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Kojo Tovalou Houénou : précurseur, 1887-1936 : pannégrisme et modernité PDF

333 Pages·2004·2.16 MB·French
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Preview Kojo Tovalou Houénou : précurseur, 1887-1936 : pannégrisme et modernité

Emile Derlin ZINSOU Luc ZOUMENOU Kojo Tovalou Houénoü Précurseur, 1887-1936 ft II ... ” Mais les parents, nos parents, qu’est-ce qu’ils font ? " Introduction Le Bas-Dahomey, fin du XIXe siècle ; gens du pays et gens d’ailleurs ; ébauche et rythmes Les années d'enfance Les années de formation La guerre de 1914-1918 et les Africains : le Renard et le Bouc Après-guerre : le temps des idées L’intellectuel modéré ; des débuts difficiles, 1921-1923 L’activiste pannègre — Paris, New-York, Chicago Cette conception d'une France à deux visages que T Malgré de méticuleuses recherches, aucun document Conclusion Table des matières ... ” Mais les parents, nos parents, qu’est-ce qu’ils font ? " J’ai eu le bonheur de connaître Kojo Tovalou Houénou. Mon père était connu et estimé du père de Kojo, chef de la collectivité des Quenum, Tovalou Afomagbagango ainsi que de l’oncle de celui-ci, Dakpè Kpossi Ghêli. Une solide amitié liait mon père à Moïse Elisha et son épouse née Rose Tovalou Houénou et sœur de Kojo. Elle m’avait porté sur les fonts baptismaux. Elle était ma marraine et son mari mon parrain. Dans notre entourage, c’était une marque de profonde estime et de grande amitié qu’un couple confie ce rôle à jouer au baptême de son premier né à un autre couple d’amis. Kojo, qui était de la génération de mon père — à un an près, ils avaient le même âge — entretenait des relations épistolaires avec celui-ci. Ainsi, par ces liens de famille et d’amitié nous étions proches de la famille Quenum. Si je n’avais que seize ans quand j’ai connu Kojo à Porto Novo en 1934, il m’était depuis longtemps familier, car son nom revenait souvent dans les conversations de mon père avec ses amis ou collègues. Notre maison prolongeait les échos de ce qui se passait dans le monde et principalement dans le monde francophone et colonial, surtout lorsque étaient en cause les droits de l’homme, le régime de 1’" indigénat ", les abus de pouvoir. Ainsi, depuis ma plus tendre enfance, j’ai entendu parler de ces problèmes, des hommes qui en étaient les héros : victimes ou défenseurs. J’ai moi-même lu à onze ans Batouala de René Maran. Un peu plus tard, Terre d’ébène d’Albert Londres. Je pouvais citer de mémoire une bonne partie de la préface de l’un et certains passages de l’autre. Mon père recevait ie journal de Kojo, les Continents et plus tard, La Dépêche africaine de Maurice Satineau, et bien d’autres journaux édités en France ou en Afrique. C’est ainsi que j’ai pu les lire, ce qui n’était pas le commun des enfants de mon âge. Dans mon cœur d’enfant, éveillé précocement aux choses publiques et politiques, sans en saisir toute la portée, ce que mon père et ses amis disaient de Kojo m’inspirait une véritable passion pour cet homme. En 1934, nous étions déjà une petite poignée de jeunes qui portions une vive curiosité à toutes les questions dont les " grands " débattaient, et étions à l’écoute de ce qui se passait au-delà des frontières de notre pays. Nous savions, par exemple, que Kojo Tovalou Houénou était allé en Amérique, qu’il existait dans ce pays lointain un certain Marcus Garvey et un certain docteur Du Bois, des personnages dont nous ne connaissions pas tout à Êut les œuvres mais dont nous savions qu’ils menaient un grand combat pour l’émancipation des Noirs, qu’à leur initiative et à celle de Kojo, il s’était fondé en Amérique et en France, des associations et des ligues pour la défense de la race noire. A l’époque donc oh j’ai connu Kojo Tovalou Houénou, j’étais jeune normalien. Des mesures transitoires dues probablement à des difficultés d’hébergement à Gorée (Sénégal), siège officiel de l’Ecole normale William Poney, ' avaient pour conséquence que depuis trois ans et bien plus tard encore, la première année de cette école fédérale se passait dans chacun des territoires ; on n’allait à Gorée qu’à partir de la deuxième année. Des camaradë’s et amis avec qui je discutais des problèmes politiques se profile dans ma mémoire le visage de Roch Talon. C’est lui qui m’a fait découvrir le fameux article " Alléluia " paru dans le journal " l’AOF " de Lamine Guèye, à la fois pamphlet et profession de foi dont l’impact fut en son temps très grand et qu’on peut relire aujourd’hui avec un réel plaisir. Nous nous amusions Talon et moi à réciter de mémoire des passages de lettres de Kojo adressées à l’avocat Germain Crespin dans une affaire qui les avait violemment opposés. L’ineontestable talent polémique et la pureté de la langue de Kojo s’y déployaient souverainement. J’avais cous ces souvenirs à l’esprit, lorsque Kojo vint s’installer à Porto Novo avec son épouse, pour quelques mois dans la maison de son père qui n’était pas éloignée de notre école, l’école Victor Ballot. Aussi bien, tous les jours de sortie, c’est-à-dire le jeudi après-midi et le dimanche toute la journée, je les passais en compagnie de Kojo, qui me considérait un peu comme son fils et me traitait avec affection. Ce qui est remarquable, chez les véritables grands hommes, chez les hommes de grande culture, c’est la simplicité de leur accueil, leur capacité à vous mettre à l’aise, à faire en sorte que vous ayez l’impression d’être de plain-pied avec eux. A seize ans, ma religion était faite. J’avais pour l’essentiel des options politiques, des idées assez précises. Je m’étais déjà essayé à écrire un petit article politique à douze ans. Le Kojo que j’admirais était autant l’homme-de culture que l’homme politique. Nous le tenions pour le plus grand lettré dahoméen de l’époque. Je crois que nous ne nous trompions pas. Je n’en étais que plus surpris de la simplicité de son accueil, des discussions que nous avions ensemble, comme si c’était d’égal à égal. De quoi parlions-nous ? Nous parlions presque exclusivement des questions relatives à l’évolution de l’Afrique. Nous parlions, c’est beaucoup dire. Moi, je l’écoutais, que dis-je ? Je buvais ses paroles. Mais il m’arrivait de hasarder quelques réflexions car il m’incitait à donner mon opinion. Le lecteur comprendra que pas une minute de mes heures de sortie ne fut soustraite au commerce avec Kojo. C’était un homme d’une assez grande taille, élégant et distingué, doué d’une grande force de persuasion, qui parlait avec une telle conviction qu’il vous prenait aux tripes lorsqu’il abordait les problèmes de développement et de promotion de l’homme de couleur. En même temps, c’était un occidental et un français à cent pour cent. Français autant qu’on pouvait l’être, Africain de même. Le mot n’existait pas, mais non point la chose : Kojo revendiquait sa " négritude " avec fougue. Cet homme qui a lutté pour éveiller la conscience africaine et qui a été l’un des fers de lance des revendications en faveur de l’homme noir était en dépit de tout ce que les rapports politiques officiels pouvaient ressasser, un authentique ami de la France. C’est parce qu’il l’aimait qu’il voulait quelle présentât, en Afrique, un visage conforme à son génie, à sa tradition et à son histoire. Aussi distinguait- il toujours dans ses propos et ses articles, la France métropolitaine, celle de la Révolution de 1789, celle de l’Egalité, de la Liberté, de la Fraternité, de la France coloniale dont certains proconsuls et autres coloniaux déformaient l’image en se comportant en despotes, en racistes. Un jour, alors que nous marchions et parlions de différents sujets, je lui ai dit: " Il faut que nous ayons des hommes de grande culture, des hommes qui aient les mêmes niveaux, les mêmes capacités, les mêmes compétences que les Français de la métropole et ceux qui viennent en Afrique. Ils pourraient occuper des postes qu’occupent aujourd’hui des Français de France. Ils «pourraient entraîner dans leur sillage leurs compatriotes. A cette fin, il faudrait que la France alloue des bourses à des élèves qui seraient envoyés en métropole pour y poursuivre leurs études. ” Kojo s’arrête. Lève sa canne et l’appuyant violemment sur le sol, me regarde d’un air sévère et d’une voix grave dit : " La France ne le fait pas ! Mais les parents, nos parents, qu’est-ce qu’ils font ?" Et d’ajouter : " Vous êtes des agneaux et vous demandez aux loups de vous épargner ? " Ces phrases sont restées gravées dans ma mémoire. J’entends encore la voix de Kojo les dire. Il était tout entier dans cette réflexion et dans le geste qui la soulignait. Nous sommes rentrés chez lui. Nous avons déjeuné et avons continué de discutçr. Comme à l’accoutumée, subjugué au point d’oublier l’heure qui passait, je suis rentré à l’école avec une demi-heure de retard. C’était là un risque à ne pas prendre car on faisait l’appel des élèves à la sortie ainsi qu’à la rentrée ; telle était la rigueur de la discipline dans les écoles. J’avais été porté absent. Je savais que Kojo était un personnage que l’Administration n’aimait pas. Mais, j’ignorais que ceux qui entraient en contact avec lui étaient fichés par les services de renseignement. Avoir souvent Kojo Tovalou, je n’avais pas, je l’avoue, le sentiment de prendre quelque risque. Je le faisais non par courage politique, mais en toute candeur et spontanéité, simplement parce que l’homme me paraissait digne d’intérêt. J’ignorais qu’un jeune homme anonyme comme moi pût susciter l’attention des responsables de notre pays parce qu’on le voyait en compagnie d’un homme réputé " dangereux et subversif Je dus au fait que mon père, directeur d’école, était un fonctionnaire très estimé de sa profession et de l’administration, de n’avoir pas été exclu de l’école pour ce manquement grave à la discipline que constituait mon retatd d’une demi-heure ! Autre raison que j’avais de connaître et d’admirer Kojo Tovalou Houénou : mon oncle feu Monseigneur Moïse Durand le connaissait bien. Passant mes vacances chez celui-ci, je suis tombé un jour sur le livre de Tovalou, l’Involution... J’ai lu cet essai sans bien le comprendre, sauf la partie des " truismes " insérée dans le volume. Mais du moment que Kojo en était l’auteur, ce ne pouvait être, à mes yeux, qu’un excellent livre ! Telle était ma dévotion. C’est dans les truismes qu’il y a cette phrase : - Méfiez-vous de ces hommes de bronze, leur force et leur lumière étonneront vos Méfiez-vous de ces hommes de bronze, leur force et leur lumière étonneront vos pays de brume ; le soleil est de chez eux. " J’avais entendu parler de l’action de Kojo au cours de la campagne électorale au Sénégal en 1928. Comme je ne comprenais pas très bien, à l’époque, l’enjeu et les options qui s’affrontaient, il m’en a, à ma demande, beaucoup parlé. Il me parlait de Biaise Diagne dont il était parmi les admirateurs, au tout début, mais dont il s’était éloigné, n’ayant pas approuvé le rôle de haut-commissaire chargé du recrutement des troupes noires que celui-ci avait accepté d’assumer pendant la Première Guerre Mondiale. Je me souviens d’avoir lu dans la riche bibliothèque de Jacob Adegoun, instituteur, " Sauvons nos colonies " de François Coty, parfumeur et patron de presse. Ce livre était un recueil d’articles publiés par lui dans son journal L’Ami du peuple et dans le Figaro, articles virulents contre Kojo Tovalou Houénou qui était traité de ” communiste ", de " bolchevique " à une époque oii cela représentait la pire indignité. A cét égard, il y a eu une véritable compagne orchestrée contre notre compatriote. D’ailleurs, tous ceux qui revendiquaient avec quelque ardeur des droits pour les hommes de couleur étaient immédiatement et définitivement traités de communistes. Cela a duré longtemps, jusqu’à notre accession à l’Indépendance. Il n’est pas jusqu’à l’auteur de ces lignes lui-même qui n’ait été traité parfois de " cryptocômmuniste " à la suite de certaines interventions à l’Assemblée de l’Union française ou d’articles de presse. La campagne de presse animée par un de ses plus grands pourfendeurs a été un des sujets de nos entretiens. C’est grâce à Tovalou et à mon père que j’ai lu Isaac Béton. Le journal que celui-ci a publié pendant quelques temps, le Colonisé, était d’une excellente tenue. Les conversations avec Kojo Tovalou Houénou pendant ces quelques mois, ont eu une influence certaine sur l’évolution de ma pensée politique. En y pensant aujourd’hui, je m’aperçois que le Tovalou d’alors n’avait que quarante-sept ans ! A mes yeux d’adolescent, il paraissait un grand ancien, presqu’un patriarche. Pendant longtemps, j’ai nourri le désir d’écrire sur lui, raconter sa vie. Je m’en étais ouvert à Lamine Gueye, à qui j’ai demandé — lui qui a été son compagnon de lutte et son avocat au cours d’un retentissant procès à Dakar - de me procurer tous les documents qu’il possédait de Tovalou (lettres, articles, etc) susceptibles de m’aider à réaliser ce dessein. Je ne les ai pas obtenus avant la mort de Lamine Gueye. Je me suis alors tourné vers Babacar Gueye, son neveu, espérant que celui-ci pourrait me trouver ce que je cherchais dans les archives de son oncle. En vain. Quand j’ai approché ma marraine dans le même but, la valise dans laquelle elle gardait précieusement tous les documents de son frère ou concernant celui-ci venait d’être consumée au cours d’un incendie. Je jouais-vraiment de malchance. Trop d’Africains, véritables pionniers de notre émancipation, demeurent inconnus des générations qui les ont suivis. J’ai accepté avec joie de m’associer à l’entreprise de Luc Zouménou et contribuer ainsi à sortir de l’oubli ce grand Africain à qui l’histoire a raison de rendre justice, enfin. Emile Derlin ZINSOU « Quand nous disons qu’un individu considère son action comme un anneau nécessaire dans une chaîne d’événements nécessaires, cela revient à dire, entre autres choses, que l’absence de libre arbitre équivaut pour lui à une incapacité absolue & inertie, qu’elle se traduit dans sa conscience par Impossibilité d'agir autrement qu'il ne le fait Etat d’esprit qu’expriment les célèbres paroles de Luther : « Hier stehe ich, ich can nicht anders » Je suis là ; et je ne puis faire autrement. » Georges V. PLEKHANOV : Le rôle de l'individu dans l'histoire> 1898. « L’Histoire nous enserre (...), l’histoire nous empoigne, dès notre venue au monde. Il n’est pas indifférent d’être né ici ou ailleurs, dans ce temps ou dans un autre, parmi ceux-ci ou bien ceux-là ; pourtant l’esprit sait rompre l’enveloppe. » Andrée CHEDID : Nefertiti et le rêve d'Akhenaton, Flammarion, Paris, 1988 ! ! ! È il O Introduction L'homme dont la vie lait l'objet de ce livre n'a jamais assumé un mandat électif, ni exercé quelque fonction politique prévue par les institutions du régime sous lequel il a vécu : la Troisième République en France et dans les colonies françaises. Faute de pouvoir mener une carrière politique à l’instar des parlementaires métropolitains, antillais ou sénégalais, il s'est forgé d'autres tribunes pour essayer de modifier le cours de l'histoire, ou plutôt, pour accélérer la marche de ses congénères dans l'histoire. Etudier la vie et l'action publique de Kojo Tovalou Houénou, avocat, médecin militaire, essayiste, journaliste et par- dessus tout homme politique africain d'origine dahoméenne (béninoise aujourd'hui), revient à tenter de retrouver et à essayer de comprendre, une « figure phare » des années 1920 dont le souvenir s'est injustement dissipé. C'est, en définitive, par une approche biographique, aborder un problème précis : les premières manifestations de la vie politique moderne chez les Noirs d'Afrique d'expression française. Dans le domaine de l'histoire de l'Afrique contemporaine, nombre de travaux de recherches de natures diverses (thèses et mémoires universitaires, livres de grande diffusion, articles de revues spécialisées) ont mis l'accent sur l'action et la pensée de personnalités politiques qui se sont illustrées pour la plupart après la Deuxième Guerre mondiale et plus particulièrement dans les années de la décolonisation. Gamal Abdel Nasser, Habib Bourguiba, Frantz Fanon, Kwame Nkrumah, Namdi Azikiwe, Léopold Sedar Senghor, Julius Nyerere, Jomo Kenyatta, Félix Houphouet-Boigny, Patrice Lumumba et il en est bien d'autres. En Afrique noire de langue française, on peut suggérer que tous les acteurs des années 1950 ont été, pour employer une métaphore olympique, des récipiendaires ou à tout le moins les derniers participants d'une course de relais qui a commencé dans les premières années après la guerre de 1914 et qui a abouti bon gré, mal gré aux indépendances de 1960. La plupart des historiens et politologues qui se sont intéressés à la genèse de la pensée politique moderne en Afrique noire d'expression française ont fixé comme point de départ les idées ou les systèmes d'idées que proposaient au public les groupes d'intellectuels noirs vivant en France

Description:
Dans le domaine de l'histoire de la pensée politique africaine, historiens et politologues avaient coutume de porter l'accent sur l'action et les textes produits par des leaders de langue anglaise. Or voici que des documents d'archives publiques comme privées et des témoignages oraux ont permis d
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