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LA Coopération entre élèves : des recherches aux pratiques PDF

32 Pages·2016·1.02 MB·French
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114 n° Sommaire Déc. 2016 l Page 1 : Une définition à préciser l Page 4 : Ce qui entre en jeu dans les activités de coopération en classe l Page 11 : Les liens entre interactions entre pairs et apprentissage l Page 19 : Comment mettre en place des situations de coopération dans la classe ? l Page 28 : Bibliographie LA COOPÉRATION ENTRE É ÉLÈVES : DES RECHERCHES AUX F PRATIQUES I ’ l « À plusieurs, on apprend mieux » ; « Il faut Par Catherine Reverdy développer l’intelligence collective dans les e classes pour mieux faire réussir les élèves » ; Chargée d’étude et de « La base du socioconstructivisme, c’est l’ap- recherche au service d prentissage entre pairs » : autant de phrases Veille et Analyses de qui font largement consensus dans le monde l’Institut français de de l’éducation, qui paraissent évidentes l’Éducation (IFÉ) e puisqu’elles correspondent aux contextes éducatifs quotidiens, mais qui ne sont pas ou l plus vraiment interrogées. Certes, que ce soit l à atteindre et de l’aide entre les membres, pour des objectifs d’apprentissage, pour le i développement de compétences sociales en Olry-Louis (2011) l ajoute que la coopéra- tion en milieu d’apprentissage est définie e vue d’améliorer un climat de classe, ou pour par un processus : c’est « la façon dont les favoriser les débats citoyens, le recours à un membres d’une dyade ou d’un groupe don- v travail en groupes d’élèves est une modalité né, confrontés à un apprentissage particulier, pédagogique courante dans l’éducation. Est- rassemblent leurs forces, leurs savoir-faire et ce pour autant que les élèves apprennent e leurs savoirs pour atteindre leurs fins ». mieux que quand ils sont seuls ou en classe entière ? Et comment se passent en détail d La coopération est souvent vue au niveau de leurs échanges ? la méthode, la mise en place de la coopération en situation d’apprentissage. On parle alors r UNE DÉFINITION À d’approche ou de pédagogie coopérative. Pour Sabourin et Lehraus (2008), « le terme e PRÉCISER approche coopérative [est utilisé] pour dési- i gner un ensemble de méthodes dont l’enjeu Intéressons-nous d’abord à la définition de la s est d’organiser une classe en sous-groupes, coopération. D’après les dictionnaires de ré- au sein desquels les élèves apprennent en- s férence, la coopération désigne l’« action de semble et travaillent en coopération sur des participer (avec une ou plusieurs personnes) tâches scolaires. » o à une œuvre ou à une action commune », ou l’« aide, [l’]entente entre les membres d’un l Toutes les références bibliographiques dans D groupe en vue d’un but commun » (défini- ce Dossier de veille sont accessibles sur notre tion du CNRTL). Au-delà du but commun bibliographie collaborative. Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 1/32 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques Parmi les approches coopératives, une se structuration apportée par le ou la forma- détache par le nombre de recherches la teur.rice n’est pas aussi cadrée que celle concernant : l’apprentissage coopératif, faite par l’enseignant.e, qui supervise en l’apprentissage coopérant ou la pédago- détail l’activité des élèves, sans vraiment gie coopérative. Ce sont trois traductions les laisser en autonomie trop longtemps. possibles du concept de cooperative C’est à ce premier type de travail que nous learning, qui a été théorisé dans les an- nous intéresserons dans ce Dossier. nées 1970 aux États-Unis, même s’il est lié à la pédagogie de groupe et utilisé dans L’apprentissage coopératif constitue « un les pédagogies nouvelles et les pédago- point de rencontre, une approche de réfé- gies actives depuis le début du XXe siècle. rence » pour les recherches actuelles sur Selon Johnson et Johnson (1990, cités l’étude de la coopération en classe et est par Baudrit, 2005b), l’apprentissage co- à ce titre incontournable dans le champ opératif est un « travail en petit groupe, (Lehraus & Rouiller, 2008). Certains cher- [réalisé] dans un but commun, qui permet cheur.se.s déclarent ainsi que l’appren- d’optimiser les apprentissages de chacun. tissage coopératif apporte de nombreux […] l’activité collective orientée dans une bénéfices aux élèves, connait un succès même direction, vers un objectif partagé très large puisque des recherches à son par tous, peut profiter à chaque membre sujet sont faites dans de nombreux pays du groupe » (Slavin, 2010). et ils n’hésitent pas à le qualifier d’« une des plus grandes innovations éducatives Les différences entre collaboration de la période récente » (Gillies, 2014). et coopération sont très difficiles à ap- préhender, puisque les définitions dif- Mais l’enthousiasme autour de cette inno- fèrent selon les chercheur.se.s (Thibert, vation semble cantonné aux recherches 2009). Par exemple, Baker (2008) pro- elles-mêmes et les difficultés s’accu- pose que « “l’apprentissage coopératif” mulent quand il faut franchir les portes de [soit] la dénomination de tout type d’ap- la classe. Pour Slavin (2010) en effet, « si prentissage produit dans une situation de le travail en groupe peut s’avérer extrê- travail de groupe, et “l’apprentissage col- mement fructueux, il peut aussi se révéler laboratif” désignerait l’apprentissage pro- inefficace ». Plante (2012) évoque quant duit grâce à une véritable collaboration ». à elle l’« écart qui subsiste entre la théorie D’autres au contraire situent la différence prometteuse de l’apprentissage coopéra- au niveau du guidage : « La coopération tif et sa mise en œuvre en classe » : un se définit d’abord comme l’ensemble des des objectifs de ce Dossier est de voir à et situations où des personnes produisent ou dans quelles conditions le travail réalisé à apprennent à plusieurs. Elles agissent en- plusieurs dans le cadre de la classe per- semble. Plus précisément, la coopération met un réel échange entre les élèves et de peut être entendue comme ce qui découle déboucher sur un apprentissage durable. des pratiques d’aide, d’entraide, de tutorat et de travail de groupe […] La collabora- Pour cela, un premier aperçu des disci- tion désigne un sous-ensemble de la co- plines scientifiques pouvant apporter un opération : elle pointe des activités de tra- éclairage sur le travail et l’apprentissage vail (labeur) et elle place les coopérateurs entre pairs est nécessaire. Les recherches dans une relation symétrique au projet qui en éducation francophones portant sur la les unit. » (Connac, 2013) coopération entre élèves peuvent relever de différentes disciplines, selon le groupe Le travail coopératif, organisé en général de recherche InterGap : sciences du par l’enseignant.e et répondant à des fina- langage pour l’étude fine des échanges lités éducatives d’apprentissage, diffère verbaux entre les élèves ; psychologie d’un travail collaboratif, qui serait plus libre pour les effets de ces échanges sur le dans la forme et qui aurait pour objectif de développement des élèves, ou pour l’in- mutualiser les connaissances de chaque fluence des émotions sur ces échanges ; membre du groupe en vue d’une réalisation et sciences de l’éducation pour la mise en commune. Le travail collaboratif est ainsi œuvre et l’intérêt des travaux de groupes plus fréquent en formation d’adultes, où la dans le contexte de la classe, vis-à-vis Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 2/32 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques de l’apprentissage des élèves l. Pour les cognitif bien sûr, mais aussi dans les psychologues de l’éducation, ce sont les dimensions affective et sociale ; interactions qui sont au cœur du travail − un courant que l’on pourrait qualifier coopératif et qui nourrissent ou favorisent de pédagogique, développé aux États- l’apprentissage l. Unis, avec l’apprentissage coopéra- l Le groupe de tif, où la coopération est vue comme recherche « une stratégie d’enseignement basée « Interactions sur des principes dont l’efficacité a été dans le groupe et « L’interaction est un concept attestée par un courant de recherche » apprentissages » (InterGap) de nomade qui, apparu d’abord dans (Lehraus & Rouiller, 2008), mais aussi l’Université Paris- le domaine des sciences de la de manière spécifique en Europe fran- Ouest-Nanterre- nature et de la vie pour référer cophone, où l’accent est historique- La Défense a organisé à l’action de plusieurs objets ou ment mis sur la coopération comme quatre journées interdisciplinaires phénomènes l’un sur l’autre, a choix social et comme moyen d’éduca- entre 2007 et été introduit dans le champ des tion du citoyen. 2010, regroupant sciences humaines dans la seconde des chercheur.se.s moitié du XXe siècle. Le terme La pédagogie institutionnelle de Fernand francophones de ces trois champs interaction désigne alors “toute Oury et la coopération Freinet, avec no- disciplinaires. action conjointe, conflictuelle tamment le fonctionnement des coopé- et/ou coopérative, mettant en ratives scolaires, se situent dans le cou- présence deux ou plus de deux rant pédagogique francophone (Cadeau, l « Ce sont surtout acteurs” (Vion, 1992, p. 17). Pour 2015). La coopération Freinet articule bien les processus interactionnels propres sa part, Michael Baker […] conçoit une perspective politique (affranchisse- à des situations de co- l’interaction en général comme ment de la classe sociale pour les élèves présence et d’activités “une suite d’actions – verbales et « aptitude à coopérer dont le socialisme collectives qui ont ou non-verbales – qui sont futur aura besoin », voir Jacomino, 2013) été étudiés à partir des années 1960 » interdépendantes, qui s’influencent avec une perspective pédagogique (nou- (Filliettaz & Schubauer- mutuellement”. C’est au seul cas velle relation aux savoirs des élèves, plus Leoni, 2008). où les influences mutuelles portent directe que la médiation systématique par sur le plan des univers mentaux, le maitre), d’ailleurs davantage théorisée qu’il réserve la notion d’interaction dans l’héritage du mouvement Freinet que l Voir pour davantage communicative. Celle-ci par Freinet lui-même l (Reuter, 2007). de détails sur la présuppose alors un certain coopération chez Freinet ou à partir de degré d’élaboration d’une Nous aborderons dans une première par- de l’inspiration de représentation de l’univers mental tie les éléments et les concepts à prendre Freinet, Jacomino de l’interlocuteur, et d’adaptation en compte pour pouvoir traiter de la co- (2013), le numéro des énoncés en fonction de cette pération en classe, aussi bien au niveau spécial du Nouvel Éducateur n° 224 représentation. » (Olry-Louis, de l’ambiance de classe et des choix (2015) : « La pédagogie 2003) pédagogiques qu’au niveau des relations institutionnelle, fille personnelles entre les élèves. Dans un de la pédagogie deuxième temps, nous focaliserons notre Freinet ? », et plus généralement le attention sur les liens entre les méthodes site de l’OCCE Le paysage théorique des recherches sur coopératives appliquées en classe et (Office central de la la coopération scolaire à l’échelle interna- l’apprentissage réel des élèves : com- coopération à l’école) et de l’ICEM (Institut tionale est pour le moins éclectique et n’est ment mesurer les effets de ces méthodes coopératif de l’École pas très récent, le plus grand nombre de sur la réussite des élèves ? Est-ce que moderne). recherches datant des années 1990, voire les enseignant.e.s peuvent maitriser des années 1980. On peut distinguer toutes les conditions de coopération deux approches différentes dans leur na- décrites par ces méthodes ? La dernière ture mais qui peuvent chacune utiliser les partie s’intéressera enfin, suite à l’éclai- résultats des recherches issus de l’autre rage de ce qui précède, à la manière dont courant : les enseignant.e.s peuvent influer sur les − un courant psychologique davan- apprentissages des élèves, dans la mise tage centré sur le développement de en place de diverses situations de co- l’enfant lors des interactions avec ses opération. pairs, développement pris dans le sens Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques 3/32 CE QUI ENTRE EN JEU éducatif du pays dans lequel se trouve l’enseignant.e. DANS LES ACTIVITÉS DE COOPÉRATION EN Modèles éducatifs nationaux et poids du climat scolaire et culturel CLASSE On le voit bien à travers les comparaisons Beaucoup de paramètres sont à intégrer internationales, il est très difficile de mon- dans l’étude du travail coopératif, c’est ce trer de façon simple une relation univoque qui la rend particulièrement difficile. Il faut de causalité entre l’attitude des élèves prendre par exemple en compte la place envers l’école et leurs performances, sociale variable de chaque élève dans les puisque les contextes culturels nationaux groupes, ou le fait que les interactions ne valorisent différemment certaines attitudes présentent pas toujours (pas souvent) les par rapport à d’autres. Est-ce les attitudes conditions favorables à un apprentissage, des élèves (ou le climat de la classe ou les même à moyen ou long terme. attitudes des enseignant.e.s) qui résultent de la manière d’enseigner ou est-ce une Rouiller et Lehraus (2008) proposent des conditions de l’enseignement ? une esquisse de cadre conceptuel dans laquelle l’apprentissage issu des inter- Pour répondre à ces questions, une étude actions dépend de plusieurs caractéris- fondée sur les résultats PISA de 2000 a tiques (auxquelles s’ajoutent le climat de porté sur les liens entre la manière dont la classe et la place accordée aux valeurs l’orientation des élèves est organisée de la coopération par les acteurs) : nationalement et la présence d’enseigne- − les caractéristiques de l'enseignant.e ; ments préprofessionnels dans le pays − les paramètres de mise en situation de considéré d’une part et l’étude des rela- l’activité coopérative ; tions entre enseignant.e.s et élèves d’au- − les contraintes du programme ; tre part. Les résultats distinguent trois − les caractéristiques non modifiables groupes de pays, confortant les modèles des élèves (autrement appelées diffé- proposés par Bernstein (Mons, Duru- rences interindividuelles) ; Bellat & Savina, 2012) : − les caractéristiques évolutives des − le groupe de pays proches du modèle élèves, celles justement qui peuvent de l’« éducation totale » (pour la plu- être des « effets souhaitables » des part des pays de l’Europe nordique situations de coopération, comme la et anglo-saxons) : établissements motivation à continuer à apprendre. ouverts sur l’extérieur, contenus curri- culaires plutôt liés à la vie quotidienne, AU NIVEAU DU CONTEXTE DE présence de culture religieuse, ré- LA CLASSE flexion sur les différentes dimensions de l’éducation de l’enfant... ; − un autre groupe de pays (dont Avant d’évoquer le groupe d’apprentis- la France, le Japon, le Portugal) sage, dans lequel se passent les inte- proches du modèle « code série » de ractions à propos d’une tâche bien déter- Bernstein (qui comprend un curriculum minée, il faut rappeler que le contexte hiérarchique, rigide, des filières d’élite d’apprentissage premier, plus large et refermées sur elles-mêmes), appelé qui contient les groupes, est le groupe- l’« éducation académique » : peu classe. Chaque groupe est une sous- d’enseignements pratiques, pas d’en- entité du groupe-classe, caractérisé par seignement préprofessionnel, peu de un climat particulier, et peut donc à la fois religion ni d’enseignement de langue reproduire les habitudes et les tensions régionale, un modèle qui « érige l’école du groupe entier comme s’en distinguer en forteresse dispensatrice de savoirs partiellement. Voyons ce qui influence ce universels » ; groupe-classe et le climat spécifique qui − un dernier groupe proche du « modèle se crée dans ce contexte, à commencer producteur de l’éducation » (en par les influences implicites du modèle Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 4/32 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques Europe continentale surtout) ras- métier par la société, contrairement aux semble les pays dans lesquels est or- pays d’Amérique du Nord (États-Unis, ganisée nationalement une orientation Canada), dont le modèle éducatif est des élèves et des enseignements pré- au service de la société et favorise sans l « On peut synthétiser professionnels, mais plus pour « servir doute davantage la confiance entre les cela en proposant à l’école [française] de support à une hiérarchie des curri- acteurs de l’école l. non pas de prêcher cula » que pour ouvrir les élèves sur le la confiance, mais de monde. Pour mieux comprendre les effets du cli- mettre en place des mat global des pays, une analyse multini- situations qui montrent aux élève l’intérêt de veaux portant sur 15 pays et se fondant se faire confiance ainsi « Ce sont également ces pays, sur les résultats PISA de 2000 a croisé que la possibilité que marqués par l’établissement avec des variables explicatives des élèves la confiance soit trahie, très tardif de l’école unique, qui (sexe, catégorie socio-économique, et de travailler avec eux les leçons à tirer tendent depuis le début des langue parlée à la maison, score en lec- de ces expériences. » années 2000 à remettre en cause ture) différentes variables caractérisant les (Meuret, 2016) le collège unique par la création attitudes des élèves envers l’école : sen- de voies dérogatoires, destinées timent d’appartenance à l’école, esprit de aux élèves en difficulté, comme compétition, motivation instrumentale l, l La motivation en France ou au Portugal. […] Aux esprit de coopération. instrumentale curricula, aux filières et aux classes ou extrinsèque hiérarchisées s’adjoignent dans Ce croisement de variables s’est fait au ni- correspond au désir ces deux versions du code série veau des écoles (degré de mixité sexuelle, du sujet d’obtenir une récompense des relations élèves/enseignants type d’école, autonomie de l’école, score suite à ses actions. de qualité médiocre, reflétant une moyen en lecture de l’école, niveau socio- Elle s’oppose à la faible proximité et fondées sur un économique moyen) et au niveau du motivation intrinsèque, respect strict de la discipline. […] Le pays. Les résultats montrent que les atti- qui correspond au désir de faire des modèle académique a mis en place tudes des élèves envers l’école, et notam- choses sans attendre des expériences ponctuelles de ment l’esprit de coopération, dépendent de récompenses, remédiation destinées aux élèves surtout de leurs propres caractéristiques, motivation recherchée en difficulté, tandis que le modèle mais que leur performance dépend de ce en éducation car elle produit un du producteur développe surtout qu’il se passe dans les écoles et dans une apprentissage plus des classes d’enrichissement moindre mesure du pays dans lequel ils durable (Lieury destinées aux élites quand il ou elles étudient. Dans le détail : & Fenouillet, 2013). envisage de mettre en œuvre un − il y a plutôt une attitude de compétition enseignement individualisé. » pour les garçons, de coopération pour (Mons, Duru-Bellat & Savina, 2012) les filles ; − l’esprit de compétition augmente avec le niveau socioéconomique des élèves et avec leur niveau en lecture ; Les différences de conception de l’éduca- − l’esprit de coopération augmente avec tion selon les pays peuvent entrainer plus le niveau scolaire ; ou moins d’attention au développement − si le niveau moyen en lecture de l’éta- personnel des élèves, et cela joue notam- blissement est élevé, l’esprit de com- ment dans le climat global du pays et dans pétition baisse dans l’établissement, le climat des classes, qui encouragent mais les élèves de plus haut niveau plutôt la coopération ou la compétition scolaire gardent toujours un fort esprit entre les élèves. Ainsi la « confiance so- de compétition, contrairement aux ciale », à savoir « le fait de s’attendre à élèves de plus faible niveau scolaire ; ce que les autres membres de la commu- − l’esprit de coopération est plus faible nauté se comportent de façon coopéra- dans des écoles à niveau socio- tive et honnête » (Meuret, 2016), est plus économique favorisé. ou moins développée selon les pays, et cela se ressent dans l’école. En France, En croisant ces attitudes vis-à-vis de la la tradition scolaire établit une méfiance coopération et de la compétition avec des enseignant.e.s envers les parents le modèle éducatif qui prédomine dans et un manque de reconnaissance de ce chaque pays, les résultats montrent que Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques 5/32 le modèle d’éducation totale est plus du climat général et du contexte dans favorable à la fois à l’esprit de compé- lequel ils évoluent. Dans le quotidien des tition et à l’esprit de coopération qu’un salles de classe, on peut ainsi apprendre modèle producteur : « Ces deux attitudes de manière diffuse une valeur comme l’in- ne se révèlent donc pas antagonistes, et dividualisme, par les possibilités de choix leur coexistence reflète peut-être une plus proposées, par des apprentissages indivi- grande sociabilité et une plus grande ou- dualisés, par des critères de performance verture chez les élèves », dues à l’organi- variables selon les individus ; à l’opposé, sation des contenus, décloisonnée et les on peut intérioriser des valeurs commu- ouvrant à l’extérieur, offrant plus de lati- nautaires par des situations fréquentes tude pour des échanges entre élèves et d’apprentissage en groupe, un climat de débouchant « sur un réseau d’expériences partage, la disqualification de la compé- sociales plus vastes » (Mons, Duru- tition, l’insistance sur les connaissances Bellat & Savina, 2012). communes et la culture nationale. » (Mons, Duru-Bellat & Savina, 2012) L’influence du contrat didactique AU NIVEAU DES CHOIX Dans les établissements, un contrat di- PÉDAGOGIQUES dactique s’installe implicitement dans une classe et régit les attendus et les relations La recherche portant sur le travail co- entre enseignant.e.s et élèves : ce contrat opératif concerne surtout, aux États-Unis, s’applique aussi aux travaux en petits l’apprentissage coopératif défini plus groupes et peut influer sur la qualité des haut, qui est plutôt axé vers les disposi- interactions et des apprentissages, par tifs pédagogiques jugés favorables aux exemple en inhibant les conflits socio- interactions entre pairs et relève davan- cognitifs au lieu de les favoriser. La tage de la pédagogie ou de la philosophie prise en compte du contexte d’appren- américaine, sous l’influence de Dewey. En tissage, qui influe sur les élèves et les Europe francophone, Lehraus et Rouiller enseignant.e.s, est donc primordiale dans (2008) distinguent plusieurs périodes de- l’étude des groupes, au-delà de l’étude des puis le début du XXe siècle : seules actions de l’enseignant.e et de leurs − une période « idéologique » avec le effets sur les apprentissages des élèves mouvement de l’Éducation nouvelle, (Blatchford et al., 2003 ; Rouiller, 2008). qui a voulu intégrer davantage l’école dans la société et la société dans Lorsque l’enseignant.e s’engage réellement l’école, ce qui a contribué au dévelop- dans un enseignement visant l’apprentis- pement des approches coopératives sage coopératif de ses élèves, il ou elle in- l Le CRESAS (Centre en classe, notamment avec Freinet fluence davantage l’étayage des élèves de recherche de pour qui la coopération est « un choix que dans un travail en groupe « simple », l’éducation spécialisée social délibéré » et qui initie les coopé- et de l’adaptation non organisé au préalable, et leur fait ratives scolaires ; scolaire) était une moins de remarques de discipline, ce qui unité de recherche − une période « psychosociologique » améliore la qualité des interactions entre de l’INRP (actuel IFÉ). avec le courant de la pédagogie insti- élèves, ainsi que l’entraide (Gillies, 2014). Pour les tenants de la tutionnelle, pour lequel la coopération pédagogie interactive, permet de diversifier les pratiques en- c’est à l’enseignant.e Les liens entre le climat de la classe et le de créer les seignantes dans le but de faire partici- modèle éducatif du pays dans lequel elle se conditions favorisant per activement les élèves ; situe apparaissent au niveau de l’attitude les « interactions − une période « didactique » qui est tou- équilibrées » entre des élèves, comme nous l’avons vu, mais jours la nôtre, avec les approches de élèves, celles qui aussi au niveau des contenus d’enseigne- sont intéressantes Meirieu et de la « pédagogie interac- ment et de la manière de les traiter, à tra- sur le plan cognitif, vers la gestion des rapports entre élèves, tive » du CRESAS l (Hugon, 2008), qui nécessitent un pour laquelle la coopération est vue respect mutuel et une les valeurs communautaires, la place lais- comme une méthode d’apprentissage écoute sans jugement sée à l’individualisme, etc. : « les “contenus” de la part des élèves parmi d’autres, et non comme un but incluent la tonalité globale de l’“expérience (Hugon, 2008). en soi, et a pour objectif le développe- scolaire” des élèves, telle qu’elle découle ment cognitif des membres du groupe. Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 6/32 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques Certaines activités sont plus adaptées mières de l’école maternelle française est à un apprentissage coopératif que d’ailleurs de favoriser la socialisation des d’autres jeunes enfants : l’organisation même des classes de maternelle, en regroupements en classe entière et en ateliers pour les- La tâche à accomplir dans le travail coopé- quels les élèves sont en petits groupes ratif est un paramètre important à prendre autour d’une activité donnée, encourage en compte : toutes les tâches ne se prêtent la coopération entre les élèves, et par-là pas au jeu de la coopération, comme les leur acclimatation à des interactions so- tâches routinières ou celles qui font tra- ciales avec leurs pairs. Le regroupement vailler la mémoire. Par contre les tâches est également un moment de commu- complexes, incluant la compréhension de nication entre enseignant.e et élèves où concepts, sont particulièrement adaptées, chaque élève est sollicité.e pour s’expri- pourvu qu’elles soient à la portée des mer autour d’un événement partagé. « Il élèves du groupe et que ces derniers dis- facilite la compréhension de l’apparte- posent de ressources adéquates. Plus la nance au groupe-classe, les relations et tâche demande un niveau de coopération le dialogue entre les enfants », et prépare élevé, plus les compétences développées également les élèves à réfléchir collective- alors par les élèves sont d’un haut niveau ment « sur les différentes procédures qu’il de raisonnement, ce qui a à son tour un faut utiliser pour réaliser les exercices lors effet sur l’apprentissage en cours (Hugon, des ateliers. C’est pour cette raison que 2008 ; Gillies, 2014). les regroupements et les ateliers doivent être des moments de moins en moins Pour Baines, Rubie-Davis et Blatchford cloisonnés » (Lottici, 2013). Les ateliers (2009), l’âge des élèves est un paramètre sont des moments d’autonomie et de tra- à prendre en compte pour le choix de la vail individuel réalisé grâce aux échanges tâche d’apprentissage lors d’un travail entre les élèves et aux interventions de coopératif. La capacité des enfants à par- l’enseignant.e. ticiper à des discussions et à argumenter en groupe n’est pas beaucoup dévelop- Des types de coopération différents pée avant l’entrée dans l’adolescence, les discussions étant davantage centrées sur des explications, des commentaires et des L’enseignant.e organise la manière dont justifications d’un seul point de vue, et non la coopération peut se dérouler, en fonc- sur une recherche de compromis ou des tion de l’activité, du contexte de la classe, contre-arguments à l’appui des théories de l’apprentissage visé. Il existe différents l Pour une revue contradictoires l. Mais les chercheur.se.s types de coopération selon le nombre de littérature sur ajoutent que ces compétences restent d’élèves présents dans le groupe : l’argumentation à malgré tout à développer pour beaucoup − à deux, les chercheur.se.s parlent de l’école, voir Gaussel (2016). d’adolescents et d’adultes également, qui dyades ou de binômes ; ne s’engagent pas ou n’ont pas appris à − entre deux et cinq élèves, il s’agit d’un s’engager dans des discussions riches, groupe coopératif ; réellement coopératives : le chemin est − le niveau suivant est celui du groupe- long entre une discussion informelle et classe. une réponse argumentée lors d’un conflit positif pour l’apprentissage. Une formation Pour un certain nombre de recherches, aux compétences de communication et à une autre variable permet de distinguer la résolution de conflits semble s’imposer les différents types de coopération, c’est pour les élèves, ce que nous aborderons le caractère symétrique ou asymétrique dans la troisième partie de ce Dossier. des relations aux savoirs des élèves du groupe, c’est-à-dire le niveau d’ex- Pour d’autres chercheur.se.s, l’âge n’em- pertise des élèves (Olry-Louis, 2011 ; pêche pas la coopération : des formes Connac, 2013). Il existe les interac- d’entraide spontanée et de tutorat ont été tions de tutelle, asymétriques : si les observées chez des enfants de 3 ou 4 ans rôles sont définis par avance, un.e élève (Bensalah, 2009). Une des missions pre- jouant le rôle d’expert.e, un.e de novi- Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques 7/32 ce, il s’agit de tutorat, sinon d’aide (ou comportements observables (par ex. son d’entraide si les deux élèves s’aident style), mais également [par] le fait qu’il mutuellement). Il existe également les est susceptible d’activer certains états interactions symétriques entre pairs, internes chez l’élève en fonction des per- pour lesquelles il y a a priori « une équi- ceptions qu’il a de cet environnement. » valence de compétences et de rôles » (Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006) (Olry-Louis, 2011). Les élèves veulent montrer à eux ou elles- Les perspectives psychologiques piagé- mêmes ou aux autres qu’ils possèdent tienne et vygoskienne soutiennent toutes une compétence élevée et souhaitent les deux l’idée que les interactions sont éviter de paraitre incompétent.e.s. Le but plus efficaces si un.e des partenaires de maitrise correspond à une implication est plus avancé.e : « chez Piaget, il s’agit dans une tâche et les progrès réalisés se plutôt d’une différence de compétence au mesurent dans le temps. Il existe égale- sein d’une interaction symétrique, chez ment le but de performance, quand on Vygotski, davantage d’une asymétrie de se compare aux autres et qu’on montre compétence liée aux statuts respectifs sa supériorité (Darnon et al., 2006). des partenaires », comme par exemple Sarrazin, Tessier et Trouilloud (2006), un.e élève et son enseignant.e (Lehraus dans une revue de littérature sur ces & Rouiller, 2008). questions, indiquent qu’un climat motiva- tionnel de maitrise perçu par les élèves Il est très difficile de maintenir un clivage encourage les buts de maitrise et la strict entre ces deux types d’interaction motivation intrinsèque, entre autres. À lorsqu’on approfondit l’analyse : en effet l’inverse, un climat de compétition est une interaction de tutelle « est une entre- plutôt lié négativement à la motivation prise fondamentalement coopérative au intrinsèque, mais les effets ne sont pas sens où ce qui est enseigné est bien le aussi clairs que pour le climat de mai- produit d’une interaction » (Olry-Louis, trise : « Un élève qui cherche à apprendre 2011), et le travail en groupe comporte et à progresser sera plus motivé dans un également des interactions d’aide ou climat de maitrise que dans un climat de d’entraide ponctuelles. « Toute interac- compétition. Symétriquement, un élève tion à visée d’apprentissage comporte qui aime la comparaison sociale sera donc, outre les conduites strictement plus motivé dans un contexte de com- individuelles, des conduites de tutelle et pétition que dans un climat de maitrise » des conduites de coopération » (Olry- (Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006 ; Louis, 2011). Pour tenter de réunir toutes Leroy et al., 2013). Il n’y a pas dichoto- ces contradictions, Baker (2008) propose mie entre ces deux climats : ils peuvent que cette typologie soit abordée par la di- coexister dans la classe et, à ce moment- mension « degré de symétrie des rôles », là, les effets potentiellement négatifs d’un qui englobe aussi bien les interactions climat de compétition sont atténués par de tutelle (rôles asymétriques) que les ceux du climat de maitrise. échanges de rôles pendant l’interaction, mais se présentant sous la forme d’un En croisant les différentes dimensions du continuum (voir dans la deuxième partie climat motivationnel, on obtient des styles de ce Dossier). de supervision de l’enseignant.e (Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006) : Le climat motivationnel mis en place par − style « soutenant l’autonomie », satis- l’enseignant.e faisant les besoins d’autonomie et de compétence des élèves ; − style « contrôlant », ne satisfaisant que De manière générale, la motivation le besoin de compétence ; des élèves provient en grande partie − style « permissif », ne satisfaisant que du climat motivationnel instauré par le besoin d’autonomie ; l’enseignant.e dans sa classe, qui est dé- − style « chaotique/inconsistant », ne fini par un « environnement d’apprentis- satisfaisant aucun des deux besoins. sage mis en place par l’enseignant, ses Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 8/32 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques Le classement fait ici ne dit rien du poids Les conflits, la menace des relatif de ces différentes dimensions dans compétences et la place sociale des le contexte de la classe, ni sur la manière élèves dans un groupe de prendre en compte ces travaux. Le climat motivationnel peut être un déter- Les conflits sociocognitifs, c’est-à-dire les minant de la motivation des élèves, mais conflits débouchant sur des apprentis- l’autonomie et la motivation des élèves sages (voir la définition dans la deuxième peuvent à leur tour déboucher sur un cli- partie de ce Dossier), ne sont pas toujours mat motivationnel, « l’enseignant [étant] ceux qui se présentent lors des interac- davantage enclin à soutenir l’autonomie tions entre élèves : souvent des conflits des élèves qu’il juge autonomes, et à relationnels les dominent. être plus contrôlant vis-à-vis de ceux qu’il juge peu autonomes […] l’enseignant Chaque élève cherche à démontrer sa peut aussi renforcer leur motivation vis- compétence, suivant la « menace que la à-vis de l’école » (Sarrazin, Tessier & compétence de l’autre peut représenter » Trouilloud, 2006). (Quiamzade et al., 2006, cité par Buchs et al., 2008). La menace des compétences peut être diminuée dans un climat de co- opération, alors qu’elle est exacerbée dans L’enseignement mutuel était dans un climat de compétition : « Si l’autre une modalité pédagogique du est compétent, alors c’est que je ne le suis début du XIXe siècle qui consistait pas ou moins ». à faire travailler et à organiser l’enseignement selon le niveau La régulation constructive de conflits à des élèves, et non selon leur âge. l’intérieur d’un groupe peut se faire par Des moniteurs étaient désignés l’adoption par les élèves de buts de mai- par le maitre parmi les élèves, trise plutôt que de buts de performance, pour aider et soutenir leurs pairs comme nous l’avons vu pour le climat dans chacune des disciplines motivationnel instauré par l’enseignant.e, enseignées. Toutes les deux ainsi que par l’acquisition de connais- semaines, les élèves pouvaient sances liées au fonctionnement en changer de classe, s’ils parvenaient groupe, comme la décentration qu’il est à un plus haut niveau que celui nécessaire d’acquérir pour relativiser sa de leur classe. Une des grandes propre prise de position et accepter les différences avec le tutorat prises de position des autres membres du actuel réside dans le fait que les groupe (Buchs et al., 2008). moniteurs n’agissaient que sous l’autorité du maitre, alors que les Pour Bourgeois et Nizet (2005), le pro- tuteurs sont libres de la démarche blème réel est celui du statut social de à mettre en œuvre (Poucet, 2009). chaque élève, c’est-à-dire la manière dont il ou elle est perçu.e (ou dont il ou elle se perçoit) dans le contexte de l’établisse- AU NIVEAU DES RELATIONS ment et de la classe. Un.e élève peut tout INTERPERSONNELLES ENTRE à fait être jugé.e de haut niveau par son enseignant.e mais de niveau médiocre ÉLÈVES par ses camarades : dans ce cas, c’est le second jugement qui prime dans le Quand la question de la constitution des fonctionnement des groupes, à partir des groupes d’élèves se pose, arrive souvent « représentations réciproques des pairs et en même temps celle de l’influence des leurs effets sur la performance (effet d’éti- liens d’amitié, des relations conflictuelles quetage et d’attente) ». Certains travaux entre les élèves : faut-il les ignorer ou précisent qu’il existe plusieurs statuts pour jouer sur ces dimensions affective et so- un.e même élève : « statut scolaire, sta- ciale ? tut d’expert (en lien avec une tâche par- ticulière), et statut social influençant la Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques 9/32 participation d’un élève à des travaux de L’appartenance à un groupe, l’esprit de groupe » (Cohen, 1994, cité par Rouiller, groupe 2008). Par rapport à un travail individuel, quand les élèves travaillent en groupe, elles ou Focus sur les dyades d’élèves : le ils se soutiennent mutuellement, créent tutorat et l’entraide une cohésion de groupe, à condition que Une méthode d’apprentissage la taille du groupe ne soit pas trop grande coopératif présentée entre autres pour éviter les effets de domination de par Slavin (2010) est le Peer- certain.e.s par rapport aux autres. Le tra- assisted learning strategies (PALS). vail à plusieurs favorise également ce que Il s’agit d’un travail en binôme Bertucci et al. (2010) nomment le « soutien entre deux élèves, dont tour à tour social », aussi bien au niveau de la réussite l’un.e joue le rôle de l’enseignant.e globale de chacun.e qu’au niveau des rela- et l’autre celui de l’élève. Les effets tions interpersonnelles. Ces mêmes cher- sur l’apprentissage semblent cheurs remarquent également que l’estime positifs en école primaire (tests en de soi des élèves se développe davantage mathématiques et lecture) car les dans les interactions à deux élèves que élèves développent des stratégies dans les groupes plus nombreux (dans d’entraide. l’étude, il s’agit de groupes de quatre), la Une étude portant sur des élèves complexité de gestion des relations à l’inté- de fin de primaire, regroupés en rieur d’un groupe prenant vraisemblable- dyades et en groupes de 4 élèves ment le pas sur la valorisation individuelle (Baudrit, 2005a) montre qu’il n’y à l’intérieur du groupe. a pas beaucoup de différence entre les interactions dans ces deux types de groupes, sauf pour Dans l’apprentissage coopératif, les élèves de niveau faible, qui quelques méthodes d’apprentissage participent davantage dans les en groupe sont présentées dyades que dans les groupes, comme étant informelles (et non où leur statut social d’« aidé.e » structurées), c’est-à-dire plutôt les dessert et les empêche de centrées sur la discussion, les s’impliquer, d’être considéré.e.s projets et sur une dynamique comme des partenaires à part sociale plutôt que sur le contenu : entière. C’est un point faible de − le dispositif Jigsaw (découpage l’apprentissage coopératif : le de l’enseignement en puzzle) : jeu entre les positions sociales des équipes de 6 élèves sont influence beaucoup l’activité des organisées pour travailler sur plus faibles. un thème, chacun.e étant res- « Trop souvent le tutorat ou autres ponsable d’un sous-thème. Des relations d’aide vues en classe groupes d’expert.e.s, formés sont des choix, certes généreux, des responsables des sous- mais relevant de conceptions thèmes, travaillent séparé- discutables : le bon élève est ment puis retransmettent aux supérieur au moins bon ; les membres du groupe initial ce difficultés de ce dernier viennent qu’ils ou elles ont appris ; de lui et c’est lui qu’il faut aider, − Learning together (développé alors qu’elles viennent de la par David Johnson et Roger relation pédagogique qu’on lui fait Johnson) : une production col- vivre ; et, plus grave, elles relèvent lective est à réaliser par groupes de cette idéologie de la charité qui de 4 ou 5 élèves, travail pendant offre aux pauvres en veillant bien lequel la cohésion d’équipe et à ce qu’ils le restent, sans surtout les discussions régulières sont remettre en cause l’ordre social. » encouragées (Slavin, 2010). (Charmeux, 2013) Dossier de veille de l’IFÉ • n° 114 • Décembre 2016 10/32 La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques

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La coopération entre élèves : des recherches aux pratiques n° 114. Déc. 2016. Dossier de veille de l'IFÉ. « À plusieurs, on apprend mieux » ; « Il faut.
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