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La différence entre les systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling PDF

114 Pages·1986·10.514 MB·French
by  Hegel
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BIBLIOTHÈQUE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES Directeur: Henri GOUHIER '\ ' LA DIFFÉRENCE ENTRE LES S·YSTE"- MES PHILOSOPHIQUES DE FICHTE ET DE SCHELLING précédé de t', ÉLÉMENTS D'UN TABLEAU DR LA PHILOSOPHIE AU DÉB'UT DU XIXe SIÈCLE (extraits) suivi de DE LA RELATION ENTRE Li' PHILOSOPHIF nE LA NATURE ET LA PHILOS( PHIE EN GENÉRAL Ouvrage pubUé avec le rOlrJ)urs d'u Ce'ittre National rie!. l?echerche Scientifique LIBRAIR1 IE PHILOSOPHIQUE J. VRIN ~ 1 " /" BIBLIOTHÈQUE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES Directeur: Henri GOUHIER G.W.F. HEGEL LA DIFFÉRENCE ENTRE LES SYSTÉMES PHILOSOPHIQUES DE FICHTE ET DE SCHELLING DU MÊME AUTEUR K.L. REINHOLD ÉLÉMENTS D'UN TABLEAU DE LA PHILOSOPHIE La découverte du régime présidentiel. Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 2e éd. 1982, in-8 de 400 pages. AU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE (extraits) Inexécution et résolution en Droit anglais. Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1968, in-8 de 250 pages. F.W.J. SCHELLING ou G.W.F. HEGEL LOCKE - Deuxième traité du gouvernement civil. Constitutions fonda DE LA RELATION ENTRE LA PHILOSOPHIE DE LA mentales de la Caroline. Résumé du premier traité du gouvernement civil. Introduction, traduction et notes. Paris, Vrin, 2e éd. 1977, in-8 NATURE ET LA PHILOSOPHIE EN GÉNÉRAL de 256 pages. Présentation et traductions L'individualité dans la philosophie de Bergson, Paris, Vrin, 2e éd. 1985, in-8 de 112 pages. par Bernard GILSON The Conceptual System of Severeign Equality. Louvain, Peeters, 1984, in-8 de 602 pages. Docteur ès Sciences Politiques, Docteur en Droit Diplomé d'études supérieures de Philosophie Licencié d'Allemand, licencié d'Anglais, licencié de Russe LL.M. (London) Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique PARIS LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN 6, Place de la Sorbonne, Ve 1986 ---"""""II PRÉSENTATION Hegel veut rencontrer l'Absolu du devenir de l'être dans le néant. Cet Absolu, il le présuppose, mais ne le pose pas, comme Schelling, à la manière d'un être vivant que la dissection trancendentale apparente à un « deus ex machina », simple ou articulé. L'Absolu hégélien développe et unifie ses manifestations dans le monde et avec l'esprit humain, suivant la dia lectique de l'Idée absolue. Pour le rencontrer, Hegel étudie le développe ment logique de l'Idée pure. Il discerne la découverte phénoménologique de l'Idée. Il organise la science de l'œuvre de l'Idée en un système encly copédique intégré, où l'action des êtres pensants tient une place. C'est souvent en politique que Hegel a fait école. Totale ou partielle, explicite ou diffuse, de droite ou de gauche, son influence a aidé les tenants de toutes sortes d'opinions à mettre en ordre leurs aspirations. Il ne s'agis sait pas que de l'élégance des programmes, mais plutôt du remords de ne pas les fonder sur une réflexion suffisante. Hegel a proclamé l'importance morale du Droit. Il conçoit le Droit comme un ordre rationnei, dont l'État organise et réalise l'unité. Il affirme que les peuples ont le devoir et le droit de se constituer en États, à la fois pour vivre et pour que des philosophes enseignent l'Idée, accompagnés de quiconque saisit la dialectique. Cette constitution et individualisation d'un peuple comme État ne devient possible qu'à un niveau suffisamment développé d'organisation et de culture. Les assises culturelles de la consti tution de chaque État font partie intégrante de la qualification d'État sou verain et du droit à prétendre être reconnu comme tel. Que l'on approuve La loi du Il mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, ou non cet aspect du système hégélien, l'on ne peut guère contester son d'une part, que (( les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les authenticité comme tentative d'organisation rationnelle, fondée sur une analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, (( toute philosophie. D'une part, la théorie hégélienne de l'État n'est qu'une par représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement tie d'un ensemble et l'on peut porter sur elle, dans une certaine mesure, de l'auteur ou de ~es ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1"' de l'article 40). un autre jugement que sur le reste ou l'ensemble. D'autre part, il n'est Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti pas légitime d'évaluer cette théorie, quoi que l'on pense d'elle, sans tenir tuerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code compte de l'ensemble, quoique l'on pense de lui. Pénal A généraliser ces remarques, on aboutirait au problème de l'éclectisme, © Librairie Philosophique J. VRIN, 1986 lié à celui de l'authenticité. Tout philosophe, comme tout être humain, Printed in France s'inspire de sources diverses et réinterprète les enseignements d'autrui. De ISBN 2-7116-0912-X même, tout lecteur d'un philosophe oscille entre deux extrêmes: vers l'exté- 8 PRÉSENTATION rieur,la synthèse formelle des concepts, vers l'intérieur, l'acte de repen ser. Il faut que l'intérieur l'emporte, sinon la pensée risque de dégénérer en un dosage conceptuel par trop arbitraire. L'une des précautions de l'authenticité dans l'éclectisme consiste à UN TOURNANT DE LA VIE DE HEGEL s'astreindre à découvrir la pensée de chaque auteur pour elle-même avant de l'utiliser. II faut se soumettre, en vertu d'une certitude méthodique, à La formation la logique du système avant de prospecter les enseignements acceptables. Georg Wilhelm Friedrich Hegel naquit à Stuttgart le 7 août 1770. II Une telle discipline s'impose plus que jamais aux lecteurs de Hegel. Cepen était le fils aîné de Georg Ludwig Hegel (1733-1789) et de Maria Magda dant, au risque d'inverser, pour les besoins de la cause, l'ordre des phases lena Hegel, née Fromme (morte en 1783). Au XVIe siècle ses ascendants de l'étude, on peut affirmer d'avance que ce philosophe réserve à quicon lointains habitaient la Carinthie. Professant la religion réformée, ils choi que des profondeurs et précisions adaptables. Cela dit, les leçons semblent sirent de quitter l'Autriche: Johann Hegel, fabricant de pots d'étain, s'éta plus profitables si l'on accepte certaines thèses susceptibles de survivre hors blit en Souabe. Le père de Hegel occupait un emploi appréciable dans du milieu hégélien. L'on peut en citer quelques-unes. Par exemple, cha l'administration du Wurtemberg. que être humain construit sa pensée. Chacun subit, en un sens, le monde, Rosenkranz, le biographe classique de Hegel, donne des précisions mais y agit pour sa faible part et, en cette partie subjective du monde qui sur la formation du philosophe!. Hegel fréquenta une école dite « latine» est sa propre conscience, choisit une diversité pour se représenter la diver et s'y distingua. De 1786 à 1787 il eut un précepteur à l'occasion d'une sité, imprime un ordre à sa représentation de l'ordre. Enfin chacun disti maladie. Il achetait des livres avec son argent de poche et les lisait. Émule gue, donc divise des éléments du réel devenus ceux de sa pensée, mais n'y de Cicéron, il en recopiait des extraits, ou les traduisait. II n'en aimait pas parvient que s'il unifie des aspects de son expérience pour former ces ter moins jouer aux cartes et aux échecs. Selon Rosenkranz, à l'âge du lycée, mes et les associer entre eux. il s'inspirait du principe des lumières et s'attachait à l'antiquité grecque Hegel lui-même n'est pas parti d'un vide qu'il eût fallu combler en et romaine. En 1788 Hegel s'inscrivit à l'Université de Tübingen comme inventant tout. Il a choisi de prendre la suite de la philosophie antérieure, . étudiant en théologie, avec une bourse ducale. Le cycle d'études compor et plus précisément, de Kant, de Fichte et de Schelling. Fichte a accepté, tait deux ans de philosophie suivis de trois de théologie. Pendant les années puis corrigé Kant. Schelling a agi de même avec Fichte. Hegel en a fait philosophiques, Hegel relâcha d'abord quelque peu son assiduité. II lut autant avec Schelling. Le moment décisif, pour saisir la genèse de la pen pourtant les philosophes et c'est en 1789 qu'il entreprit d'étudier Kant. sée hégélienne, coïncide donc avec l'apparition d'une différence entre Hegel En 1790, il passa la Maîtrise de philosophie. Il consacra son Mémoire au et Schelling. Or, le premier écrit personnel publié de Hegel, La différence problème de l'existence d'obligations morales indépendantes de la croyance entre les systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling, tend à définir en Dieu et en l'immortalité de l'âme. Contre Kant, il dénia la nécessité l'ampleur et la signification de l'acceptation maximale du système de Schel morale de postuler Dieu et l'immortalité de l'âme. L'homme qui n'espère ling p~lf Hegel. Telle est l'œuvre ici traduite et présentée. pas de vie future doit prendre d'autant plus de soin de la présente, d'un Dans La différence, Hegel discute des théories de Kant et, surtout, point de vue qualificatif et quantitatif. Cependant les devoirs les plus éle de Fichte. Il préconise encore celles du jeune Schelling. Il examine celles vés revêtent un attrait supplémentaire pour qui les conçoit comme l'expres de philosophes aujourd'hui moins connus, Reinhold et Bardili, dont le lec sion de la volonté suprême d'un Dieu infiniment puissant et bon : alors teur aurait tort de sous-estimer l'intérêt. Il analyse les textes qu'il com l'homme contemple la totalité. mente. Ce faisant, il reprend leur terminologie. Après avoir analysé, il con Hegel comptait, parmi ses camarades·, Schelling, fils d'un Pasteur, firme ou réfute. Souvent, il ironise. Hegel se lance« à corps perdu » dans né à Léonberg en janvier 1775. L'étudiant Schelling avait 16 ans en 1790. la philosophie et la polémique. Hegel et Schelling, favorables aux débuts de la révolution française, la fêtè Le bref article intitulé De la relation entre la philosophie de la nature rent en 1791 et plantèrent un arbre de la liberté. A cette époque, par cons et la philosophie en général complète La différence par son contenu : la cience de sa maturité intellectuelle et non par simple contraste avec Schel coïncidence maximale entre Schelling et Hegel. L'on ne sait malheureuse ling, les camarades de Hegel l'appelaient « le vieux ». ment pas de façon certaine lequel des deux philosophes en est l'auteur. En 1793, Hegel passa l'examen de théologie. Il préconisait une pure religion de la Raison, qui prie Dieu en esprit et en vérité et tende à la vertu. Il lui opposait la foi fétichiste. La religion populaire devait mener du féti chisme à la Raison. 10 PRÉSENTATION UN TOURNANT DE LA VIE DE HEGEL 11 Berne En juillet 1796, Hegel parcourut les Alpes bernoises avec trois com Sorti de l'Université, Hegel prit un emploi de précepteur à Berne, dans pagnons de voyage. Pendant ce temps, c'est donc à l'observation pure et la famille patricienne des Steiger. Il resta là trois ans, de l'automne 1793 simple qu'il se consacra. Il rédigea le compte-rendu de l'excursion. L'on à l'automne 1796. Il continua d'étudier la religion et la philosophie. Sur ne saurait lui reprocher de ne pas s'être soucié des faits concrets: « En le plan philosophique, la publication du Fondement de la doctrine inté haut de la vallée, nous logeâmes chez un vacher qui possède 18 vaches, grale de la science2, de Fichte, marqua l'année 1794. Schelling, de son côté, dont le lait lui donne chaque jour 30 livres de fromage et en rend près de étudiait Kant et Fichte. Dès 1794, il rédigea divers essais philosophiques, 40 au printemps, à l'époque de l'herbe meilleure et plus riche. Il nous a dont il envoya le texte à Hegel en Suisse. Ainsi débuta un échange de let aussi expliqué la manière de fabriquer le fromage et l'utilisation du lait. tres. Le 16 avril 1795, Hegel écrivait à Schelling: « Du système de Kant, Tous les matins, on met le lait trait la veille au soir et le jour même dans une fois porté au sommet de sa perfection, j'attends une révolution en Alle un chaudron à feu très doux; on le fait coaguler à l'aide d'un acide extrait magne: elle partira de principes qui existent déjà et qu'il suffira d'élabo surtout de l'estomac des veaux et appelé présure. La masse ne doit ainsi rer de façon générale et d'appliquer à toutes les connaissances existantes »3. que devenir tiède. Quand se produit la coagulation, que l'on facilite en Hegel approuvait l'idée de Schelling et de Fichte de reconnaître la fonc remuant sans cesse, on retire le caillé, on en fait une masse et on la com tion créatrice de l'acte moral. Il ajoutait: « Je me propose d'étudi,er la prime dans une forme ronde en bois »8. Laissant les fromagers remuer le Doctrine de la science de Fichte pendant l'été, quand j'aurai plus de lait à 40° pour le dissocier, Hegel reprit ses méditations. En août 1796, loisir »4. il écrivit une ode intitulée Eleusis et la dédia à Hôlderlin. Il élevait son Schelling fit parvenir à Hegel sa propre étude Du moi comme prin regard vers le ciel étoilé : cipe de la philosophie, ou de l'inconditionnel dans le savoir humain5• Au « Le sens se perd à contempler. paragraphe Il, il affirmait l'indivisibilité du moi. Au paragraphe 12 il ajou Ce que j'appelais mien disparaît. tait: « Si la substance est l'inconditionnel, le moi est l'unique substance. Je vais, m'abandonnant à l'incommensurable. Je suis en lui, je suis le tout, je suis lui seul. S'il existait plusieurs substances, il existerait un moi hors du moi, ce qui La pensée récurrente, dépaysée, ne rime à rien. Il faut donc que tout ce qui est soit dans le moi et que, Prend peur devant l'infini. hors du moi, rien ne soit. Le moi inclut tout le réel et tout ce qui est l'est Stupéfaite, elle ne saisit pas par le réel. Tout réside donc dans le moi. Sans réalité, il n'y à rien; hors La profondeur de cette contemplation. L'imagination met l'éternel à la portée des sens, du moi, il n'y a aucune réalité; hors du moi, il n'y a rien. Si le moi consti L'unit à une forme. tue l'unique substance, tout ce qui est se réduit à un simple accident du Soyez les bienvenus, moi »6. Le 30 août 1795, Hegel répondit : « Tu ne saurais attendre de moi Esprit sublimes, hautes ombres, des observations sur ton écrit. Je ne suis ici qu'un apprenti. J'essaye d'étu Aux fronts rayonnants de perfection! » dier le Fondement de Fichte. Permets-moi une remarque qui m'est venue Hegel invoquait Céres au sanctùaire d'Eleusis. Il trouvait désert le temple à l'esprit: elle attestera du moins la bonne volonté de satisfaire à ta enfin accessible. La curiosité du chercheur espérait en vain trouver plus demande de t'adresser des observations. Au paragraphe 12, tu reconnais que l'amour de la sagesse. L'ode s'achevait sur l'union du divin et de au moi l'attribut d'être la substance unique. Si substance et accident sont l'humain: des concepts complémentaires, le concept de substance, me semble-t-il, ne « Cette nuit encore, divinité sacrée, j'ai su que tu étais là. devrait pas s'appliquer au moi absolu; mais bien plutôt au moi empiri Souvent aussi la vie de tes enfants te révèle à moi. que donné dans la conscience de soi; or, tu attribues l'indivisibilié au moi, Souvent je te reconnais comme l'âme de leurs œuvres. Tu es la haute signification, la foi fidèle, qui unit la thèse et l'antithèse suprêmes, et un tel prédicat ne devrait être Qui n'abandonne pas une divinité quant tout s'abîme »9. reconnu qu'au moi absolu et non au moi tel qu'il se présente dans la cons cience de soi, où il ne pose qu'une partie de sa réalité »7. Francfort Si Hegel voulait à la fois rapprocher la Raison humaine du divin et Après la période bernoise, Hegel prit un autre emploi de précepteur, reporter l'unité des unités au-delà de la conscience empirique, c'est qu'il cette fois à Francfort sur le Main, dans la famille d'hommes d'affaires s'inspirait d'une vision mystique du monde total. A cette vision, il com des Gogel. Il y demeura du début de 1797 à la fin de 1800. Non seulement mençait à peine de donner un ordre logique. Or, il ne pouvait se passer il poursuivit là ses réflexions, consacrées en partie à la politique, mais il de cet ordre, car la réalité métaphysique animait le monde. écrivit les premières ébauches de son système. Rosenkranz et Fischer décri- 12 PRÉSENTATION UN TOURNANT DE LA VIE DE HEGEL 13 vent ces manuscrits : 102 feuilles sur la logique métaphysique, 30 feuilles Iéna et après 10 sur la philosophie de l'esprit, ce qui signifie la morale . En janvier 1801, Hegel s'établit à I~éna. Il avait assez développé sa Hegel définissait la philosophie comrrie la connaissance, par l'Absolu, pensée pour affronter l'épreuve suprême du professorat. Ses ébauches pou de son opération, ou de l'idéalité pure, qui ne subit pas l'effet des change vaient servir d'un début de notes de cours préparées d'avance. Il restait ments caractéristiques du devenir de la finitude. L'Absolu s'aliène éter au théologien consacré par la Faculté de Tübingen à s'affirmer comme nellement dans le monde selon les déterminations de l'être et de la pensée. philosophe. En peu de temps, Hegel écrivit La différence entre les systè La philosophie théorique porte sur l'idée pure. Elle comprend la logique mes philosophiques de Fichte et de Schelling 1 5 à propos des critiques adres : de l'entendement et celle de la Raison, ou métaphysique. L'unité du con sées à Fichte et à Schelling par Reinhold, devenu disciple de Bardili, Hegel cept et de sa réalité s'accomplit comme nature: l'identité de la pensée et exposa comment, selon lui, la philosophie de Schelling représentait un pro de l'être sous la forme de l'être. Les relations déterminées propres à la grès par rapport à celle de Fichte. En vue de se qualifier pour l'enseigne nature relèvent de l'extériorité, où progresse la conception idéelle du deve ment supérieur de la philosophie, il écrivit aussi une thèse « d'habilita nir. De la nature procède l'esprit. Par un premier dédoublement, il se réa tion » sur Les orbites des planètesl6 • lise de façon objective comme vie. Par un second dédoublement, il devient Devenu privat-dozent, Hegel donna des cours à l'Université d'I~éna l'esprit vivant. L'être humain part d'un sentiment pratique et d'un besoin, de l'hiver 1801-1802 à l'hiver 1807-1808. Comme sujet de son premier cours, qu'il cherche à satisfaire par le travail, en s'aidant de la parole. Ainsi s'éta il choisit la logique et la métaphysique. Il organisa, sur ce programme, blissent la propriété, l'échange, l'argent, le contrat, la distinction entre le un débat philosophique dirigé par lui-même et Schelling. maître et l'esclave. Les crimes et délits contredisent le développement. En 1802 et 1803, Hegel coopéra avec Schelling à la rédaction du Jour L'individu devient moral dans la totalité, qui se présente à lui comme celle nal critique de philosophie. Il y publia divers essais sur le sens commun, d'un peuple organisé en « états» de la société et régi selon une constitution. le scepticisme, le Droit naturel, l'étude Foi et savoirl7 Dans le Journal, • En 1800 Schelling, plus rapide, proposa aux philosophes le Système parut aussi l'article De la relation entre la philosophie de la nature et la de l'idéalisme transcendentaf11 . Au début de cet exposé classique de la moitié philosophie en général 1 7 Hegel travailla à une étude sur la constitution • de son système, il déclarait: « Toute connaissance repose sur l'accord d'un de l'Allemagne. terme objectif et d'un terme subjectif... Dans notre connaissance, nous En 1803, Schelling quitta Iéna pour Würzbourg. Hegel, resté à Iéna, pouvons appeler nature l'ensemble de la simple objectivité; en revanche, enseigna son propre système et le développa. Il se fit tout de suite des par l'ensemble de la subjectivité s'appelle le moi, ou l'intelligence. Les deux tisans et des adversaires. L'ampleur de l'Absolu et la diversité de la dia concepts s'opposent »12. Le savoir selon Schelling unifie les deux termes lectique inquiétaient certains collègues et déroutaient certains étudiants. égaux. Cependant, pour expliquer l'identité, il faut la dépasser en attri Rosenkranz cite une épigramme destinée, affirme-t-il, à réfuter l'objec buant la première place soit à l'objet, soit au sujet. La première solution tion que suggérait la question posée par un auditeur : définit la tâche de la philosophie de la nature, la seconde celle de l'idéa « Tu veux savoir si nous par/ons lisme transcendental. Ici des canards ou des oies ? La même année, parut le livre principal de Bardili, un cousin de Schel Soit! Pose à l'envers /a question, ling : le Précis de logiquel3• Le Précis de Bardili suscita l'approbation de Aucun ne manque à /a revue »18. Reinhold, philosophe à la carrière mouvementée. D'abord maître des novi Pendant ce temps, Hegel écrivit la Phénoménologie de /'espritI9 Après ces des moines Jacobites à Vienne, puis laïque et professeur de philoso • diverses péripéties d'édition, qui durèrent de 1805 à 1807 et furent donc phie, Reinhold se fit le propagateur des idées de Kant. Il écrivit les Lettres un moment contemporaines de la bataille d'Iéna, le livre parut à Bam sur la philosophie kantienne. Cet ouvrage parut dans le Mercure allemand, berg. Dans une lettre du 11 janvier 1807, Schelling assurait Hegel qu'il dirigé par Wieland, dont Reinhold devint le gendre. Reinhold proposa une attendait son ouvrage avec impatience. Un exemplaire lui fut envoyé. version révisée de la philosophie de Kant dans l'Essai d'une théorie nou L'œuvre, à l'expérience, lui déplut. Il exprima son désaccord par une let velle de la faculté représentative, de 1789. Il se rapprocha de Fichte et de tre du 2 novembre 1807. Ce fut la fin des relations amicales entre les deux Jacobi dans Les paradoxes de la philosophie la plus récente de 1797. Il philosophes. Ceux-ci, note Fischer, ne se revirent que deux fois, en 1812 prit ensuite parti pour Bardili dans le premier cahier des Éléments d'un 20 et 1829 . Ainsi s'achevait la période de la vie de Hegel que caractérise tableau de la philosophie au début du XIXe siècle 1 4 • La différence. Ainsi commençait la grande carrière et elle commençait mal. L'université d'Iéna fut fermée. En 1807, Hegel s'installa à Bamberg. 14 PRÉSENTATION Il Y obtint un emploi à la rédaction d'un périodique local, mais il ne cessa de chercher un poste d'enseignement. Ces efforts aboutirent et ouvrirent, dans sa vie, la période de Nuremberg, qui dura de 1808 à l'automne 1816. Il fut en effet nommé professeur de propédeutique philosophique au Lycée BARDILI ET REINHOLD de Nuremberg et Proviseur de l'établissement. Ces années se signalèrent, dans la vie privée de Hegel, par son mariage, célébré en 1811, avec Marie La réaction de Bardili contre Kant et Fichte von Tucher. Il poursuivit ses travaux en même temps que ses cours. En L'entreprise philosophique de Bardili s'en prend à la fois à Kant et 1812 et 1816 parut la Science de la logique21• à Fichte. Bardili se rend compte qu'en voulant donner une ampleur nou En 1816, Hegel fut nommé professeur de philosophie à l'Université velle à la philosophie de Kant, Fichte la réunifie. Le moi transcendantal de Heidelberg. En 1817, parut l'Encyclopédie des sciences philosophiques qui exerce sa faculté de synthèse dans l'entendement, comme la Raison en abrégé22• A cette première édition, deux autres firent suite du vivant spéculative, comme la Raison pratique et dans le jugement forme une unité. de l'auteur, enrichies d'adjonctions, en 1827 et 1830. En 1817, Hegel reçut, Il communique avec une unité plus absolue. D'autre part, Bardili consi à Heidelberg, la visite de Victor Cousin, avec lequel il eut des entretiens dère que Fichte fait siens les défauts de Kant et les aggrave. La critique politiques et philosophiques. kantienne unifiée et, en cette unité, rapportée à l'Absolu, ou du moins En 1818, Hegel fut nommé professeur à l'Université de Berlin. En au moi absolu de la Doctrine de la science de 1794, devient un subjecti 1821 parurent les Principes de la philosophie du Droit23• En 1824, Victor visme total. Kant lui-même a reproché à Fichte de commencer par faire Cousin alla en Allemagne. Dénoncé comme suspect de carbonarisme, arrêté abstraction de l'objet réel pour tenter vainement ensuite de le reconstituer à Dresde, il fut incarcéré à Berlin. Hegel intervint avec la représentation à partir de la logique pure. Bardili, semble-t-il, veut dégager deux erreurs diplomatique française pour le faire libérer. L'incident devint l'occasion essentielles commises, selon lui, par Fichte. La première consiste à ne per de nouveaux entretiens. En 1826, Hegel fit lui-même un voyage à Paris. mettre au moi transcendantal humain de communiquer qu'avec une forme En 1831, parut son article sur le Reform Bill anglais. Encore en 1831 une lointaine et incertaine du moi divin créateur du monde: l'opposition du épidémie de choléra se déclara à Berlin. Hegel fut terrassé par ce mal, du non-moi au moi ne s'explique donc pas. La seconde consiste, inversement, jour au lendemain. Il mourut le 14 novembre 1831, jour anniversaire de à engager le moi pensant comme tel dans une progression dialectique qui la mort de Leibniz comme le rappelle Rosenkranz. fait violence au principe de non-contradiction : or, ni le moi pensant, ni l'objet de la pensée ne peuvent être à la fois eux-mêmes et non eux-mêmes. Bref, Bardili se veut plus clairement déiste et il conçoit un monde intellec tuel discontinu. Sur les deux points, Fichte s'est laissé égarer par Kant. La critique kantienne sous-estime la nécessité cognitive de l'existence de Dieu et la logique kantienne prépare la dialectique fichtéenne. Au début du Précis de logique première Bardili se situe sur le plan de la pensée pure. Ce n'est pas la pensée de quelque chose, mais « la pen sée comme pensée L'acte de la pensée comme telle peut devenir l'acte »24. de compter, autrement dit de réitérer l'unité de la pensée, de constituer des chiffres, ce qui ne signifie pas se les représenter. Kant lui-même expli que le nombre par l'addition successive d'unités dans le temps et définit l'acte de compter comme un jugement qui unit des concepts, ou du moins des formules arithmétiques. Selon Bardili, compter, c'est penser. L'acte de penser peut se réitérer dans le multiple, mais non dans le divers. Le divers abolit la réitération pure. Le un de la pensée est « l'immuable en tout chan gement, ce qui se détermine parfaitement soi-même et devient déterminant dans la foule indéterminable de tous les cas possibles de son utilisation »25. Il ne s'agit pas de concrétiser le A, le un pensant, comme un C imagina ble. Poser A en C, c'est comprendre C par A : A détermine C. La philo sophie dite critique veut expliquer la possibilité de comprendre C comme 16 PRÉSENTATION BARDILl ET REINHOLD 17 A + x. Or, jamais A ne peut devenir non-A. La pensée comme telle ne tenter de visions a priori. Or, il suffit de regarder les animaux pour se per souffre aucune différence qualitative. La négation ne constitue pas une suader que la représentation de la juxtaposition et de la succession appar forme de la pensée. La pensée comme telle ne peut accomplir aucune tient au « moi-cheval, etc. » et non pas au seul « moi humain »29. synthèse a priori: il n'existe qu'une pensée A et non des pensées C, D, etc. Une fois que A est posé en un certain C par B -B, conclut Bardili, Bardili déclare ensuite : « La pensée, comme pensée, ne souffre pas toute la forme de C comme objet se trouve rapportée à B -B. Le temps davantage aucune différence quantitative ; mais elle est toujours A, sus est une succession de représentations en une pensée. Le chailgement d'objet, ceptible d'être réitéré comme A sans fin dans tous les cas possibles de son comme changement de forme, ne peut être anéanti dans la pensée. La pensée utilisation, c'est-à-dire de façon générale au sens le plus rigoureux, à l'exclu comme telle n'aénantit pas non plus l'impulsion vitale, la vie, la conscience. sion de toute possibilité du contraire Soit, par exemple, la pensée du La conscience de la vie est la forme de la matière en tant que celle-ci donne »26. concept « homme ». L'acte de le penser une fois ou plusieurs reste identi l'impulsion à la pensée. Ainsi s'explique le sentiment. La vie animale que à lui-même. L'objet de la pensée, c'est-à-dire le concept, ne change apporte une impulsion, un sentiment, une conscience de vivre, des instincts, pas davantage. Il se définit comme l'homme en général et ne dépend pas mais aussi « un quelque chose de la chose », une manière d'appréhender de la différence qu'il peut y avoir entre tous les hommes, certains, ou un et d'apercevoir, des représentations. L'ensemble forme une individualité. seul. Le nombre des êtres humains pensés dépend de la réitération de l'acte La pensée comme pensée retient, pour lui servir de matière, toute la forme inchangé d'imaginer un objet inchangé. Ce qui donne un motif de réité de l'individualité, mais en abolit la matière. Elle en garde l'impulsion, la rer, c'est la matérialité, elle-même étrangère à la logique. dissociation et la succession: « Ce plus d'une vie animale ne garde par Dans l'intuition sensiblè, déclare Bardili, l'acte de penser A s'accom devers soi, comme pensée, que l'impulsion insusceptible d'être éliminée pagne de la vie naturelle du sujet C et s'applique à l'objet B. La forme par la pensée comme pensée, une dissociation-succession-juxtaposition que de l'objet B reste stable. Il doit perdre sa matérialité pour être perçu. L'objet l'expérience doit remplir de sentiments individuels comme tels, de repré réel B est doublé par un objet possible - B. L'apparition des objets expli sentations individuelles comme telles, ou qui doit être déterminée de façon que les différences qualitatives, que détermine la perception. L'objet n'a caractéristique en son individualisation Ces éléments s'opposent à »30. pas de quantité, mais il en acquiert une dans la perception. La perception la pensée, mais elle peut les adopter. La pensée A se pose en B comme comme telle peut aboutir aux mêmes effets que le concept: ainsi en va-t-il l'impulsion de la vie animale, les instincts, l'entendement. Elle se pose en chez les animaux. Le concept se définit comme un ensemble de percep -B comme l'impératif, le devoir, la volonté, la Raison. Or, A se pose en tions. La possibilité de penser les objets suppose leur dissociation dans la B avant de se poser en -B. L'impératif, second par rapport à la nature, représentation. Leur dissociation doit s'accomplir en la représentation d'un ne peut donc être catégorique31 • changement dans le temps, rendue possible par un complément spécifique Bardili entreprend d'édifier un système de formules logiques qui coïn qui explique la faculté d'appliquer ainsi l'acte de penser. Le temps est l'acte cide avec le monde. A cette fin, il précise Ie" sens de ses sigles et les com de penser même appliqué à la succession des représentations. La dissocia bine de diverses manières. Ainsi B devient-il l'élément substantiel de l'objet tion doit s'accomplir aussi en la représentation d'une juxtaposition27 réel et -B celui de l'objet pensé. Au C du sujet qui complète A correspond • Bardili désigne la matière par C. Elle possède une forme, que la forme un C de l'objet, qui se divise en un élément stable et un élément modifia de la pensée ne peut anéantir. La représentation de l'espace permet d'appli ble. Ainsi s'explique la genèse du concept discontinu. La perception varia quer la pensée à la forme. Il faut un B réel pour se représenter un -B pos ble, ou c, se consolide en une perception stable, ou b. Avec la remarque sible. La présence simultanée de B et de -B atteste la réalité de l'objet et qu'il ne saurait être plus clair, Bardili explique notamment: « le (A comme même l'être. Il existe un être réel et Dieu existe, malgré Kant et malgré A, en A, par A) en nous, posé en C, nous donne un (B -B) comme objet Fichte embrouillé dans le moi par Kant28 La matière comme telle ne peut en général et un (B -B + b) comme notre objet; et après la suppression • être pensée, mais peut être représentée. La possibilité de se la représenter de la matière d'êtres semblables hors de nous-mêmes, nous permet de recon en tant que forme ne peut tenir à la pensée, car il faudrait alors attribuer naître un (A comme A, en A, par A) posé en (B -B + b) en des êtres sem la dissociation, la succession, la juxtaposition à la pensée comme telle. blables hors de nous-mêmes L'adjonction du b au B permet d'expli »32. L'idéalisme critique, c'est-à-dire la philosophie de Kant et de Fichte, pré quer les degrés de l'abstraction discontinue: s'il y a un b pour les tulipes, tend que le moi pose l'espace et le temps. Ce moi ne peut être que la pen le b change pour les autres fleurs. Tous les B et b des formes restent fixes sée A, l'objet B -B, ou la matière C. S'il est la pensée, cela le rend absurde;, et discontinus, seuls les C et c de la matière changent. s'il est l'objet ou la matière, il ne constitue plus un moi. Si la pensée comme Il faut ici renoncer à suivre le développement des formules bardilien telle pose un objet, donc l'espace et le temps, en l'homme, elle doit se con- nes. Le A devient le terme premier par excellence, la pensée qui s'appli- 18 PRÉSENTATION BARDILI ET REINHOLD 19 que à des formes à travers la matière. Bardili attribue la diversité à la La conscience résulte d'une relation de la représentation avec l'objet et matière. Il attribue à la forme de la matière l'unité en sa multiplicité, la le sujet. Les représentations a priori des formes de la réceptivité et de la multiplicité en son unité. Au bout du compte, il évoque Lei~niz. Chaque spontanéité rendent seules possibles la représentation du moi et la cons monade reflète l'univers. Un apophtegme exprime cette image: toute pre cience de soi. La conscience de l'objet s'appelle connaissance. Reinhold mière matière devient un objet (B -B) dès qu'un A s'y trouve posé. Elle classe les facultés représentatives suivant une progression de l'abstrait. Le acquiert une extension réelle, une pensée possible, une intention, un but. premier degré de la spontanéité, la représentation sensible, a pour matière Elle devient organisme. La plante, sensitive, ne se représente pas l'exté le divers donné. Le deuxième degré, l'entendement au sens restreint, per rieur. L'animal ajoute la représentation à la nature sensitive, mais ne pense met de se représenter la diversité sensible unifiée par des concepts. Le troi pas, bien que son existence soit déterminée selon des pensées; Avec l'être sième degré, la Raison au sens restreint, permet de se représenter des idées humain, le A lui-même entre dans la conscience animale. Ainsi apparaît issues de l'union des concepts. Le concept au sens restreint inclut à la fois une personne. L'être humain peut percevoir ce qui est au-dessus de lui, le donné de la représentation sensible, c'est-à-dire le concept au sens le par soi et en soi, l'être des êtres. Il peut entendre la voix de Dieu. Bardili plus restreint, et l'idée au sens restreint, qui substitue déjà des liens pensés résume en ces termes le but de toute spéculation: « Admettre que le pos au divers donné3s• Non seulement l'entendement unifie les concepts, mais sible comme possible détermine le réel comme réel de façon générale sous il les relie selon la forme qui lui est propre. La Raison au sens le plus res un A ; donc trouver de façon apodictique un être des êtres, un être pre treint ramène tous ces concepts et tous leurs liens à l'unité suprême par mier pour tout ce qui est (omnibus, ex nihilo ducendis, sufficit Unum, Leib l'idée. c'est-à-dire par la représentation de liens entre les termes pensés a niz) ; descendre ensuite dans la vie et le monde; admettre que le possible priori. L'esquisse d'une théorie de la faculté de désirer complète l'ouvrage36 • soit déterminé en son application (comme -B) dans un rapport de récipro Reinhold prend le terme kantien « Elementarlehre » et appelle son cité avec le réel, dans la production nécessaire d'un ( + b), voulue absolu système« philosophie élémentaire ». Il donne les indications suivantes au ment par Dieu comme l'être premier, mais aussi à des fins relatives avec sujet de cette qualification dans Du fondement du savoir philosophique: sagesse; n'admettre donc aucune manifestation de A en nous sans un (+ c), « Les sciences particulières de la faculté de connaître et de celle de dési sans des perceptions prêalables, aucune manifestation de A pour nous sans rer, qui doivent constituer les théories élémentaires particulières de la phi coexistence, affinité, opposition dans la matière (fondées sur le réel comme losophie théorique et pratique comme la science de la faculté représenta sur leur être) ; bref, admettre que soient déterminés sous le A comme terme tive tout entière la théorie élémentaire de la philosophie en général, pren premier par excellence l'objet en nous et l'objet hors de nous par l'objet nent les définitions de la connaissance et du désir, donc leurs points de comme objet, tel qu'il est donné, entier et intact, à notre prise de cons départ, à une même source, c'est-à-dire la conscience par laquelle s'expri cience humaine ... »33. ment la connaissance et le désir »37. Après une période fichtéenne, Reinhold se rallie aux thèses du livre Reinhold partisan et adversaire de la révolution transcendentale. de Bardili à une époque difficile de ses relations avec Fichte38 A la foire • Reinhold ne considère pas les changements d'opinion comme un signe de Leipzig de 1799, le libraire Cotta s'est adressé à Schelling pour l'inciter de faiblesse, mais comme des étapes de la recherche du vrai. Dans ses écrits, à coopérer à la fondation d'un « Institut critique ». Dans ce cadre, un il donne raison à des théories diverses, mais non sans les repenser. Le pre groupe de philosophes publierait des comptes-rendus qui s'inspireraient mier Livre de l'Essai d'une théorie nouvelle de la faculté représentative d'un esprit de liberté. Schelling s'est adressé à Fichte. Favorable au pro traite du besoin d'une nouvelle étude de la faculté représentative, le second jet, celui-ci s'est mis au travail afin de préparer des statuts ambitieux et de la théorie de la représentation, le troisième de la théorie de la connais d'étendre les buts de l'institution à toute l'activité intellectuelle. Malheu sance: chacun des trois s'ouvre sur une citation de Locke. La représenta reusement, diverses rivalités de personnes compliquent l'affaire. Les fonds tion dépend d'abord de l'existence comme être humain, de ses conditions manquent. En février 1800, Fichte décide de négocier avec Reinhold la fon externes, par exemple les parents d'un individu, et de ses conditions inter dation d'une revue des revues. Reinhold traverse une crise de conscience nes. Aucune chose en soi n'est représentable. A partir de là, l'analyse de philosophique. En mars, il écrit à Fichte pour lui recommander d'étudier Reinhold présage une phénoménologie au sens contemporain. Se repré le livre de Bardili39• Fichte écrit, sur ce même livre, un compte-rendu criti senter suppose que l'on reçoive la diversité d'une matière et que l'on apporte que, qui paraît dans le Journal littéraire d'Erlangen. D'emblée, Fichte l'unité d'une forme34• Il faut une réceptivité et une activité ou spontanéité. accuse Bardili du « dogmatisme le plus grossier »40. Il ironise au sujet du Leibniz a bien fait d'opposer à la théorie des idées simples, purement pas « moi homme-vache-cheval » et de la prétention de Bardili de connaî sives, de Locke l'exigence d'une activité productive de la représentation. tre les perceptions équines: « M. Bardili était-il lui-même le cheval? »41 20 PRÉSENTATION BARDILI ET REINHOLD 21 vité absolue en principe de l'ensemble de la philosophie théorique et Sur le fond, Fichte soutient que Bardili ne fait que reprendre à son compte »44 pratique. Le moi pur de Fichte, absolu comme subjectivité, n'est illimité l'ancienne philosophie élémentaire de ·Reinhold. qu'afin de se limiter lui-même. Absolu idéal, il ne devient réel qu'en se Reinhold, de son propre point de vue, salue en Bardili l'auteur d'une limitant. Il se réduit à une vérité originelle spéculative. Fichte a tenté au philosophie différente de la philosophie élémentaire. Quand il donne rai ~ plus de réserver un passage entre cette attitude philosophique et la foi de son à Bardili, il pense changer d'avis et, à travers une analyse métaphysi quement neutre, qui présage encore une phénoménologie au sens contem la conscience naturelle en un Dieu infini. Schelling a introduit en philoso ~ phie la finitude de l'infini. Selon lui l'Absolu, s'il n'est la simple subjecti porain, il veut aboutir, comme à un résultat, à un déisme cognitif et à l'exis vité, ne peut être que la simple objectivité. Cependant, la vérité originelle tence de la matière. Dans une large mesure, il désavoue la révolution trans cendentale. Ainsi débute le premier cahier des Éléments d'un tableau. Dans disparaît ainsi : la philosophie transcendentale et la philosophie de la nature l'Avant-Propos, Reinhold relate l'évolution de ses propres idées, contra « s'interpénètrent en un seul et même sujet-objet »45. En ce moi unique, l'idéalisme et le matérialisme se renvoient l'un à l'autre. Toutes ces erreurs riée par le cours décevant des progrès philosophiques en Allemagne. La crise semble finie. L'est-elle vraiment ?42 Bardili s'attaque au kantisme par résultent de la manière incorrecte de poser le problème. La spéculation imaginative méconnaît la vérité originelle et l'application de la pensée. Il la logique. Reinhold se félicite de cette manœuvre hardie. Il lui décerne faut rénover la logique afin de l'étendre à l'application de la pensée, donc des éloges à l'issue d'un raisonnement assez détourné. Depuis toujours, explique-t-il, les philosophes de toutes opinions distinguent la logique de d'inclure l'objet dans ses lois. Voilà précisément ce qu'a tenté Bardili. Au n° III Reinhold précise en quel sens il peut accepter la réduction la métaphysique. La philosophie transcendentale ne conteste pas la dis de la philosophie à la logique. La recherche philosophique doit justifier tinction, mais elle a développé la logique d'Aristote de manière à la réduire par des raisons la dé1f.i nition de la connaissance comme application de la au sujet qui prononce des jugements. Depuis Kant, seul reste le moi, devenu pensée. D'une part, langage courant inclut la perception, y compris celle le centre d'un tourbillon qui engloutit tous les concepts humains. Cette des animaux, dans la connaissance. D'autre part, l'état présent de la phi erreur dérivée s'explique par une erreur initiale, que divulgue aujourd'hui losophie oblige à surseoir à statuer sur le caractère subjectif, objectif, ou Bardili. Il faut unir la logique, la métaphysique et les mathématiques en dualiste de l'application de la pensée. En ce sens, la philosophie sera réduite une seule certitude réelle. Bardili fait revivre et progresser l'attitude inau à la logique à titre provisoire, le temps de vérifier son principe, l'analyse gurée par Platon et reprise par Leibniz. Reinhold entend par là, semble-t de l'application de la pensée comme pensée pour atteindre à la vérité il, la référence à des entités intelligibles discontinues, à la fois intelligibles et réelles, d'origine divine. originelle. Au nO IV, après cette mise au point, Reinhold expose, dans leurs gran Dans l'Introduction du premier numéro, Reinhold définit la mission des lignes qu'il accepte, les principes de la philosophie de Bardili. Il recher de la philosophie comme un affinement de la connaissance qui consiste che quels caractères la pensée comme pensée est censée posséder et con d'abord à« l'approfondir ». Les tentatives du passé semblent avoir échoué, server quand on l'applique. Il commence par le calcul. Calculer signifie mais gardent une valeur comme des « exercices préparatoires qui pré »43 parent l'éventuelle réussite finale. Dans cette perspective, Reinhold résume « déterminer l'unité et la multiplicité relatives du divers par l'unité abso lue de l'identique Le divers comme tel n'est pas le multiple et empê les idées de Bacon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Wolff, Locke et Hume. »46. che au contraire de réitérer le un comme un : pour compter le divers, il La pensée de Leibniz, la meilleure sur le fontl, ne se prête pas à l'enseigne faut faire abstraction de la diversité. La pluralité comme répétition du un ment et voilà pourquoi Wolff l'a remaniée à des fins didactiques. lui-même présente le caractère absolu de l'identité pure, tandis qu'elle est Au n° II, Reinhold aborde la discussion de la nature de l'activité phi relative comme répétition du un dans l'autre. L'application de la répéti losophique. Philosopher signifie s'efforcer, par amour de la vérité, d'appro tion absolue à la relative détermine la quantité, qu'il s'agisse de l'étendue fondir la connaissance, c'est-à-dire de s'assurer qu'elle est réelle. Or, nul ou du nombre. L'infini absolu devient l'infini mathématique de la série. ne peut aimer la vérité s'il ne croit en elle. Pour la philosophie, l'objet Le calcul comme tel suppose l'existence d'une altérité, bien qu'il dépende de cette foi se divise en deux: le réel qu'il s'agit d'établir et la vérité origi de l'identité. L'application de la pensée, à la différence de la pensée comme nelle qui l'établit comme la raison, le fondement, la justification de tout telle, peut s'accommoder d'une négation exempte de contradiction, qui et présente le caractère de l'Absolu. La vérité originelle incompréhensible se manifeste dans le possible et le réel comme une vérité compréhensible. relève de la matière: « Cette matière = C est ici postulée »017. Dans le nOV Reinhold revient sur les phases antérieures de la polé Kant a distingué deux catégories de connaissance: l'expérience dans la Cri mique. Il se réfère aux comptes-rendus de l'ouvrage de Bardili rédigés par tique de la Raison pure et la foi dans là Critique de la Raison pratique. lui-même et par Fichte et, dans ce débat, des éléments obscurs et person- Fichte a érigé « cette activité d'objectivation de soi-même de la subjecti-

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