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La Philosophie transcendantale de Salomon Maïmon PDF

178 Pages·1929·10.156 MB·French
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La Philosophie transcendantale de Salomon Maïmon THÈSE POUR LE DOCTORAT ÈS LETTRES par M. GUEROULT Ancien élève de l'École normale supérieure Mattre de conférences à la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg PA HIS LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1929 DU M};:ME AUTEUR L'évolution et la structul'e de la Doctrine de la Science, chee Fichte, 2 vol. grand in-8°, dans les Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg (1929). C;;:fd'/ ·~-' t..·<'f~·'M.WM!./f"~~AI o.-?:- , -. -' -- ,1-' #. ,...,/~-e'A·U,;wz,4;q~ A MONSIEUR LÉON ROBIN, professeur à la Sorbonne, HOMMAGE DE RESPECTUEUSE AFFECTION INTRODUCTION L'esprit de la Philosophie maimonienne Les années 1785 à 1790 sont capitales dans l'histoire dea destinées du kantisme. A côté des leibnitiens de second ordre, somme EBERHARD et PLATNER et des philosophes populaires, interviennent des génies originaux, qui ,par une libre inter prétation , des grandes philosophies dogmatiques, en renou vellent l'attrait et suscitent le goût de leur étude directe. C'est en 1785 que paraissent les Lettres de JACOBI, en 1787, les Dia logues de HERDER sur la philosophie de SPINOZA. Les Nouveau:. Essais de LEIBNIZ, le Treatise on Human Nature de HuME sont traduits, le premier par ULRICH vers 1780, le second par H. JACOB, l'adversaire kantien de MENDELSSOHN, ven 1790. Les objections adressées au point de vue de la Critique se font moins extérieures. En 1787, JACOBI, au nom des principes du kantisme, montre dans l'appendice à son dialogue David Hume ou de la Croyance, le caractère contradictoire du concept de chose en soi. Vers la même époque (1786-1787), REINHOLD publie dans le Mercure allemand .ses Lettres sur la Philosophie Kantienne. Elles ne parlent pas encore d'une reconstruction du kantisme, mais, s'occupant de répandre ses résultats indé pendamment du système, elles laissent entrevoir l'utilité d'une telle reconstruction. REINHOLD croit trouver dans la forme de la Critique, la raison des contre-sens auxquels tout penseur étranger à son point de vue est infailliblement exposé. La Critique admet des prémisses en soi incontestables, mais en fait contestées, parce que KANT ne s'est pas soucié d'en apporter une démonstration, qu'il n'avait d'ailleurs pas à fournir. Il fallait en effet constituer la vraie philosophie avant de s'occuper d'en rechercher les principes cachés. L'Eesai d'une théorie de la Faculté représentative paru en 1789, fournit 8 PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALE ces principes et réalise une reconstruction de la philosophie transcendantale qui lui assure désormais un caractère scien tifique. C'est un an plus tard qu'est publié l'Essai sur la Philosophie transcendantale (1) de SALOMON MAiMoN. Cette étude tout à fait indépendante des recherches de REINHOLD, est constituée par une suite de réflexions sur la Critique de la Raison pure (2). Elle révèle le conflit des trois tendances maîtresses de l'heure : kantienne, huméenne, spinozistico-leibnitienne. Les thèmes spinozistes et leibnitiens sont fondus en un seul, fusion qui semblait alors de droit, aussi bien à KANT et à JACOBI qu'à HERDER lui-même. C'est une tentative sincère et sans parti pris pour résoudre les difficultés internes de la Critique et la renforcer à l'égard des attaques sceptiques. Il n'est pas sûr en effet que la Critique soit parvenue à réfuter HuME. Pour sauver le criticisme, il semble nécessaire d'établir entre les différents éléments du connaître (pensée formelle, pensée réelle [Realitiit] pensée empirique [Wirklichkeit]) un lien à la fois plus subtil et plus fort que celui que KANT a cru découvrir. Primitivement, c-est donc le contraire d'une entreprise sceptique; c'est comme pour REINHOLD, un travail de reconstruction, un approfon dissement des prémisses : « REINHOLD ne tient pas pour incer tains les principes que KANT a donnés à sa philosophie trans- (1) Versuch über die Transzendantalphilosophie, Berlin, Christian Vos, 1790 (2) Voici comment MAIMON caractérise la genèse de l'Essai sur la Philosophie transcendantale: «La façon dont j'étudiais cette œuvre, la Critique de la Raison pure, est tout à fait étrange. A la première lecture, je gardais de chaque para graphe une représentation obscure. Ensuite, je m'efforçais de l'éclaircir par le moyen d'une réflexion personnelle et de pénétrer ainsi dans le sens qu'avait voulu l'auteur ; c'est proprement là ce qu'on appelle s'incorporer par la pensée à un système. Comme je m'étais déjà approprié de la même façon les systèmes de SPINOZA, de HuME et de LEIBNIZ, il était naturel que je dusse m'arrêter à un système de coalition ( Koalitionssystem). Je découvris effectivement un tel système et l'édifiai peu à peu, sous forme de remarques et de commentaires sur la Critique de la Raison pure, au fur et à mesure qu'il se développait en moi. Et de là surgit finalement rna Philosophie transcendantale. En elle, chacun des systèmes ci-dessus mentionnés se trouve développé de telle sorte qu'ils aboutissent à un point où ils se concilient tous. Aussi un tel livre devra-t-il paraître difficile à corn.l.'rendre, à celui qui, à cause d'une certaine raideur dans la pensée, ne se sera familiarisé qu'avec un seul de ces systèmes, sans prendre égard aux autres. Dans cette œuvre, l'important problème dont KANT s'occupe de rechercher la solution: quid juris ? est examiné en un sens beaucoup plus large que celui dans lequel KANT le prend, et par là est laissé place au scepticisme de HuME dans sa pleine force. D'autre part, la complète résolution de ce problème conduit nécessairement au dogmatisme spinoziste ou leibnitien. ' Salomon Maïmon Lebensgeschichle, von ihm selbstgesclz rieben und herausgegeben VON K. PH. MoRITZ (2 teile, Berlin 1792-1793) Il, p. 16, - L'extraordinaire vie de S. MAïMoN a été racontée au lecteur français par Mme A. BARINE, Un juif Polonais, Salomon Maïmon, Revue des Deux Mondes, t. 95, p. 771-802; Bourgeois et Gens de peu (Paris, Haehette, 1909), p. 3-60. PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALE 9 cendantale ; il croit seulement qu'ils ne sont pas assez appro fondis. Je suis d'accord avec lui sur ce point. Je me sépare de lui seulement sur la façon d'améliorer ces principes (1). , A la vérité, MAÏMON n'est même pas sûr à l'avance de la vérité des prémisses ou du moins de leur aptitude à fonder le résultat auquel elles prétendent. Il paraît incertain de la conclusion vers laquelle il s'achemine ; et de fait, parti pour prouver la validité de la Critique et le dogmatisme empirique, il arrive en fin de compte à découvrir leur insuffisance et la vérité du scepticisme empirique. A la différence de REINHOLD, qui tout comme le scolastique, ne se demande pas si sa conclusion (le kantisme) est vraie, mais simplement comment il faut s'y prendre pour faire éclater son incontestable vérité, S. MAi MON met en doute la conclusion elle-même et soumet ainsi la Critique à une n'luvelle critique. Il ne pense pas que la tâche du philosophe consiste, après avoir admis sans discussion les données du kantisme, à découvrir in abstracto le principe qui par une déduction a priori fournirait une unité didactique à la philosophie transcendantale. C'est là raisonner par concepts, non philosopher sur le réel. De même que c'est par un examen des données concrètes de la connaissance et de l'action (mathématiques, science de la nature, esthétique, éthique) que KANT a pu arriver à poser les éléments qu'il estime nécessaires comme leurs conditions, de même c'est par un nouvel examen des données sur .lesquelles a travaillé le kantisme, c'est par un contact perpétuel avec les sciences en action, avec toutes les formes concrètes de l'activité humaine que pourra peut-être se découvrir l'unité intrinsèque et non plus simplement externe et formelle des éléments de la philo sophie transcendantale. La liaison du formel, du réel et de l'empirique ne pourra donc s'opérer par la recherche préalable d'un premier principe, mais par la mise en œuvre d'une méthode qui nous transportera sur cette frontière où la pensée ration nelle semble se lier aux faits particuliers : les sciences parti culières. Bref il faut aller de bas en haut, non de haut en bas : « La valeur que je reconnais à la pensée simplement formelle n'est que celle d'une conditio sine quà non à l'égard de la pensée réelle ; je porte, moi, tous mes efforts sur cette dernière. A mon avis, la philosophie critique est déjà achevée par KANT (1) Versuch einer neuen Logik (1794), p. L, remarque K. 10 PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALE et ce qu'on y peut apporter d'amélioration ne consiste pas à s'élever à des principes supérieurs à elle, mais plutôt à descendre vers des principes inférieurs, pour les lier autant que possible avec les principes de la philosophie kantienne. Et c'est l'atten tion aux méthodes particulières de la pensée dans les sciences particulières qui peut nous ouvrir cette voie. Il faut étudier les différentes sciences, d'abord pour les vérités qui s'y trouvent contenues, ensuite pour y découvrir la marche de l'esprit humain, les différents auxiliaires qu'il emploie pour la décou verte, l'affermissement et l'extension· de la vérité, et pour présenter la science dans une forme complètement systéma tique (1). » Pour REINHOLD au contraire, on peut prouver la réalité de la philosophie de la nature et de la morale de deux façons : Io d'une façon indéterminée et implicite, celle de KANT; 2° par des propositions fondamentales qui développent et épuisent complètement un principe ultime ; cette dernière façon c'est la sienne : « Tout y est enchatné de façon nécessaire à partir d'un principe qui a une valeur universelle (2). • Or, si ces deux façons sont bonnes pour le dogmatisme, l1AIMON estime qu'elles ne valent rien contre le scepticisme. L'évidence en effet peut venir de deux sources. Elle peut venir d'en haut : les principes sont vrais en eux-mêmes, et par conséquent tout est vrai ; si le principe de REINHOLD est vrai tout est vrai. Mais la vérité métaphysique d'un tel principe est bien difficile à établir. REINHOLD prétend que son principe est un fait de la conscience. C'est à tout le moins un fait discutable dont on peut douter. - L'évidence peut aussi venir d'en bas. L'explication de faits certains commu nique aux principes premiers une certitude équivalente à celle qui résulterait de leur vérité métaphysique démontrée. On dira que les principes devant servir à tout prouver ne peuvent eux-mêmes être prouvés et sont en soi évidents. Dans ce cas les principes doivent être prouvés comme principes, c'est-à-dire par rapport à leur emploi : sont-ils vraiment capables d'expliquer tout ce qu'ils prétendent expliquer Y Mais alors il faut bien prendre garde à la réalité des prétendus faits qui sont au fondement de la construction. A supposer (1) Strelfereien tm Geblete der Philosophie (Brfefwechael, nebst etnem ùrn selben vorangeschichten Manifest, 1793), p. 187. (2) Ibid., p. 197-198. PHILOSOPHIE TRANSCENDANTALB 11 que des principes rendissent parfaitement compte de la possi bilité de l'expérience, on pourra toujours se demander si l'expérience telle que l'a admise KANT est un fait certain. Or ce fait n'est pas certain: HuME en a douté (1). En négligeant l'examen préalable des faits pour construire un système à propos d'un système, REINHOLD n'a bâti qu'une Formular-Philosophie. La reconstruction de la Critique ne peut en réalité s'effectuer que par une critique de la Critique, que par une application plus stricte de l'esprit critique opposé souvent par MAiMON à la philosophie kantienne qui se dit critique. On comprend pourquoi dans sa tentative originale de systématisation, FicHTE, qui unit l'unité externe formelle de REINHOLD à l'unité interne, voulue primitivement par MAIMON, puisse osciller entre une doctrine où le principe premier, simple concept dans la tête du philosophe, tire toute sa vérité de son aptitude à opérer la systématisation, et une doctrine où le premier principe, évident par soi, a une vérité méta physique, et une réalité qui est la réalité même d'où procède tout ce qu'à juste titre nous tenons pour réel. On comprend également son souci perpétuel d'établir que le Wissenshafls lehre n'a rien d'une Formular-Philosophie, d'assurer, outre l'évidence intrinsèque des principes, leur applicabilité ( Anwend barkcit, Realitât} et enfin de changer le premier principe lui-même déclaré évident par soi, lorsqu'il se révèle comme inapte à assurer l'explication totale. Mais en quoi peut consister l'unité systématique d'une philosophie qui considère comme transcendante la recherche d'un premier principe ? En une unité non pas objectivement démontrable comme le pense REINHOLD, mais simplement subjective. Un tout est toujours l'accord d'un divers, mais cet accord peut se déterminer de façon différente. Il peut être l'expression d'une harmonie dans l'objet lui-même et alors il est nécessaire pour notre faculté de connaitre ; ou il peut reposer lui-même sur la spontanéité de la faculté de connaître et il n'est alors que subjectif. La mathématique donne lieu à un accord du premier type. Elle pense l'accord d'un divers et le représente ( stelll dar) en même temps dans un objet coinme d'accord. C'est à un tel accord, accord démontré (l) Streifereien, p. 200.204..

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