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la culture algérienne PDF

196 Pages·2010·14.64 MB·French
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Ii LA CULTURE ALGÉRIENNE _- 112 REVUE MENSUELLE JANVIER 1960 4 Maltamme,' Raeint : Femmes à la terrasse (Alger), miniature. AU LECTEUR Le 16 septembre dernier, le général de Gaulle parlait de l'Algérie en ces termes : « ...Depuis que le monde est monde il n'y a jamais en d'unité, ni 41 plus forte raison, de souveraineté algérienne.» Le Président de la République, pour les besoins de sa politique — conserver, certes au prix de concessions économiques, sociales, politiques, la maitrise de l'Algérie et du Sahara — voulait bien reconnaitre l'exis- tence des Algériens « en tant qu'individus », mais pas l'Algé- rie comme entité avec laquelle il faudrait compter. Cette négation de l'existence nationale de l'Algérie s'inscri- vait — constatons-le — dans la tradition colonialiste « L'Algérie qui n'existait pas avant nous; l'Algérie que nous avons créée ». On voit bien à quoi peut servir une telle af firmation : si l'Algérie c'est le vide, avec qui parler d'une solution négociée ? A cette interprétation abusive de la réalité historique qui dresse un obstacle ix la paix, nous avons voulu répondre au plus vite. Le peuple algérien est, sur le plan du courage mili- taire. un interlocuteur valable : n'a-t-on pas parlé de « paix des braves» ? 11 est sur le plan politique un adversaire redoutable, donc valable : la fébrilité de la presse française et étrangère dans rattente des décisions de ceux qui parlent en son nom en porte témoignage. II est taut autant — c'est ce que nous avons voulu montrer 1 2 par ce numéro spécial de La Nouvelle Critique — un inter- locuteur valable sur le plan de la culture. Affrontant le lecteur, et en particulier le lecteur algérien, notre seule crainte sera de donner ici une expression trop incomplète de cette culture. Nous l'avons entrevue. Nous avons rassemblé ce qui pouvait l'étre dans un court laps de temps. (Ce pourrait étre d'ailleurs un utile sujet de réflexion que de se demander pourquoi des Français ont tant tardé le faire.) Nous avons suscité des apports originaux. Nous voudrions alors exprimer notre gratitude tous ceux qui nous ont accordé leur concours, et tout particulière- ment à: Madame Assia Djebbar, Mohammed Racim, Abderrah. man Bouchama, Mohammed Dib, Mouloud Feraoun, Malek Haddad, Bachir Hadj All, le Dr Sadek Hadjéres, M'hamed Issiakhen, Yacine Kateb, et nous excuser auprès de ceux qui ont bien voulu nous faire des envois que des limitations de volume ne nous ont pas permis de publier : en particulier, Jean Sénac, M'hamed Aoun, Bourboune Mourad. Et puisque nous ouvrions cette présentation par Pafft', mation péremptoire d'un homme politique français, pourquoi ne pas la conclure par la réponse anticipée d'un homme poli- tique arabe, en méme temps grand historien, qui écrivit en terre algérienne — de 1374 à 1378 — l'essentiel de son ceuvre ? : « L'état du monde et des peuples, leurs usages, leurs opinions ne subsistent pas d'une manière uniforme et dans une position invariable, c'est au contraire (...) une transition continuelle d'un état à un autre. Les changements qui ont lieu pour les individus, les temps de courte durée et les villes ont heu également pour les grands pays, les pro- vinces, les longues périodes de temps et les empires.» Ibn Khaldoun. Nous saluons avec res pect le peu pie algérien. La N.C. LES SOURCES DE LA CULTURE ALGERIENNE Si certaines nations de formation relativement récente, les Etats-Unis par exemple, ont originalisé leur culture natio- nale bien après l'apparition du fait national et la constitution de l'Etat national, d'autres nations jeunes, particulièrement nombreuses parmi les pays sous-développés, sont les héritières d'un riehe et très vieux passé de culture. L'Algérie est de celles-là. Toutefois, si l'existence de cultures vietnamienne, mal- gache ou marocaine par exemple n'est pas mise en doute, il n'en est pas de méme de la culture algérienne. En effet, les particularités de la colonisation de l'Algérie, l'étroitesse de sa subordination à la métropole, les politiques plus ou moins anciennes d'« assimilation » ou d'« intégration » ont déterminé une attitude généralement négative à l'égard de la culture algérienne : l'Algérie avant la conquite francaise n'aurait eu aucune individualité positive et n'aurait constitué, malgré son islamisation quasi totale et son arabisation très marquée, qu'une sorte de no man's lancl culturel. Nombre d'auteurs ont insisté sur le prétendu immobilisme des Berbères, seulement capables, dit-on, d'imiter les exemples donnés par un maitre étranger. On s'est mème plu à définir en termes lapidaires le soi-disant dilemme de l'Afrique du Nord et tout spécialement de l'Algérie : « Civilisation et servitude, ou liberté et barbarie. » Des littérateurs, dont l'in- fluence n'a pas été négligeable, ont pu affirmer, au mépris de la simple évidence historique, que tout ce qui était valable au Maghreb, n'était en fait que la partie de l'héritage romain 4 YVES LACOSTE ( et chrétien, qui avait échappé aux effets destructeurs des invasions des Arabes communément présentés sous les traits de nomades pillards et anarchiques, destructeurs des struc- tures politiques et sociales de la Berbérie. Ainsi, le Berbère présenté comme immuablement primitif, sans « aucune individualité positive »1, l'Arabe, « fataliste » ou « nomade envahisseur et pillard », et le ramassis des janis- saires tures et des pirates barbaresques, tous dominés par l'Islam (« religion du désert », du fatalisme et de la résigna- tion) apparaissent-ils du mojos, dan» les termes oü jis sont souvent présentés, comme des éléments fort peu susceptibles d'engendrer une culture suffisamment évoluée pour servir d'élément constitutif d'une nationalité. Le mojos que l'on puisse dire, c'est que ces jugements de valeur, aussi sim- plistes qu'arbitraires, ne sont pas politiquement désintéressés. Jis procèdent de la prise en eonsidération d'une fraction seulement des réalités historiques, qui isolée des autres aspects du passé de l'Afrique du Nord, est érigée, avec le plus grand arbitraire en donnée fondamentale et éternelle. Ainsi, les Berbères ne peuvent apparaitre attachés à leurs antiques traditions que dans la mesure oü l'on ne veut consi- derer que les populations (relativement peu nombreuses), maintenues dans un état économique et social peu avancé par l'isolement ou eertaines circonstances historiq-ues. Mais le fait berbère ne peut étre réduit qu'à ces seules survi- vances. Les Berbères ont connu dans le passé des formes d'organisation politique et sociale bien supérieures. lis ont été capables de creer de grands empires et d'atteindre à certaines époques un niveau de civilisation que l'Europe aurait pu alors leur envier. Toute considération sérieuse sur l'en- semble des réalisations des peuples berbères, qui représentent l'essentiel du peuplement nord-africain, se doit d'envisager non seulement celles des populations qui parlent encore essen- tiellement les dialectes berberes, mais aussi les réalisations des Berbères, très nombreux, qui ont adopté la langue arabe. Cette arabisation fut dan» une grande mesure fonetion de Pintégration des populations berbères à la vie urbaine, aux grands courants commerciaux et intellectuels, et aux activités politiques dirigeantes. Les populations berbères arabisées, bin de se borner à de serviles imitations à l'ombre de fértiles étrangères, se sont montrées capables, en particulier au Moyen Age, de développer dan» Pindépendance une civilisation, 1. E.-F. Gautier, Le passé de l'Afrique du Nord - Les siCcles obscurs. LES SOURCES 5 certes d'expression arabe pour le principal, mais qui n'en est pas moins propre au Maghreb. Fortement teintée d'in- fluences berbères, elle joint à la grandeur et à la fécondité, une incontestable originalité. On a trop souvent limité l'ap- port des peuples d'Afrique du Nord à ce que les Berbères ont réalisé dans les contrées écartées ou pendant les périodes d'isolement et de difficultés. C'est également au travers de de leurs réussites qu'il convient de juger de la richesse de leur culture. L'opposition si souvent évoquée d'une race herbere et d'une race arabe d'envahisseurs n'est pas plus justifiée. Les groupes humains véritablement originaires d'Arabie ont été relativement peu nombreux. Pour l'essentiel, les « Arabes » d'Afrique du Nord sont des Berbères autochtones pour qui le développement des activités économiques et sociales ou les circonstances géographiques et politiques ont favorisé l'adop- tion de la langue arabe comme langue de civilisation et d'échanges internationaux. Un des facteurs les plus importants de la constitution d'une culture maghrebine originale est que la domination politique de l'Empire arabe sur le Maghreb fut de très courte durée. Le pouvoir des souverains de Damas, puis de Bagdad, s'exerça pendant mojos d'un siècle sur ce qui constitue aujourd'hui l'Algérie. L'arabisation de l'Afrique du Nord s'effectua progressivement dans le cadre d'un pays indé- pendant, dont les chefs et les groupes sociaux dirigeants furent des autochtones. Le Maghreb n'en appartint pas moins à la communauté musulmane, et son intégration fut d'autant plus grande que son indépendance politique n'était plus contestée. Sans avoir à supporter les méfaits d'une domina- tion étrangère qu'il avait vigoureusement rejetée, le Maghreb développa, dans Pindépendance, ses relations économiques et culturelles avec l'Orient et entretint d'étroits eontacts avec les musulmans d'Espagne. L'adoption progressive, et pour Pessentiel, spontanée de la religion musulmane par les peuples du Maghreb, leur libre intégration culturelle à la communauté musulmane est incom- préhensible en l'absence de toute coercition politique, si l'on s'obstine à ne voir dans l'Islam que résignation et fatalisme, que négativité d'une religion et d'une Organisation sociale soi-disant marquée par le désert. C'est bien le contraire d'une régression qui incita le Maghreb, une fois libre, à adhérer à la communauté musulmane : ce sont plut6t les aspects fortement positifs et progressistes que celle-ci présentait abra. 6 YVES LACOS7'E Si l'Antiquité avait connu le « Miracle grec », la véritable grandeur du Moyen Age fut pour une très grande part un véritable « Miracle arabe », trop souvent dénigré ou passé sous silence. II n'est pas faux ni injuste de constater que du VIII au XII' siècles, tont ce qui f-ut pensé, tout ce qui fut écrit, tout ce qui fut créé de véritablement puissant et nouveau, fut pensé, écrit, créé dans le monde musulman. l'Islam, jusq-u'aux environs du XI' siècle, lors de l'essor de la civilisation musulmane, fut une religion, non pas fataliste, mais pränant le succès recherché, l'initiative tant au point de vue intellectuel que commercial. Des cietes de la Méditer- ranée, d'Arabie, des Indes jusqu'à celles de Chine et du Japon, de la mer Noire jusqu'aux confins de la grande forét équatoriale africaine, se constitua une aire d'échanges de marchandises, d'hommes et d'idées. Le développement du monde musulman provoqua un véritable renouveau de l'éco- nomie universelle jusqu'alors empétrée dans les séquelles de la décadence de l'Antiq-uité. Non seulement le commerce, mais l'industrie et l'agri- culture connurent un grand développernent. La métallurgie, la céramique, la chimie, le travail textile, la production du papier, l'irrigation sont des techniq-ues qui doivent beaucoup aux Arabes, lesquels introduirent, par ailleurs, dans les contrées méditerranéennes, de nouvelles plantes : le riz, les oranges, la péche, la canne ä sucre, le coton, l'abricot, l'arti- chaut, l'épinard, etc. Dans les grandes cités se développa une classe de riches marchands qui jouèrent dans la vie sociale un róle de premier plan. Cette bourgeoisie entreprenante, ouverte aux idées nouvelles, cette civilisation urbaine et mar- chande s'engagea du point de vue intellectuel dans la voie de la recherche pratique et scientifique, et celle de la pensée rationaliste. La civilisation d'expression arabe sauva de l'ou- bli et de la destruction l'héritage scientifique et philoso- phique de la Grèce; les recherches et les traductions arabes permirent dans une grande mesure à l'Europe de connaitre la Renaissance plusieurs siècles plus tard. Gräce aux Arabes, certains aspects des cultures chinoise, indienne et iranienne parvinrent sur les rives de la Méditerranée oü ils exercèrent une influence considérable sur le développement ultérieur des connaissances tant en Orient qu'en Europe. La philosophie, la médecine, la chimie, les mathématiques, l'astronomie, les sciences naturelles firent des progrès considérables et certaines de ces sciences sont de véritables créations arabes. Les mots d'origine arabe, alanabic, alcali, alchimie, alcool, algèbre, LES SOURCES 7 chiffre, élixir, zero, zénith, mots fondamentaux dans le lan- gage scientifique, attestent l'importance des Arabes en ma- fiere scientifique à cette époque. Le Maghreb, dans ce monde musulman, ne fut pas une Sorte de Far-West assez frustre, ii l'importance culturelle secondaire, capable seulement d'imiter et d'adopter les diffé- rents éléments de la civilisation musulmane. Son eloigne- ment, son independance politique, les caracteristiques cultu- relles des Berberes en firent une contrée marq-uée d'une solide individualité. Nombre de Maghrebins eomptent parmi les plus grands noms dont peut s'enorgueillir la civilisation musulmane. La place tenue par l'Afrique du Nord dans l'ensemble du monde d'expression arabe fut, à divers egards, très impor- tante. Ce fut ainsi un mouvement religieux et politique parti d'Afrique du Nord qui, au X" siede, permit la constitution d'un vaste empire moyen-oriental centré sur l'Egypte, on des armees herberes fondèrent l'actuelle ville du Caire. Plus importante encore est la place tenue par le Maghreb dans la vie économique non seulement de l'Islam, mais aussi de l'Europe chrétienne. Du IX' siècle jusqu'aux environs du XV' siècle le Maghreb contróla la route de l'or soudanais, source principale de métal precieux pour tout le monde médi- terranéen médiéval. Les Maghrebins, pour l'essentiel, orga- nisèrent les caravanes qui allaient chercher l'or au sud du Sahara, en échange de produits fabriques en Afrique du Nord ou importes d'Orient ou d'Europe. Ce trafic de l'or fit du Maghreb un des carrefours commerciaux fondamentaux du monde de cette époque. De grandes viles rnarchandes, de puissants Etats tirerent leur activité, leur splendeur et leur force de cet afflux de métal précieux. C'est à cette époque, et particulièrement entre le IX' et le XIV' siècle, que se constituèrent progressivement les éléments fondamentaux de la culture maghrebine. Cette culture n'est pas celle d'un peuple replié sur lui- meme, n'assurant son originalite que dans l'isolement et dans la limitation de ses activités à des formes assez rudimentaires, ni celle d'une population abandonnée aux influences cosmo- polites. La culture maghrebine procède du comportement historique d'un peuple libre, doté d'une puissante individua- lité et qui, de ce fait, a pu s'ouvrir à de multiples influences orientales, africaines, andalouses, stins pour autant s'y dis- sondre. 8 YVES LACOSTE Cette culture a tiré une grande part de son originalité de la diversité des groupes humains qui l'ont constituée et de leur contact incessant : rudes paysans montagnards, cita- dins raffinés, villageois jardiniers et arboriculteurs, pasteurs semi-nomades, chameliers sahariens, habitants des palmeraies et des oasis. Ces populations, bin de s'ignorer et de se confiner sur elles-mèmes, entretenaient les unes avec les autres des rapports constants, du fait des données géogra- phiques et des nécessités historiques. Certes, les conflits exis- tèrent aussi: mais bin d'étre la conséquence, comme on se complait à le répéter, de l'hostilité constante de groupes homogénea — les nomades contre les sédentaires — ces luttes procédaient d'une vie politique compliquée, fait inhérent une situation semi-féodale. Autour de diverses capitales, dans le eadre d'alliances complexes et ehangeantes s'opposaient des armées de composition hétérogüne associant de part et d'autre des contingents de sédentaires et les escadrons de pasteurs chameliers ou cavaliers. Cette partieipation des divers groupes humains la vie politique (ce fait apparait comme assez typique du Maghreb), le morcellement politique d'allure féo- dale du pays (qui n'excluait pas son unification à plusieurs reprises au sein d'empires puissants) ont favorisé l'apparition d'une culture relativement homogène empruntant ses carac- tères tant aux villes qu'aux campagnes, taut aux steppes qu'aux montagnes, tant aux oasis du Sud qu'aux villes catières, tant aux berbèrophones qu'aux populations arabisées. De plus, ces divers éléments de la population nord-africaine entre- tenaient des rapports économiques constants dans un pays oü l'activité des grandes voies du commerce international renforçaient les échanges locaux ou régionaux autour des grandes foires et des « souks ». Enfin, l'Islam établissait un lien entre tous ces groupes, pas seulement sur la base d'une communauté de religion mais aussi d'une instruction, d'une organisation juridique et soeiale communes. Ainsi se constitua au sein du monde musulman une culture inaghrehine qui associa harmonieusement au raffinement citadin des influences andalouses et orientales la rude solidité des montagnards, le goüt d'aventure des marchands caravaniers et les chevauchées des pasteurs des steppes. Dès le Moyen Age, l'individualité de l'Afrique du Nord se concrétise au point de vue religieux par son adhésion au rite le plus strict de l'Islam, le malékisme, et au point de vue linguistique, par la persistance des parlera berbères et l'appa- rition d'un arabe dialectal maghrebin, langue populaire sen-

Description:
de concessions économiques, sociales, politiques, la maitrise de l'Algérie .. renforçaient les échanges locaux ou régionaux autour des . ment l'actuelle Tunisie) et du Maghreb el Aqsa (le Maroc) DEBUSSY : Arpeggio Irre 111.
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