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La jurisprudence commerciale du Consulat de Mer de Nice, entre droit sarde, droit français et jus PDF

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UNIVERSITÉ DE NICE-SOPHIA ANTIPOLIS Faculté de Droit et des Sciences Politiques, Économiques et de Gestion Ecole doctorale "DESPEG" (ED 513) LA JURISPRUDENCE COMMERCIALE DU CONSULAT DE MER DE NICE ENTRE DROIT SARDE, DROIT FRANÇAIS ET JUS COMMUNE (1814-1844) Thèse pour l'obtention du grade de docteur en Droit présentée et soutenue publiquement le 11 décembre 2013 par Lucie Ménard Directeur de recherche Michel Bottin Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis JURY Monsieur Jean-Pierre Allinne, rapporteur Professeur à l'Université de Pau Monsieur Michel Bottin, directeur de recherche Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis Monsieur Alberto Lupano Professeur à l'Université de Turin Monsieur Marc Ortolani Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis Monsieur Didier Veillon, rapporteur Professeur à l'Université de Poitiers L'Université de Nice-Sophia Antipolis n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions devront être considérées comme propres à leur auteur. 2 REMERCIEMENTS Cette thèse n'aurait pu aboutir sans l'aide et le soutien, sous différentes formes, de personnes auxquelles je souhaite exprimer ma gratitude. Je souhaite d'abord remercier mon directeur de recherches, Monsieur le Professeur Michel Bottin, pour l'idée de recherche, originale et complexe, de la jurisprudence du Consulat de Mer de Nice, pour sa disponibilité, ses conseils à chaque étape de la thèse et ses encouragements. Je tiens également à remercier Monsieur le professeur Marc Ortolani, qui s'est intéressé à mes recherches, m'a fourni de nombreux conseils et m'a fait l'honneur de siéger dans ce jury. Je souhaite également remercier Monsieur le professeur Alline et Monsieur le professeur Didier Veillon, et Monsieur le professeur Alberto Lupano d'avoir accepté de rapporter sur cette thèse. Je remercie aussi l'ensemble des enseignants chercheurs en histoire du droit de la faculté de droit de Nice et particulièrement Monsieur le professeur Olivier Vernier, Monsieur le professeur Jean- François Brégi, et Madame Decourt-Hollender. Je tiens aussi à remercier l'ensemble du personnel des Archives départementales des Alpes- Maritimes, et particulièrement Madame Simonetta Villefranque et Monsieur Alain Bottaro. Je remercie aussi l'ensemble du personnel de la bibliothéque universitaire de la faculté de droit de Nice et plus particulièrement Madame Jeanne-Marie Jandeaux et Madame Evelyne Khiari. Je remercie aussi mes collègues doctorants, Patricia, Delphine et Marie-Ange. Je n'oublie pas mes proches et le soutien au quotidien qu'ils m'ont apporté, mes parents, Marie, Gégé, Ludo, Sophie, Camille S., Agnès, Gilou, Camille D. et Florent. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION CHAPITRE PRELIMINAIRE : LE CONSULAT DE MER DE NICE A LA RESTAURATION. PARTIE 1 : UNE JURISPRUDENCE TERRITORIALE SUR LA PROCEDURE COMMERCIALE. CHAPITRE 1 : LES REGLES DE FORMATION DU PROCES COMMERCIAL. CHAPITRE 2 : LES REGLES DE L'INSTRUCTION DU PROCES COMMERCIAL. CHAPITRE 3 : LES REGLES DU DENOUEMENT DU PROCES COMMERCIAL. PARTIE 2 : UNE JURISPRUDENCE NATIONALE ET COMMUNE SUR LE DROIT COMMERCIAL. CHAPITRE 1 : LE DOMAINE AMBIGÜ DU DROIT COMMERCIAL. CHAPITRE 2 : LE DROIT COMMERCIAL PAR NATURE. CHAPITRE 3 : LE DROIT COMMERCIAL PAR EXTENSION. CONCLUSION 4 ABRÉVIATIONS ADAM : Archives Déparmentales des Alpes-Maritimes A.F.H.J. : Association française pour l'histoire de la justice ASTO : Archivio di Stato di Torino BSBS : Bolletino storico-bibliografico sulbalpino C. : Code de Justinien chap. : Chapitre D. : Digeste éd. : édition L. : Livre L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de jurisprudence op. cit. : opere citato p. : page P.R.I.D.A.E.S. : Programme de recherche sur les institutions et le droit des anciens Etats de Savoie P.U.F. : Presses Universitaires de France RSDI : Rivista di storia del diritto italiano. V° : Verbo vol. : Volume t. : Tome 5 INTRODUCTION « Le leggi di commercio sono pressochè le medesime in tutte le nazioni commercianti, attesa la reciprocità degl'interesse che hanno mai sempre formato il legame della società, e de' popoli ; ed alle stesse percio debbesi aver ricorso a viemmeglio conoscere lo spirito di quelle dello Stato, e a decidere i casi non espressi, o non preveduti1.» Cette citation en langue italienne, tirée du discours préliminaire du Dizionario universale ragionato della giurisprudenza mercantile d'Azuni2, publié une première fois à Nice en 1786, reflète bien l'esprit qui anime la jurisprudence commerciale du Consulat de Mer de Nice à la Restauration. Cet esprit, complexe et pragmatique, s'inscrit d'une part dans la logique du droit international , dans les principes du jus commune3 et d'autre part dans le mouvement d'affirmation des Etats et de l'insertion des régles du commerce dans leurs ordres juridiques internes4. En apparence, cet esprit incarne donc un paradoxe : la vocation universelle des règles commerciales portées par la lex mercatoria5 et par le jus mercatorum6 s'oppose à la primauté d'un droit d'essence territoriale, dont la codification française au XIXe siècle est une parfaite illustration. Mais ce paradoxe n'est peut- être qu'apparent. Le caractère commun des lois commerciales, nous dit Azuni, leur permet d'être le recours subsidiaire pour « mieux connaitre l'esprit des lois de l'Etat et mieux décider les cas non exprimés ou non prévus. » Ces rapports dialectiques entre d'une part ces différentes sources du droit « commercial », droits propres et droit commun, et d'autre part entre le juge et l'ensemble de ces sources est au coeur de la problématique du jus commune comme du droit international et donc du travail jurisprudentiel du Consulat de Mer de Nice de 1814 à 1844. 1 Traduction : « Les lois du commerce sont presque les mêmes chez toutes les nations commerçantes, vu la réciprocité des intérêts qui ont mai sempre formé le lien de la société et des peuples ; et on doit avoir recours à ces mêmes [aux lois commerciales communes] pour mieux connaitre l'esprit de celles [des lois] de l'Etat et pour mieux décider les cas non exprimés ou non prévus. » 2 Dizionario della giurisprudenza mercantile, Nice, 1786-1787 ; 2ème éd., Livourne, 1822, t. 1 Discorso preliminare, p. XXVIII. L'esprit de ces paroles se retrouvent tout au long du Dizionario, voir par exemple, V° « tribunale di commercio o mercantile », § 9 : « Relativamente al commercio, il nome di forestiere è assolutamente sconosciuto, nè deve per alcun riguardo aver luogo, giacchè i negozianti di tutte le nazioni e paesi dell'universo si debbono considerare come formanti una sola società soggetta ad una sola legislazione, ed una specie di Stato di cui ciascuna nazione ne forma une parte. » 3 BELLOMO (M.), L'Europa del diritto comune, Roma, Il Cigno Galileo Galilei edizioni di arte e scienza, 1988. 4 HILAIRE (J.), Introduction historique au droit commercial, Paris, PUF, coll. Droit fondamental, 1986. C'est le titre du chapitre 2, partie 1, p. 59-93. 5 From lex mercatoria to commercial law, edited by PIERGIOVANNI (V.), Comparative Studies in Continental and Anglo-American Legal History, Berlin, Duncker et Humblot, 2005. GALGANO (F.), Lex mercatoria. Storia del diritto commerciale, Bologna, Il Mulino Universal Paperbacks, 1973-2001. 6 FORTUNATI (M.), « The fairs between lex mercatoria and ius mercatorum », in From lex mercatoria to commercial law, edited by PIERGIOVANNI (V.), Comparative Studies in Continental and Anglo-American Legal History, Berlin, Duncker et Humblot, 2005, p. 143-164. 6 Le Consulat de Mer de Nice7 est une institution commerciale et maritime, singulière et pérenne qui a évolué de 1448 à 1855, dans le cadre politique des Etats de la Maison de Savoie. La première origine du Consulat de Mer de Nice remonte en effet à 1448. A la demande des marchands locaux et étrangers et du Conseil de la ville de Nice, qui justifiaient leur démarche en exposant le préjudice résultant de l'absence d'un tribunal pour juger les litiges commerciaux, le Duc Louis de Savoie institutionnalise une juridiction commerciale et établi « le droit d'élire des juges chargés de trancher les litiges commerciaux. »8 Deux citoyens sont ainsi établis, de six mois en six mois, pour exercer cette fonction. L'édit ducal indique qu' « ils auront le mère et omnimode pouvoir et autorité de connaître pleinement de toutes les causes mercantiles et les litiges maritimes et aussi des procès et des questions qui s' élèveraient entre patrons mariniers et marchands et toute autre personne naviguant aussi bien de nos Etats qu'étrangers ». Ils prononceront leurs sentences avec « équité et raison, mais d'une façon sommaire et selon la coutume des marchands en accélérant les décisions afin que les parties ne se consument pas en dépenses ». L'appel de ces sentences devait être interjeté auprès d'un autre citoyen désigné par le Conseil de la Ville et seules les causes engageant les droits du Prince pouvaient faire l'objet d'un appel supplémentaire auprès du juge ordinaire. Ce privilège, malgré les critiques dont il a pu faire l'objet, est renouvelé peu de temps après9. L'établissement d'un port franc10 à Nice et à Villefranche en 1612-161311 place « le développement des activités maritimes locales au rang d'une ambition étatique. »12 C'est la seconde origine du Consulat sous le règne de Charles-Emmanuel13. Le « Consulat de Mer », érigé le 1er janvier 161314, 7 BOTTIN (M.), « Le Consulat de Mer de Nice 1613-1855 », Les tribunaux de commerce, genèse et enjeux d'une institution, A.F.H.J., La Documentation française, coll. Histoire de la Justice n°17, Paris, 2007, p. 96-110. 8 Le texte du privilège est reproduit dans l'article de FIGHIERA (Ch.-A.), « Le premier Tribunal de commerce de Nice », Nice Historique, n°80, 1981, p. 130-131. LATOUCHE (R.), « Les archives du greffe du Tribunal de commerce de Nice », Nice Historique, 564, 1927, p. 169-174. DEMOUGEOT (A.), « Le Consulat de la mer, le Tribunal de commerce et la Bourse de commerce des origines à 1814 », Bulletin de la Chambre de commerce de Nice, 1, 1961, p. 15-22. BOTTIN (M.), « Le Tribunal de commerce de Nice. Notes et réflexions à propos d'un anniversaire. 1448-1998 », Nice Historique, n°45, 1998, p. 111-119. 9 L'existence de la juridiction est confirmée en 1528 et 1531, malgré les critiques et les diverses attaques menées de la part des officiers ducaux des autres juridictions présentes dans la ville contre ce privilège pour les marchands niçois de juger les litiges commerciaux. Sans doute car « le privilège de 1448 répond à un voeu profond des niçois », lesquels ont besoin d'exercer un rôle permanent dans la cité. H.-L. BOTTIN, « Le Consulat des marchands niçois aux XVe et XVIe siècles », Recherches régionales, n° 174, 2004, p. 11. 10 BESSI (J.-M.), Le Port franc de Nice-Villefranche-Saint Hospice aux XVIIe et XVIIIe siècles, Mémoire de maîtrise de lettres, Nice, 1971. BERI (E.), « Le port franc à Nice », Nice historique, 1924, pp. 33-48. BOTTIN (M.), « Port franc et zone franche. Les franchises douanières du pays niçois », Recherches régionales, 1976, n°1, pp. 1-21. BOTTIN (M.), « Les franchises douanières du pays niçois », Cahiers de la Méditerranée, juin 1979, pp. 38-43. BOTTIN (M.), « Commerce et Port franc », présentation de Nice Historique, 1998, n°3. 11 DUBOIN (F.-A.), Raccolta per ordine di materie delle leggi, provvidenze, editti, manifesti etc...pubblicati dal principio dell'anno 1681 sino agli 8 dicembre 1798, Turin, V. Picco, 1856, vol. 17, L. IX, p. 336. 12 BOTTIN (M.), « Le Consulat de Mer de Nice 1613-1855 », Les tribunaux de commerce, genèse et enjeux d'une institution, A.F.H.J., La Documentation française, coll. Histoire de la Justice n°17, Paris, 2007, p. 88. 13 Emmanuel Philibert entretient des liens particuliers avec Nice mais c'est son successeur Charles-Emmanuel Ier qui réalise l'ambition de son père de faire de Nice, seule ouverture vers la mer dans ses Etats, la capitale maritime de ses Etats et plus généralement d'y moderniser les institutions du Comté 14 DUBOIN, Raccolta..., op. cit., vol. 17, L.IX, p. 336. 7 doit permettre le bon fonctionnement du port franc et trancher les litiges s'y rapportant. L'objectif du port franc est d'attirer le commerce en accordant de larges avantages pour les commerçants étrangers s'installant ou négociant à Nice ou à Villefranche par le biais d'un sauf-conduit15 et en supprimant tous les droits et taxes perçus à l'importation des marchandises. La franchise n'était toutefois totale que pour les importations à partir de Nice-Villefranche vers le Piémont ou pour les exportations empruntant la même route. Le Consulat de Mer est composé de deux magistrats professionnels, compétents pour toutes les affaires de port franc et par extension aussi pour toutes questions maritimes. Ils jugent sans appel jusqu'à cinq cents écus d'or. Au-delà l'appel est porté, à partir de 1614, devant le Sénat16 de Nice17, juridiction souveraine de droit commun. Le Consulat des marchands niçois continue de fonctionner mais se voit désormais privé d'une bonne partie de ses compétences en matière maritime. Les deux institutions coexistent durant treize années mais la réforme du 26 mars 162618 les fait fusionner en une seule juridiction, sous le nom de « Magistrato del Consolato generale di commercio e di mare in Nizza sedente ». Trois magistrats professionnels la composent, ainsi que deux consuls appelés à siéger avec voix délibérative lorsqu'il est question d'usages commerciaux. Quelques mois plus tard, un nouvel édit y ajoutera un procureur général du commerce19, représentant du ministère public donc du prince20. Sa mission est claire, mais peu de réglementation à ce sujet21. Juridiction commerciale et maritime composée de magistrats professionnels, le Consulat poursuit son activité au XVIIIe siècle et prend ses traits définitifs. La conservation de ses archives est d'ailleurs décidée en 1723, signe probable d'un certain intérêt porté à son activité. Cela témoigne 15 BESSI (J.-M), « Les étrangers et le port franc aux XVIIe et XVIIIe siècles », Nice Historique, 1972, n°9, p. 17-32. 16 PENE-VIDARI (G.-S.) (dir.), Les Sénats de la Maison de Savoie (Ancien Régime - Restauration), 125e Congrès national des Sociétés Historiques et Scientifiques, Nice 1996, Turin, Giappichelli, 2001. 17 BARETY (J.-P), Le Sénat de Nice, une Cour souveraine sous l'Ancien Régime 1614-1796, thèse de droit, Nice, 2005. DECOURT-HOLLENDER (B.), Les attributions normatives du Sénat de Nice au XVIIIe siècle (1700-1792), thèse de droit, Nice, Mémoire de Notre Temps, 2008. SALOTTO (D.), Il Senato di Nizza, Tesi di Laurea, Università di Torino, Facoltà di giurisprudenza, Turin, 2001-2002. SALOTTO (D.), Le Sénat de Nice : aspects jurisprudentiels. Les decisiones de Jean-Louis Leotardi, Mémoire de D.E.A. d'histoire du droit, Université de Nice, 2003. BARETY (J.-P.), « Le rôle du Sénat de Nice de sa création en 1614 jusqu'en 1792 », Nice historique, 1973, T.I., p. 29-54. CARLIN (M.), MALAUSSENA (P.-L.), « Le Sénat de Nice, cour souveraine en 1814 », Journées internationales d’histoire du droit, Amsterdam, 1984, Nice, Bibliothèque de Cessole, Fonds documentaire, carton 34. ORTOLANI (M.), « Etat des recherches et perspectives de recherche dans les fonds judiciaires du Sénat de Nice XVIIe-XIXe siècles », Justice, juges et justiciables dans les Etats de la Maison de Savoie, Colloque international d'Aoste des 25 et 26 octobre 2007. http://www.cg06.fr/cms/cg06/upload/decouvrir-les-am/fr/files/recherchesregionales195-01.pdf. TOMBACCINI-VILLEFRANQUE (S.), « Le Sénat de Nice : l'institution et les hommes à travers ses archives (1814- 1860) », Les Sénats de la Maison de Savoie (Ancien Régime - Restauration), sous la direction de G.-S. Pene Vidari, 125e Congrès national des Societés Historiques et Scientifiques, Nice 1996, Turin, Giappichelli, 2001, p. 99-118. 18 BORELLI, Editti antichi e nuovi de Sovrani Principi della Real Casa di Savoia, Turin, 1681, p. 1059. 19 DUBOIN, Raccolta..., op. cit., vol. 17, L. IX, p. 339. 20 DECOURT HOLLENDER (B.), « Etude sur le ministère public sarde au XIXe siècle (1814-1860) : l'exemple des avocats généraux et des avocats fiscaux généraux », RSDI, LXXXIV, 2011, p. 325-361. 21 DAUCHY (S.), « De la défense des droits du roi et du bien commun à l'assistance aux plaideurs : diversité des missions du ministère public », Histoire du Parquet, CARBASSE (J.-M) (dir.), Mission de recherche Droit et Justice, Paris, PUF, 2000, p. 55 : En France, sous l'Ancien Régime, « Il n'existe aucun texte à caractère normatif dans lequel l'action du ministère public d'Ancien Régime ait été définie avec précision. » 8 aussi de la tournure centralisée que prennent les Etats de Savoie sous l'impulsion de certains de ses souverains, à l'image de la France. Le Consulat de Mer de Nice, et ceux institués progressivement à Turin, Chambéry et plus tardivement en Sardaigne, sont très réglementés par l'autorité centrale. De nombreux édits et règlements ainsi que les Royales Constitutions22 de 1723, 1729 et 1770, apportent des changements dans la procédure, la composition et le domaine de compétences de la juridiction consulaire. Le Consulat de Mer de Nice exerce des attributions judiciaires et extrajudiciaires. Ces dernières ne sont pas l'objet de la thèse, mais précisons néanmoins que le Consulat, à ce titre, exerce une fonction de police de l'économie et du travail et une autre en matière de développement économique local. Sa principale attribution est judiciaire, et c'est ce pouvoir de trancher les litiges qui retiendra notre attention tout au long de cette étude. Le Consulat est donc d'abord une juridiction qui connait « à l'exclusion de tout autre juge, toutes les causes qui concernent le change, le négoce et autres qui appartiennent au commerce, non seulement entre négociants, mais encore entre eux et autres, ou leurs héritiers. »23 Le Consulat de Mer de Nice est également compétent en matière de port franc et plus généralement en matière maritime dont les pouvoirs sont proches de ceux d’un siège d’amirauté. L’édit du 15 juillet 175024 pour l’organisation du Consulat, adapte l'institution aux changements introduits dans le fonctionnement du port franc par l'édit de 1749, et tient compte de l'inflation des causes commerciales. Il y est rappelé que le Consulat, composé de magistrats professionnels doit juger rapidement « à la mercantile ». Pour trancher les litiges de façon sommaire, le Consulat doit décider selon les Royales Constitutions et les édits promulgués et à défaut selon « le regole ed usi del Consolato del mare adattati alla semplicità e buona fede del commercio25. » Ces juristes, des magistrats de carrière nommés par le Prince, doivent donc, peut être paradoxalement, faire un usage modéré de leur doctrine « ed unire ad essa un ampio senso equitativo26. » L'édit de 1749 repris par celui de 1750 et les Royales Constitutions rappellent cette exigence conforme aux principes généraux du ius mercatorum. Azuni27 insiste également sur ce point. Dans cette perspective d'une procédure rapide, les ordonnances du Consulat sont déclarées « sempre inappellabilmente », mettant ainsi un terme aux hésitations quant au partage de compétences entre le Consulat et le Sénat. Les Royales Constitutions de 1770 confirment : il n'y a 22 VIORA (M.-E.), Le Costituzioni piemontesi (Leggi e costituzioni di S.M. il Re di Sardegna) 1723-1729-1770. Storia esterna della compilazione, Torino, Bocca, 1928. 23 Leggi e Costituzioni di Sua Maesta, 2 t., Turin, 1770, au t. I, L. II, tit. 16, chap. 1, §8. 24 DUBOIN, Raccolta, op. cit., vol. 4, L. III, p. 841. 25 Ibid., §31. 26 PENE VIDARI (G.- S.), « Consolati di commercio e tribunali commerciali », Dal Trono all'albero della libertà, Trasformazioni e continuità istituzionali nei territori del Regno di Sardegna dall'antico regime all'età rivoluzionaria, Actes du colloque de Turin des 11, 12 et 13 septembre 1989, 2 t., Rome, Ministero per i beni culturali e ambientali, Ufficio centrale per i beni archivistici, 1991, t. I, p. 229, note n°35. 27 Dizionario..., op. cit., t. IV, V° « Tribunale di commercio », §§ XVIII, XIX, XX, XXI. 9 pas d'appel pour les jugements des Consulats de Turin et de Nice28. On peut donc dès lors considérer le Consulat de Mer de Nice comme une cour souveraine jusqu'en 1855. Sauf quelques aménagements particuliers, l'institution fonctionne ainsi jusqu'à la Révolution. L'administration française installée à Nice suite à son annexion par les révolutionnaires français en septembre 1792, remplace le Consulat par un Tribunal de commerce du modèle français29. Cette juridiction consulaire française, qui existe encore de nos jours, jouit d'une légitimité historique sans égale, bien que sur le principe elle fut l'objet d'une longue mise en cause30. L'institution a donc traversé la Révolution31 malgré l'abolition des privilèges et des corporations, et s'est même exporté hors de France lors des conquêtes napoléoniennes. Le tribunal de commerce du modèle français, à la différence des consulats, est composé non de magistrats professionnels mais de commerçants élus. Ses compétences sont plus limitées que celle du Consulat puisqu'elles sont uniquement judiciaires, tant dans le domaine commercial que maritime depuis la suppression des Amirautés en. En appel, c'est la juridiction civile qui est compétente. L'esprit de la procédure est identique, celui d'une procédure « à la mercantile », réglementée à partir de 1806 dans le Code de procédure civile. Avec le Code de commerce de 1807, l'organisation et le fonctionnement ne changent pratiquement pas. Ce qui varie en revanche c'est la compétence. Sous l'Ancien Régime, seuls les marchands étaient justiciables de la juridiction consulaire. Après la promulgation du Code, tous les citoyens, à raison de leurs actes de commerce sont soumis à la juridiction des tribunaux de commerce32. A Nice puis à Turin, ces tribunaux de commerce fonctionnent ainsi jusqu'à la chute de l'Empire français napoléonien. La Restauration débute en 1814 après vingt-cinq années de troubles et de guerres. Le Congrès de Vienne et les traités de 1814-1815, portés par la puissance des grands Etats33, doivent reconstruire 28 « L'on ne pourra en aucune manière appeler des sentences du Consulat, et nous voulons qu'on ne puisse recourir qu'à Nous pour en demander révision. », Leggi e Costituzioni..., op. cit., L. II, tit. 16, chap. 2, §12. 29 Les tribunaux de commerce, genèse et enjeux d'une institution, A.F.H.J., coll. Histoire de la justice n°17, Paris, La documentation française, 2007. Cent ans au service de la justice consulaire, 1897-1997, textes réunis par L. Baudoin, Conférence générale des tribunaux de commerce, éditions Hervas, 1997. 200 ans de vie économique et de justice consulaire, Ouvrage réalisé à l’occasion du bicentenaire du Code de commerce, sous la dir. De Perrette Rey. 30 LAFON (J.-L.), Les députés du commerce et l'Ordonnance de 1673 : les juridictions consulaires, principe et compétence, ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1979. Du même auteur, Juges et consuls à la recherche d'un statut dans la France d'Ancien Régime, coll. Perspectives économiques et juridiques, Paris, Economica, 1981. 31 HILAIRE (J.), « La Révolution et les juridictions consulaires », Une autre Justice. Contributions à l'histoire de la justice sous la Révolution française, sous la dir. de R. Badinter, Paris, Fayard, 1989, p. 243-266. HILAIRE (J.), Le droit, les affaires et l'histoire, Paris, Economica, 1985. 32 PENE VIDARI (G.-S.), « Les tribunaux de commerce en France et en Italie aux XVIIIe et XIXe siècles », Hommages à Romuald Szramkiewicz, Litec, Paris, 1998, p. 411. 33 Les grands Etats sont ceux qui formeront la « Sainte-Alliance », sorte de système d'organisation européenne contre la France, mais il semble que celle-ci avait peu de consistance et la vraie réalité était celle de la « Quadruple-Alliance », signée secrétement le 20 novembre 1815 entre la Russie, l'Angleterre qui n'avait pas adhéré à la « Sainte-Alliance », l'Autriche et la Prusse contre la France. Celle-ci rejoindra plus tard le « concert européen ». 10

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renouvelables par tiers tous les ans, dont trois sont choisis parmi les propriétaires et les autres parmi les Verani, que cette caducité, quell'antica forma d'istruttoria, admise « parmi nous », ne l'est pas dans l'économie488 du Code super antiqua materia etiam si didicita sint testificata.
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