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La maison de la mere: Contes de l'île de Mayotte PDF

176 Pages·6.816 MB·Afrikaans
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, ~ o " "" 0 .. rA2~ I LA MAISON DE LA MERE contes de l'île de Mayotte @ L'Harmattan, 1993 ISBN: 2-7384-2089-3 Dessin de couverture: M. Joisseaux . ,. " " ", " 0 , 0, , r A .. . ~t A .. ,.. LA MAISON DE LA MERE contes de l'île de Mayotte recueillis, transcrits et traduits par Sophie BLANCHY, Zaharia SOILmI, NoëlJacques GUEUNIER et Madjidhoubi SAID illustrations de Gilles Joisseaux Editions l'Hannattan Man Safara 5-7 rue de l'Ecole Polytechnique 17rue de la Paix 75005 Paris 92000 Nanterre INTRODUCTION Mayotte (Maore) est une des quatre îles de l'archipel des Comores, situé entre Madagascar et le continent africain, dans le canal de Mozambique. De ces deux côtes voisines sont venus, au cours de l'histoire, des groupes de population et des systèmes d'idées et de symboles. De l'Arabie et de la Perse est venue la religion islamique, transmise par des arrivants ayant souvent fait des escales sur la côte africaine. Proche de Madagascar, Mayotte a toujours entretenu des échanges, paisibles ou conflictuels, avec ses voisins. On pense que les premiers établissements malgaches dans le sud de l'île (baie de Bweni) remontent au XVIesiècle. La situation linguistique reflète ce brassage culturel original. Les villages de l'île de Mayotte se répartissent selon la langue qu'ils parlent. Les uns, les plus nombreux, parlent le shimaore, un dialecte du comorien (qui appartient à cette famille de langues du centre et du sud de l'Afrique, que les linguistes du XIxe siècle ont appelé d'un mot qui dans plusieurs d'entre elles veut dire "les hommes" bantu, comparez en shimaore : watu). Les autres parlent un dialecte malgache ou kibushi, apparenté donc à ceux de la grande île voisine de Madagascar (et appartenant comme eux à la famille des langues austronésiennes, ou malayo-polynésiennes, qu s'étendent de l'Océan Indien à l'Océan Paci- fique en pasant par l'Indonésie, l'Indochine et Formose). Les contes réunis dans ce volume illustrent cette diversité linguistique (contes I, II, III en shimaore, contes IV, V, VI en malgache). L'enchevêtrement sur la carte des villages parlant malgache et des villages parlant comorien rappelle une histoire de migrations qui n'est pas si ancienne (jusqu'au XIxe siècle), mais on aurait tort d'y voir deux ethnies, ou deux peuples différents. Les Mahorais expriment dans l'une et l'autre langue la même culture, marquée par la combinaison originale d'un islam confrérique particulièrement tolérant et d'une organisation de parenté qui donne aux femmes un rôle central comme garantes de la stabilité et de la continuité de la famille. Aussi beaucoup de contes, comme ceux qui ont été retenus, parmi une ample moisson, pour ce petit recueil, tournent-ils autour du mariage et du rôle des femmes. Le monde des contes - qui est à la fois le monde mystérieux des temps anciens, le pays des histoires, et un monde tout proche où vous pouvez rencontrer, mêlés aux rois, aux vizirs, aux princesses et aux djinns, les gens de votre village, vos propres enfants et vos amis - ne 5 peut se comprendre et s'apprécier que si on est quelque peu familier des idées mahoraises. Le premier conte, la Maison de la mère, donne son titre au recueil (mais à vrai dire les contes mahorais n'ont pas de titre; on se les remémore le plus souvent grâce à leur chant, s'ils en comportent un; les titres donnés ici ont donc été attribués artificiellement, pour les besoins du passage à l'écrit). Il a pour personnage principal justement cette maison, lieu de toute sécurité matérielle et psychologique: bien qu'à Mayotte chaque personne appartienne aussi bien à la famille de son père qu'à celle de sa mère, c'est le côté de la mère qui seul représente l'enracinement, la sécurité. L'orpheline, spoliée de sa maison maternelle par la malignité d'une voisine, est restaurée finalement dans son héritage intact grâce à l'appui providentiel d'une mère-poisson. Elle a alors, comme toute femme qui se respecte, sa maison à elle, où viendra la rejoindre un mari - le fils d'un roi, évidemment. Dans le conte II, c'est un autre animal marin, l'Aïeule Requin, qui prend pour l'orpheline maltraitée par sa marâtre la place de la mère défunte. L'Aïeule Requin est l'ancêtre mythique d'une lignée malgache qui a à Mayotte sa branche comorienne. Après ce qu'on a dit de l'unité de la culture mahoraise on ne s'étonnera pas que le conte de notre recueil qui se rattache le plus nettement à une tradition malgache soit justement dit par une conteuse de langue comorienne. Le conte III présente encore une orpheline, misérable, galeuse, presque infirme, mais qui prend à bras le corps son destin en lançant un étrange défi à ce roi orgueilleux qui passe dans sa rue sans même jeter les yeux sur elle: qu'il la guérisse (un roi a sans doute quelque pouvoir mystique qui le lui permet) et il pourra l'épouser. A elle alors de lui donner une merveille plus précieuse encore: une progéniture miraculeuse. La jalousie de méchantes mères viendra contrecarrer quelque temps ces projets, mais ces méchantes, la co-épouse jalouse et la matrone criminelle, seront confondues par l'épreuve magique de la Noix d'Arec qui rit et de la Feuille de Bétel qui parle, magie que la conteuse voit en quelque sorte comme le prototype au pays des histoires... du cinéma. "Tourment va se cueillir des fleurs..." (conte IV) semble une histoire très classique d'enfants perdus dans la forêt; mais le monstre, que le frère comorien du Petit Poucet rencontre dans cette forêt, est une curieuse figure, ogresse bien peu ogresque, bonne maîtresse de maison, qui cueille dans les bois des fleurs pour parfumer sa demeure 6 avant de prendre les repas raffinés qu'elle a cuisinés selon les règles de l'art. Le malin garçon profite de ces absences pour lui voler sa nourriture. Des ogresses, Tourment a pourtant la stupidité bien connue: voulant punir sa queue qu'elle accuse de lui voler ses aliments, elle se fait elle-même brûler vive. Il ne reste aux enfants qu'à profiter de ses richesses, en attendant le passage d'un roi qui sera bien sûr séduit par la sœur du garçon malin. Ils n'ont pas toujours le beau rôle dans nos contes, ces maris-rois, naïvement entichés de leur puissance. Dans Le Maître pris en faute (conte V), c'est un roi-théologien qui prêche avec suffisance la loi divine réprouvant l'adultère et la fornication. Une jeune fille pauvre l'entend, se moque de lui: il se croit donc bien sage! Vexé le roi-prédicateur décide de la punir. Il la demande, et l'obtient, en mariage, à seule fin de la tenir recluse sur un îlot où il ne la visite jamais. Elle réussit à s'échapper et à venir incognito séduire celui qui se devait à elle, renouvelant ainsi la ruse biblique de Tamar (au chapitre 38 de la Genèse). Quand elle a accouché, elle peut aisément démontrer, grâce à la bague qu'elle s'est fait donner en paiement de ses nuits, qu'elle n'a fait, elle, que son devoir d'épouse, tandis que lui, qui ne la reconnaissait pas, commettait l'affreux péché d'adultère. Voici comment une femme se révèle plus intelligente que Phomme qui prétendait enseigner la loi divine, lui en remontre en casuistique - et ce avec ses seules armes de femme, en donnant à son mari un enfant légitime. Belle revanche sur la traditionnelle misogynie des hommes, comme dans les versions nord-africaines de ce conte (par exemple Qui l'emporte, la femme ou l'homme? dans le petit livre de Fatima Mernissi, publié au Maroc sous ce titre en 1983; question à laquelle bien sûr il faut répondre, poliment, avec la petite épouse marocaine: - La femme, Monseigneur). La femme cependant, au pays des histoires, ne gagne pas toujours: dans le conte VI l'épouse paresseuse, simulatrice, se voit appliquer par son mari un remède psychologique: il a mis en scène une étrange cérémonie curative où l'incroyable paresse de l'épouse est tournée en chanson, accompagnée à la cithare, et reprise en chœur par toute la population dûment invitée à la fête... et aussi, au milieu des rires, par le petit cercle des auditeurs de notre conteuse. 7 NOTE SUR LES TRANSCRIPTIONS La seule écriture en usage traditionnellement à Mayotte (comme aussi dans les autres îles des Comores) est l'écriture en caractères arabes. Cette écriture est apprise à l'école coranique, que fréquentent pour ainsi dire tous les enfants, garçons et filles, si bien qu'on peut dire que - dans un pays où l'école française n'a touché qu'une frange - minuscule de la population il n'y a pourtant pour ainsi dire pas de vrais analphabètes. Mais cette écriture ne sert pas à produire des livres, surtout pas des livres profanes. Elle est consacrée en premier lieu à des usages religieux: la lecture (en public souvent, parfois il s'agit de grandes cérémonies) du Coran ou des louanges du Prophète, la transmission de textes de cantiques ou poèmes mystiques, etc. Il est vrai que, outre ces textes religieux, qui sont écrits en langue arabe, les caractères arabes servent aussi à noter les langues maternelles, le s11imaore et le malgache; pour cela il a fallu que les utilisateurs adaptent quelque peu les caractères aux besoins de la notation de ces langues, comme cela s'est fait un peu partout dans le monde musulman pour noter les langues autres que l'arabe (on trouvera plus bas quelques détails techniques). Le modèle avait certainement été donné par les adaptations en usage dans la notation du swahili, langue de l'Mrique de l'Est qui a servi, jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par le français à partir de la colonisation, de langue des contacts commerciaux et diplomatiques dans cette région de l'Océan Indien. Les occasions d'employer cette écriture en caractères arabes adaptée aux langues parlées dans le pays sont à vrai dire assez limitées: la plus notable est la correspondance familiale. Nous avons rencontré aussi à Mayotte, comme dans les autres îles des Comores, quelques manuscrits dans lesquels ont été notées des traditions familiales, généalogiques ~t historiques. Il n'y a jamais eu d'imprimés. Le petit livre que nous présentons ici est donc en quelque sorte une expérience: on avait déjà imprimé ici et là quelques textes dans l'une et l'autre des deux langues de Mayotte, mais toujours dans les transcriptions en caractères latins des ethnologues, que les habitants ne lisent pas. Cette fois, pour la première fois, les textes sont présentés dans l'écriture en usage dans le pays. A vrai dire, il s'agit pourtant d'une re-transcription, puisque les textes ont été d'abord transcrits, d'après les enregistrements, en caractères latins par les deux ethnologues étrangers qui signent ce livre. C'est ensuite seulement que les textes ont été récrits dans l'écriture du pays, avec l'espoir que les textes pourront ainsi faire retour aux villages d'où ils viennent. 8 Quelques mots maintenant sur les transcriptions en caractères latins, qui figurent dans le bas de chaque page, face à face avec les traductions françaises. La situation est différente selon qu'il s'agit du parler comorien ou du parler malgache. Le comorien n'a commencé à s'écrire en caractères latins que tout récemment. Des linguistes ont proposé dans les années 1970, avec quelques variantes, une orthographe inspirée de celle en usage pour le swahili, langue voisine à la fois par la géographie. et par ses structures et son lexique. Une variante de cette orthographe a été utilisée un moment par le gouvernement des trois îles indépendantes pour un ambitieux programme d'alphabétisation populaire, bientôt enterré après le coup d'Etat de 1978, avant de réapparaître timidement quelques années plus tard dans des projets plus modestes. A Mayotte, restée sous administration française, cette orthographe n'a jamais eu d'usage officiel. Le malgache, par contre, a adopté une orthographe en caractères latins, fixée dans ses grandes lignes dès le premier tiers du XIxe siècle, quand l'influence des missionnaires (protestants) avait rencontré le désir de modernisation de la cour royale de Tananarive. Cette orthographe, devenue traditionnelle, est aujourd'hui en usage partout à Madagascar, et a été complétée récemment de quelques signes suplémentaires permettant de noter les articulations des différents dialectes. Il est vrai que cette orthographe malgache a pour un emploi à Mayotte un inconvénient assez sérieux: elle n'a jamais été utilisée par les Mahorais de langue malgache eux-mêmes (qui, on l'a dit, écrivent leur langue plutôt en caractères arabes), et elle est assez différente de celle du comorien... Nous avons pourtant cru nécessaire de la conserver, pour que nos textes en malgache de Mayotte restent lisibles aussi pour les malgachisants. Nous donnons ci-dessous quelques indications techniques sur ces différentes transcriptions. 1. Transcriptions en caractères arabes: Les règles sont d'une manière générale les mêmes pour le parler comorien et pour le parler malgache. Mais en fait il n'existe pas de système orthographique reconnu par tous, et les adaptations nécessaires à la notation des langues maternelles peuvent varier assez largement d'un scripteur à l'autre; nous avons donc dû faire des choix, que nous nous sommes efforcés de suivre aussi régulièrement que possible. 9 Le principe de base est que - contrairement à ce qui se passe en général pour un texte en arabe - toutes les voyelles sont toujours notées. Comme le système de l'arabe ne possède que trois voyelles [a], ri] et ru], se pose le problème de la notation de le] et de [0]. Il est souvent résolu par l'emploi des consonnes ya et waw qui servent en arabe à noter des voyelleslongues(i:]et ru:].On écrit ainsi bibi ~ et bebe et de même avunu ~1 et avono :;:'~1. .. .. ~/:..: Parmi les consonnes qui n'ont pas d'équivalent en arabe, les unes sont représentées par des caractères. spéciaux, ainsi";,, pour [p] et .J pour [v]. D'autres sont notées par les signes correspondant à des t articulations arabes voisines, comme pour [g](parfois on le spécialise en le surmontant de trois points au lieu d'un seul). Le est employé à t la fois pour représenter la nasale vélaire [IJ] du malgache et la nasalisation des voyelles, qui se produit surtout en comorien dans certains mots d'origine arabe; comparez: (malgache) anabo ~1, et (comorien) taâbu ~. Pour d'autres articulations on a recours à des suites de deux ou trois lettres, comme le font d'ailleurs les notations en caractères latins: + ?our [mb~,h pour [n~], pour [d:]:.i~ P?ur [ndr],~e.t~;~On écrit ,~~ aInsI pamba ~, bandarl godra .JJ~, Sllil10ndro J.J.La~, etc. .J~' Beaucoup de scripteurs n'ont pas en ces matières de doctriné fixe, et ~ écriraient aussi bien pamba en confondant [mb] et [b], ou godra 10 .. J~ en confondant [dr] et rd],etc. Nous nous sommes efforcés d'adopter la graphie la plus précise. Conformément à une tendance de la prononciation locale de l'arabe, les consonnes emphatiques servent à noter des labialisées [sw], [tw], ['hw]comme dans swafi ~, lWarika J~, etc. ... ... Il reste que ces règles ne lèvent pas toutes les ambguïtés; ainsi les ~ sons [3]et [d3]sont notés par la même lettre [ : djini ~, jana et de même [t]et [tr]par la même lettre le mot ~ peut se lire tata ou ..:.a: tratra. Les consonnes explosives et implosives du comorien, [b] / [6], rd]/ [cf], seront confondues. D'autre part, certaines distinctions de l'arabe n'ayant pas d'équivalents dans les langues maternelles, il arrive que deux signes soient disponibles pour noter le même son, ainsi de et ô C. 10

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