principales obédiences demeureront inexistants. D’ailleurs, voici comment Laurence Dermott18 s’exprime sur les “Moderns”, dans la troisième édition : “Lors de l’année 1717, quelques joyeux compagnons (Désaguliers19 et autres) qui n’avaient passé que par un seul grade de la Confrérie, lequel, même, ils avaient à peu près oublié, résolurent de former une loge pour rechercher, en se communiquant entre eux, ce qui leur avait été autrefois enseigné ; se proposant d’y substituer, quand la mémoire leur manquerait, quelques autres innovations, ce qui, à l’avenir devait passer dans leur société pour de la maçonnerie. Lors de cette réunion, on questionna les personnes présentes pour savoir si quelqu’une d’entre elles connaissait le grade de Maître ; et comme il fut répondu négativement, on convint qu’on remédierait à cet inconvénient par la composition d’un nouveau grade, et que tous les fragments de l’ancien Ordre qu’on pourrait trouver, seraient réformés ou appropriés à l’esprit de la nation. On crut convenable d’abolir l’ancien usage de s’occuper en loge de l’étude de la géométrie, et il parut à quelques uns des jeunes frères, qu’un bon couteau et une bonne fourchette dans les mains d’un habile frère, appliqués sur des matériaux convenables, donneraient une plus grande satisfaction, et ajouteraient plus à la gaieté que l’échelle la plus solide et le meilleur compas. Il existait encore un autre usage qui déplaisait aux jeunes architectes : c’était celui de porter des tabliers, qui semblaient travestir des hommes du monde en ouvriers ; on proposa, en conséquence, que les frères n’en portassent plus à l’avenir. Cette proposition fut rejetée par les membres plus âgés, qui déclarèrent que, puisque des anciens usages il ne leur restait plus que la décoration du tablier pour faire croire qu’ils étaient des maçons, ils voulaient pour cette raison, le conserver et le porter. On proposa différentes cérémonies ridicules, dont on admit quelques unes. Après les avoir observées pendant plusieurs années, on inventa encore des marches ridicules. Les confraternités des anciens et des modernes maçons sont devenues présentement les deux plus grandes corporations de l’univers : les anciens, sous le titre de francs et acceptés maçons, suivant les anciennes constitutions ; et les modernes, sous le titre de francs-maçons d’Angleterre. Ils diffèrent extrêmement dans leurs travaux, cérémonies, connaissances, langue maçonnique et organisation qu’ils aient, cependant, des dénominations semblables, de sorte qu’ils ont toujours été et continuent d’être deux différentes sociétés entièrement indépendantes l’une de l’autre.” 8 Durant tout le XVIIIe siècle, trois formes de maçonnerie s’opposent donc en Grande-Bretagne : la maçonnerie anglaise des Modernes, la maçonnerie anglaise des Anciens, et la maçonnerie des Jacobites, c’est-à-dire des partisans des Stuart20 détrônés à partir de 1688. Mais il y a un temps pour chaque chose et toute querelle doit avoir une fin. Plus tard, les trois courants britanniques fusionneront en une et seule maçonnerie : d’une part quand les grands seigneurs stuartistes se seront finalement ralliés à la dynastie hanovrienne, à la mort du dernier des Stuart21 et d’autre part quand le duc de Sussex, promu Grand Maître des Modernes et le duc de Kent, promu Grand Maître des Anciens en 1813 constitueront la Grande Loge Unie d’Angleterre. Les constituants de la Grande Loge Unie d’Angleterre fondent la “Lodge of Reconciliation” dont l’œuvre a été “l’Act of Union”. Cinq années plus tard, en 1818, ils consacrent la loge d’instruction, la “Perseverance Lodge”, qui deviendra le berceau en 1823 de “l’Émulation Lodge of Improvement”. En Grande-Bretagne, émergeront les rites de Bristol, Logic, Stability et d’autres encore. Depuis cette période, l’unité et la diversité de la maçonnerie anglaise font preuve de tolérance et de respect à l’égard de chaque initié. Les vieilles querelles sont oubliées. A l’inverse des maçons français, les maçons anglais mènent une œuvre philanthropique respectable. L’essentiel de la problématique de l’avènement des Modernes, hormis la novation obédientielle pyramidale, est contenu dans le fait que l’appartenance maçonnique se dévoile aisément dans la société civile. D’ailleurs, l’anecdote la plus marquante de cette époque est la publication du document intitulé : “Masonry Dissected” de Samuel Prichard. Cet acte fut un véritable coup de tonnerre et fit durant de nombreuses années la une de la presse britannique. Il révèle, pour la première fois, les catéchismes maçonniques dès 1730 à Londres. Il convient de noter que cette divulgation va devenir très bénéfique pour l’Ordre maçonnique et permettre l’intensification des événements. Dès cette époque, nous trouvons hors de Grande-Bretagne des loges rattachées à la Mère Grande Loge. On remarque que les premières loges d’inspiration anglaise s’établirent en France dans les villes ayant des relations commerciales suivies avec l’Angleterre : Dunkerque, Paris, Bordeaux, Valenciennes, le Havre. Les registres de la Grande Loge d’Angleterre mentionnent, à la date du 3 avril 1732, que la patente régulière a été délivrée à la loge parisienne “Au Louis d’Argent”. Le même registre fait état, à la date du 3 juillet 1733, de l’installation à Valenciennes de la Parfaite Union. Les loges françaises pratiquent le rite anglais des Modernes en deux grades. Ce n’est qu’en 1738 que la Grande Loge d’Angleterre reçoit au troisième grade. En 1735, les loges parisiennes, déjà assez fournies en effectifs, sollicitent de la Grande Loge d’Angleterre l’autorisation de fonder une Grande Loge Provinciale. Cette autorisation ne sera accordée qu’en 1743 à la Grande Loge anglaise de France. Dès lors, s’opère une mutation fondamentale au sein de la maçonnerie traditionnelle. Elle devient le point de départ du processus de l’écossisme 9 symbolique et ésotérique. Le port de l’épée apparaît en 1743 dans les loges françaises. En 1756, la Grande Loge anglaise de France prend le titre de Grande Loge de France sous l’autorité de Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont. Par la suite, les maîtres des loges parisiennes se déclarent inamovibles. La querelle du vénéralat inamovible sera la cause fondamentale des désordres de la Grande Loge du comte de Clermont22. Que faisaient les francs-maçons dans les loges au XVIIIe siècle ? Rien, ou presque rien, comme peuvent encore l’écrire certains historiens. On notera que, contrairement à cette réponse baroque, si l’on s’en tient aux “Livres d’Architecture” qui ont été conservés : les francs-maçons ouvraient les travaux, ils lisaient la correspondance, ils procédaient éventuellement à des augmentations de salaire, ils entendaient un morceau oratoire qui rehaussait l’intérêt des frères, et ils fermaient les travaux. Puis ils participaient au banquet. Il est certain que l’avènement des hauts grades conféra à la franc- maçonnerie universelle ses lettres de noblesse. Il souleva un engouement auprès des frères et suscita rapidement une très forte demande d’admissions. C’est un certain André-Michel Ramsay, chevalier dans l’Ordre de Saint-Lazare, secrétaire de Madame Guyon, disciple de Fénelon et précepteur de James III Stuart, qui ajoute la foi à la morale. Il introduit l’ésotérisme chevaleresque et rosicrucien. Le 26 décembre 1736, dans une assemblée solennelle de la Grande Loge Provinciale de France, il prononce un discours destiné à lier les fondements de la maçonnerie à l’ancienne splendeur de la chevalerie. Il prend pour thème les quatre qualités qui, selon lui, sont exigées du franc-maçon : l’humanité, la morale, le secret et le goût des beaux-arts. Qualités essentielles dans un Ordre, dont la base est la sagesse, la force et la beauté. Il n’hésite pas à proclamer : “Quelque temps après la période des croisades, notre Ordre s’unit intimement avec les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem23. Dès lors, nos loges portèrent toutes le nom de loges de Saint- Jean. Cette union se fit à l’exemple des Israélites, lorsqu’ils élevèrent le second Temple. Pendant qu’ils maniaient la truelle et le mortier d’une main, ils portaient de l’autre l’épée et le bouclier.” André Michel de Ramsay, dans la dernière partie de son discours parle que le flambeau a été maintenu grâce à la Grande-Bretagne qui “fut le siège de notre Ordre, la conservatrice de nos lois et la dépositaire de nos secrets.” Comme disaient si bien les highlanders d’Écosse, il demeure l’étincelle qui embrasa la franc-maçonnerie en France, en Europe et aux États-Unis d’Amérique. Les hauts grades obtinrent un immense succès, et donnèrent un nouveau souffle à la maçonnerie. Peu à peu, ils se développèrent en divers régimes. Charles Édouard Stuart, de passage à Arras en 1745, accordera aux francs- maçons de cette cité une bulle d’institution pour un Souverain Chapitre primatial et métropolitain de Rose-Croix24. En voici la teneur25 : “Nous, Charles Édouard Stuart, prétendant roi d’Angleterre, de France, d’Écosse et d’Irlande, et, en cette qualité, Sérénissime Grand Maître du Chapitre de Hérédon, connu sous le titre de Chevalier de l’Aigle, du Pélican, et, depuis nos 1 0

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des Hospitaliers de Jérusalem1, accueillit les Compagnons2 lors du siège de. Rhodes3 . C'est alors que Jean-Théophile Désaguliers13 conçoit le projet de restaurer la donnée par Fulcanelli, alchimiste du XXe siècle, célèbre.
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