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Juillard - Sociolinguistique et dynamique des langues - AUF PDF

103 Pages·2005·0.94 MB·French
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AUF Réseau Sociolinguistique et dynamique des langues Dynamiques sociolinguistiques (scolaires et extrascolaires) de l’apprentissage et de l’usage du français dans un cadre bi- ou plurilingue (langues de migrants, langues locales) sur les axes ouest-africain et franco-africain (Alger, Timimoun, Dakar, Ouagadougou). Directeur scientifique : Caroline Juillard Co-rédacteurs du rapport : Martine Dreyfus, Dalila Morsly, Abou Napon, Ndiasse Thiam. Rapport définitif (mars 2005) Sommaire : 1. Historique de la recherche 1.1 Participation au début de la recherche 1.2 Chronologie de la recherche 2. Les objectifs de la recherche. 3. Cadre théorique et méthodologique. 4. Poids symbolique du français en situation de contact de langues dans les différents pays. 4.1. La situation sociolinguistique et le poids symbolique du français en Algérie. 4.2. La situation sociolinguistique et le poids symbolique du français en Afrique subsaharienne. 5. Outils et types de données recueillies. 6. Monographies. 6.1. Algérie 6.2. Sénégal Recherche sur les pratiques et les représentations linguistiques dans le cadre scolaire. La coexistence du français et des langues nationales dans les réseaux de jeunes en contexte urbain sénégalais 6.3. Burkina Faso. Les comportements langagiers dans les groupes de jeunes à Ouagadougou. Conclusion générale. Bibliographie. Annexe : l’entretien de Fatema. Table des matières 1 1. Historique de la recherche. Répondant à un appel d’offres du Réseau Sociolinguistique et dynamique des langues, l’action de recherche placée sous la direction scientifique de Caroline Juillard a été engagée en 1997. La recherche s’est effectuée par étapes, entre 1998 et 2002. La participation, large au début, s’est réduite sur la fin. 1.1 Participation au début de la recherche : Des rencontres de chercheurs ont été organisées à Paris en octobre 1997 en vue de préciser les objectifs de la recherche. Il s’agissait, pour la France, de : Michèle Auzanneau (Université René Descartes), Abdoulaye Deme (Université René Descartes), Christine Deprez (Université René Descartes), Martine Dreyfus (IUFM de Nîmes-Montpellier), Caroline Juillard (Université René Descartes), Dalila Morsly (Université d’Angers). Pour l’Afrique, de : Boureïma Diadié (Ecole normale supérieure de Niamey), Mohammed Lakhdar Maougal (Université d’Alger), Abou Napon (Université de Ouagadougou), et Ndiasse Thiam (CLAD, Université Cheikh Anta Diop, Dakar). Ces chercheurs se sont proposés de lancer une recherche sur l’apprentissage et l’usage du français en situation de plurilinguisme, qui s’effectuerait dans les deux lieux de contact entre jeunes utilisateurs et adultes (notamment des instituteurs et formateurs) que sont l’école (et notamment la classe) et les associations de jeunes et les groupes de pairs. M. Auzanneau et C. Deprez ont participé à ces réunions initiales, à titre d’experts, pour le lancement de la recherche et l’élaboration des problématiques. Les autres chercheurs se sont tous impliqués ultérieurement, à partir de 1998, sur le terrain. 1.2 Chronologie de la recherche : Les terrains retenus initialement ont été remplacés par d’autres au cours de la recherche, en raison de la défection de certains chercheurs (Maougal, Diadié). Cependant, on a veillé à garder une cohérence relative, en vue de la comparaison envisagée entre terrains algériens (Alger, Timimoun, Constantine) et ouest-africains (Dakar, Ouagadougou). Les chercheurs se sont en général rendus sur le terrain par équipe de deux, ainsi que le principe en avait été retenu initialement. On a favorisé un travail d’équipe où fonctionne un double regard, interne et externe à la situation sociolinguistique observée. D’un point de vue heuristique et scientifique, tant l’observation que le travail réalisé ont été enrichis. Les premiers stages de recherche ont été effectués en mars/avril 1998 à Dakar et à Ouagadougou, par A. Napon et N. Thiam, qui se sont intéressés aux usages et aux représentations au sein des groupes de pairs dans les deux villes. Chacun a aidé l’autre à collecter les données sur son propre terrain en même temps que sur le terrain étranger, dans la mesure du possible. Thiam a recueilli des informations de nature différente (concernant les usages, les formes linguistiques et les représentations des membres des groupes concernés) au sein de deux ASC (Associations sportives et culturelles) située l’une dans un quartier favorisé, l’autre dans un quartier pauvre de la capitale sénégalaise. Napon, la même année, a travaillé à Ouagadougou avec trois groupes de jeunes afin d’enregistrer et d’analyser les pratiques langagières au sein de ces groupes ; il a en outre procédé à des entretiens avec les leaders de chacun de ces groupes et trois instituteurs membres de chacun de ces groupes. En février 1999, M. Dreyfus et B. Diadié (cf. remarque ci-dessus) ont effectué leur recherche conjointement sur le terrain dakarois où ils ont principalement travaillé dans une école publique située à proximité du centre ville. Ils se sont rendus également au Centre polyvalent de Thiaroye, en banlieue, qui dépend du Ministère de la justice, et qui pratique un enseignement alternatif, alliant le formel et le professionnel. Les deux chercheurs ont réalisé ensemble une série de deux entretiens avec chacun des 8 enseignants de l’école des Manguiers I, créée dans les années 50 et située non loin du centre de Dakar, à proximité des quartiers populaires de la Médina, de Fass et de Gueule tapée, des quartiers des classes 2 moyennes (HLM et SICAP) et des quartiers résidentiels de la Corniche et de l’Université. Depuis sa création, l’école a toujours accueilli les enfants des quartiers populaires environnants. Dreyfus et Diadié ont réalisé deux entretiens collectifs avec l’ensemble des enseignants. Ils ont fait des observations et des enregistrements de pratiques de classe chez chacun des enseignants. Chaque observation a été suivie d’un entretien avec le maître qui a expliqué et commenté sa séance et éventuellement ses méthodes d’enseignement. A cela s’ajoutent des enregistrements de conversations entre enseignants lors des récréations et des enregistrements d’interactions entre élèves et entre élèves et maître lors d’un travail autour de la réalisation d’un extrait de dictionnaire. Le travail de transcription (entretiens enseignants, transcription des pratiques de classe) et l’élaboration des outils d’analyse des entretiens et des interactions ont été réalisés par M. Dreyfus, B. Diadié n’ayant pas pu poursuivre la recherche. Le fait qu’elle se soit retrouvée seule à exploiter les documents a limité l’analyse des données de cette première série d’enquêtes. En avril 1999, D. Morsly a effectué un premier stage à Alger. Durant ce stage, le travail a pris trois aspects : – Réalisation d'entretiens tout d'abord avec 5 enseignantes de français exerçant dans deux écoles fondamentales. Le système scolaire algérien est constitué de 3 niveaux : le fondamental, obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans, ce qui correspond à peu près aux écoles primaires et aux collèges français, le secondaire d'une durée de 3 ans préparant au baccalauréat, le supérieur. Quatre entretiens ont été réalisés avec des enseignants exerçant dans deux écoles situées dans un quartier périphérique de l'est de la ville appelé Bab Ezzouar. Ce quartier a été entièrement créé et construit, après l’indépendance, sur un ancien site de marais qui ont été asséchés. Les deux écoles se trouvent au milieu d'une cité de hauts bâtiments où la densité de population est très élevée. Ces bâtiments sont constitués de logements sociaux attribués par l'état à des enseignants, petits fonctionnaires ou petits employés. Cependant la cité jouxte aussi un habitat précaire dans lequel vivent des familles plus démunies. Cette école accueille des enfants d'origine sociale dans l'ensemble modeste et qui pour la plupart baignent surtout dans un milieu arabophone et ou berbérophone. Le quartier a été très secoué par le terrorisme islamique. Certaines enseignantes et la directrice d'une des deux écoles ont parlé des menaces qu'elles avaient subies à plusieurs reprises. Trois entretiens ont été recueillis auprès d'enseignantes du premier palier du fondamental (primaire), un entretien auprès d'une enseignante du second palier (collège) Trois entretiens ont été réalisés dans les écoles, la directrice et le directeur de ces écoles ayant accepté que l'enquêtrice visite leur établissement et qu’elle réalise des entretiens sur place. Le quatrième entretien a été réalisé au domicile d'une des enseignantes. Celle-ci habite la cité. C'est le cas aussi de deux autres enseignantes, sur les quatre. La dernière vit sur les hauteurs d'Alger et doit donc chaque jour effectuer un long trajet pour venir enseigner. Le cinquième entretien a été recueilli auprès d'une enseignante du premier palier du fondamental. Celle-ci enseigne dans un quartier central de la ville : Belcourt. Ce quartier est très connu dans la ville parce qu'il a toujours connu une histoire tumultueuse. Pendant la colonisation le quartiers était divisé en deux parties : le bas quartier essentiellement habité par des Européens de condition modeste et les hauteurs habitées par ceux que l'on appelait les Indigènes. Les conflits communautaires ont fait rage à plusieurs reprises en particulier pendant la période de l'OAS. La violence a réapparu avec la mouvance islamique, Belcourt étant un des quartiers de la ville où cette mouvance a élu domicile. L'enseignante interrogée témoigne de cette violence et de la peur qui régnait dans le quartier, au point raconte-t-elle que, pour ne pas se faire repérer comme enseignante, –les enseignantes étant particulièrement ciblées par le terrorisme– elle ne prenait plus de cartable pour aller à l'école, mais un sachet en plastique. Pour toutes ces raisons, l'entretien a été réalisé au domicile de l'enseignante. 3 – Participation à une journée pédagogique. Cette journée s'est tenue dans une des écoles de Bab- Ezzouar. La journée s'organise en deux temps. Une enseignante désignée au préalable par l’inspectrice de français propose une leçon modèle à ses collègues autour d'un problème pédagogique. Le sujet retenu, ici, était l'enseignement de l'écrit. La séance se déroule ainsi : • introduction présentée par l’inspectrice, • leçon modèle, • discussion et débat : l’inspectrice et les enseignants interviennent. La séance dure environ deux heures et permet de recueillir de nombreuses données sur ce que représentent l'écrit et l'oral pour ces enseignants, la place qu'ils lui accordent dans l'acquisition du français. Dans un second temps, la maîtresse qui a préparé la leçon modèle effectue une application devant des élèves. Elle tente donc de mettre en œuvre les principes retenus. Les élèves étaient des élèves de 9ème année fondamentale (dernière année du fondamental). Le cours dure une heure, à la suite de quoi inspectrice et enseignants reprennent le débat pour parler du déroulement du cours autour du problème pédagogique retenu. – Observation de classe réalisée en 4ème année de primaire, c’est-à-dire, en première année de français (au moment où l'observation a été faite, le français était introduit en 4ème année fondamentale – primaire– ; depuis la rentrée scolaire 2004, il est introduit dès la seconde année). Cette classe était animée par une des enseignantes avec qui un entretien a été réalisé. Une nouvelle réunion de travail entre les chercheurs vivant en France (Dreyfus, Morsly, Juillard) a permis, fin novembre 1999 à Paris, de faire le point sur les premiers résultats des enquêtes effectuées dans les écoles et de mettre au point les grilles d’analyse des entretiens recueillis. On a également décidé d’approfondir la recherche et la comparaison sur les terrains sénégalais et algérien, en diversifiant les paramètres situationnels. D. Morsly est donc retournée sur le terrain algérien en février 2001, pour une recherche en milieu scolaire effectuée à Timimoun. Timimoun est une ville située à 1000kms au sud d’Alger aux abords du désert. C’est une daïra (sous-préfecture) qui relève de la wilaya (préfecture) d’Adrar. D. Morsly a exploité, pour son enquête, les contacts qu'elle avait depuis longtemps dans cette ville où elle a assuré des formations pour les enseignants de français et travaillé à une réflexion sur les manuels d’enseignement de français avec des inspecteurs de la ville. Timimoun est un exemple intéressant, dans la mesure où la situation des langues est différente de ce qu’elle peut être dans la capitale ; dans la mesure aussi où la formation des maîtres n’a pas toujours suivi les mêmes itinéraires qu’à Alger. Timimoun est une ville bilingue. Une partie de la population est berbérophone et parle une variété locale de berbère appelée znaytiya ; l’autre partie est arabophone. Les berbérophones sont aussi arabophones dans leur majorité. Les exceptions sont constituées par des personnes âgées et ou des femmes analphabètes vivant dans les ksours (on désigne ainsi la ville ancienne ainsi que les villages) situés aux alentours immédiats de la ville. Les arabophones, par contre, et cela est conforme à ce qui se passe ailleurs dans le pays sont moins souvent bilingues. La langue française est, contrairement à Alger, très peu présente dans la conversation quotidienne des Timimouniens, entre Timimouniens, mais est largement utilisée dans les relations avec les touristes, qu’il s’agisse de touristes nationaux venus du nord ou de touristes étrangers. Elle apparaît aussi, facilement, dans les conversations entre enseignants de français, en dehors même de conversations purement professionnelles. Il faut signaler aussi que contrairement à de nombreuses autres régions du pays qui reçoivent dans de bonnes conditions les chaînes de télévision française —ce qui permet aux téléspectateurs algérois par exemple d’être davantage au contact du français— la wilaya d’Adrar et donc la ville de Timimoun ne reçoivent que les chaînes arabes. Ces quelques éléments d’information permettent de montrer que Timimoun est beaucoup moins au contact de la langue française qu’une ville comme Alger. 4 A cela s’ajoute une situation dans l’ensemble plus mauvaise de l’enseignement en général qui n’épargne évidemment pas l’enseignement du français. Un rapport sur la «Situation de l’enseignement du français dans la wilaya d’Adrar de 1974 à 1996» rédigé par Abderrahmane Touati, inspecteur à Timimoun, propose un état des lieux alarmants. Ce rapport présente les facteurs administratifs (restructuration administrative qui a entraîné le départ de nombreux enseignants expérimentés et nécessité le recrutement intempestif de jeunes enseignants ayant une maîtrise très approximative du français et en tout cas peu ou mal préparés à l’enseigner) ainsi que les facteurs méthodologiques et pédagogiques qui conduisent à une dégradation de l’enseignement du français. Il a donc semblé intéressant, dans un tel contexte, d’examiner les représentations que ces enseignants avaient de la langue française. Six entretiens ont été réalisés avec des instituteurs ou des institutrices qui enseignent dans le premier palier du fondamental (5) et dans le second palier (pour l'une d'entre eux). Certains débutent dans la carrière d’enseignants alors que d’autres ont déjà une certaine expérience. Les premiers semblent avoir, malgré une grande aisance dans l’expression orale, une maîtrise moins assurée et une familiarité moins étendue avec cette langue que les seconds. On devine ici que les parcours de formation joue un rôle important. M. Dreyfus et C. Juillard sont allées ensemble à Dakar, en mars 2001, où accompagnées de Mamadou Ndiaye (Université de Dakar), elles se sont principalement intéressées aux écoles alternatives en grande banlieue de Dakar. Dreyfus et Juillard ont réalisé ensemble une série d’entretiens et d’observations dans des écoles alternatives soutenues par l’ONG ENDA Jeunesse action et localisées dans le quartier périphérique de Ginaw rails, ainsi qu’au Centre polyvalent de Thiaroye (enseignement alternatif, alliant le formel et le professionnel), qui reçoit aussi bien des jeunes délinquants envoyés par le ministère de la justice que des exclus du système scolaire et des jeunes élèves qui suivent le cursus complet de l’enseignement formel. Un complément d’enquête a été effectué par C. Juillard en avril 2002, au Centre de Thiaroye. Une grande partie des données recueillies lors de la mission conjointe de M. Dreyfus et C. Juillard (2001) ont été transcrites par M. Dreyfus et C. Juillard mais toutes les données n’ont pu être analysées à ce jour, en raison de l’importance du corpus recueilli lors de cette seconde mission, corpus qui venait s’ajouter au premier corpus. Cependant, des conclusions générales peuvent être avancées à partir des corpus analysés. Un ouvrage reprend dans un de ses chapitres une partie des analyses effectuées (Dreyfus, Juillard, 2005). Des communications ont été réalisées (Dreyfus, Juillard (2004), Dreyfus (2005). D’autres sont prévues dans des colloques à venir, des articles ont été soumis à des revues. D. Morsly a également publié plusieurs articles dans le cadre de la recherche menée en Algérie. L’étalement de la recherche dans le temps a permis que soient reconsidérés les terrains, les objectifs et les méthodes. Ainsi, pour le Sénégal, différents espaces d’enseignement du français ont été visités, au centre ville et à la périphérie de Dakar : une école traditionnelle (enseignement formel) et des écoles alternatives (enseignement non formel), en vue de considérer les différences et les points communs relativement aux parcours, répertoires, pratiques et représentations linguistiques des enseignants et formateurs, d’une part, aux pratiques pédagogiques et aux modèles linguistiques transmis, d’autre part. Mmes Morsly et Juillard ont continué à fréquenter leur terrain de recherche respectif, au Sénégal et en Algérie, après la clôture officielle de l’étude (avril 2002). Des séances de travail bisannuelles ont réuni depuis lors les trois chercheuses signataires du rapport définitif, M. Dreyfus, C. Juillard et D. Morsly, pour déterminer les axes d’analyse des données recueillies, confronter les résultats et les présenter. Ce rapport définitif est construit à partir du premier rapport d’avril 2002, ainsi que des rapports intermédiaires et des monographies effectuées par M. Thiam et Napon, Mmes Dreyfus, Juillard et Morsly, concernant leurs terrains respectifs. 5 2. Les objectifs de la recherche. L’école primaire fonctionne dans la société comme lieu d’inclusion et également d’exclusion, pour des jeunes dont les pratiques et les stratégies d’appropriation des langues et des variétés sont influencées par les modèles transmis dans le cadre scolaire aussi bien qu’extra-scolaire. D’autre part, les pratiques et les représentations linguistiques des futurs adultes se renforcent et se focalisent au sein des groupes dont ils sont des membres privilégiés et les adultes qu’ils y côtoient éventuellement leur présentent également des modèles langagiers. L’optique de la recherche est comparative : la comparaison porte sur la manière dont les usagers, natifs africains, s’approprient le français dans leur cadre sociolinguistique spécifique et met en relation les dynamiques propres à chaque lieu, compte tenu du fait que le poids symbolique des diverses langues en contact, et notamment du français, n’est pas identique dans les divers pays concernés. Les thèmes retenus ont été les suivants : Thème 1 : L’école, comme lieu du contact des personnes et des langues, et notamment la classe, comme espace d’interactions sociales particulières. A) On s’est tout d’abord intéressé au parcours des instituteurs (trices), et formateurs (trices) du primaire : qui sont-ils ? Quelle est l’incidence de leurs parcours (stratégies d’acquisition, lieux et circonstances de l’emploi des langues en contact, représentations, etc.) sur la norme qu’ils veulent transmettre ainsi que sur leur(s) usage(s) dans le cours de leur pratique professionnelle ? B) On a tenté de dégager les stratégies des maîtres et formateurs d’après l’observation de leurs pratiques pédagogiques en classe et d’après l’analyse des déclarations qu’ils nous ont faites lors d’entretiens. C) On a observé également le recours aux langues locales (ou aux langues d’origine) dans la classe et hors de la classe. On pourra ainsi spécifier la nature des contacts de langues, leur fonction et la représentation qu’en ont les usagers. La fonction de l’alternance des langues en classe est ainsi appréciée, tant pour les maîtres qui l’utilisent que pour leurs élèves. L’exploitation pédagogique du bilinguisme se révèle variable, compte tenu de la diversité des situations et des parcours des maîtres ou encore des types d’enseignement. Il s’agit donc d’une enquête exploratoire qui permet de mettre en relation quatre types d’informations : - le répertoire et la biographie linguistiques des maîtres et des maîtresses - les motivations du choix du métier d’enseignant - les représentations de la langue à enseigner et de la langue des élèves - les pratiques observables en classe et à l’école. Thème 2 : Les dynamiques de groupes : groupes de pairs et associations d’éducateurs et de formateurs bénévoles. Il s’agit de groupes de quartiers, regroupant des jeunes adultes d’âge variable : - “grains” à Ouagadougou (groupes de buveurs de thé), - ASC (Associations sportives et culturelles) à Dakar, - Collectif des associations de quartier pour l’éducation alternative à Dakar. Ce collectif regroupe des formateurs bénévoles dont la formation et l’action dans les écoles de base au sein de quartiers défavorisés sont soutenues par une ONG : ENDA Jeunesse action. La dynamique des usages au sein des groupes de jeunes adolescents et de jeunes adultes est mise en regard de la dynamique sociolinguistique, telle qu’elle se révèle dans l’environnement scolaire. 6 On a ainsi fait l’hypothèse que l’appropriation et l’usage du français en contact sont fonction du regroupement social, qu’il s’agisse de locuteurs scolarisés, faiblement ou non scolarisés. Des variétés discursives émergentes (argots, mélanges, variétés de français, entre autres) ont été mises en évidence. L’observation des pratiques spontanées et informelles s’est assortie d’une étude sur les attitudes et représentations, là où cela a été possible. On a considéré que les thèmes 1 et 2 du projet correspondaient à deux aspects de la même problématique relative à l’appropriation et à la circulation du français. Il s’est donc agi de mettre en évidence les évolutions en cours dans l’inter - relation entre école et société et d’envisager une comparaison selon le poids symbolique du français différent sur les deux types de terrains considérés (Afrique sub-saharienne, Maghreb). 3. Cadre théorique et méthodologique. Types de données. Le corpus est très diversifié : entretiens, observations et notations, enregistrements d’interactions de classe, écrits. Axes d’analyse des données. Les données recueillies seront présentées et analysées de quatre points de vue correspondant aux problématiques retenues : 1 - tout d'abord à partir de la notion de "passeurs de langues", proposée par Christine Deprez lors de la réunion préparatoire d'octobre 1997 et développée au sein des rencontres ultérieures entre chercheurs. Dans les situations d'apprentissage du français langue seconde où situations formelles et informelles sont souvent imbriquées, le rôle de "passeur de langue" peut être dévolu par le sujet lui-même à une personne de son entourage, un maître, un chanteur, parfois aussi à un livre, etc. Les passeurs sont des gens qui introduisent une langue dans un environnement, et la font circuler. La production linguistique du passeur est donc située socialement et géographiquement. Il peut s'agir de personnes fonctionnant au sein de regroupements plus ou moins institutionnels (école, médias, groupes divers, dont les ASC et les groupes de pairs) comme de personnes entretenant avec le sujet un rapport plus affectif. En situations multilingues complexes, les maîtres ont le rôle de passeurs institutionnels de la langue française. Il peut s’agir également d’objets concrets (des livres ou des films), de rencontres (avec des gens, ), de chansons. Cette notion renvoie à la façon dont “du” français est transmis et circule, dans le contact avec les autres langues du répertoire. Elle évoque tant le modèle (quel français est passé ?) que le mode de transmission de ce modèle (par quelles pratiques pédagogiques ou autres, et dans quelles situations de communication ?). Elle met en jeu des représentations et des images qui englobent la personne autant que sa pédagogie. Elle permet de faire le lien entre les expériences partagées par tous et le vécu de chacun. 2 - Les données recueillies illustrent également la perspective dynamique "gardiens /novateurs", s’agissant de ceux qui diffusent les modèles linguistiques et sociolinguistiques. Qu’il s’agisse de postures exprimées en entretien ou de productions, on peut distinguer ceux qui admettent le bilinguisme en classe, souvent les enseignants les plus jeunes et/ou les moins formés de ceux qui ne l’admettent pas et se réfèrent plus explicitement à la norme exogène du français tout en condamnant dans les classes le recours aux langues d’origine 3 - En ce qui concerne la variation du français utilisé par ceux qui en sont les locuteurs légitimes : les normes de son usage apparaissent en évolution sur chacun des terrains et d'un terrain à 7 l'autre Lorsqu'il existe au sein des communications de la communauté étudiée un passage plus important du français à l’autre langue du répertoire, les systèmes se restructurent. Le rapport à la norme diffère aussi selon l’âge des maîtres et leur formation : les conceptions que les maîtres ont de la langue qu’ils doivent enseigner se dégagent, entre autres, de leurs commentaires sur le niveau, les attitudes, les difficultés de leurs élèves (ceux qui sont les meilleurs/les moins bons, les garçons/les filles, leurs langues premières, leur milieu social, leur lieu d’habitation, etc.) 4 - les données ont été analysées selon l’axe commun constitutif de la recherche : la perspective du “milieu”, sous l’angle du type de rapport à la langue française qui s’y manifeste (présence du français, fréquentation et diffusion de la langue). La problématique du “milieu” peut s’exprimer de différentes manières : qu’il s’agisse d’une distinction de quartiers, selon une hiérarchie socio- économique intra-urbaine (à Dakar : des quartiers de la moyenne bourgeoisie vs quartiers populaires), ou qu’il s’agisse d’un rapport entre centre et périphérie à l’échelle d’un pays (capitale et villes secondaires en Algérie) ou d’une ville (centre ville et périphérie urbaine à Dakar). 4. Poids symbolique du français en situation de contact de langues dans les différents pays. 4.1. La situation sociolinguistique et le poids symbolique du français en Algérie Le français arrivé en Algérie avec la colonisation en 1830 est progressivement institué langue officielle de la colonie. Dans l'enseignement, le français est enseigné comme une langue maternelle tandis que l'arabe est renvoyé au statut de langue étrangère au même titre que l'anglais ou l'espagnol, par exemple. Au lendemain de l'Indépendance, l'arabe est "restauré", ainsi que le proclame le discours officiel, au rang de langue nationale. Le français, défini comme langue étrangère à "statut privilégié", conserve une place importante dans les médias, la production écrite (scientifique et littéraire), dans le monde de l'économie et de la technologie (où son usage domine largement celui de la langue arabe), dans la conversation quotidienne où il est une composante incontournable du plurilinguisme des locuteurs (urbains surtout) ; dans l'enseignement, il est enseigné dès le primaire comme langue obligatoire tout au long du parcours scolaire. Rappelons, ainsi que nous l'avons vu plus haut, que le système éducatif algérien est organisé en trois paliers : - L'enseignement dit fondamental dure 9 ans : il est obligatoire ; - L'enseignement secondaire dure trois ans - L'enseignement supérieur qui adopte actuellement le système LMD. Mais l'importance qu'il a ou doit avoir dans la formation scolaire et universitaire n'a cessé de varier au gré des variations que subit la politique linguistique du pays. Depuis 1974 et jusque dans le début des années 90, période pendant laquelle se pense et se met en place l'arabisation du pays, il est introduit d'abord en deuxième, puis en troisième et enfin en quatrième années du primaire. Aujourd'hui, depuis la rentrée scolaire 2004 et dans le cadre du projet de réforme du système éducatif en discussion depuis la fin des années 90, il est réintroduit dès la seconde année du primaire. Le français intervient, par ailleurs, tout au long du cursus scolaire et universitaire, comme langue enseignée ou comme langue de travail d'appoint (pour la documentation scientifique est-il précisé). Certaines disciplines universitaires (médecine et différentes autres formations technologiques, par exemple) ont conservé le français comme seule langue de travail et d'acquisition des savoirs. Aujourd'hui, avec la réforme en cours, il regagne du terrain. Les nouvelles orientations impulsées par le Président Bouteflika qui suspend en 1999 la loi portant généralisation de l'arabisation et déclare « (…) nous n’avons aucune raison d’avoir une attitude figée vis à vis de la langue française qui nous a tant appris et qui nous a, en tout cas, ouvert la fenêtre de la culture française. » (El-Watan, 1er août 1999), la participation de l'Algérie, du président lui-même, aux derniers sommets de la 8 francophonie "décrispent" en quelque sorte et recréent pour le français les conditions sociolinguistiques d'une redynamisation, non seulement dans les contextes d'apprentissage et de formation, mais aussi dans les médias, par exemple. Comme on le voit, l’histoire de la langue française en Algérie est une histoire conflictuelle, de rivalité avec la langue arabe. À travers le français s’expriment des enjeux à la fois politiques et culturels qui partagent les partisans d’une politique d’arabisation à tout prix et sans exclusive et les partisans d’une forme de bilinguisme équilibré. Cette situation a contribué à construire des représentations sociales de la langue française elles aussi contradictoires : tantôt dénoncée comme langue du colonisateur, celle-ci bénéficie en même temps du prestige conféré à une langue perçue comme langue de la promotion sociale, comme langue d'ouverture sur le monde occidental, sur la culture universelle, comme langue "de l'avenir" comme le déclare une étudiante à qui nous demandons pourquoi elle a choisi de préparer une licence de français et qui répond : "Madame, c'est la langue de l'avenir". Les maîtres sont les otages de ces enjeux. Ils doivent gérer leurs propres représentations, contradictoires, qui influent nécessairement sur les représentations qu’ils se font de leur métier de maître de français et sur la façon dont ils conçoivent ou jouent leur rôle de passeurs de langues. Ils sont confrontés aux représentations que les élèves héritent de leur environnement sociale et familial. 4.2 La situation sociolinguistique et le poids symbolique du français en Afrique subsaharienne Les situations sociolinguistiques africaines, en zone sub-saharienne, sont toutes des situations où des langues à tradition orale sont majoritairement en usage, alors qu’au Maghreb la langue arabe, à tradition écrite, a, de ce fait, un prestige supérieur aux autres langues et dialectes. Et cette différence est à mettre en relation avec des configurations sociolinguistiques différentes où s’inscrivent usages et représentations du français, tant générales que particulières à chaque pays. Anciennes colonies françaises, le Burkina et le Sénégal sont des pays multilingues francophones, où le français, langue officielle et langue d’enseignement, est opposé à l’ensemble des langues nationales, dans des situations de type diglossique. Dans les grandes villes, la présence renforcée de langues véhiculaires en voie de vernacularisation chez les jeunes nés et grandis en ville crée une nouvelle dynamique communicationnelle : la complémentarité fonctionnelle entre le français et les véhiculaires locaux est partiellement remise en cause par l’émergence de modes de communication bilingues et l’usage d’une variabilité accrue, tant du français pratiqué localement que du ou des véhiculaires de contact. On constate dans l’un et l’autre pays, que le français commence à être utilisé dans des situations où il ne l’était pas jusque là (ainsi à Ouagadougou : sport, loisirs, commerce) et que les langues véhiculaires investissent des domaines traditionnellement réservés au français (administration, école). Quant aux langues minoritaires, elles gardent une fonction grégaire, mais leur sphère se restreint sous la pression de la nouvelle complémentarité citadine entre français et langue véhiculaire. Dans l’un et l’autre pays, les politiques linguistiques, qui opposent le français langue officielle aux autres langues, ayant le statut de langues nationales, ont créé une configuration linguistique particulière qui favorise la stabilisation et la reproduction sociale de représentations à propos des langues, et notamment du français, outil de la promotion sociale. Dans de tels contextes s’élaborent des postures et des pratiques significatives de la diversité des relations sociales urbaines. A Ouagadougou, le moore qui est la langue première de la majorité des locuteurs joue également le rôle de véhiculaire. Cependant des migrants du Sud et de l’Ouest du pays, souvent julaphones (le jula est la langue majoritaire à Bobo Dioulasso, deuxième ville du pays), préfèrent recourir au français comme véhiculaire, lorsqu’ils le connaissent, car le moore reste pour eux une langue à connotation ethnique et qu’ainsi ils neutralisent un conflit potentiel “tout en affirmant leur appartenance au groupe des 9 francophones légitimes” (Caitucoli, 1996). La dynamique sociolinguistique semble donc favorable au français dans la capitale burkinabé. A Dakar, la situation est différente. Premièrement, le wolof, véhiculaire et vernacularisé chez les jeunes locuteurs, n’a pas de rival. Cependant, le français est, semble-t-il, de plus en plus parlé en ville, même par des locuteurs faiblement ou non scolarisés et il se répand grâce à l’usage du code mixte, français-wolof, dont la variabilité structure le champ social (Cf. Thiam 1994, Dreyfus, Juillard, 2005). La dynamique sociolinguistique des usages à Dakar et dans sa grande banlieue a déjà fait l’objet d’études nombreuses. On a ainsi noté une expansion de l’usage du français qui concerne quasiment toutes les catégories socioculturelles, y compris celles des locuteurs peu scolarisés et même non scolarisés. Les fonctions communicationnelles du wolof et du français, les langues dominantes, se sont rapprochées : le français a souvent un rôle de véhiculaire et le wolof est très présent dans les domaines jusqu’ici réservés au français, comme l’administration ou l’enseignement. Ce rapprochement aboutit à l’apparition d’un code mixte wolof - français, vernaculaire urbain utilisé par l’ensemble des groupes présents en ville. L’acquisition du français n’est plus circonscrite au système scolaire formel et chez beaucoup de locuteurs peu ou non scolarisés, on relève une appropriation discursive du français via la pratique du code mixte dont la variabilité structure le champ social. Les jeunes jouent le rôle de “passeurs de langues”, les uns pour les autres, au sein des réseaux dont chacun est un membre. Là se génèrent et se reproduisent des modèles langagiers et des représentations qui peuvent être mis en regard de ce qui se passe au sein des lieux de formation. Certains adultes, les enseignants, les élèves et étudiants sont ainsi des relais entre ces deux modes de regroupement des usagers (écoles et groupes de pairs). Les personnes issues de milieu défavorisé qui n’ont pas eu la chance de recevoir un enseignement long de type formel demandent à être alphabétisées en français et on assiste à une recrudescence d’enseignements de français de type alternatif (écoles non formelles, cours d’alphabétisation du soir organisés à la demande des intéressés par des ONG, voire écoles de la rue). On assiste ainsi à une diffusion mais aussi à une véritable « prolifération » des lieux et des pratiques d’enseignement. Dans de telles conditions, la place de l’enseignant dans la société change et sa responsabilité a évolué comme évoluent les modèles de référence du français et les pratiques pédagogiques. Dans l’enseignement non formel comme dans l’alphabétisation, les gens refusent un enseignement de français de type FLE, et envisagent des contenus et une progression similaire à celle qui est pratiquée dans le cadre de l’enseignement formel. D’ailleurs, des passerelles sont envisagées pour le passage de certains vers l’enseignement formel, et donc la possibilité pour eux de se présenter aux examens et concours Des enseignants titulaires enseignent aussi dans les deux systèmes et des formations sont données par des inspecteurs de l’Education national aux enseignants du formel et du non formel. Malgré une nette augmentation de la scolarisation et de l’alphabétisation et leur prise en charge par différentes institutions ou O.N.G., le taux d’illettrisme chez les jeunes qui quittent l’école primaire est encore très élevé. Depuis 1960, les politiques linguistiques et éducatives des pays africains tentent de gérer, à travers différentes options, la nécessaire scolarisation d’un nombre croissant d’enfants et l’alphabétisation des adultes, en prenant en compte, à des degrés divers, les caractéristiques des situations multilingues, ainsi que le statut et la fonction des langues en présence. La place respective des langues nationales et du français dans les systèmes éducatifs demeure toujours un objet de questionnement même si le rapport de synthèse des Etats Généraux de l’enseignement du français en Afrique subsaharienne francophone (Libreville, 2003) mentionne l’introduction des langues nationales à l’école primaire dès les premières années de la scolarisation : “ L’acquisition des mécanismes fondamentaux tels que la lecture et l’écriture doit être assurée dans la langue du milieu de l’apprenant, la langue à laquelle il se trouve le plus fortement exposé” (Rapport de synthèse, Libreville scolaire 2003 : 2). Les rapporteurs souhaitent que soit mis en place “un bilinguisme scolaire et modulable 10

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ouest-africain et franco-africain (Alger, Timimoun, Dakar, Ouagadougou). enseignants et élèves, entre enseignants et parents d'élèves ou amis venus leur.
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