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La Philosophie Négro-Africaine PDF

66 Pages·1995·9.889 MB·French
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COLLECTION ENCYCLOPÉDIQUE fondée par Paul Angoulvent HILOSO HIE De1·nie1·s tifres pwt"tl.'> 2979 MLe. bJoilRaAn Sd e compétences 2997 sLo'ccltahlnolso lcloôn lodnm11p8o rfl1h6l8O I ~010110111 AINE 2980 Le théâtre chinois M. M.A1t'l'IN11•:1,1.t1 o~AFRI R. DARROBERS 2998 L'animal do oom1lfl~11lo 2981 La Cour de justice de la Répu :P. BONlllJ1·:1.1,1•I !Ili Il, 1111111111~ blique 2999 Ln psyohologlo l11•Ut11Uo1111111111 B. MATmEu, T. S. RENoux et 1) ..1 1', Ülli\N(ll'I' A. Roux 3000 L'esprit baror1110 2982 La marque A.·L. J\N(l(llll,Vl)N11' A. SEMPRINI 3001 Lo vin cl 8 8 !rnu001 298,3 L'assistance touristique .]>V. (l IJ'l'11+1H B. PIGANEAU-DESMAISONS H002 Ln rôlu 11r11ullo11 2984 L'ethnopolitique .J, 'VM1tN1•:•1~1'M R. BRETON !1003 Los 11hlio1011hlo1 bo1101lhl1h11 M. (11111.1,0N 2985 La philosophie négro-africaine J.-G. BIDIMA R11'.n dJ\l ollllollgtillot'I ' o11t 1, l,tJn. n~I'o, rll 611 \InH1NM' ll'liltt 2986 L0.a DnOouLvLeFlUleS carte du monde BOOu 'LJ,1n, llloi\cPlo\11rNo OO Xt1Pl1O •1'I1O, (1111.1° 2987 La réhabilitation de l'habitai IJOOO Lr• o rllllcnllon sJo.-cMia.l SeTn ÉBFÉra nce AJI., l0'l·0IN11A11N1• .111, 11, lilAl1l1N~ 111 2988 La procédure civile !l007 Hlstolro ilo I~ tôl oplu J. -J. BARBIÉRI ,J,. . (J, ll111•.'11111•:M nooa 2989 Le délit d'initié Ln l1hllo1011hlo Oi)lllKllOlo J.-F. RENUCCI A. 1111• 2990 Les hépatites nooo Ln roohoroho·11ollo11 J.-F. QuARANTA, B. Rm1our.o·.1· .l ... JI, lt1•:mHillhll et J.-P. ÜASSUTO 11010 Muslr1uos onJun, orôolu ol zydooo 2991 AL.a BpOenUsTéOe Ta llemande moderne H.. 8Mt11~: 2992 La décolonisation oil shore R.-A. LEMESLE 2993 Les droits politiques des étrangers F. DELPÉRÉE 2994 La civilisation amérindienne c. R. CROS PRFSSE.S UNIVERSITAIRES DE FRANCE 2995 La marine dans I'A ntiquité A. GUILLERM 111111111111111111111111 2996 Le facteur humain c. 9 782130 471004 DEJOURS ...{' QUE SAIS-JE? La philosophie négro-africaine JEAN-GODEFROY BIDIMA Docteur en Philosophie DU M~ME AUTEUR INTRODUCTION '. '. ,·, Théorie critique et modernit~ négro-qfricaine. De /'Ecole de Francfort à la « Docta Spes africana », Paris, Publications de la Sorbonne Série . Ce"l ivre se conjugue au pluriel parce qùe dans son «Philosophie», 1993. .· .. ,., · ' L'art négro-africain,' à paraître à Paris aux PUF. unité, il exprime une duplicité et vaut ainsi ·p~r deux n,ôms ; 'l'un commun (la philosophie) et l'autre propre (('Afrique). Pourtant, ni Pun, ni l'au:tr~; n'en. consti tuent à proprement parler le sujet spécifiqu~' µe ce livre, puisqu'un troisiè)lle tetme, à peine m;is en ellipse, émerge,' doiman,tfjouant à la que~tion stir'un tour sup , A Crescence et Godefroy., ' pléntent~irê : ta ridation. Celle,ci est .examinée sous un angle interne. Il ne s'agit pas iéi de traiter de « la phi~ losophie en Afrique » mais bien de" la philosophi~ négro-africaine. Ce qui itnpliqùe au' moins deux· atti tude's. D'aqord le rejet .d'une· démarche qui traiterait ·». de « la philosopljie e1.1. Afrique Car. elle articulerait alors 'un râpport d'extériorité où là philosophie, réalité étrangère' gonflée de ses· titres de nol>lesse et de .sejouj:, ferait une escale,eri Afrique en attendant-.:.:..:. une fois sa missiort accomplie.et sans se'déclarer à la ·do~ane'·des cultures 'africaines __'._:_, de 'continu~r son: odyssée. Ensuite, il sera,question d1éviter ie péché miioon des observateur8 de la cultun:; africaine; l'e substantialisme ·unitaire. D'Afrique serait une subst~n~e unique 'et tu:Ii~ « fiante: ·En titrant au singulier ,la' philo.sophie négro africaine, >'>' il faut.c omprendre cet.i ntitulé massif dans s6n prqeessus de fragmeQ.tation introducteur du mou a une vement ~t' des 'multiplicités. Il,n 'y pas· philosophie négro-africaine, on ne peut parler q~e des philosophies négro-africaines,. La pluralité est, ici liée à l'histoire· afri , 'ISBN 2 13 047100 5 caine qui n'a ~i unité'de lieu (elle-S,'esi' déroulée en Dépôt légal ...-·1~ édition : 1995: août Afrique, mais aussi' en Europe .ët aux Amériques), ni Cl P~sses Universitaires de France, 1995 unité de temps. La multiplicité des.scansions·des philo- .,' 108, boulevai;d Saint-Germain, 75006 Paris doit valuée non comme un Le but n'étant pas ici d'apaiser, notre investigation 1 du manque, fleuron en ne s'occupera pas de la philosophie négro-africaine q11 , d11nH N s xubérances, dictions et comme état ( stasis), mais comme procès, acte, par v 111 1 ·hamp où tous les possibles s'es conséquent, on ne s'orientera pas vers sa définition \ lour, e provoquent, s'annulent et mais vers son procès deprofération. lt 111111111 Il . Ill. Ce qu'elle est ne peut se savoir que par la saisie de la l 1 1 1 r' d la philosophie négro-africaine convoque manière dont elle (s')est proférée. Le cantonnement l 1 rh!f1•1·111.lnation partielle et provisoire d'un ensemble dans la définition trahit le réflexe de l'académisme, où d ·onstcUations dont le statut exact ne se clarifie (et l'on impose à l'œuvre une définition (la philosophie se N'opacifie!) que par une différenciation dialectique veut œuvre, opera), une suffocation et une limitation, d.'avec son autre : les éta!s autoritaires, les sectes mys alors que dans son processus de profération la philoso tiques, les fondamentalismes laïcs et le règne de l'ar phie-œuvre s'ouvre à la diversité des déterminations. Le gent. Ces philosophies disent une histoire particulière déplacement des problèmes de définition au procès de avec. ses p~iorité~, ses ~spoirs, ses succès, ses ratages, profération implique la multiplication des perspectives, ses inventions, intentions et protensions. Se pose l'antagonisme des interprétations, la pluralité des donc la question du lieu de ces philosophies. D'où entrées et sorties, brefla primauté du Multiple sur l'Un. parle-t-on? Cette question du lieu convoque celle du L'antagonisme de cette philosophie africaine n'est sujet (qui parle?), de l'objet (de quoi parle-t-on ?) et de pas ici une transposition sur le plan théorique des la spécificité (qu'est-ce qu'une philosophie... afri guerres tribales, mais obéit à la musicalité inhérente à caine?). Outre la question du lieu, s'offre à nous l'iné toute philosophie. vitable et ennuyeuse question de la définition : la philo Après la question de la définition s'ouvre celle de sophie négro~africaine a-t-elle un statut propre qui la /'indexicalité de cette philosophie; il faut l'articuler à distinguerait dans sa tresse, son style, sa translation et un contexte, à un lieu (D'où parle-t-elle? A quoi réfere son économie des autres philosophies, ou simplement, t-elle son discours? Sur quoi se fonde son gain? Et n'est-elle qu'une succursale des diverses philosophies quel but vise-t-elle ?). occidentales et ses philosophes d'honnêtes et imprévi- La question du lieu .p eut se fragmenter en quatre sibles délégués provinciaux ? , : moments selon le schéma très connu de la langue Répondre à cette question exige la détermination de latine : le lieu propre ( ubi ?) , la provenance ( unde ?) , la ce qu'est la philosophie en général, question insoluble destination (quo?) et la traversée (qua?). Son lieu puisqu'il n'y a pas une définition de la philosophie propre : où est-elle cette philosophie africaine, dans la tête des Africains scolarisés ou dans les traditions afri mais des définitions appartenant à des histoires parti caines? Son lieu de provenance : d'où vient-elle, de culières. D'ailleurs peut-on définir? Si la défmition l'Egypte pharaonique1 de la culture ,popte2 des mou- obéit à un souci de clarté et de rigueur (savoir de quoi , , on parle!), elle sert aussi à orienter le lecteur, à le ras surer, à le tranquilliser dans son angoisse de recherche des repères. On se repaît des définitions afin de ne pas 1. Cf. T. Obenga, La philosophie africaine de. /a période pharaonique, Paris, L'Harmattan, 1990. , se désorienter, on s'installe dans l'assurance et la sécu 2. Cf. C. Sumner, Aux sources éthiopiennes de la philosophie africaine, rité qui font avancer la recherche, on est apaisé. Kinshasa, Fac. théol. cath., 1988. 4 5 -i' d lih I' 11 ion 1f'r )·lu lin -américains•, des Car les origines c'est souvent un antérieur projeté qui. 11l11rnl11 1111~ t•olonialcs2, de « l'effet» du n'est plus l'objet d'un questionnement mais d'une 1111 11111111111 l t 11111 1 1, d H affirmations de la négri- réponse qui est instauration, c'est-à-dire de l'arbitraire. 11111 ' 1 111 dt d ti111tlon : v rs quel destin et finalité · Celui-ci invente son objet en le poussant en arrière, il 11111 1 111 '/ Voul >Îr r upproprier l'essence aliénée du produit par analepse une fable : terreau fertile en onto N 1 1 l 1 1v 1 1 développement, la redécouverte de genèses et autres métaphysiques de légitimation de 1'11111 lld · tin6 l'articulation de l'historicîté de la l'advenu. 1111 i 11'd • tinc7? Et enfin, son lieu de traversée : par Notre lecture de la philosophie négro-africaine ne se 111), par quoi, par quels faits essentiels et quels effets préoccupera pas . de question du but, de la finalité transf6rcntiels et paradoxaux articule-t-elle"s es plans (quo?). Parce qu'avec la finalité, le mouvement (t xtuel, sexuel, ontophanique, éthique, politique et retrouve un site de repos qui scelle une réconciliation esthétique ... ) ? r , avec le souvenir du poids des origines. Dans les deux La provenance décrit l'arrêt sur les origines et des cas, il y a arrêt du mouvement. sine tout ,un arpentage des signaux par lesquels la Nous lirons la philosophie africaine en fonction de mémoire africaine s?incruste, et prend son élan. Mais la traversée1 Renversement de perspective, parce • notre lecture de la philosophie africail}e ne partira pas qu'on lisait souvent le présent (la traversée) par et en de la question des OJ'.igines (d'où vient-elle? Unde?). fonction de l'origine (on éclaire le présent africain par le recours à son passé!). Maintem1.nt la traversée/ médiation .éclaire l'origine et le but de cette philoso 1. Cf. E.-P. Elungu, Ereil,phi/o~ophique africai11, Paris, L'Harmattan, phie à travers son historique et ses ~ontroverses, son 198~, p. 65-69. Colin Legum partage aussi. un point de vue proche de rapport aux philosophies occidentales, ses. champs et celm d'Elungu, Le Panafricanisme à l'épreuve de l'inpépendance, ·Paris, Samt-Paul, 1965. " · . méthodes, son évaluation critique et son ouverture sur 2. :Point de vue partagé par le O. Kenyan Oruka, Sagacity in philoso l'histoire futu.re. phy, m Intemqtional Philosophical Quater/y, vol. XXIII,' n• 4, décem bre 1983. Ce que ne semble pas accepter le« Nigérian» Bodunrin, The question of African philosophy, in Philosophy, n• 56, 1981, p. 170. Bodunrin fut lui-même critiqué par S. Mohammed in Philosophy, n• 58, 1983."Une autre polémique s'est développée sur ce point entre Robin Horton niant l'existence de la philosophie dans les traditions' africaines , (Traditional thought and the emerging african philosophy department : a comment on the current debate, Second Order, IFE, n• I, v01. VI, 1977) et ~· Hallen; Robin Horton on critical philosophy and traditio~al'thought, m Second Order, IFE, 1978, p. 81-62. · 3. P.osition que._ semble soutenir Hountondji : L'eff~t Tempels, in Encyclopédie philosophique universelle, J . .J : l'Univers·philosophique, Paris, PUF, 1989, p. 1472 .. 4. Senghor est de cet. avis. ' ' ' 5. C'est la position des marxisants comme A. A. Dieng; Le marxisme et l'Afrique noire, Paris,. Nubia, 1985. ' 6. C'est le sens de la philosophie de l'authenticité de l'être-au-monde développée par Eboussi (Cameroun),'La crise du· Muntu, Paris Présence africaine, 1977. ' ' 7. Voir Mudimbe, The invention of Africa, Bloomington, Indiana 1. Nous utilisons pour cette catégorie les notes prises au cours de U. Press, 1988. Louis Marin à l'EHESS. L'usage est ici personnel. . 6 7 ~· Chapitre I HISTORIQUE ET CONTROVERSES I. - Des ruses du colonialisme à l'affümation de Tempels ... Notice bibliographique du R. P. Tempels. Nom : Tempels. Prénom: Placide. Nationalité: Belge (probablement fils et petit fils de Belge et sûrement belge lui-même). Profession : Mission naire (prêtre des Colonies). Lieu de travail : Congo ... Zaïre. Ouvrage principal : La philosophie bantoue(« un livre que tout le monde devrait avoir dans sa bibliothèque », Senghor). Genèse du Livre : ... Difficultés de l'Union minière ... 1• Par cette identité, Tempels rentre dans la catégorie de ceux qui se sont souciés de l'étude des systèmes de pensées trop florissants à une époque où il était ques tion de savoir (aux fins d'un pouvoir?) ce qu'est l'âme nègre. La réhabilitation fut souvent sincère mais par fois douteuse. Les ruses du colonialisme couvaient une ethnologie raciste qui méprisait le Nègre. Une bonne littérature militant pour une philosophie nègre a vu le jour, Hountondji2 K.inyongo3 et J. A. Smet4 donnent , des listes de ces travaux. Bien sûr, les Africains n'ont pas attendu Tempels pour philosopher, mais dans la 1. S. Adotevi, Négritude et négrologues, Paris, UGE, « 10/18 », 1972, p. 53. 2. P. Hountondji, Sur la philosophie africaine, Paris, Maspero, 1976. 3. Kinyongo, La philosophie africaine et son histoire, in Etudes philo sophiques, n• 4, 1982. 4. A.-J. Smet, Bibliographie sélective de la philosophie africaine, in Mélanges de philosophie africaine, Kinshasa, 1978, p. 181-261. 9 ...\' siècle, son œuvre, à la fois provoca:-- sont dotés. L'être chez les Bantous est FORCE VITALE. 11 1111hl u , a produit des polémiques et des créa Celle-ci n'est pas un. acci9e~t, c'est ressèn~e même. i 1111 lh odqu s inestimées. Mais que dit ce bon C'est urie ontologie ,dynai;iiigue où l~s forces, sont .en. I' I' 111p h1 'l interaction. Cette dernière n'est pas,juxtaposition mais 1, llvr s subdivise en sept chapitres prouvant l'ef- hiérarchisation~ Au-dessus, il y a Dieu, ensuite les 1 ·tlvil d une philosophie bantoue (chap. 1) qui passe ancêtres fondateurs de clans, les défunts de la tribu, les 1 1r I' ntologie (chap. Il), la critériologie (chap. III), la hommes, les animaux, les plantes. « Le blanc phéno psychologie (chap. IV) et l'éthique (chap. V) pour trai mène .nouveau .... dans le monde bantou ... (est) un aîné, ter du concept de vie (chap. VI) et finir par les rap une ,force humaine supérieure dépassant la force vitale ports entre (( mission' civilisatrice et la ·philosophie de tout noir. »1 · • bantoue (chap. VII). Au chapitre III; huit sections traitent de la critério Le chapitre premier, divisé en six sections, pose la logie. Tout Bantou est un philosophe qui discrimine question suivante : « Peut-on pailer de philosophie selon trois critères : la similitude/concordance, la sym bantoue? ». Tempels1 fait un aveu politique : « En pathie et l'~mitation. . · , . haut lieu on n.e sait plus à quel saint se ".ouer pour diri Li:i psychologie, examinée au cha:pitre IV, f~it en deux ger les Bantous. » La question de l'existence de la phi temps la théorie de la personne.« Mtmtu ».Pour Tem losophie est secondaire, le problème fondamental est pels,' « force vitale, accroissement de forces, influence celui de« conduire les nègres». Le livre s'adresse donc vitale, sont les trois grandes notions que nous retrou d'abord à ... « tous les coloniaux ... tout particulière vons nécessairement à la.b ase c;ie la psycholqgie ban ment aux missionnaiiès » qui n'ont rien fait pour p~né­ toue »2• Cependant. ce qui. définit c;ette force qu'est trer «l'âme des nègres »2• Il faut donc étudier l'ontolo l'homme c'est' le ,nom et l'apparence sensible de gie qui semble fondamentale dans l'univers bantou. Ici l'homme. S'ensuit au chapitre V une éthique bantoue. sont liées, ontologie, politique, apologétique·e t péda En deux mouvem«nts, il est expliqué qu'ontologie (hié gogie. Le livre s'adresse ensuite aux Nègres; incapa rarchie, soumission à la force vitale supérieure), éthique bles de'classifier leur propre ontologie, c'esfà lui, Tem et juridique sont liés.« L'ordre social ne peut être fondé pels, que, revient le devoir de « conduire le~ Nègres que sur l'ordre ontologique. »3 Au ehapitre VI, soucieux vers une véritable civilisation bantoue »3 de restauration et d'équilibre, Tempels va, en trois arti • : Le· cha:pfrre II, articulé en quatre sections, définit culations, examiner la restauration de la forée vitale et, 1 l'ontologie bantoue. Pour mieux la saisir, il faut re enfin, le dernier chapitre (VII) affirmera le choc entre la · considérer la notion de vie très importante chez les philosophie bantoue et la mission civilisatrice. Tempels Nègres. La vie est elle-même force 'd'affirmation et se tourne ici èontre l'arrogance de la «mission civilisa d'accroissement de la 'puissance4 Dieu lui-même se trice »4 Mais plus pédagogue, il revient à une mission . • décline comme une « Puissance » et tous les êtres en civilisatrice plus« acceptable» pour les ~ègres : il faut, . •!. P. Tempels, op. cit., p. 17. 1. Ibid., p. 45 . 2. Ibid., p. 19. 2. Ibid., p. 66. 3. Ibid., p. 17. ':.3_ Ibid., p. 82. Tempels est-il platonicien? 4. Tempels est~il spinoziste? 4. Ibid., p. 110. · 10 11 ....:· 11111 1 l 01ul11lr 1 ur pari r de nos choses dans leur économiques et culturelles de la colonisation, il était 111 11 11 1 ·111p 1 1jlpli Ill • là une grande ruse coloniale! donc question de revaloriser l'Afrique. D'où l'insistance 1 1 il 1111 1 't sur ses productions culturelles. Les protagonistes 1 111p 1 'lnt r •ssu aux Bantous bien avant l~ publi- (A. Césaire, L. G. Damas, L. S. Senghor) firent un 1111111 d 1 /l/iilosophie bantoue' et dans un. article sur retour aux sources. Tempels, en revalorisant la culture l 1 ph Io or>lii de la rébellion, Temp~ls exp~ique que la bantoue« continuait» cette œuvre1 Tempels fut relayé • 1 h llh>n du noir et son aspect schizophremque sont par les Européens et Africains qui présentaient aux yeux d H tlll fait qu'on a vu dans le ~oir un simple pr~duc­ du monde la sagesse et la philosophie africaines. t ur et «il n'y a plus d'autres hens pour lm (le Negre) Alioune Diop (Sénégalais) trouve le travail de Tempels q« ul'eâ mlee pdaesie pmreimnti ti~f>s2• »I3l pofaulrla liets m~'cai?teorr da us t'roacvcauilp,e dr, odu~ important2, et Senghor célèbre le génie de la force vitale3• D'autres Africains suivirent Tempels : l'abbé Kagame l'insistance sur l'ontologie comme prolégomène et pro (Rwanda) qui étendit la méthode de Tempels en présen pédeutique à toute évaluation politique fu~ure4• ~vant tant la philosophie bantoue à partir des langues ban d'exposer la fécondité du débat consécutif, préciso~s toues4, le Kenyan Mbiti partira des religions pour affir que Tempels a été l'occ~s~on et non la caus~ des dis mer la philosophie5 l'évêque burundais Makarakiza6 cussions qui s'en sont smvies. La cause ~u p~osopher les prêtres zaïrois V. , Mulago7 F.M. Lufuluabo8 le I?as , en Afrique est l'interrogation sur la situat10n hist~~ , , teur camerounais Bahoken9 et son compatnote rique du nègre. Si nous commençons par Tempels, ~l B. J. Fouda10 suivront à des divers titres la méthodolo faut relativiser son importance, car au moment <;m Tempels écrit sa philosophie bantoue en 1945, les dis gie de Tempels. L'arrière-fond de ces pu~lications est constitué des travaux des ethnologues occidentaux sur cussions sur la négritude initiées par les Nègres eux l' Afrique11 mêmes avaient déjà lieu depuis les années 1935. • !. Le débat sur l'ethnophilosophie a eu plusieurs publications on II. - L'ethnopbilosophie indiquera juste les grandes lignes. . 2. A. Diop, Niam Mpaya, préface à La philosophie bantoue, Pans, dans le sillage de la négritude : Présence africaine, 1949. partisans et critiques 3. L. S. Senghor, De la négritude, in Liberté, 1, Paris, Seuil, 1964, p. 257-268. . . ,. 4. A. Kagame, La philosoplne bantu-rwandaise de l etr~, Bruxelles, La publication de Tempels ~:'ai~ t~ouvé le mo~ve­ Académie royale, 1956; La philosophie bantu comparée, Pans, Présence ment de la négritude. Cette dermere etai~ une rev~~dica­ africaine, 1976. tion nationaliste contre les justificat10ps politiques, 5. J. S. Mbiti, Religions et philosophie africaine, Yaoundé, Clé, 197~. 6. Makarakiza, La dialectique des Barundi, Bruxelles, Académie royale, 1959. ' . 7. V. Mulago, Un visage africain du christianisme, Pans, Présence 1. En 1935, Tempels signe Hoe de Baluba Shankadi.zich.de we~eld voorstellen, in Kongo-Oversee, n• 2, 1935-1936. En 1944, il ~nt la P~lo­ africaine, 1965. . sophie de la rébellion in L'Essor du Congo, aoftt 1944. Ces mformatlons 8. F. M. Lufuluabo, Vers une théodicée bantoue, Tournai, Caster- sont données par A.-J. Smet, op. cit. . . . man, 1962 . 2. Tempels, Philosophie de la rébellion, in A. Smet, Philosophie afri- 9. J. C. Bahoken, Clairières métaphysiques africaines, Paris, Pré caine, 1, Unaza, 1975, p. 85. . . sence africaine, 1967. 3. Tempels, Le concept fondamental de l'ontologie bantoue, ui Smet 10. B. J. Fouda, La philosophie négro-africaine de l'existence, thèse, (1978) p. 153-180. Lille, 1967. . . , . 4. Ibid. li. G. Dieterlen, Les âmes des Dogons, Pans, Institut d Ethnologie, 1941. 12 13 ..,:· l 1111h n• d marches ont été qualifiées d'ethno-philo méthodologique est bien sûr chez Eboussi, Towa, '"l'hl1• C \ 11 • ·j prend l'intégralité de la culture (mythes, Hountondji, Elungu, mais elle vient d'abord 11111 i , ·o mo onies, prove,rbes, sagesses) comme de,l a de, F. Crahay qui préconise un « décollage concep pllil11 ophi . JI y a dilatation indue du concept de philo- tuel » à l'ethnoph:ilosophie1• 11/1hi qu'il faut redéfinir. Sur le plan politique on pos L'ethnophilosophie a répliqué et, c'est Hebga (Came l 11 • lllS coup férir, une philosophie anonyme et collec roun) qui estime que toute philosophie étant fille de son t lv , •n plus, l'insistance sur la spécificité (une ontologie «. ethnos » est inévitablement ethnophilosophique2• vilnlistc)', frise \e décrochage vis-à-vis du présent pour Pathé Diagne (Sénégal).pense que tous les critiques de N • réfugier dans un passé illusoire. . ' · l'ethnophilosophie sont des « europhilosophes >Y3, tan Les critiques peuvent se classer en trois rubriques : dis que les Ivoiriens K. Niamkey et A. Touré accusent · 1 évaluation historico-empirique, l'examen idéologique Towa· et Hountondji d'élitisme4• Ce à quoi le dernier et l'analyse méthodologique2 : œ) Tempels 'échoue, car répond en les qualifiant de« populistes »5• Le débat sur il étend e« qui n'était valable que chez lès' B'aluba sur l'ethnophilosophie est donc passionné en Afrique mais tous les Noirs africains3 b) La critiquy.i déologique; 1e deux éclairages féconds sur ce thème se trouvent chez un ; P. Tempels veut duper les Bantous eh les gratifiant philosophe français, Jacques Moutaux6 et autrichien d'une philosophie qui sert de pierre d'attente au pas C. Neugebauer7• L'ethnophilosophie garde toute son séisme, à la passivité et à la conversion4 La critique importance ..E lle signale aux philosophes afric'ains de se • mêler des autres sciences htimaines sans les ignorer ou . '· discréditer8.' Une telle interdisciplinarité fera prendre ~m.·s 11: qEueb olua srshl e_tcorintq~quuee pl'oihd~ti1;qituief idcaet .i. Tohe idnep el'lJs?;t rLe ee tB laan ftooruc'e p rcohbelzé mTeamtiqpueels, . consciénce des limite~ du discours philosophique. ' 1 ,. m Présence africaine, n' 66, 1968 et La. crise du Muntu, Paris, Présence africaine, 1977; Maurier, in Philosophie de /'Afrique noire, Anthropos Saint-Augustin, 1985, privilégie le concept de relation en critiquant !~ PL --'-- Consciencisme et panafricanisme force vitale de Tempels. · 2. C. Neugebauer, Ethnophilosophy in the philosophical discourse in .Fondé sur l'idée d'une unité africaine et d'une démo Africa Quest, vol. IV, 1990. ' · .· , 3. Critique de Kagame (1976). , , , cratie forte v~sant à combattr~ l'impérialisme, le pana- 4. Cette .critique politique . est partagée par "plusieurs personnes. A. Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence africainet 1970, .P· 33- 34, 37-39, Ebouss1 (op. cit. et Joc. cit.). M. Towa; Essai sur la probléma !. F. Crahay, 1.,e décollage conceptuel : conditi~'ns d'une philosophie tique philosophique dails' l'Afrique actuelle, Yaoundé, Clé 1971 · Conflits bantoue, Paris, «Diogène»; n' 52, 1965. entre traditionalismes : recherche d'une solution, in Rech;rche, pédagogie 2. M. P. Hebga, Eloge de« l'ethnophilosophie »,Présence africaine, et culture, n' 56, vol. XI, 1982; O. P'Bitek (Kenyan), Tempel's Bantu n' 123, 1982. Phtlosophy, Transition, n' 13, 1963; O. Oruka (Kenyan), Africanphiloso 3. P. Diagne, L'europhilosophie. .. , Dakar, Sankoré, 1981. phY_. Nairob~, non encore publié; Elungu (Zaïre), L'éveil philosophique 4. N. Koffi, A. Touré, Controverses. sur l'existence d'une•philosophie africain, Pans,, L'Harmattan, 1984; G. Ngal (Zaïre), Lire le discours, africaine, in Claude Sumner (ed.), African philosophy, Addis-Ababa, Uni Paris, Présence africaine, 1994; Okolo Okonda (Zaïre), Pour une philoso versity, 1980. phie de la culture et du développement, PUZ, 1986; Alassane Ndaw (Séné ... 5. ·P. Hountondji, Occidentalisme, élitisme, réponse à deux critiques, galais à. la position floue), La. pensée africaine, Dakar, NEA, 1983; Recherche, pédagogie et culture, n''56, 1982. A. A. D1eng (Sénégal), cf. toµs ses livres cités plus bas; Y. M. Guissé, 6. J. Moutaux, Philosophie, ethnologie, ethnophilosophie : critiques Philosophie, culture et devenir social en Afrique noire, Dakar, NEA, 1979. et questions de la philosophie africaine, Paris, Cahiers philosophiques, Le c~itique le plus assidu de l'ethnophilpsophie est le Béninois P. Houn 1986.·1 ' • tondJt, Sur la philosophie africaine, Paris, Maspero, 1977; L'effet Tempels, 7. C. Neugebauer, /oc. cit. ' . . .. · · , m L'univers philosophique, Encyclopédie philosophique universelle, Paris, 8. Voir C. Rivière, Les destins associés de la philosophie et des PUF, 1989. ' ' sciences sociales en Afrique, Etudes philosophiques, n' 4, 1982. 14 15 fricanisme1 restaure la dignité et la souveraineté du vise un -vouloir-vivre revalorisant qui est autogestion, ·ontinent et de la diaspora noirs. L'unité culturelle, reconquête culturelle, maîtrise matérielle. et action éc nomique, politique et linguistique2 est la garante de politique. La conquête du pouvoir politique est la cette libération. condition de l'unité et de la conservat~on du pouvoir. Dès lors, ce mouvement aura un rapport au temps Le panafricanisme a été diversement évalué, on a pu se résumant à la restauration du passé et à l'émergence d'abord noter le caractère « anhistorique » de ses pré d'un présent libre par l'unité. C'est ainsi que son tentions. Car il suppose une histoire africaine vierge, aspect révolutionnaire se heurte ·à un conservatisme blanche, harmonieuse ab initio1• Ensuite, on pointe ses idéalisant le passé africain3• Idéologie structurée4 et alliances avec le mysticisme et le racisme. P9ur le Gha ~rincipe _d'ac!ion, il d~b~mche sur une philosophie pra néen Appiah2, le panafricanisme est trop lié à la vision tique qm drame une v1s10n du monde, une redéfinition du monde de CrummeP fondée sur la communauté du Sujet de l'histoire, et du rôle et des attentes du raciale. Appiah souligne le danger, après le nazisme, de monde noir5• Le vouloir-vivre et la volonté-de-puis baser la solidarité sociale sur la notion de race4• Néan sance, st.ructurent l'éthique du panafricanisme6. Car il moi~s, le Nigérian Okolo estime que le panafricanisme garde toute son actualité, car, ses idéaux de former une volonté politique. africaine pour-soi restent des 1 . Sur le panafricanisme plusieurs études ont été faites, signalons : urgences face à l'impuissance5 et la pauvreté ambiantes P. Decraene, Le panafricanisme, PUF, 1959; C. Legum, Le panafricanisme à l'épreuve de /'indépendance, Paris, Ed. Saint-Paul, 1965; L: V. Thomas, de l'Afrique. Pour nous, s'il faµt bien déplorer le rôle Le socialisme et l'Afrique noire, t. 2 : Le livre africain, Paris, 1966; du « Noir moteur de l'histoire » que traînent certains G. Padmore, Pan-africanism or communism, Anchor Books, NY, 1972; Nkrumah, Africa must unite, Londres, Heineman, 1963; Consciencism, courants du panafricanisme, il urge .de reconsidérer Londres, Heinemann, 1964; Neo-co/onialism ... , Londres, Nelson, 1965; l'idéal panafricaniste de solidarité sociale qui manque Okolo Chukwudum, African social and politica/ philosophy, Nsukka, Fal aujourd'hui en Afrique. Le problème n'est plus com ladu, 1993; C. Anta Diop, Les fondements culturels, techniques et indus triels d'un futur état fédéral d'Afrique, Présence africaine, Paris, 1960; ment unir l'Afrique, mais comment institu~r de nou M. Mbonimpa, op. cit. L'un des fondateurs de ce mouvement est de Tri velles solidarités dans une Afrique dissensuelle? Com nidad. Noir de _la diaspora, Trinidad réunit en 1900 à Londres le premier ment maintenir l'exigence de liberté et de paix dans congrès panafncam qm sera après très politisé par le.Jamaïcain Garvey. Et c'est le Noir américain Dubois qui, se dissociant du garvéisme dont il une société multivoque? Le panafricanis:qie serait non critique l'aspect colonialiste (back to Arica) et raciste (Ap'piah trouve plus l'unification, mais à ,court terme, la volonté pour tout de même que Dubois est raciste, ln my father's house, Oxford Univ. Press, 1962, p. 45), il faudrait lire ~admore qui pensé le contraire in les Nègres de s'asseoir, de se regarder, de s'apprécier et Panafricanisme ou communisme, Paris, Présence africaine, 1960), sera l'un de s'écouter. Ce sont les espoirs déçus du panafrica- des peres du mouvement. · 2. C. A. Diop pose les modalités de cette unité linguistique et sa nécessité dans Les fondements ... p. 19-27. · 3. Cf. Elungu, op. cit., p. 73. Elungu souligne bien le lien entre le 1. C'est la critique de Legum in Panafricanism, a short politica/ guide, panafricanisme et le socialisme africain de Senghor. Londres, Pail-Mali. Press, 1962, p. 131. 4. Une certaine lecture occidentale du panafricanisme lui refuse ce 2. A. Appiah op. cit., p. 16-17. ,. statut d'idéologie. Cf. L. V. Thomas, Les idéologies négro-africaines. .. , 3. Ce fut un ancien esclave devenu paste.ur et rentré au Libéria et dont p. 47; Legum, op. cit. (1965), p. 17. . les thèses assez adventistes furent racistes selon Appiah. , 5 .. Cette philos~p?ïe dévelo~pe u~e axiologie basée sur les catégories 4. Appiah, op. cit., p. 5 . d esix:rance (~n l~ hbérat101_1), d exli (Ils sont hors de leur Afrique natale), 5. Il faut souligner qu'Appiah le Ghanéen enseigne à Harvard et de reJet (de 1 occident dornmateur) et du projet (de l'unité africaine). Ce Okolo à Nsukka au Nigéria, leurs situations orientent certainement l'ap fut une eutop1e ! préciation du panafricanisme! B. Okolo C., African social and politica/ 6. Okolo Chuckwudum, op. cit., p. 151 et s. phi/osophy, Nsukka, 1993. · 16 17 .,:·

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