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La maturation sociale. Thème de recherche psycho-sociologique appliqué à l'étude de la jeunesse PDF

24 Pages·2010·1.98 MB·French
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Jacques Jenny La maturation sociale. Thème de recherche psycho- sociologique appliqué à l'étude de la jeunesse (approche bibliographique) In: Revue française de sociologie. 1962, 3-2. pp. 131-152. Citer ce document / Cite this document : Jenny Jacques. La maturation sociale. Thème de recherche psycho-sociologique appliqué à l'étude de la jeunesse (approche bibliographique). In: Revue française de sociologie. 1962, 3-2. pp. 131-152. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1962_num_3_2_6065 Abstract Jacques Jenny : A study of social maturation. The author suggests a conceptual framework for the progress of those aspects of research in the humanistic sciences which deal with the various stages in the maturation process of the individual, particularly between the pre-pubescent age and maturity. He stresses the psychosociological and sociological aspects of their development and gives a critical sketch of the concept of social maturation, with a summary of his comparative research. Resumen Jacques Jenny : La maduración social. Esquema bibliográfico. El autor propone un marco conceptual general en el que puedan integrarse y combinarse entre ellos los trabajos de ciencias humanas referentes a los diversos aspectos del proceso de maduración de la persona durante las diferentes etapas de su desarrollo, y de manera más particular, entre la infancia prepubertaria y la llamada edad adulta. Insiste en los puntos de vista específicamente psicosociológico y sociológico de este proceso al bosquejar una critica del concepto de maduración social. Después, el autor resume su proyecto de investigaciones comparativas y longitudinales relativo a algunos temas y situaciones significativos. Zusammenfassung Jacques Jenny : Der soziale Reifeprozess. Bibliographischer Versuch. Der Verfasser schlagt einen allgemeinen Begriffsrahmen vor, der die Einbeziehung und das Kombinieren der die verschiedenen Aspekte des Reifeprozesses der Person bei den verschiedenen Etappen ihrer Entwicklung behandelnden Arbeiten der Wissenschaften vom Menschen ermöglicht, besonders von der Vorpubertät bis zum sogenannten Erwachsenenalter. Die spezifisch psychologischen und soziologischen Gesichtspunkte dieses Prozesses werden vom Verfasser betont, der eine Kritik des Begriffes des sozialen Reifeprozesses umreisst. Der Verfasser entwickelt dann kurz seinen Forschungsplan, der auf besonders bedeutungsvolle Themen und Situationen gerichtet ist. резюме Жак Женни : Социальное созреванье. Библиографический подход. Автор предлагает общую познавательную рамку, в которую смогут включиться и согласоваться между собою работы гуманитарных наук, относящиеся к разным формам процесса «созреванья» личности в различных этапах ее развития, в частности между детством — до периода половой зрелости и возрастом, так сказать, возмужалости. Автор настаивает на точке зрения специфически психологической и социологической этого процесса, намечая критику концепта «социального созреванья». Затем автор излагает вкратце свой проект сравнительных изысканий, относящийся к некоторым темам и показательным положеньям. R. franc. Sociol., 1962, III, 131-152. La maturation sociale Thème de recherche psycho-sociologique appliqué à t 'étude de la jeunesse (approche bibliographique) (**) par Jacques Jenny Si la littérature consacrée à la jeunesse déconcerte par sa dispersion et son manque de cohésion, cela ne nous paraît pas imputable à quelque raison extrinsèque fortuite, mais à la complexité du problème, faite d'une interd épendance de facteurs très divers. H. Wallon dit, à propos de l'étude de l'ado lescence (le terme étant pris dans son sens étymologique le plus large) : « Mieux que toute autre, elle permettra peut-être un jour de séparer à la manière d'un prisme les composantes physiologiques et sociales de la per sonne, d'en reconnaître les influences réciproques et les structures com binées » [1]. Il est dans la logique du développement des sciences de l'homme de n'aborder cette étude de façon globale et systématique qu'à un stade avancé des connaissances générales sur l'individu, enfant ou adulte, d'une part, et sur la société, d'autre part. Les recherches consacrées à la jeunesse sont actuellement encore cloisonnées entre des perspectives génétiques et des spé cialisations par thèmes (types de comportements ou d'activités ou de groupes sociaux, le « normal » et le « pathologique »...), auxquelles s'ajoutent les spécialisations par disciplines (pour ne pas dire « écoles »). Des raisons apparemment contingentes ont stimulé les recherches sur la « prime adolescence» ou « adolescence pubertaire », leur permettant d'acquérir peu à peu leur autonomie et laissant entrevoir une certaine convergence des (*) Nous proposons ici un canevas d'analyse et de classement des faits et idées qui sont en connexion avec le concept de maturation sociale et constituent le champ de notre prospection bibliographique. C'est pour pouvoir situer notre projet d'enquête systématique — dont le thème recouvre nécessairement un champ beaucoup plus limité — dans un univers conceptuel cohérent que nous avons établi ce canevas général. (**) Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes en bas de page, les cro chets carrés à la bibliographie en fin d'article. Revue française de sociologie résultats : elles puisent en effet l'essentiel de leurs matériaux d'enquête dans des institutions relativement récentes, comme l'instruction et l'éducation de masse, l'orientation scolaire et professionnelle, la prévention et le traitement de l'inadaptation sociale des mineurs pénaux. Elles reçoivent, en échange des connaissances qu'elles apportent dans ces domaines, une « reconnaissance d'utilité publique » et une impulsion nouvelle. Nous pensons qu'il en sera bientôt de même pour les recherches sur la période suivante dite de « l'adolescence juvénile » ou du « jeune adulte », encore très peu étudiée (i). Divers facteurs vont hâter le développement de ces recherches : la. prolongation de la scolarité ou, plus généralement l'allo ngement de la période de transmission des rôles sociaux; la tendance à ins taurer un statut juridique particulier entre la majorité pénale d'une part et la majorité civique ou la maturité physiologique d'autre part; l'introduction de méthodes scientifiques de sélection et d'entraînement dans l'institution militaire; enfin la tendance à rationaliser et à planifier les essais empiriques d'action socio-éducative et socio-culturelle pour «jeunes », sous forme d'ins titutions locales extra-scolaires (« Maisons de jeunes » publiques et laïques, de quartier ou de village). Cette liaison entre le développement des institutions et des structures sociales d'une part, et le développement ou la spécialisation des sciences humaines, d'autre part, nous oblige à prendre un certain recul (2) : il faut dans une certaine mesure se dégager du mythe et des préoccupations pragmat iquesq ui contribuent à la naissance d'une « science de la jeunesse » comme branche particulière des sciences de l'homme, et à sa fusion avec la « science de l'adolescence », dont elle est le prolongement indispensable. Le concept de maturation que nous proposons de mettre au centre de notre étude ne procède pas d'un choix arbitraire ou a priori. Il s'est imposé comme axe principal d'une « science de l'adolescence et de la jeunesse », aussi bien à la lecture des principaux ouvrages et articles de langues française et anglaise traitant de la question juvénile que lors de nos premières enquêtes d'exploration. Les aspects biopsychologiques et psycho-sociaux ont déjà fait l'objet de nombreux ouvrages, traités (3) et relevés bibliographiques [cf. 8]. Si l'on considère l'aspect sociologique du problème, plus rarement étudié, il faut mentionner les articles de synthèse de G. Lapassade [9] et de N. de Maupeou- Leplatre [10], ainsi qu'un ouvrage général de S.N. Eisenstadt [11] accom pagné d'une abondante bibliographie. Citons également certains recueils d'articles parus dans des revues ou collections qui, s'ils ne représentent pas encore des recherches collectives coordonnées, nous offrent des points de vue différents et complémentaires sur des problèmes communs (A, B, C, D, E, F, G, H). nnoi uds( 1an)cso Snalvenises n ndeunraotnrnecsre sd d'aarpneplsae tllieevrse sqg uraeours esoslle exsme ,od deà o dlaé«f aidgnéoitoligeorsnac pedhneisce ,e m» ào tllas' heipstét rodiieor dede éol1iu3m -1iatu8a timaonnisl iedeuet s s«oâcgjieeasl,,u nesse » la période 18-25 ans. De même que le terme de paidologie recouvre les études de toutes les disciplines consacrées à l'enfance prépubertaire, de même le terme d'hébé- logie, proposé par M. Debesse, ou à'éphébologie, pourrait désigner les études de toutes les disciplines consacrées à cette longue période qui s'étend de la puberté à la maturité physiologique (soit de 13 à 25 ans environ). Les bornes de cette période sont certes fluctuantes, imprécises et variables, mais moins relatives et moins subjectives que toute autre. (2) Voir à ce sujet l'article de R. Girod [2]. (3) Nous en signalons quelques-uns parmi ceux qui tiennent largement compte des facteurs sociaux et culturels dans l'étude du processus de maturation [3 à 7]. I32 La maturation sociale Une première série d'enquêtes d'exploration, entreprise sur le terrain dès 1957, nous a permis, conjointement à l'analyse bibliographique dont il est rendu compte ici et à de nombreux contacts avec différents groupes et grou pements de jeunes ou d'adultes intéressés à la question, d'élaborer différentes perspectives de recherche. Etant donné le caractère provisoire des résul tats, ces enquêtes n'ont pas toutes été publiées ou n'ont eu qu'une diffusion restreinte (4). Nous avons exposé ailleurs nos premières hypothèses de travail sur la maturation sociale des jeunes [15], en considérant que de nombreuses études sont indispensables pour départager les connaissances scientifiques acquises, les hypothèses vraisemblables, les hypothèses fragiles et les affirmations erronées. En l'état présent, embryonnaire, de la psycho-sociologie de la jeu nesse, un tel partage serait prématuré; en revanche, la confrontation des opinions et des théories les plus variées, fussent-elles partisanes, représente encore, à ce stade empirique de la recherche un remarquable stimulant. C'est pourquoi il ne nous a pas paru utile d'établir ici un catalogue cri tique des définitions des concepts de maturation-maturité-immaturité, d'ailleurs peu nombreuses [cf. par exemple 16] ou des concepts voisins qui y sont géné ralement associés (croissance, apprentissage, mûrissement, développement, évolution, équilibre, harmonie, épanouissement, structure-structuration, adaptation, intégration, socialisation). D'ailleurs, la plupart des auteurs qui emploient les termes de maturation sociale pour définir un processus, ou de maturité-immaturité pour définir un état, ne les enferment pas dans des formules rigides: ils poursuivent, ou invitent à poursuivre, les recherches théoriques et empiriques nécessaires à l'élaboration d'une définition [cf. 17] ou, chez certains, préoccupés de quantification, à la construction d'échelles destinées à mesurer le « degré de maturité sociale » (5). Tout en soulignant l'utilité méthodologique et opératoire de ce concept, nous indiquerons cepen dant certains des développements théoriques qu'il implique et essaierons de nous approcher d'une définition provisoire en vue d'une application sans équi voque à la recherche empirique. (4) Les principaux thèmes de ces études préliminaires sont les suivants : — La description morphologique et la représentation par les parents des problèmes de la vie du jeune dans sa famille et dans le logement familial d'une part, hors de sa famille et dans la « cité résidentielle » d'autre part (ch. IX et X d'un ouvrage collectif du Groupe d'Ethnologie sociale, 12); interviews dans 43 ménages (56 jeunes de 14 à 25 ans) de trois groupes d'habitations nouvelles. — Le phénomène des groupes restreints et spontanés de jeunes à base locale, et les problèmes psycho-sociologiques concernant les équipements socio-culturels pour les jeunes dans les nouveaux groupes d'habitation [13] ; confrontation des réponses à deux inter views distinctes auprès de 109 jeunes de 14 à 25 ans et de 31 parents (65 jeunes de 14 à 25 ans) dans les mêmes groupes d'habitations nouvelles. — Les motivations et les aspirations des jeunes travailleurs à l'égard de la formation physique et sportive en rapport avec les autres aspects de la formation sociale et culturelle (non publié) ; interviews auprès de 25 éducateurs spécialisés du Haut Commissariat à la Jeunesse et aux Sports (soit 32 « Centres d'Initiation sportive » ou « Centres d'Activités physiques » dans 20 départements). — Le comportement et les aspirations socio-culturelles des « jeunes-adultes » et des adultes jeunes en milieu ouvrier urbain [14] ; interviews intensives auprès d'un échant illon comparatif stratifié de 25 animateurs et de 215 usagers de 24 centres locaux d'acti vités culturelles (grâce à l'active collaboration du Centre de Culture Ouvrière). (s) II existe bien déjà de telles échelles [18 à 22] sans parler des tests de socia bilité d'inspiration sociométrique appliqués surtout dans le cadre scolaire [22 à 24], mais leur validité est encore contestée. Ainsi s'exprime par exemple un rapporteur anglais au VIe Congrès international de Défense sociale [25] : « We have not as yet got further than beginning to recognise the enormity of the problem ». Revue française de sociologie I. — Le concept général de maturation de la personne. Intérêt théorique et méthodique Son application psycho-sociologique est assez récente et il tend à supplanter, pour plusieurs raisons, les concepts d'adaptation ou d'intégration sociale, voire d'insertion sociale et de socialisation, jugés aujourd'hui insuffisants ou inadéquats (6). i) II met d'emblée l'accent sur l'aspect dynamique de l'être humain. L'ado lescent est un être en mouvement, avec une mémoire du passé et une repré sentation de l'avenir, et son développement s'insère dans un contexte social également fluant et complexe, qu'il contribue d'ailleurs à modifier (7). On ne peut en effet transposer telles quelles, dans nos civilisations à évo lution et à différenciation accélérées, les méthodes ethnologiques qui ont fait leurs preuves dans les sociétés dites traditionnelles, relativement simples, fermées, et à évolution lente, où la jeunesse pouvait constituer une classe d'âge homogène, aux structures et aux fonctions durables d'une génération à l'autre [29]. Même si elle représente une institution ou un groupe large à fonctions spécifiques, étroitement intégré dans l'organisation sociale globale, et non une simple catégorie démographique, la « jeunesse » d'un pays indust rialisé demeure hétérogène et soumise à des changements plus ou moins rapides (8) selon le rythme de l'évolution sociale. Sa cristallisation en tant que classe ďáge n'apparaît pas aussi clairement, ni à un degré semblable, dans les divers milieux socio-culturels [30, 31]. D'une manière générale, les travaux sur l'adolescence et la jeunesse ont un caractère d'autant plus objectif et scientifique qu'ils précisent les périodes évolutives sur lesquelles ils portent et soumettent les individus à des observa tionlso ngitudinales, espacées dans le temps. An contraire on les suspecte de subjectivité s'ils présentent le Jeune comme une entité abstraite, opposée par exemple à YAdulte ou à la Société — sans tenir compte des stades de déve loppement et autres variables élémentaires (le sexe) ni des variables secon daires ou parasites (9). Nous ferons plus loin allusion aux problèmes sou levés par la mesure de l'âge (selon les unités universelles du calendrier astro nomique, ou selon les étapes individualisées de la croissance somatique ou (6) Cf., par exemple, le raccourci d'histoire de la criminologie brossé par G. Heuyer dans sa préface au manuel de G. Moêne [26] et les raccourcis d'histoire des théories psychologiques et sociologiques se rapportant à l'étude de l'enfant [par exemple 27, 28, 37, 42]. (7) J; Stoetzel [17] écrit en substance qu'il reste à savoir si ce que l'on appelle immaturité est un stade inachevé de la formation des jeunes, ou si c'est la préfiguration du style de maturité futur. (8) II ne s'agit pas tant du renouvellment des membres — qui n'affecte pas néces sairement la structure du groupe — que de la restructuration permanente de la jeunesse dans son ensemble, sous l'action de profonds changements quantitatifs (le « renouveau démographique » en France par exemple) et qualitatif (dans le système et le recrutement scolaires par exemple). (9) Remarquer le nombre d'observations et de jugements portés sur les jeunes qui ne font état ni du sexe ni de l'âge, ni du milieu social, alors qu'en fait ils se réfèrent implicitement à ceux-là seuls qui « font problème » (les garçons en « crise d'opposition », par rapport aux filles) ou qui sont plus souvent étudiés pour des raisons de commodité (les scolaires par rapport aux apprentis non scolarisés et aux jeunes travailleurs). La maturation sociale encore de la croissance sociale) et par sa classification en « tranches » dis continues. Du point de vue psycho-sociologique qui nous intéresse, on aboutirait à des généralisations ou à des extrapolations abusives si l'on ne prenait en consi dération la dynamique sociale. Entendons par là non seulement ce qui diffé rencie les individus du point de vue statique selon leur milieu géographique, écologique, socio-économique, socio-culturel (critères dont tient compte, en principe, toute psychologie différentielle), mais encore les courants de mobil ités ociale qui agitent plus ou moins les classes et les groupes, et plus part iculièrement leurs jeunes membres, plus plastiques [15, 31 à 34]. Nous ver rons qu'il n'est pas possible de parler de processus de maturation à propos des institutions et des groupes sociaux eux-mêmes, mais les sociétés contem poraines n'en représentent pas moins des systèmes d'équilibre instable et pré caire. 2) Le fait de considérer les problèmes psycho-sociologiques de l'ado lescence et de la jeunesse sous l'angle de la maturation revêt un autre intérêt, aux implications méthodologiques évidentes: en rappelant que la personnalité forme un tout, dont la complexité et la dynamique ne doivent pas cacher le caractère unitaire et continu, elle incite les chercheurs de chaque discipline à faire appel aux disciplines voisines. Le concept de maturation est, en effet, commun à plusieurs spécialités. И encourage donc les échanges de vues et les recherches coordonnées en équipes interdisciplinaires. Tout en permettant une division du travail, nécessaire, selon les critères des techniques usuelles d'investigation (techniques propres aux différentes sciences médico-physiologiques, psychologiques et sciences sociales particulières), il est un gage de l'unité indispensable au stade de la synthèse. Telles furent les conclusions du VI* Congrès international de Défense sociale, qui s'est tenu récemment à Belgrade (mai 1961). Bien que les juristes et les criminologues y aient occupé une place prépondérante, en fonction de l'intérêt pragmatique de ce rassemblement et du thème proposé à la discus sion( 10), c'est autour du concept de maturation-maturité-immaturité que les échanges entre biologistes, médecins, psychologues, psychiatres, sociologues, travailleurs sociaux, criminologues, juristes et magistrats de vingt-deux pays se révélèrent les plus fructueux. De même le 1" Congrès européen de Pédo psychiatrie (Paris, septembre i960) avait inscrit le thème de la maturation au centre de ses travaux : des médecins, psychiatres et psychanalystes y parti cipaient en majorité, mais conservaient le souci d'une liaison avec les psycho sociologues. Un certain nombre d'écueils risquent cependant de faire échouer d'éven tuelsp rojets de recherches interdisciplinaires et internationales. Il convient de les signaler maintenant. (10) « Dans quelle mesure se justifient des différences dans le statut légal et le trait ement des mineurs, des jeunes adultes et des adultes délinquants ? э En attendant la publi cation des Actes du Congrès, on pourra consulter les rapports particuliers et généraux au siège de la Société internationale de Défense sociale, 28, rue Saint-Guillaume, Paris. Seules les contributions française et italienne ont déjà donné lieu à des publications séparées (D, E). Cf. en outre (F, G). Revue française de sociologie IL — Aspects de la maturation et points de vue de la recherche Les nécessités de l'observation et de l'analyse ont conduit la plupart des chercheurs à limiter leurs champs d'investigation aux frontières mouvantes de leurs disciplines, de leurs pays et de leurs systèmes politiques respectifs. Comme leurs efforts ont manqué jusqu'à présent de coordination, les différents secteurs de recherche ne se trouvent pas tous au même niveau de développe menett l es conditions d'une synthèse fructueuse, telles que la complémentar itou léa com parabilité des travaux, ne sont pas toujours réalisées. Privilégier un secteur ou un aspect du processus de maturation est en soi une attitude stimulante, voire nécessaire à titre d'hypothèse. Chaque progrès dans un domaine particulier peut faire rebondir la recherche dans les domaines voisins. Mais l'ignorance ou le mépris des autres secteurs de recherche peut provoquer des dialogues stériles ou entraver la conclusion d'un accord de synthèse (n). Inversement, un recours exagéré et systémat iqueà l'analogie nous ramènerait au stade d'une philosophie syncrétique des sciences, semblable à l'évolutionnisme de Spencer. C'est pourquoi tout travail interdisciplinaire exige une prise de conscience des emprunts réciproques de concepts et de théories, dans une réflexion épistémologique approfondie [35 et 36]. A) Les deux tendances principales qui s'opposent, sans toutefois s'affronter ouvertement — car elles semblent parfois s'ignorer — se situent surtout aux extrêmes de l'éventail des sciences de l'homme, dans les domaines biologique et sociologique [37]. Aussi pourrait-on les qualifier plus largement de naturalistes et de culturalistes pour évoquer les deux pôles du couple dia lectique nature-culture auxquelles elles se réfèrent. Pour rendre compte du processus complexe qui fait d'un enfant un adulte (chacune ayant d'ailleurs sa définition propre de l'adulte), l'une met l'accent sur les phénomènes de croissance somatique, l'autre sur les phéno mènes de croissance sociale. Bien qu'elles s'expriment rarement de façon aussi caricaturale, on pourrait schématiser ainsi les formulations de ces deux ten dances : 1) D'un côté on parle de développement endogène, spontané, inéluctable, (sauf cas pathologiques que suffiraient à expliquer des facteurs somatiques constitutionnels ou des carences du milieu dit naturel), voire ď « imprégnat ioгn de l'organisme et du système nerveux, principalement sous l'influence endocrinienne déclenchée à la puberté (12). Dans cette perspective, le temps, la durée acquièrent en soi une importance primordiale, au point que l'on parle (11) Une telle collaboration interdisciplinaire peut être qualifiée d'utopique dans l'état actuel de nos connaissances. Il faut néanmoins se persuader de l'évidence suivante : tenir compte des divers aspects du problème de la maturation, ce n'est pas « sortir du sujet », ce sujet fût-il confiné à un thème précis de recherche — c'est prendre conscience qu'on sait peu de choses des points de vue complémentaires au sien, au lieu de croire qu'on en sait assez ou, ce qui est pire, au lieu de se référer implicitement à des connaissances irrationnelles en croyant qu'on en ignore tout. (12) Les variations chronologiques d'apparition moyenne des phénomènes pubertaires selon les époques, les civilisations et les groupes sociaux sont souvent invoquées à l'appui des thèses culturalistes, mais rarement étudiées avec la rigueur méthodologique souhaitable [38]. Il semble que l'amplitude de ces variations ait été exagérée et qu'on doive les attribuer plus à des facteurs d'origine constitutionnelle ou nutritive, voire climatique, qu'à des facteurs exogènes du milieu culturel proprement dit. Quant au I36 La maturation sociale de « causalité chronogène», un peu au sens d'un mécanisme d'horlogerie remonté dès la fusion des gamètes. La fixation des étapes ou périodes évolu tives de maturation et involutives de sénescence ne serait plus qu'affaire d'observation descriptive, médicale et anthropobiométrique, et d'élaboration statistique. L'apport des autres sciences humaines se révélerait alors négli geable, sinon pour expliquer indirectement certains dérèglements ou pertur bations du mécanisme. Malgré leur caractère parfois outrancier, il semble qu'il y ait beaucoup à attendre de telles recherches dans la mesure où elles parviendraient à recons tituer le processus « naturel » dans une normalité théorique et fictive aussi vierge que possible des empreintes de la vie en société. La biotypologie géné tique nous présente un tableau des « pulsations » endogènes de la maturation [39 à 41] sous la forme d'hypothèses générales cohérentes : — Succession de changements d'état, à la fois qualitatifs et quantitatifs, dans un sens invariable et irréversible, et à, un rythme décroissant en fonction quasi logarith mique, jusqu'à épuisement de l'énergie vitale ; le concept evolution-involution s'appliquerait sans réserve au développement ontogénique. — Alternance rythmique, à l'intérieur de chaque cycle évolutif, d'une phase à évolution rapide, où domine un processus d'extension, de type catabolique, plus ou moins anarchique et disproportionné, et d'une phase à évolution lente, où domine un processus d'assimilation, de type anabolique et d'harmonisation ; de nombreux autres couples d'attributs antagonistes et complémentaires peuvent être associés à ces phases, tels que extraversion-intraversion, tension-détente, pulsion-réflexion, activité-sensibilité. — Principe homêo statique de la restructuration dynamique des divers facteurs, — endogènes et exogènes, — de la maturation, dans une tension perpétuelle vers une intégration harmonieuse ; d'où les aspects plus ou moins « épanouis » aux différentes phases du processus, selon que l'équilibre est moins ou plus menacé. De telles théories sont discutables, d'autant qu'aucune expérience de laboratoire ne peut les vérifier à l'état pur, lès observations de l'homme « sous vide social » étant inconcevables (13). Mais, dans leur formulation générale et abstraite, qui vise à dégager l'essence virtuelle du phénomène, elles n'en présentent pas moins une grande utilité pour le sociologue. Elles situent à leur place, secondaire, un certain nombre de faux pro blèmes : par exemple, de savoir si le processus est continu ou discontinu, si l'adolescence est une crise [42], la question de la délimitation précise des seuils d'âge, qui a surtout un intérêt méthodologique ' (détermination des classes d'âge statistiques) ou pragmatique (14). En revanche elles remettent en cause quelques idées bien enracinées, telles que l'unicité du processus de maturation au cours de chaque existence indivi duelle. Supposons que la maturité puisse se reconnaître à des caractères objectifs, intrinsèques, comme l'épanouissement ou l'harmonie structurale (nous en reparlerons plus loin), et non à quelque critère subjectif comme l'acmé de tel caractère physique ou psychique privilégié arbitrairement par rapport à d'autres (la tendance à ramener l'âge adulte à la « pleine possession déclenchement lui-même du processus pubertaire il reste encore inexpliqué. Les glandes sont identifiées, ainsi que les hormones qu'elles sécrètent, mais non le mécanisme de leur mise en action [39]. (13) Sur ce point, se reporter à la note (26). (14) On fait parfois remarquer que les seuils d'âge juridiques (par exemple la majorité pénale à 18 ans) « surprennent г le plus souvent les individus à leur insu ; que l'on prône ou non l'individualisation des règles sociales, le problème consiste à faire coïncider au plus près les normes juridiques avec des modes, des moyennes ou des médianes statistiques (cf. D, E). Revue française de sociologie de ses moyens » ne serait qu'une illusion naïve, car les courbes de dévelop pement des « aptitudes » sont loin d'être synchronisées [cf. no]) ou éthique, comme l'efficacité sociale optimale (par analogie avec le fruit qui est appelé mûr quand il est consommable) ; on pourrait alors aussi bien parler d'une multiplicité de maturations successives, entre chaque poussée de transformation rapide et chaque palier de relative stabilité : par exemple en moyenne de 3-4 ans à 5-6 ans, de 6-9 ans à 9-12 ans, de 13-18 ans à 18-25 ans> de 25-35 ans à 35-50 ans, et de 50-70 ans à la mort [41], avec de légers décalages d'un sexe à l'autre. D'ailleurs on distingue déjà la maturation intra-utérine de la maturation post-natale, et on remarque des ressemblances frappantes entre la « crise d'opposition » de l'enfant de 3 ans et la « crise d'originalité » de l'adolescent pubère, entre la stabilité de l'enfant de 9 à 12 ans, et celle du « jeune adulte » de 18 à 25 ans (périodes pourtant marquées par d'importants changements de statut social). Même si l'on s'en tient à la conception tradi tionnelle de l'unicité, on peut affirmer que le processus de maturation n'est pas uniforme ou « monotone » mais ponctué par des « âges de grâce » ou « états francs » avec équilibration optimale, et par des « âges de transition » ou « états troubles » avec rupture d'équilibre (déstructuration et restructura tiosimnult anées). 2) La tendance contraire insiste sur les provocations exogènes du milieu social, dont les structures, les institutions et les normes, coutumières ou juri diques, auraient le pouvoir de fixer des statuts — à la limite, arbitraires — aux membres de la collectivité différenciés selon le sexe, l'âge ou tout autre critère [43 et 44]. Ces statuts impliquent des ensembles d'interdits, de droits et de devoirs, des gammes de rôles sociaux, imposés ou seulement autorisés, très variables quant à l'étendue du choix et quant au prestige qui leur est accordé [cf. 63]. Leur succession dans le temps serait la définition même du processus de croissance sociale et permettrait une identification de Г « âge social » des individus [45 à 47], voire une identification des « classes d'âge », formelles ou informelles, lorsque d'autres modes de stratification ne s'y opposent pas [29 à 31]. La linguistique pourrait être ici d'un grand secours. La simple enumeration des termes qui désignent les catégories d'âge successives témoigne de la façon dont chaque pays, chaque groupe social, chaque « culture » reconnaît des statuts différenciés entre la naissance et la mort. Si le langage courant ne permet pas d'identifier les seuils d'âge avec précision, au moins indique-t-il clairement qu'il tranche dans le continuum quantitatif des âges par des attributs qualitativement différents. En outre la confusion ou l'ambiguïté des termes, même scientifiques, peut être interprétée le plus souvent comme une indécision du statut social des tranches d'âge correspondantes: ainsi en est-il par exemple des mots servant à désigner en France les personnes des deux sexes entre l'enfance et l'âge adulte. On prête également attention au système des rites, cérémoniels ou non, ou à leurs substituts, qui utilisent les émotions collectives pour marquer le passage des individus d'un statut à un autre, consacrer leur adhésion à des groupes et à des valeurs [29, 112]. Mais les rites auraient une fonction conservatrice [48], consistant à exorciser les menaces de corruption que fait peser sur la collectivité toute modification de sa composition (entrée ou sortie de ses membres et de ses « nouveau-nés sociaux » que sont les ado lescents) ou de sa structure (agrégation ou séparation, d'ordre matrimonial principalement). Une analyse spécifiquement sociologique consisterait à déceler ce qu'il reste de cette fonction conservatrice dans les substituts actuels 138

Description:
humanistic sciences which deal with the various stages in the maturation process of the individual, particularly between the ions des rôles attendus et la personnalité de base. Ils représentent ainsi le point d'application crucial et
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