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La formation du footballeur amateur PDF

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Université Victor Segalen Bordeaux 2 Année 2010 Thèse n° THÈSE pour le DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 2 Mention : Sciences sociales Option : Sciences de l’Education Présentée et soutenue publiquement Le jeudi 16 décembre 2010 Par BILLET Eric Né(e) le 9 octobre 1982 à Laxou (54) La formation du footballeur amateur Socio-ethnographie de la construction du goût, des dispositions et des savoir-faire footballistiques Membres du Jury M. BLAQUART François, Directeur Technique National, F.F.F..........Examinateur M. BODIN Dominique, Professeur, Université de Rennes 2 .................Rapporteur M. DEBARBIEUX Eric, Professeur, Université de Bordeaux 2............Directeur de Thèse M. DUGAS Eric, Maître de Conférences - H.D.R., Paris Descartes......Rapporteur M. GOMEZ Florent, Professeur, I.U.F.M. de Bordeaux........................Président Résumé : La présente thèse est basée sur une enquête socio-ethnographique menée sur trois clubs de football de niveaux fédéraux contrastés : l’un est composé d’équipes évoluant à un niveau départemental (District), l’autre à un niveau régional (Ligue) et le dernier à un niveau national (Fédéral). Toutes ces associations sportives sont amateurs, affiliées à la F.F.F. et situées autour d’une ville française moyenne. Ce doctorat s’appuie sur une enquête quantitative, menée par questionnaire, sur les joueurs en formation dans ces trois clubs (de 6 à 18 ans, n=397). Une enquête de type qualitative, composée de 91 entretiens, 71 observations et 18 tests d’aptitudes gestuelles et physiques, complète et pondère les résultats obtenus par le questionnaire. L’objet de la thèse est l’étude de la sociogenèse du goût, des dispositions et des savoir-faire footballistique des joueurs amateurs de ces trois clubs. L’analyse des pratiques, des représentations de ces footballeurs en formation, de leurs éducateurs et de leurs parents, dévoile de quelle manière la socialisation footballistique de ces joueurs se focalise progressivement sur la pratique du club. Le désengagement des joueurs vis-à-vis des autres contextes de pratique s’accompagne d’un investissement intense et durable des joueurs dans la culture et la pratique fédérale, et se traduit par l’acquisition de savoir-faire individuels et collectifs variés quantitativement et qualitativement, produits de cette longue socialisation. Mots clés : football, amateur, socialisation, disposition, savoir-faire, ethnographie, sociologie EA 4140 - Laboratoire cultures, Education, Sociétés Université Victor Segalen Bordeaux 2 - 3, Place de la Victoire 33076 BORDEAUX Title : The amateur football player's socialization Abstract : This thesis is based on a socio-ethnographic work conducted on three football clubs of contrasting federal levels: one operates at the county level (District), the second at the regional level (League) and the last at the national level (Federal). All three clubs are amateur sports associations affiliated to the French Football Federation and are situated around a medium town. The study is based on a quantitative survey, conducted by questionnaires, to which responded most players in these three clubs (6 to 18 years, n = 397). A qualitative survey consisting of 91 interviews, 71 observations and 18 aptitude tests and physical gestures, complete and weight the results obtained by questionnaire. The thesis studies the formation of tastes, aptitudes and skills of the amateur players of these three clubs. The analysis of the practices, of the representations of these footballers in training, of their teachers and parents, reveals how the socialization of these football players gradually focuses on the practice of the club. The players’ disengagement from other practice contexts is accompanied by an intense and lasting investment of the players in the federal culture and practice, and results in the acquisition of individual and collective skills diverse in quantity and quality, products of this long socialization. Key words : football, soccer, amateur, socialization, disposition, know-how, ethnography, sociology EA 4140 - Laboratoire cultures, Education, Sociétés Université Victor Segalen Bordeaux 2 - 3, Place de la Victoire 33076 BORDEAUX Remerciements Tout d’abord un grand merci à Eric Debarbieux, pour sa disponibilité et son soutien tout au long de ces quatre années, pour la confiance qu’il a su me transmettre, pour son guidage dans mon travail scientifique et son honnêteté. Merci aussi à François Blaquart, à Dominique Bodin, à Eric Dugas et à Florent Gomez d’avoir accepté de participer au jury de cette thèse, et de m’accorder de leur temps pour lire et évaluer mon travail. Ce doctorat doit beaucoup à Frédéric R., qui ne sait sans doute pas à quel point la pertinence de ses suggestions et de ses analyses, son esprit critique, son humilité et sa disponibilité m’ont été précieux. Merci à lui. Parallèlement, je tiens à citer Mathieu B. et Benoît A. pour leurs immenses qualités humaines et techniques : tous deux m’ont apporté à leur manière de nombreux trésors, petits et grands, pour lesquels je les remercie de tout cœur. Un merci particulier à Mathieu B. pour le dessin des schémas de jeu et leurs corrections : son travail et sa patience mise à l’épreuve lors de nos nombreux échanges m’ont touché et satisfait. Je tiens également à remercier vivement et sincèrement toutes les personnes enquêtées, ainsi que les clubs qui m’ont accueilli. La cordialité de nos échanges, la simplicité de nos relations et leur disponibilité m’ont touché et m’ont beaucoup aidé pour réussir à terminer ce travail. Merci à Julien B., pour son travail sur les apprentis professionnels, qui a été pour moi un étalon d’excellence dans l’écriture de cette thèse. Grâce aux aides ponctuelles mais décisives des personnes suivantes, mon travail a pu grandement s’enrichir : merci à Jérôme B., mon érudit ami ; à Stéphane V. pour le précieux temps qu’il m’a accordé ; aux personnes qui ont pris avec beaucoup de gentillesse sur leur temps pour les corrections : Claire A., Antoine B., Brigitte B., Catherine B., Céline B., Dominique B., Lisa B., Timothée B., Hélène Brrr!, Benjamin C., Mamaye C., Céline G., Martine G., Faitalipe L., Ginette L., Céline M. ; pour vos courriels ou vos appels qui m’ont beaucoup apporté merci à José A., Sylvia F., Cédric G., Benjamin L-G, Fabrice M., Nicolas N. ; merci à Maximilien G. de m’avoir accordé sa confiance ; merci à Olivier K. et Jacques P. pour m’avoir porté vers ce doctorat ; merci à Mme Lemoine pour son hospitalité ; merci aussi à ceux que j’ai sans doute oubliés dans cette page, mais pas dans mon cœur… Enfin un merci chaleureux et profond à ma famille, à mes amis proches et à ma compagne Lisa: sans leur soutien et leur amour je n’aurai pas pu terminer ce doctorat. SOMMAIRE SOMMAIRE..........................................................................................................................................................1 INTRODUCTION...................................................................................................................................................4 PARTIE INTRODUCTIVE : OBJET, METHODOLOGIE ET TERRAIN.................................................14 CHAPITRE 1. LA FORMATION DU FOOTBALLEUR AMATEUR...............................................................................14 1.1. Eléments socio-historiques sur la formation du footballeur amateur..................................................14 a. Histoire du football amateur français....................................................................................................................14 b. Formation et performances internationales...........................................................................................................17 c. La formation française amateur actuelle...............................................................................................................20 1.2. Le cadre théorique de l’enquête...........................................................................................................27 CHAPITRE 2. LES ANGLES D’ANALYSE DE L’ENQUETE.......................................................................................30 2.1. dispositions et savoir-faire...................................................................................................................30 a. Dispositions..........................................................................................................................................................30 b. Savoir-faire...........................................................................................................................................................33 2.2. Contextes institutionnels, contextes auto-organisés et contextes pluriels.............................................35 CHAPITRE 3. LES CONDITIONS DE L’ENQUETE...................................................................................................39 3.1. Nature de l’enquête..............................................................................................................................39 a. Positionnement théorique de l’enquête.................................................................................................................39 b. La place de l’enquêteur.........................................................................................................................................41 3.2. Joueurs et outils méthodologiques de l’enquête...................................................................................43 a. Choix des joueurs.................................................................................................................................................43 b. Choix des méthodes..............................................................................................................................................45 CHAPITRE 4. TROIS CLUBS DANS UN MEME ESPACE LOCAL...............................................................................57 4.1. Le club de Lices....................................................................................................................................58 4.2. Le club de Basson.................................................................................................................................62 4.3. Le club de Cèpes...................................................................................................................................64 PREMIERE PARTIE : L’INITIATION AU FOOTBALL.............................................................................70 CHAPITRE 5. LES CADRES FAMILIAUX DE L’INITIATION.....................................................................................70 5.1. Une initiation familiale précoce...........................................................................................................71 a. Un héritage familial..............................................................................................................................................71 b. La place du père....................................................................................................................................................73 c. La place des frères................................................................................................................................................78 5.2. L’influence des catégories sociales familiales......................................................................................81 a. Une surreprésentation des classes moyennes........................................................................................................81 b. Un recrutement local............................................................................................................................................86 5.3. l’évolution de l’influence familiale.......................................................................................................89 a. De l’initiation au soutien.......................................................................................................................................89 b. Les formes du soutien familial.............................................................................................................................92 CHAPITRE 6. LES CADRES RECREATIFS DE L’INITIATION...................................................................................95 1 6.1. Une initiation intensive dans l’entre-soi...............................................................................................95 a. L’influence des pratiques autogérées....................................................................................................................95 b. Le football pendant la récréation..........................................................................................................................99 c. Du groupe de pairs à l’équipe de club.................................................................................................................104 6.2 Propriétés de la pratique entre pairs...................................................................................................106 a. Une pratique variée et locale...............................................................................................................................106 b. Une pratique communautaire et originale...........................................................................................................111 c. Les duels spectaculaires......................................................................................................................................116 6.3. L’évolution du cadre récréatif............................................................................................................119 a. La diminution de la pratique autogérée...............................................................................................................119 b. La coexistence des pratiques fédérales et autogérées..........................................................................................122 CHAPITRE 7. LA DISTINCTION DU CADRE FEDERAL.........................................................................................127 7.1. La découverte du club.........................................................................................................................127 a. L’entrée en club..................................................................................................................................................127 b. Les propriétés de la pratique fédérale.................................................................................................................131 c. La catégorie débutant, une phase de transition...................................................................................................139 7.2. Le goût de la pratique fédérale...........................................................................................................145 a. La naissance du goût pour le football fédéral.....................................................................................................145 b. Le goût de la communauté sportive....................................................................................................................149 c. Le goût de l’apprentissage et de la sélectivité.....................................................................................................158 d. Une passion addictive.........................................................................................................................................165 CHAPITRE 8. LES CADRES FEDERAUX DE L’INITIATION....................................................................................173 8.1. Les éducateurs....................................................................................................................................173 a. La présence des éducateurs.................................................................................................................................173 b. L’expertise des éducateurs..................................................................................................................................175 c. L’influence des éducateurs.................................................................................................................................179 8.2. Modérer l’influence des éducateurs...................................................................................................185 a. L’influence des partenaires : un père, des pairs..................................................................................................185 b. La place de l’événement dans la socialisation....................................................................................................190 c. La place du « talent » dans la socialisation footballistique.................................................................................193 8.3. La spécialisation.................................................................................................................................196 a. Un langage spécialisé..........................................................................................................................................196 b. La division du travail..........................................................................................................................................208 8.4. Violences et abandons........................................................................................................................214 a. La théorisation de la violence et de l’abandon sportif.........................................................................................214 b. La « micro-perspective »....................................................................................................................................216 b. La « méso-perspective » et la « macro-perspective ».........................................................................................223 DEUXIEME PARTIE : LE PERFECTIONNEMENT AU FOOTBALL FEDERAL................................227 CHAPITRE 9. LA TRANSMISSION DES SAVOIR-FAIRE........................................................................................230 9.1 Le contexte de la transmission.............................................................................................................230 a. Un apprentissage sous domination......................................................................................................................230 b. La détemporalisation et l’objectivation..............................................................................................................235 9.2. La transmission..................................................................................................................................242 2 a. La pédagogisation...............................................................................................................................................242 b. La répétition.......................................................................................................................................................253 c. La correction des apprentissages.........................................................................................................................261 9.3. Les fondements du curriculum formel footballistique.........................................................................271 a. La sélection du curriculum fédéral......................................................................................................................271 b. Les pratiques expertes dans les loisirs visuels....................................................................................................280 c. Un curriculum formel hétéroclite........................................................................................................................288 CHAPITRE 10. LES SAVOIR-FAIRE COLLECTIFS................................................................................................296 10.1. Le soubassement des savoir-faire collectifs......................................................................................297 a. Le sens du jeu.....................................................................................................................................................297 b. La planification du jeu........................................................................................................................................305 10.2. Les savoir-faire collectifs défensifs...................................................................................................314 a. Contextualisation de l’analyse............................................................................................................................314 b. Organisation défensive.......................................................................................................................................320 c. L’équipe..............................................................................................................................................................327 d. Une à deux lignes...............................................................................................................................................336 10.3. Les savoir-faire collectifs offensifs...................................................................................................341 a. L’équipe..............................................................................................................................................................341 b. Une à deux lignes...............................................................................................................................................350 c. Deux ou trois joueurs..........................................................................................................................................356 CHAPITRE 11. LES SAVOIR-FAIRE INDIVIDUELS...............................................................................................369 11.1. Le soubassement des savoir-faire individuels..................................................................................369 a. L’automatisation gestuelle..................................................................................................................................369 b. L’apprentissage solitaire.....................................................................................................................................377 11.2 Les savoir-faire individuels...............................................................................................................385 a. Les savoir-faire individuels de récupération.......................................................................................................385 b. Les savoir-faire individuels de conservation et de progression...........................................................................391 c. Les savoir-faire individuels d’élimination et de finition.....................................................................................405 CONCLUSION...................................................................................................................................................418 BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................................426 TABLE DES ENCADRES ET TABLEAUX..............................................................................................................452 ANNEXES........................................................................................................................................................459 Annexe 1 : Questionnaires.........................................................................................................................460 Annexe 2 : Entretiens.................................................................................................................................462 Annexe 3 : Analyse des séances.................................................................................................................466 Annexe 4 : Analyse des matchs..................................................................................................................468 Analyse 5 : Tableur du temps de pratique.................................................................................................472 3 INTRODUCTION En préambule de son travail ethnographique sur le métier de footballeur professionnel, F. Elegoet rappelle que le « football »1 est avant tout une expérience, et non un discours sur cette expérience. Du point de vue des joueurs, « l’action prime sur la rhétorique et s’impose à elle »2. Adopter une perspective sociologique pour analyser la pratique du football ne va pas de soi : quelques travaux notent la distance, voire le mépris que les sportifs portent à l’égard de cette discipline scientifique3. Réciproquement, le sport a longtemps été considéré comme un objet bas de gamme en sociologie4 et il n’occupe actuellement qu’une place mineure dans cette discipline5. De manière ponctuelle, est ravivée la représentation de sens commun mettant à distance culture universitaire et culture footballistique. Lors d’une formation d’éducateur un conseiller technique départemental (C.T.D.) de football plaisante ainsi : « Moi aussi j’ai ma licence… Mais de football ! »6 Cette vision dichotomique des relations entre football et sociologie peut être tempérée selon plusieurs dimensions. Tout d’abord, les méthodes et connaissances scientifiques en général sont actuellement indissociables du football, spécialement au haut-niveau : la préparation sportive est majoritairement issue des recherches sur la physiologie de l’exercice7 ; la préparation mentale s’inspire abondamment des travaux de la psychologie cognitive8 ; enfin les médias comme les clubs professionnels et amateurs cherchent à établir et contrôler le plus objectivement possible ce qui a trait aux faits de jeu9. C. Gourcuff, ancien professeur de mathématique et entraîneur du Lorient FC en 2010-2011 incarne, du moins dans les médias, cette tendance à l’utilisation d’une démarche technologique et scientifique pour l’analyse et le perfectionnement du jeu10. A l’échelle de la région où s’est déroulée la présente 1 Pour des facilités d’usage, le terme « football » sera utilisé pour caractériser toute pratique ballon au pied, et non uniquement sa forme fédérale. Si le choix d’indiquer en bas de page les références peut sembler désuet dans la production actuelle des Sciences de l’Education, ce choix traduit la recherche d’un confort optimal de lecture. 2 F. Elegoet, Profession footballeur, Editions de l’Ille, 2002, p.6. 3 P. Bourdieu, « Programme pour une sociologie du sport », Choses dites, 1987, p. 203 4 L. J.D. Wacquant, « Corps et âme. Notes ethnographiques d’un apprenti-boxeur », Actes de la recherche en sciences sociales, Année 1989, Volume 80, Numéro 1, p. 36 5 C. Collinet, « Le sport dans la sociologie française », Sociologie du sport en France, aujourd’hui, L’année sociologique, Année 2002, volume 52, n°2, Paris, PUF, p. 294 6 CTD, formation Initiateur 2ème niveau, au district le 10 février 2009 7 Lire par exemple F. Lambertin, Football : préparation physique intégrée, Amphora, 2000 ; G. Cometti, La préparation physique au football, Chiron, 2002 8 Les ouvrages suivant illustrent cette parenté : C. Le Scanff et coll., La gestion du stress, entraînement et compétition, PUF, 1995 ; C. Target, Manuel de préparation mentale, Chiron, 2003 9 Comme l’utilisation des logiciels Techfoot et Tactfoot, Simulasport ou Winner en football amateur ; le logiciel Amisco ou ceux du groupe Sportstec (SportsCode ; Sportstec Mercury, Coda etc.) dans le football professionnel. 10 Voir le film de J-C. Ribot, L’intelligence collective, France, Mosaïque Films, Pois Chiche Film, 2006. 4 Introduction enquête, une conséquence pratique de cette proximité entre savoirs académiques et savoirs experts est que le pourcentage de cadres fédéraux issus d’un cursus universitaire en rapport avec le sport est passé en 15 ans de 20% à 73%11. Au niveau hexagonal, Y. Kervella devient en 2009 le premier docteur en S.T.A.P.S. à intégrer l’équipe des entraîneurs nationaux français12. Ensuite la sociologie, comme toute science, permet de faire face à un « écran des évidences » formé par la production continue de discours sur le football, notamment journalistiques13. Elle permet d’objectiver le regard sur ce « sport »14, déjà riche d’une bibliographie très fournie au niveau international : l’immense majorité des ouvrages orientés sur le football ne sont pas scientifiques, mais portent sur la compréhension du jeu, l’histoire, les biographies de joueurs et d’entraîneurs, les championnats nationaux, sous la forme d’ouvrages comme de périodiques ou de vidéos15. Cette thèse ambitionne d’apporter sa part d’objectivité dans cette bibliographie éclectique. Elle présente des connaissances complémentaires des discours et savoir experts émanant des acteurs du football actuel. Au- delà de la « vision ajustée » que peuvent avoir un joueur, un éducateur, ou tout amateur de football sur son environnement, la sociologie permet d’élaborer une « vision juste » scientifiquement16. Un sportif peut construire des représentations et des pratiques parfaitement adaptées à ses expériences sur le terrain, mais il ne pourra pas accéder à la connaissance des régularités statistiques et de leurs variations qu’apporte de façon complémentaire l’approche sociologique, par nature comparative17. Dans ce cadre, l’étude de la formation du footballeur amateur incite à positionner son regard à l’intersection de plusieurs traditions sociologiques. D’une part, analyser les processus 11 Soit de un cadre sur cinq à onze cadre sur quinze, en U.E.R.E.P.S. et I.R.E.P.S. pour les plus anciens, en STAPS pour les plus jeunes (entretien informatif cadre technique régional, du mercredi 13 janvier 2010) 12 Entraîneur adjoint de l’équipe de France des moins de 16 ans en 2009-2010, et des U20 en 2010-2011 13 J-M. Faure, C. Suaud, Le football professionnel à la française, Paris, PUF, 1999, p.1 14 Pour des facilités d’usage, la notion de « sport » sera utilisé dans son acception large d’une activité physique, dans la mesure où elle se rapporte plus ou moins directement à une pratique motrice, institutionnalisée, codifiée et compétitive, comme l’est le football fédéral. 15 T. Spires, «« Soccer »: The Beautiful Game », Library Journal, volume 133 n° 12, pp. 39-42, juillet 2008 16 C. Suaud, « Espace des sports, espace social et effets d’âge. La diffusion du tennis, du squash et du golf dans l’agglomération nantaise », Actes de la recherche en sciences sociales, Année 1989, Volume 79, Numéro 1, p. 10. B. Lahire souligne aussi que le discours sur soi est problématisé (« la problématique sur soi »), ce serait « une erreur interprétative de donner le primat inconditionnel à la parole de l’enquête ». (Portraits sociologi- ques. Dispositions et variations individuelles, 2002 , Nathan, p. 392) : donner raison aux individus reviendrait A alors à « passer d’une sociologie du réel à une sociologie des représentations symboliques ». (Ib., p. 14) 17 Lire le chapitre VI (« Règles relatives à l’administration de la preuve ») de l’ouvrage d’E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Flammarion, 1988, 1ère édition 1895 5 Introduction par lesquels un « individu »18 se construit appelle une sociologie dispositionnaliste soucieuse de la construction des capacités et des inclinations que l’individu développe (comme chez B. Lahire19 ou S. Faure20), plutôt qu’uniquement leurs actualisations (comme chez P. Bourdieu21 ou C. Pociello22). L’intérêt porté à la socialisation footballistique en cours d’intériorisation et non considérée comme déjà effectuée, implique schématiquement d’étudier la pratique du football comme un lieu d’interactions multiples et non pas seulement comme un espace traversé de flux statistiques. La focale se tourne alors prioritairement vers l’enfant, que la sociologue M. Darmon considère comme « l’habituel oublié de l’étude de la socialisation primaire »23. S’intéresser au jeune footballeur en formation amène à considérer tous les contextes que l’enfant traverse de façon continue, sans rester cloisonné par les champs de la sociologie contemporaine (sociologie de la famille, du sport, de l’éducation, etc.). La pluralité de la socialisation footballistique constatée au cours de l’enquête a amené à distinguer et étudier quatre contextes : la famille, les pairs, la pratique solitaire et le club. Cette attention plurielle permet de ne pas présupposer la plus grande importance d’un contexte – comme le club – lorsqu’il s’agit d’analyser une forme de socialisation donnée – ici celle des jeunes footballeurs amateurs licenciés. Le concept de « contexte », qui caractérise un ensemble de propriétés externes à l’individu retenues comme pertinentes pour l’analyse24, ne résiste pas toujours à la réalité de l’enquête. Les quatre types de contextes introduits plus haut sont idéal-typiques : dans la réalité ils diffèrent en fonction des individus et ne peuvent pas être posés ex nihilo. A titre d’illustration pour Bérenger, joueur de 11 ans domicilié près d’un 18 Le terme « individu » est délibérément employé afin de ne pas choisir entre les concepts traditionnels en sociologie : « agent », « sujet », « acteur », « personne » etc. L’emploi de l’un ou de l’autre des termes, pour désigner l’homme dans ses formes de vie sociales, sert généralement aussi de repères classificatoires. Or le choix de tel ou tel concept n’a pas de sens dans une enquête qui multiplie les points de vue et qui ne peut trancher à elle seule la question du plus ou moins grand déterminisme qui pèse sur l’homme en général. Le choix du terme « individu » s’explique par sa référence moins évidente que les autres avec un cadre théorique actuel. Il faut donc le comprendre comme son sens commun d’humain l’indique, et non comme un repère d’analyse sociologique orienté vers le processus d’individuation. Enfin, le choix délibéré d’un de ces concepts mais plus encore leur comparaison amène parfois à quelques contradictions théoriques. B. Lahire compare par exemple « l’acteur » (multidéterminé) avec « l’agent » de Bourdieu (efficient dans un champ) alors que l’équivalent de « l’acteur » chez P. Bourdieu semble plutôt se rapporter à ce que ce dernier nomme « la personnalité », c’est-à-dire une « individualité biologique socialement instituée par la nomination et porteuse de propriétés et de pouvoirs qui lui assurent (en certains cas) une surface sociale, ie. la capacité d’exister comme agent en différents champs » (P. Bourdieu, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, op. cit., 1994, p. 89) 19 B. Lahire, L’Homme pluriel : Les ressorts de l’action, op. cit. 20 S. Faure, Apprendre par corps. Socio-anthropologie des techniques de danse, Paris, La Dispute, 2000 21 P. Bourdieu, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979 ; A 22 C. Pociello Sports et société, approche socioculturelle des pratiques, Paris, Vigot, 1981 23 M. Darmon, La socialisation, Paris, Armand Colin, 2006, p. 43. 24 B. Lahire utilise souvent ce concept. Le contexte est une construction théorique réalisée après analyses des résultats empiriques. Ainsi « on ne peut pas définir a priori les propriétés du contexte qui auront un effet sur l’acteur » (Ib., p. 413). Selon lui, la rencontre d’une disposition et d’un contexte favorable à son actualisation provoque le comportement (Portraits sociologiques. op. cit., p. 413). 6

Description:
Key words : football, soccer, amateur, socialization, disposition, know-how, ethnography, dans ce sens (M. Darmon, Devenir Anorexique ; Une approche sociologique, Paris, La découverte, 2003). est détenteur du « Label F.F.F. / Adidas » qui distingue l'Ecole de Football par sa qualité, le nomb
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