Brûler pour ne pas s'éteindre. Le monde aztèque fut, démesurément, ce paradoxe. Ainsi s'expliquent les mises à mort d'humains : attisées par la crainte de la déperdition. Signe de gain en même temps que de dépense, le sacrifice est la voie périlleuse qui octroie une stabilité emblématisée par la fleur ou le jeu. C'est au prix de cette gestion d'une mort quantifiée que l'Aztèque survit.
Rarement culture fut plus anxieuse de l'avenir; rarement une telle conception du devenir fut à ce point lucide : elle annonçait inexorablement la fin portée par Cortés. Les Mexicains se battent contre ce destin en comptables : dosage minutieux, ritualisé, de gestes, de vouloirs. Tout leur esprit est dans ce souci quotidien d'éviter la menace entropique.
Ce livre nouveau, qui s'appuie sur les documents rassemblés au moment de la conquête, interroge l'Aztèque à travers le sacrifice. Il nous décrit une hantise ontologique, à l'opposé de l'argument de la pure dépense repris à Mauss par Bataille dans la Part maudite. Il montre à l'œuvre une machine inhumaine fonctionnant pour le salut de l'humain.