Cahiers de Biblia Patristica 8 Cahiers de Biblia Patristica Collection fondée par Pierre MARAV AL, dirigée par Jean-Marc PRIEUR 1. Lectures anciennes de la Bible, Strasbourg, 1987. 2. Figures de l'Ancien Testament chez les Pères, 1989. 3. Figures du Nouveau Testament chez les Pères, 1991. La croix chez les Pères 4. Le Psautier chez les Pères, 1994. 5. Le livre de Job chez les Pères, 1996. 6. Rois et reines de la Bible au miroir des Pères, 1999. (du Ile au début du IVe siècle) 7. La résurrection chez les Pères, 2003. Jean -Marc Prieur Les Cahiers de Biblia Patristica sont publiés par le Centre d'Analyse et de Documentation Patristiques, qui appartient à l'Equipe d'Accueil J31~ de la Faculté de théologie protestante de l'Université Marc Bloch de LfC; Strasbourg (9, place de l'Université, 67084 Strasbourg Cedex, France). . P ~-7 ['C"C- ~;) Ils sont diffusés par : ;(006 Brepols Publisher, Steenweg op Tielen 68, 2300 Turnhout, Belgique. Université Marc Bloch Palais Universitaire - 67084 Strasbourg Cedex 2006 Nous remercions Madame Ersie Leria, de l'Université Marc Bloch de Strasbourg qui a réalisé la maquette et la mise en page de l'ouvrage ainsi que Mademoiselle Emmanuelle Gaulier qui en a fait l'index biblique. Introduction Jean-Marc Prieur est professeur d'histoire du christianisme ancien à la Jésus-Christ est mort sur une croix, tel est un élément important Faculté de théologie protestante de l'Université Marc Bloch, Strasbourg. de la tradition dont ont hérité les premiers chrétiens. Or, on le sait, ce mode d'exécution était celui des non citoyens romains, des esclaves en particulier; un moyen de répression et de terreur tenu pour exceptionnellement cruel, repoussant et humiliant. On connaît le mot de Cicéron: «que le nom même de la croix soit écarté non seulement de la personne des citoyens romains, mais aussi de leur pensée, de leurs yeux, et leurs oreilles»!. Dans la Clé des songes, un long écrit du Ile siècle qui enseigne la signification des rêves, Artémidore écrit ceci à propos du rêve dans lequel on se voit crucifié: Etre crucifié est bon d'une part pour tous les gens en mer. Car la croix est faite de bois et de clous comme le navire et le mât du navire ressemble à une croix. Bon aussi pour un pauvre, car le crucifié est haut dressé et nourrit beaucoup de rapaces. Et cela met à découvert les choses cachées: car le crucifié est pleinement visible. En revanche cela nuit aux riches: car on est mis en croix à nu et les crucifiés perdent leur chairs .... Ceux qui veulent vivre en leur patrie, ceux qui cultivent leur propre terre, ceux qui craignent d'être chassés d'un lieu, cela les chasse et ne leur permet pas de rester là où ils sont: car la croix empêche d'avoir pied sur la terre.2 Au delà des déclaration liées au fait qu'il s'agit de l'interprétation d'un rêve, on retiendra la description de la réalité de la croix, avec une Couverture: Détail d'un sarcophage du Ille siècle conservé au musée comparaison à la mâture d'un navire et la mise en évidence de ce que Ottoman de Constantinople (S. Reinach, Répertoire de Reliefs grecs le crucifié se trouve entre ciel et terre, observation que l'on retrouvera et romains, t. 2, Paris, 1912, p. 170, 1; C. R. Morey, V, 1, Roman and chez les auteurs chrétiens3• Christian Sculpture, Princeton, 1924, p. 42, fig. 65). 1. CICÉRON, Pro Rabirio 5, 16. Université Marc Bloch, Strasbourg, 2006. 2. Trad. A. J. FESTUGIÈRE, 1975, p. 166. 3. Au sujet de ce que représentait la crucifixion, voir l'étude classique de ISBN 2-906805-07-6 M. HENGEL,1981, en particulier la première partie: «La crucifixion dans ISSN 0982-3468 l'Antiquité» . La croix chez les Pères Introduction Le fait que celui que l'on vénérait comme Sauveur et Fils de Dieu Cette malédiction était étendue aux crucifiés et utilisée dans la était mort de cette manière ne pouvait être qu'une absurdité aux polémique contre le christianisme, comme le montre le propos placé yeux des païens, qui voyaient une incompatibilité entre l'idée d'un par Justin dans la bouche du Juif Tryphon: « ce prétendu Christ, qui Dieu incarné et crucifié, abandonné de son Père, et l'image de Dieu est le vôtre fut sans honneur et sans gloire, au point de tomber sous courante alors, caractérisée par l'impassibilité, l'immuabilité, l'absence la suprême malédiction (-rft Èoxa-rn Ka-rapçt) qui figure dans la Loi: il de sentiment et de changement4• Cette absurdité est formulée par les fut en effet crucifié.»9 A un rejet inspiré par l'ignominie du supplice philosophes Lucien: « celui qu'ils vénèrent encore, l'homme qui fut s'ajoutait une condamnation proprement religieuse. crucifié en Palestine» 5, et Celse qui raille la foi chrétienne: « celui que Les chrétiens ne pouvaient être insensibles à ces arguments, dont, je te présente est le fils de Dieu, malgré des liens honteux et un supplice ils partageaient les présupposés, et il faut admettre que la crucifixion infamant, et bien qu'on l'ait traité avec la dernière des ignominies aux de leur Seigneur leur posa un réel problème, qui transparaît dans yeux de tous.» Selon lui Jésus aurait dü disparaître de la croix pour l'apologétique contre les païens et contre les Juifs. faire voir sa divinité6 Cette absurdité est très bien évoquée par un • apologète chrétien comme Arnobe: « Les dieux ne nous en veulent pas Des prédications comme celle d'Actes 5, 30 et 10, 39 reprennent d'honorer le Dieu .tout-puissant, mais de prétendre qu'un homme, né le vocabulaire de Deutéronome 21, 23, dans un contexte polémique et mortel et mort sur la croix (supplice infamant pour les individus de pour opposer l'œuvre de Dieu, qui a ressuscité Jésus, à celle des Juifs, basse condition) était dieu, et de croire qu'il vit et de l'adorer dans des qui l'ont «pendu au bois» (Kpef.laŒav-re~ Èrrl ~uÀou). Mais c'est Paul prières quotidiennes.»7 qui, en Galates 3, 13, cite le passage du Deutéronome, en l'assumant La croyance en un Messie crucifié était tout aussi peu admissible par totalement: « Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la les Juifs, qui partageaient les réserves des païens, mais dont le jugement Loi, en devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu'il est écrit: sur la croix était aggravé par Deutéronome 21,23: « car le pendu est une "Maudit quiconque est pendu au bois" »10. Cette affirmation prend malédiction de Dieu» ; dans la Septante: « maudit de Dieu quiconque est place dans un développement qui montre que personne n'est justifié pendu au bois», KeKa-r'lpaf.lévo~ ùrro Seau rrêi~ Kpef.laf.levo~ ÈrrL ~UÀOU8. par la Loi, mais que la justice devant Dieu vient de la foi. Pour Paul, il ne suffit pas que le Christ soit mort pour les péchés, conférant ainsi à cette mort une portée sacrificielle, mais il faut qu'il meurt sur une croix, pour tomber ainsi sous le coup de la malédiction de la Loi et, de ce fait, 4. Voir la bonne présentation du problème par L. PADOVESE, 1988. annuler la vertu de cette Loi. Par ailleurs, si 1 Corinthiens 1, 18 à 2, 16 5. LUCIEN, La mort de Peregrinus 11. Trad. G. LACAZE dans Lucien. Histoire reconnaît clairement que le « langage de la croix» est un scandale pour vraies et autres œuvres (Le livre de poche Classique), Paris, 2003, p. 186. les Juifs et une folie pour les païens, il y voit la puissance et la sagesse Dans le Iudicium uocalium 12, le même Lucien indique que la lettre T a de Dieu. En 1 Corinthiens 1, 23-24 sont mentionnées les deux parties de reçu son sens négatif de ce que les tyrans ont fait des «bois» de cette forme l'humanité, les Juifs et les païens, qui seront rapprochées conformément sur lesquels ils ont crucifié des hommes. 6. Dans ORIGÈNE, Contre Celse VI, 10 (trad. M. BORRET, SC 147, p. 203 et 205) à la théologie de la croix et de la foi formulée en Ga la tes 3,6 à 14. Les et II, 67. développements de la Lettre aux Corinthiens rejoignent cette autre 7. ARNOBE, Contre les Nations l, 36. affirmation de Galates 6, 14: « Pour moi, non, que je ne me glorifie pas, 8. Sur Dt 21,22-23, voir ROSE, «Le cadavre du pendu», 2002. Rose aboutit à la conclusion que Dt 21,22-23 évoque une exécution et un empalement, plutôt que le placement d'un exécuté sur un bois. Mais il fait observer que la disposition juridique de Dt 21,23 concerne moins l'exécution que ce qui la suit. Sur les interprétations juives ancienne de Dt 21, 22-23, voir ROSE, 9· JUS;rIN, Dialogue avec Tryphon, 32, 1. Trad. Ph. BOBICHON, 2003, p. 261. «Les premières interprétations de Deut 21,22-23 »,2002. 10. VO lr DETTWILER, «De la malédiction à la bénédiction ... », 2002. 6 7 La croix chez les Pères Introduction si ce n'est dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par laquelle le Dans l'Evangile de Marc, la crucifIxion est clairement assumée monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde.» dans la mesure où l'identité profonde du Christ est liée à sa souffrance 11 La Lettre aux Colossiens (1,19-20) reprend et développe la dimension (8,31-33), où le centurion reconnaît qu'il est le Fils de Dieu à la universaliste de l'action de la croix attestée dans celle aux Galates, en manière dont il est mort (15, 39), et où le ressuscité est en même temps l'étendant au cosmos, conformément à la pensée de l'ensemble de le crucifté (16, 6). De plus, on y trouve cette parole: «Si quelqu'un l'hymne de Colossiens 1, 15-2012 De plus, le «document accusateur» veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et • (XElpoypacpov) annulé par sa ftxation à la croix selon Colossiens 2, 14 qu'il me suive» (8,34). Non qu'il s'agisse nécessairement de porter peut représenter soit la Loi elle-même, soit les fautes qui découlent la croix du Christ ni de mourir comme lui, bien que cette parole ait de sa non observance. Le fait qu'il ait été annulé par sa fIxation à été exploitée par la suite pour justifter l'acceptation du martyre et, le la croix est une manière de dire que, par sa cruciftxion, le Christ a cas échéant, y encourager. Il est bien plutôt question, pour chacun, annulé la Loi ou les fautes qui en découlent13 Il s'agit d'un acte de de porter «sa» croix, c'est-à-dire de se renier soi-même ou de ne plus • destruction semblable à celui, plus violent, qu'évoque la victoire sur les mettre sa conftance en soi-même, dans la suivance du ChristI6• Principautés et les Autorités dont il est question tout de suite après au Le présent ouvrage s'intéresse à la manière dont les chrétiens verset 15. Mais ce verset peut être compris de deux manières, selon que du Ile au début du IVe siècle ont, à leur tour, interprété, expliqué et l'on rattache le èv alJ1'(jJ ftnal à la croix du verset 14 ou au Christ lui justifté la croix du Christ, dans les textes qu'ils ont rédigés. L'enquête même. Dans le premier cas, il s'agirait d'une victoire sur ces puissances porte sur la croix et non sur la mort de Jésus en général, ni même par la crucifIxion; dans le second, la victoire du Christ s'effectue par sa sur sa crucifIxion, bien que ces réalités ne puissent être entièrement résurrection et son ascension14• distinguées. C'est ainsi que nous ferons relativement peu d'allusions au C'est sans doute encore dans la même perspective que celle de Psaume 21, qui pourtant fut très souvent cité en rapport avec la mort la Lettre aux Galates qu'il convient de comprendre l'affirmation de Jésus, ni non plus à tous les textes qui associent Jésus à la Pâque. d'Ephésiens 2, 15 et 16: «Il a aboli la Loi et ses commandements avec Nous éviterons par conséquent de parler de la mort de Jésus en la leurs observances. Il a voulu ainsi, à partir du Juif et du païen, créer en désignant du mot croix, comme cela se fait souvent dans la littérature lui un seul homme nouveau, en établissant la paix, et les réconcilier théologique moderne, ou comme on peut le constater au chapitre 79 avec Dieu tous les deux en un seul corps, au moyen de la croix». La de la Démonstration de la prédication apostolique d'Irénée. Et s'il nous croix permet la réconciliation des Juifs et des païens, et cela est mis en arrive de mentionner des textes qui traitent plutôt de la mort de Jésus rapport avec l'abolition de la Loi. que de la croix, c'est le plus souvent parce qu'ils se fondent sur des références bibliques qui sont habituellement appliquées à la croix; il s'agit plutôt, dans ces cas, d'essayer de compléter un dossier. Limiter cette enquête à une période qui s'étend du Ile au début du 11. Sur la théologie de la croix chez Paul, voir les contributions rassemblées par IVe siècle a quelque chose d'arbitraire et de réducteur, et il eût certes DETTWILER et ZUMSTEIN, 2002, notamment celle de ZUMSTEIN. Voir aussi été intéressant d'examiner des textes des siècles suivants. Mais la place ZUMSTEIN,2001. nous aurait manqué, et ce sont principalement des considérations 12. Sur la compréhension de la croix dans la Lettre aux Colossiens, voir DETTWILER, «Das Verstandnis des Kreuzes ... », 2002. 13. Dans ce dernier sens, ce verset aurait un sens proche de celui de 2 Co 5, 21, comme le fait observer A. DETTWILER, ibidem, p. 100. 14. C'est dans ce sens que comprend le texte A. DETTWILER (ibidem, p. 102) 15. Cf. à ce sujet l'étude de CUVILLIER, 2004. Cet auteur parle, à propos de qui considère que ev aùn'i! désigne le Christ. Origène retiendra la première Marc, de théologie de la croix. Voir aussi CUVILLIER, 2002, et EBNER, 2002. interprétation. 8 9 La croix chez les Pères pratiques qui nous ont conduit à effectuer ce choix. La période retenue présente pourtant certaines caractéristiques, du point de vue qui nous intéresse. Le christianisme est encore dans une situation de précarité et ses adeptes sont amenés à se défendre contre les attaques dont ils sont l'objet. La crucifIXion est une pratique courante, connue de tous, La croix qui accompagne Jésus et dont il arrive que les chrétiens soient eux-mêmes, en tant que tels, l6 les victimes. C'est Constantin qui décidera l'abolition de ce supplice . Sans nous prononcer sur la nature du signe que cet empereur aurait vu Plusieurs écrits mettent en scène une croix qui se déplace et avant la bataille du pont Milvius17, rappelons qu'Eusèbe évoque une accompagne Jésus, et même, dans l'un d'entre eux, parle. Le motifle statue romaine qui célèbre cette victoire et représente cet empereur plus ancien est celui du signe qui précède le Christ lors de son retour tenant à la main le «trophée de la passion du Sauveur», c'est-à-dire, glorieux. Apparaît ensuite la croix qui accompagne Jésus au moment l8 très vraisemblablement, une croix . Il donne par ailleurs la description de sa sortie du tombeau. Vient enfin l'idée que la croix l'a accompagné d'une croix ornée de pierreries dressée dans le palais impérial de au moment de sa montée vers le ciel. C'est dans cet ordre que nous l9 Constantinople . Avec Constantin, les choses changent donc. La présenterons ces thématiques, bien qu'il ne corresponde pas à la croix acquiert un statut de symbole public et honorable, sous forme de chronologie des faits qui concernent l'œuvre du Sauveur. trophée de victoire, une idée qui avait déjà été suggérée par des auteurs chrétiens dans leurs écrits apologétiques, mais qui débouche sur des La croix, signe qui précède Jésus lors de sa parousie représentations matérielles20 • La Didachè Signalons que nous nous référons à la numérotation du psautier de On lit ces mots dans la partie finale de la Didachè(16, 6): «Et la Septante, puisque c'est celui-ci qu'utilisent nos auteurs. alors les signes de la vérité apparaîtront: premièrement le signe de l'extension dans le ciel (OlJllelOV ÈK7tel'UOewç Èv oùpav4», puis le signe de la trompette retentissante, et, troisième signe, la résurrection des morts»l. La notion d'extension, attestée dans d'autres œuvres comme signifiant la cruciflXion2 précise ici le sens du mot signe: il désigne , la croix qui apparaîtra au moment de la parousie du Seigneur. Nous rapprochons ce signe de celui de Matthieu 24, 30, «Alors apparaîtra dans le ciel le signe (0l1lle1ov) du Fils de l'homme », un texte de peu plus ancien, vraisemblablement issu d'un même milieu, et nous pensons que, dans les deux cas, le signe désigne la croix elle-même3 Ce passage • 16. Voir AURÉLlUs VICTOR (Livre des Césars 41) et SOZOMÈNE (Histoire ecclésiastique l, 8, 12). 1. Trad. RORDORF, 1998, p. 197 et 199. 17. Voir les récits de LACTANCE (La mort des persécuteurs 44) et d'EusÈBE (Vie 2. L'idée d'extension des mains est souvent mise en rapport avec ls 65, 2: «J'ai de Constantin l, 28-31). tendu les mains tout le jour vers un peuple indocile et contradicteur». 18. Histoire ecclésiastique IX, 9, 10-11 et Vie de Constantin l, 40. 3. STOMMEL (1953, p. 26-30) montre, en le rapprochant de Mt 24, 30, que 19. Vie de Constantin III, 49. Didachè 16, 6 contient bien une allusion à la croix comme signe. Dans le 20. Voir W ALLRAFF (2004) qui parle de l'utilisation de la croix par Constantin même sens, voir DAVIES et ALLIsoN, 2000, p. 359-360; RORDORF, 1998, à des fins de propagande impériale. p. 198; MELLO, 1999, p. 422-426. GNILKA (1988, p. 330) propose de voir 10 La croix chez les Pères La croix qui accompagne Jésus de la Didachè ne dépend pourtant pas de Matthieu, mais doit venir Cette prédiction présente d'évidentes affinités avec celle de d'une tradition eschatologique également recueillie dans cet évangile4• Matthieu 24, 27 et 3D, de même que l'ensemble des chapitres 1 et 2 La Didachè fait apparaître trois notions que nous retrouverons dans de l'Apocalypse de Pierre doivent être rapprochés de Matthieu 24, 3 d'autres textes: la croix désignée comme signe, la crucifIXion évoquée à 32 qui en est certainement la source7 La croix qui précède Jésus • comme extension des mains et l'apparition de ce signe au moment du correspond au signe du Fils de l'homme qui apparaîtra dans le ciel retour eschatologique du Christ. selon Matthieu 24, 3D, de sorte que, sur ce point, l'apocalypse propose une interprétation de l'évangile là où le sens du mot signe restait L'Apocalypse de Pierre équivoque. Le premier chapitre (v. 6 et 7) de l'Apocalypse de Pierres contient L'EpUre des Apôtres une autre évocation de la croix accompagnatrice de Jésus. La scène se déroule au Mont des Oliviers, après la résurrection. Interrogé par ses L'Epître des Apôtres8 contient un passage très proche de celui de disciples au sujet des signes de sa venue et de la fin du monde, Jésus l'Apocalypse de Pierre. Comme ses disciples l'interrogent sur la manière livre une réponse qui contient ces mots: «comme la foudre qui brille dont il reviendra, le Seigneur répond: «je viendrai comme le soleil de l'orient à l'occident, ainsi viendrai-je sur une nuée du ciel, en grande qui se lève, brillant sept fois plus que lui dans la gloire, porté sur les puissance et dans ma gloire, tandis que ma croix ira devant moi. Je ailes des nuées dans la gloire, tandis que ma croix me précédera. Je viendrai dans ma gloire, sept fois plus resplendissant que le soleil. Je viendrai sur la terre pour juger les vivants et les morts. »9 Comme dans viendrai dans ma gloire avec tous mes saints anges, lorsque mon Père Matthieu, dans l'Apocalypse de Pierre, mais aussi dans la Didachè, il est posera une couronne sur ma tête afin que je juge les vivants et les question de la venue sur les nuées. Mais l'EpUre rejoint l'apocalypse et morts »6. se distingue de Matthieu et de la Didachè en faisant dire à Jésus «ma croix me précédera» plutôt que «le signe ... apparaîtra dans le ciel»lo. De plus ces deux premiers écrits sontles seuls à faire annoncer à Jésus dans le signe de Mt 24,30 l'étendard d'Is 49, 22. HIPPOLYTE (Commentaire qu'il brillera sept fois plus que le soleil. sur Matthieu 11, GCS l, 2, p. 206) et ORIGÈNE (Sur Matthieu 24, 30, GCS 38, p. 99-100) identifient explicitement le signe à la croix. Un long L'Apocalypse d'Elie discours adressé par Jésus à Pierre (conservé en copte: manuscrits du Caire, Musée copte, inv. 6566; et en vieux nubien: manuscrit de Berlin, L'Apocalypse d'Elie, un écrit d'origine juive remanié par un Bibliothèque nationale, Ms. Orient. Quart. 1020) affirme que la «croix rédacteur chrétien1I, contient, elle aussi, une annonce de la venue du glorieuse» l'accompagnera quand il viendra exercer son jugement: EMMEL, Messie (III, 3-4): «Quand l'Oint viendra, il viendra comme une volée 2003, p. 44-45. EMMEL (p. 28) suggère que ce discours pourrait être la fin de de colombes; la couronne de colombes l'entourera. Il marchera sur l'Evangile du Sauveur, dont il a édité et traduit des fragments coptes. Dans ce cas, nous serions en présence d'une autre attestation de cette thématique les nuées du ciel et le signe de la croix le précédera. Le monde entier au Ille siècle. Mais cette attribution du discours à l'Evangile du Sauveur ne nous paraît pas assurée. 4. Voir NORELLI (1991, p. 58-59), selon qui cette tradition utilisait Za 14,5, 7. Voir BAucKHAM, 1988, p. 4723-4724; NORELLI, 1991, p. 61. tradition que l'on retrouve en Mt 25, 31, dans l'Apocalypse de Pierre (voir 8. Entre 160 et 170 selon PÉRÈS, 1994, p. 21 ci-dessous) et dans l'Ascension d'Isaïe 4,14. 9. Trad. PÉRÈS, 1994, p. 75. 5. Ce passage est conservé dans deux manuscrits éthiopiens qui reflètent 1O . Une dépendance de l'EpUre des Apôtres par rapport à l'Apocalypse de Pierre l'original grec. BAucKHAM (1988, p. 4738) situe la rédaction de cet est signalée par BAUCKHAM, 1988, p. 4740, note 251. apocryphe dans le contexte de la révolte de Bar Kokhba (132-135). 11. Texte du Ile-Ille siècle selon ROSENSTIEHL, dans DUPONT-SOMMER et 6. Traduction MARRASSINI, dans BOVON et GEOLTRAIN, 1997, p. 756. PHILONENKO, 1987, p. CXL VI. 12 13 La croix chez les Pères La croix qui accompagne Jésus 15 le verra du Levant jusqu'aux régions du Couchant. De cette manière il leur prêcher . Sa taille immense et sa tête dépassant les cieux indiquent viendra, entouré de tous ses anges. »12 On retrouve les thématiques déjà certes sa supériorité sur ceux qui l'accompagnent, mais aussi le fait 16 observées dans les autres documents: les nuées du ciel, le Levant et le qu'il est déjà dans les cieux . Il anticipe ainsi son retour au ciel, en Couchant, l'accompagnement par les anges. Comme chez Matthieu et même temps qu'il établit un lien entre celui-ci, la terre sur laquelle il dans la Didachè, le Messie est accompagné d'un signe, mais l'apocalypse repose encore, et les lieux inférieurs d'où il vient, ce qui lui confère précise qu'il s'agit du signe de la croix, et qu'elle le précède. Ce passage une dimension cosmique. On aurait aimé savoir comment s'achevait de l'Apocalypse d'Elie ne dépend pas de l'Apocalypse de Pierre mais l'évangile, dont la fin est manquante, en particulier s'il était question 17 de la tradition eschatologique dont nous avons reconnu l'existence d'un retour au ciel qui aurait parachevé ce mouvement d'élévation . Rien n'est dit de la taille de la croix, mais il est remarquable qu'elle derrière Matthieu et la Didachè. soit présentée pratiquement comme une personne vivante. Elle marche derrière Jésus, l'accompagne, et c'est elle qui répond à la question posée La croix qui suit Jésus lors de sa sortie du tombeau: des cieux. l'Evangile de Pierre 18 Deux explications à cela peuvent être envisagées . Il se peut que Le texte le plus remarquable du point de vue de ce chapitre est le ressuscité se trouve encore dans une grande faiblesse. L'Evangile de 13 l'Evangile de Pierre, versets 35 à 42 . Il raconte comment, après la crucifixion de Jésus, durant la nuit où commence le dimanche, on entendit une grande voix dans le ciel, et les soldats préposés à la garde 15. Il s'agit de la thématique de la descente du Christ aux enfers. Pour un inventaire des attestations anciennes de cette croyance, voir GOUNELLE, virent deux hommes enveloppés de lumière descendre et s'approcher 2000, p. 35-59. CROSSAN (1988) Y voit ce qu'il nomme une descente du tombeau. La porte s'ouvrit, et les hommes, qui étaient des jeunes doctrinale, destinée à prêcher, qu'il distingue de la descente mythologique, gens, pénétrèrent. Trois hommes sortirent alors, deux d'entre eux qui vise à dépouiller les puissances démoniaques. soutenant le troisième, et une croix les suivait. Les têtes des deux 16. La thématique des anges immenses est empruntée au judaïsme. Voir premiers, assurément ceux qui étaient descendus, montaient jusqu'au CROSSAN (1988, p. 346) etJuNoD, dans BOVON et GEOLTRAIN, 1997, p. 252. Sur le Christ immense, voir HERMAS, Le Pasteur, Similitude 9, 6, 1 et Actes ciel, tandis que celle de celui qu'ils conduisaient, Jésus ressuscité, de Jean 90. Pour d'autres attestations, voir MARA (1973, p. 185) et JOLY dépassait les cieux. Une nouvelle voix venue des cieux interrogea alors: (1968, p. 300-301). «As-tu prêché à ceux qui dorment?» La réponse se fit entendre de la 17. Dans ce cas, l'Evangile de Pierre rejoindrait l'Ascension d'Isaïe 3, 13-18 qui croix: «Oui». propose un modèle semblable: descente du Bien-Aimé, crucifixion avant Ce n'est pas la résurrection qui est décrite, mais la sortie du tombeau. le sabbat entre deux malfaiteurs, ensevelissement, garde du tombeau, descente d'un ange, ouverture du tombeau, sortie du Bien-Aimé assis sur Jésus lui-même est engagé dans un procesus global d'élévation, puisque les épaules de deux hommes, envoi des disciples, ascension au ciel. Ce c'est ainsi qu'est désignée sa mort au verset 19: àveÀ~cpeTJ14. Un rapprochement a notamment été effectué par CROSSAN (1988, ch. 12) et processus qui le fit passer par le séjour de ceux qui dorment afm de NORELLI (1991, p. 71-72). En outre, il n'est pas impossible que l'Ascension d'Isaïe 9, 26 atteste, comme les textes que nous examinons dans ce chapitre, l'idée que la croix a accompagné Jésus jusqu'aux cieux (voir infra, p. 40). 18. Nous ne retenons pas l'interprétation de CROSSAN (1988, p. 386-387) 12. Trad. ROSENSTIEHL, ibidem, p. 1812-1813. selon laquelle la croix pourrait représenter les saints d'Israël auxquels Jésus 13. Ed. MARA, 1973. Ce texte, dont seule une partie appartenant à la fin est a prêché et qui auraient répondu «oui» à la question posée; même si, conservée, doit avoir été rédigé en Syrie durant la première moitié du comme le pense aussi VAGANAY (1930, p. 302), ceux qui dorment peuvent Ile siècle. Voir JUNOD, dans BOVON et GEOLTRAIN, 1997, p. 242. être effectivement les justes en question. Sur la prédication aux morts, voir 14. Voir Lc 9, 51 et Jn 12, 32. Cela ne signifie pas que cet évangile soit JUSTIN, Dialogue avec Tryphon 72, 4, citant une parole attribuée à Jérémie, retranchée par les Juifs, mais non identifiable chez le prophète. d'inspiration johannique. 14 15 La croix chez les Pères La croix qui accompagne Jésus Pierre ne lui fait-il pas proférer ce cri au moment d'expirer: « Ma force, La croix qui accompagne Jésus dans sa montée vers le ciel ô force, tu m'as abandonné» (v. 19)? Et Jésus ne doit-il pas être soutenu Le Concept de notre Grande Puissance (NH VI, 4) 19 par les deux jeunes gens ? Il se peut aussi que la question céleste s'adresse à la croix, et non au ressuscité dont la tête se trouve au delà Cette apocalypse ne contient pas les mots croix ou crucifixion, mais des cieux. Ce qui suppose qu'elle eut un rôle actif dans la prédication évoque l'apparition du «signe (c1Tlf.lelOV) de l'éon qui va venir» (p. 42, aux dormants. De toute façon elle fut active, et il est très vraisemblable l. 21). Aux pages 39 à 42, la scène se déroule durant l' « éon psychique », que, pour l'auteur du récit, elle accompagna Jésus dans son séjour c'est -à -dire le temps présent qui précède l'éon à venir. Un homme vient 20 auprès des morts, avant d'être associée à sa sortie du tombeau . à l'être, qui connaît la Grande Puissance. Le nom de Jésus n'est pas Il est clair que la croix n'est pas ici le bois inerte du supplice de Jésus prononcé, mais ce qui est dit de cet homme correspond partiellement avec lequel il ne faut vraisemblablement pas la confondre. Le verset 39 aux données évangéliques sur la passion. Ce sont les Archontes qui le ne dit en effet pas que la croix mais qu'une croix les suivait. Par ailleurs saisissent pour le livrer au maître de l'Hadès, et l'homme effectue une 21 la croix du supplice n'est l'objet d'aucune spiritualisation ni non plus descente. Le maître de l'Hadès n'a toutefois aucun pouvoir sur lui, car d'aucun intérêt de la part de l'auteur. Les versets 10 et 11 se contentent il ne peut se saisir de la nature de sa chair. Impuissance qui marque sa de signaler qu'on crucifia le Seigneur entre deux malfaiteurs et que, défaite, ainsi que celle des Archontes, en même temps que le début du sur la croix, on écrivit: « Celui-ci est le roi d'Israël». Les deux croix nouvel éon. Le Sauveur ne reste pas longtemps dans les lieux inférieurs sont donc traitées de manière diversifiée et semblent être différentes. car, immédiatement après la mention de.l' éclipse du soleil, il est Sans que la réalité de la crucifixion ne soit contestée, la croix qui sort question de sa remontée: « après cela, il apparaîtra en montant vers le du tombeau n'est pas la même que celle du supplice. Elle est une haut. Et apparaîtra le signe de l'éon qui va venir »23. personne qui accompagne Jésus après sa mort; un symbole de vie, non Il est possible que ce signe soit de nouveau la croix, une croix qui a de mort, de victoire sur la mort. Elle doit être rapprochée du signe accompagné le Sauveur dans sa descente dans les lieux inférieurs. Elle qui accompagne Jésus lors de sa venue glorieuse selon l'Apocalypse remonte avec lui, et peut-être l'accompagne-t-elle dans son ascension, de Pierre. Elle n'est pourtant pas sans rapport avec la première qui bien que le texte ne soit pas explicite non plus sur ce point. est l'instrument du début de l'élévation de Jésus, laquelle se révèle pleinement au moment de sa sortie du tombeau22. La seconde croix est Le livre VI des Oracles sibyllins une métamorphose de la première. Le livre VI des Oracles sibyllins s'achève par ces mots: « Ô bois, ô bienheureux, sur lequel Dieu fut étendu, La terre ne pourra te contenir, mais tu contempleras le ciel pour demeure, Lorsque ton oeil de feu, Dieu, brillera comme l'éclair! »24 S'il n'est pas question 19. Comme en Ascension d'Isaïe 3, 17 et dans le Codex de Bobbio en addition ici d'un déplacement de la croix devant ou derrière Jésus, ce passage à Mc 16, 3 (k dans l'apparat de l'édition de NESTLE et ALAND). témoigne de la conviction que la croix monta elle aussi aux cieux, par 20. Il s'agirait d'une association à la mort et à la résurrection du Christ qui est conséquent qu'elle connut le même sort que le Christ et l'accompagna. peut-être également suggérée par la citation non identifiable de la Lettre C'est sur cette vision que se fondent implicitement les textes que nous du PSEUDO-BARNABÉ 12, la: «Quand un bois aura été couché et se sera relevé». 21. Il n'y a pas de docétisme dans le récit de la crucifixion de l'évangile, en dépit du verset 10: «comme s'il (ou: «car il») n'éprouvait pas de souffrance». 23. Ed. F. WISSE et E. E. WILLIAMS, dans The coptic gnostic Library (NHS 11), Voir MCCANT, 1984. Leyde, 1979,p.291-323. 22. Dans cet évangile, on reconnait que Jésus est Fils de Dieu après sa 24. VI, 1. 26-28, GCS 8, p. 132. Traduction aimablement communiquée par résurrection, non pas à sa mort comme en Mc 15, 39. J.-M. Roessli. 16 17 La croix chez les Pères La croix qui accompagne Jésus venons d'examiner. Dans ces lignes des Oracles sibyllins, comme dans aucun des textes que nous avons envisagés, mais si on les réunit, on l'Evangile de Pierre, la croix est l'objet d'une certaine personnification: obtient la vision d'une croix qui aurait été attachée à Jésus de sa mort on lui parle; elle voit le ciel. à sa parousie, en passant par sa descente aux enfers, sa résurrection et son ascension. Conclusions Dans tous les cas, nous avons affaire à une croix en mouvement. Certains textes tendent à la personnifier, puisqu'ils s'adressent à elle, et Il a existé une tradition selon laquelle, lors de sa seconde venue, même, comme dans l'Evangile de Pierre, à en faire une croix vivante, le Sauveur serait précédé d'un signe. Cette tradition a été connue et qui prend la parole27 • exploitée indépendamment par Matthieu etlaDidachè. Celle-ci voit dans le signe la croix, tandis que le texte de Matthieu reste d'interprétation incertaine, même s'il est vraisemblable que l'évangéliste y a également vu la croix. La tradition en question présentait-elle le signe comme celui de la croix? Il est difficile de le dire. La Didachè militerait plutôt en faveur d'une réponse affirmative; de même que l'Apocalypse d'Elie, si le passage que nous avons cité dérive de ladite tradition. Mais rien n'interdit de penser que l'auteur chrétien de ce passage soit tributaire de Matthieu; auquel cas il serait le témoin d'une interprétation du texte évangélique que nous avons observée dans l'Apocalypse de Pierre, et qui est également attestée par Hippolyte et Origène. Car il paraît clair que l'Apocalypse de Pierre dépend de Matthieu dont elle offre une réécriture et une interprétation. Quant à l'EpUre des apôtres, elle semble être tributaire de l'Apocalypse de Pierre sur le point qui nous intéresse. Dans ces textes, la croix est conçue comme un symbole de gloire qui précède le Christ lors de sa venue en puissance comme juge. On peut comprendre qu'elle est devenue ce signe dans la mesure où, grâce à elle, le Christ a remporté une victoire. Comme nous le verrons dans la partie que nous consacrerons à ces textes, ce signe est encore clairement attesté dans le livre VIII des Oracles sibyllins25 • Le livre VI des Oracles sibyllins et le Concept de notre Grande Puissance laissent vraisemblablement entendre que le Sauveur fut accompagné de la croix dans son ascension. Dans l'Evangile de Pierre, ce mouvement solidaire s'étend à la descente aux enfers et à la remontée lors de la résurrection26 L'idée n'est certes attestée dans • 25. Voir plus bas, p. 42 et 43. 26. Nous pensons pouvoir trouver aussi cette idée dans l'Ode de Salomon 29. Voir plus bas, p. 41. 27. Voir PRIEUR, «La croix vivante ... », 1999. 18 19 Ignace d'Antioche et Polycarpe de Smyrne Ignace d'Antioche Plusieurs lettres d'Ignace évoquent la croix ou la cruciftxion\ Celle aux Ephésiens tout d'abord. Le chapitre 9 Cv. 1) se réfère à des porteurs de mauvaise doctrine, auxquels les chrétiens d'Ephèse ont su résister car ils sont les pierres du temple de Dieu. Ignace s'engage dans un développement métaphorique sur l'édiftcation de ce temple, dans lequel le Saint-Esprit est présenté comme un cable et la croix comme une grue au moyen desquels les pierres sont élevées: « élevés jusqu'en haut par la machine C!l'lxav~) de Jésus-Christ, qui est la croix »2. Ce langage imagé, qui porte sur l'édiftcation des croyants comme temple et qui est suggéré par la forme de la croix, ne précise pas de quelle façon celle-ci contribue à cette construction3 • La même épître mentionne la croix du Christ, dans un passage difficile à comprendre, mais qui se réfère clairement à 1 Corinthiens 1. Sur l'authenticité et la datation du corpus des lettres d'Ignace, voir M UNIER qui défend la datation traditionnelle: entre 110 et 135 (1993, p.380 et 471-484). Récemment, LECHNER (1999) est revenu sur cette question, pensant que les lettres d'Ignace ont été rédigées vers 165-175 en Asie mineure, tandis que la Lettre aux Philippiens de Polycarpe date de vers 150. 2. Trad. CAMELOT, 1998, comme les autres passages d'Ignace. L'expression fllJXavrlflu aWl~pLOv désigne la croix dans le Martyrium prius 14 (PRIEUR, 1989, p. 698,1. 12). 3. SCHOEDEL (1985, p. 65-67) récuse l'interprétation gnostique de fllJXuv~ suggérée par SCHLIER (1929, p. 110-124) à partir de la roue (flIJXUV~) des manichéens.
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