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La longue guerre des nègres marrons de Cuba PDF

485 Pages·2009·4.198 MB·french
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Alain Yacou La longue guerre des nègres marrons de Cuba 1796 1852 ( - ) CERC - KARTHALA Comme dans toute 1 \ .ïque des plantations où le nègre fut l’indi­ gène de substitution, le grand marronnage a été à Cuba le fait de bandes d’esclaves fugitifs qui se retranchaient sur les hauteurs boisées, à l’Est dans la Sierra Maestra, ou bien dans la forêt vierge qui s’étend aux côtes d’Ouest en partie envahies par les mangles, ou encore dans le plat pays du Centre, parsemé de mornes considérables. Le choc entre la société esclavagiste et la société marronne s’expli­ que d’abord par le fait que Cuba ait cherché à substituer l’opulente colo­ nie française de Saint-Domingue, ruinée par la révolution nègre d’Haïti en 1802-1804. Au-delà des représentations de la dissidence majeure que fut le marronnage, distincte des rébellions d’esclaves et des conspi­ rations des libres de couleur, cet ouvrage s’attache aux causes et aux conséquences de cette singulière « insurgence », à savoir la conquête d’une liberté dans les bois, une liberté acquise et non octroyée. Loin d’être un repli sans perspectives et au-delà de l’alternative qu’elle représente sous l’angle politique, économique et culturel, la société marronne a été un foyer de subversion de la société coloniale esclavagiste. Il convenait de se pencher sur la réaction de cette société en termes d’appareil juridique. L’accent a par ailleurs été mis sur les formes de répression mises en œuvre. La guerre des marrons a bien eu lieu à Cuba au cours de la pre­ mière moitié du XIXe siècle, entre 1815 et 1852, sur toute l’étendue de la grande île où sévissait l’économie de plantation, en amont de la pre­ mière guerre de libération nationale (1868-1878) initiée par celui que les Cubains appellent le Père de la Patrie, Carlos Manuel de Céspedes, et dont le credo fut « Cuba libre est incompatible avec Cuba esclava­ giste »... Alain Yacou est hispaniste, professeur émérite de l’Université des Antilles et de la Guyane et fondateur du Centre d’études et de recher­ ches caraïbéennes, Equipe d’accueil de doctorants (CERC, EA 927) sur le Campus de Fouillole en Guadeloupe. % 9 782811 ISBN : 978-2-8111-0231-9 hommes et sociétés KARTHALA sur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé Couverture : Gravure du XIXe siècle (collection privée). © CERC et Éditions Karthala, 2009 ISBN : 978-2-8111-0231-9 Alain Yacou La longue guerre des nègres marrons à Cuba (1796-1851) Éditions Karthala CERC 22-24, bd Arago Université Antilles 75013 Paris Guyane T I; fa*... A la mémoire de José Luciano Franco Julio le Riverend Noël Salomon I Avant-propos Le terme de « contre-plantation » a été inventé avec infiniment de raison par le sociologue Jean Casimir pour désigner le refuge invétéré des nègres marrons1. Sans se substituer en rien au terme convenu de « palenque » en espagnol (ou encore « quilombo » au Brésil), havre de liberté, s’il en fut, il vient offrir un substantif plein de sens à ce que les sociologues et les anthropologues ont appelé la « société marronne » ou encore « l’ethnicité marronne »2. L’autre avantage du terme est de montrer que 1’ « insurgence » nègre - celle des esclaves ruraux, plus particulièrement - a pris deux directions distinctes, voire opposées : la destruction des habitations par le choix des armes ou la construction d’un espace distinct sui generis par le recours à la fuite en bande confinant à une colonisation - officieuse - des terres vierges parallèle à l’occupation - officielle - du foncier née du « système des plantations ». Empressons-nous de remarquer à cet endroit que le phénomène de la fuite des captifs dans les bois, quoique comptable de l’érosion constante du capital en esclaves des habitations sucrières et caféières, plus particulièrement, constitue un élément du discours partagé, « une invitation au dialogue » entre maîtres et esclaves, pour reprendre l’assertion de Martin Lienhard3. 1 Jean Casimir, « Estudio de caso, respuestas a los problemas de la esclavitud y de la colonizaciôn de Haiti » in Africa en América Latina. Mexico, Siglo XXI 1977, p. 398. 2 Barbara Kopytoff, « Le développement de l’identité ethnique chez les marrons de la Jamaïque » in Sydney Mintz Ed., Esclave=facteur de production, Paris, Bordas 1981, p. 119. 3 Martin Lienhard, Le discours des esclaves de l’Afrique à l’Amérique, Paris, L’Harmattan 2001, p.102. 8 LA LONGUE GUERRE DES NEGRES MARRONS „ JBA Force est de constater, partant, qu’à l’altérité radicale qui distingue la démarche du marronnage, s’oppose en son sein, le cas échéant, tout un processus d’ajustement au système des plantations - en somme une tactique toute d’à-propos dans une stratégie de rupture foncière... Bref, comme l’a bien montré Josette Fallope, « le marron devient un élément intégré dans la dynamique sociale »4. Allant encore plus loin dans la prospective des sociétés marronnes et l’intellection de leur projet, nous emprunterons d’abord la voie tracée par Fernando Ortiz pour qui les sociétés de marrons ont été un des lieux de manifestation du phénomène qu’il a appelé «neo- culturaciôn », à savoir la création culturelle nouvelle des nègres dans leur parcours d’adaptation dans le Nouveau-Monde. * * * Loin de nous l’idée de considérer pour autant le grand marronnage - celui des « palenques » - comme un phénomène qui, somme toute, aurait été sans répercussions sur le devenir de la grande île de Cuba, lors même que, pour la période qui nous occupe, sa croissance était liée au développement de l’économie de plantation dans une période que l’historiographie unanime a appelée l’ère des révolutions. Josette Fallope, Esclaves et citoyens, les noirs à la Guadeloupe au XIX° siècle, Pointe-a-Pitre, Société d’histoire de la Guadeloupe 1992, p.215. Introduction générale La révolution française n ’a fait tout au plus que légitimer le grand marronnage qui dure depuis le XVTme siècle dans les Amériques. Alejo Carpentier, Le siècle des Lumières Il convient à notre propos de rappeler pour commencer que, lorsque la nouvelle de la fameuse révolte dite de Boukman qui, dans la nuit du 22 août 1791, marquait le début de l’incendie de la colonie française de Saint-Domingue, parvint à Madrid où se trouvait le fondé de pouvoir de la Municipalité de La Havane, Francisco de Arango y Parreno - l’oracle de la plantocratie cubaine -, ce dernier crut non sans raison que l’heure de la félicité des siens avait sonné. Lecteur averti de la célèbre Histoire Philosophique et Politique des Etablissements et du Commerce des Européens dans les deux Mondes, il n’avait pas été sans remarquer la surprenante prédiction de l’abbé Raynal sur le destin de l’île de Cuba «dont la fertilité incroyable de ses terres neuves la mettrait en état de supplanter toutes les nations qui l’ont devancée dans la culture de la canne à sucre... ». Dès lors, il va tout mettre en œuvre, dans un remarquable plaidoyer pro domo, Le Discours sur l ’agriculture de La Havane et les moyens de l’encourager, (1792) pour proroger à l’infini les franchises de libre commerce des esclaves accordées à l’île de Cuba en 1789 et y développer le système de plantations par un renforcement conséquent du régime esclavagiste1 * *. 1 Francisco de Arango y Parreno, « Discurso sobre la agricultura de La Habana y medios de fomentarla », in Hortensia Pichardo, Documentas para la historia de Cuba, La Habana, Editorial de Ciencias Cubanas 1971, p. 162-197.

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