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Journée 2007 de droit bancaire et financier PDF

26 Pages·2008·0.28 MB·French
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Journée 2007 de droit bancaire et financier Mark barmes Pierre besson christian bovet Jacques iffland carlo lombardini samantha Meregalli do duc aude Peyrot luc thévenoz sous la direction de Luc Thévenoz et Christian Bovet OPA hostiles : le combat est-il équitable ? 59 OPA hOstiles : le cOmbAt est-il équitAble ? Jacques Iffland* Les prises de contrôle hostiles sont un phénomène relativement nouveau en Suisse. Encore rares dans les années quatre-vingt et nonante1, ces opérations sont devenues plus fréquentes dès le début des années 2000, pour se banaliser récemment2. Cette évolution donne généralement lieu à des réactions contrastées. * Docteur en droit, associé, Lenz & Staehelin. 1 On citera en particulier les tentatives de prise de contrôle hostile dont ont fait l’objet La Suisse – Société d’Assurances sur la Vie et Publicitas entre les mois de juillet et septembre 1988, qui ont donné lieu à l’adoption de la première réglementation suisse dans ce domaine : le Code suisse des OPA du 1er septembre 1989. Voir à ce sujet : Peter, “Les offres publiques d’achat en Suisse : ana- lyse et évolution, en particulier depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code suisse des OPA”, in RSDA 62 (1990) 153 ss, 156 ; Bohrer, Unfriendly Takeovers, Zurich 1997, 21-22 ; Watter / Maizar, “Konkurrierende Übernahmeangebote”, in Tschäni (éd.), Mergers & Acquisitions VII, Zurich 2005, 1 ss, 11. Une seule offre hostile a été publiée entre l’adoption du Code suisse des OPA et l’entrée en vigueur le 1er janvier 1998 des dispositions de la LBVM sur les OPA : l’offre d’International Paper aux actionnaires de la société bâloise Holvis AG en 1995. Voir à ce sujet : “Entscheid der Kommission für Regulierungsfragen vom 7. Juni 1995 im Zusammenhang mit dem öffentlichen Kaufangebot der BBA Group Plc für die Holvis AG”, in RSDA 67 (1995) 186 ss. 2 Les opérations sur lesquelles la COPA s’est prononcée pendant cette période comprennent l’offre de Tsufa AG aux actionnaires de Big Star Holding AG (2000), l’offre de Stancroft Trust Limited aux actionnaires d’Intersport PSC Holding AG (2000), la tentative de prise de contrôle des frères Model sur Axantis Holding AG (2000), l’offre d’InCentive Capital AG aux actionnaires de Sulzer AG (2001), l’offre de Multipapiers SA aux actionnaires de Baumgartner Papiers Holding SA (2001), l’offre de Hansa AG aux actionnaires d’ENR Eastern Natural Resources SA (2001), la tentative de prise de contrôle de CreInvest SA sur Altin AG (2001), la tentative de prise de contrôle d’A&A Holding sur Sopafin, Société de participations financières (2002), l’offre de Zimmer Holdings, Inc. aux actionnaires de Centerpulse AG (2003), l’offre d’Alpine Select AG aux actionnaires d’EIC Electricity SA (2003), la prise de participation de Michael Pieper dans Forbo Holding AG (2005), la prise de contrôle d’Unaxis Holding AG par Victory Industriebeteiligung AG (2005), l’offre de Hexagon AB aux actionnaires de Leica Geosystems Holdings AG (2005), l’offre de Sumida Holding Germany GmbH aux actionnaires de Saia-Burgess Electronics Holding AG (2005), l’offre d’OC Oerlikon Corporation AG aux actionnaires de Saurer AG (2006), l’offre de Romanshorn SA aux actionnaires de SIG Holding AG (2006), l’offre de Glarner Kantonalbank aux actionnaires de Bank Linth (2006), l’offre de Scor SA aux actionnaires de Converium Holding AG (2007) et l’offre de Laxey Partners Ltd aux actionnaires d’Implenia AG (2007). 60 Jacques Iffland Souvent, les prises de contrôle hostiles sont perçues comme étant le fait d’in- vestisseurs financiers cherchant à réaliser des profits à court terme au mépris des intérêts de la société visée et de ses principaux stakeholders, tels que ses créan- ciers, fournisseurs et employés. La notion de transaction hostile est aussi fré- quemment associée au déploiement de tactiques prédatrices. Les prises de contrôle hostiles peuvent cependant avoir des effets positifs. Ces opérations sont susceptibles d’être favorables aux actionnaires de la société visée, en leur permettant de maximiser la performance de leur investissement au sein de celle-ci. Même en l’absence de transaction concrète, la seule possibilité d’une prise de contrôle hostile peut avoir des conséquences positives, en obligeant les organes dirigeants à rester disciplinés et à veiller à ce que les titres de la société soient correctement valorisés3. La possibilité de prises de contrôle hostiles doit aussi garantir que les sociétés cotées soient contrôlées par les personnes les mieux à même de les faire fructifier, et contribuer ainsi à la bonne allocation des res- sources au sein de l’économie. Ces transactions contribuent ainsi à la sauvegarde d’un intérêt public4. Cette situation complexe a conduit le législateur et les autorités de réglemen- tation à adopter, en principe, une attitude neutre en matière de prises de contrôle hostiles. La réglementation ne tend généralement ni à favoriser ni à décourager ce type d’opération5. Elle garantit la liberté de décision et l’égalité de traitement des destinataires de l’offre, tout en limitant la faculté du conseil d’administration de la société visée de prendre des mesures de défense. La jurisprudence a consacré cette approche dans le principe dit d’“égalité des armes”6. L’objet de cet article est d’étudier les fondements du principe d’égalité des armes, afin de juger de sa pertinence, ainsi que d’en examiner les conséquences pratiques. Cet article cherche à montrer que, si le régime auquel la réglementation suisse sur les OPA soumet le processus de changement de contrôle est en prin- cipe équitable, le principe d’égalité des armes, appliqué dans toute sa rigueur, pourrait avoir des effets pervers en empêchant la publication d’offres potentiel- lement avantageuses pour la société et ses actionnaires. En outre, il est possible que la rigueur des obligations que le droit des OPA met à la charge des offrants ait 3 Frei, Öffentliche Übernahmeangebote in der Schweiz, 2e éd., Berne/Stuttgart/Vienne 1998, 129 ss. 4 Tchäni / Iffland / Diem, Öffentliche Kaufangebote, Zurich/Bâle/Genève 2007, 3 s. 5 Groupe d’experts chargé d’élaborer une loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, Rapport sur l’avant-projet, mars 1991, 66 ; von der Crone, “Übernah- merechtliche Grundsätze : Transparenz, Gleichbehandlung und Lauterkeit”, in Schweizerische Übernahmekommission (éd.), Schweizerisches Übernahmerecht in der Praxis, Zurich 2005, 1 ss, 2. 6 Recommandations Sulzer AG I du 19 mars 2001 c. 2.2 ; Sulzer AG III du 29 mars 2001 c. 1.4 ; Sulzer AG IV du 11 avril 2001 c. 8.6. Le principe d’égalité des armes est également consacré par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Voir à ce sujet l’ATF 133 II 232, 238 c. 3.1.2 (arrêt SIG Holding AG). OPA hostiles : le combat est-il équitable ? 61 amené certains acquéreurs à s’écarter du processus d’OPA pour lui préférer des méthodes de prise de contrôle moins respectueuses des intérêts de la société visée et de ses actionnaires. I. Fondement et portée du principe d’égalité des armes dans la réglementation suisse sur les OPA La raison d’être du principe d’égalité des armes est relativement facile à appré- hender. Dans un régime d’économie de marché, il serait difficilement concevable qu’une autorité de réglementation se prononce sur l’opportunité d’un change- ment de contrôle7. Toutefois, le principe d’égalité des armes tel que le conçoit le droit suisse des OPA ne se traduit pas par une attitude de laisser faire. Au contraire, la réglementation affecte le déroulement des OPA à deux égards : – La réglementation impose diverses obligations à l’offrant, qui visent à garantir la liberté de décision et l’égalité de traitement des destinataires de l’offre. Elle contraint ainsi l’offrant à publier un prospectus8, à soumettre son offre à l’exa- men d’un organe de contrôle9 et à déclarer certaines de ses transactions por- tant sur les titres de participation de la société visée et, le cas échéant, sur les titres offerts en échange10. La réglementation influence aussi les termes aux- quels l’offre peut être soumise. Elle détermine en particulier les conditions11 auxquelles une offre peut être faite et le calendrier de la transaction12. Dans certaines circonstances13, les règles sur les OPA déterminent aussi l’objet de la transaction, en obligeant l’offrant à étendre son offre à tous les titres de par- ticipation cotés de la société visée14 et en imposant le prix minimum auquel l’offre peut être proposée15. L’offrant se voit aussi contraint de respecter le 7 Les exceptions que le droit de la concurrence apporte à ce principe reposent sur des bases consti- tutionnelles explicites (art. 96 Cst.). 8 Art. 24 al. 1 LBVM. 9 Art. 25 LBVM. 10 Art. 31 LBVM. 11 Art. 13 OOPA. 12 Art. 28 lit. e LBVM et art. 14 OOPA. Voir aussi, en matière d’offre concurrente, l’art. 30 LBVM et les art. 49 et 50 OOPA. 13 Tel est le cas si l’offrant excède le seuil de participation qui déclenche une obligation d’offre (c’est-à-dire le seuil légal de 33¹/₃% des droits de vote, le seuil supérieur fixé par les statuts en cas d’opting up (art. 32 al. 1 LBVM) ou le seuil de 50% dans les cas prévus par les art. 52 LBVM et 31 OBVM-CFB). Voir à ce sujet Tchäni / Iffland / Diem (note 4), 17 ss. Tel est également le cas si la participation de l’offrant se situe en dessous du seuil qui déclenche une obligation d’offre, mais qu’elle franchirait ce seuil en cas de succès de l’offre. Voir à ce sujet l’art. 10 al. 5 OOPA. 14 Art. 29 OBVM-CFB. 15 Art. 32 al. 4 LBVM. 62 Jacques Iffland principe d’égalité de traitement, également susceptible d’influencer les termes d’une OPA16. – La réglementation impose par ailleurs des obligations au conseil d’adminis- tration de la société visée. Elle le contraint à publier un rapport portant sur l’offre17, limite sa faculté de prendre des mesures de défense18 et l’oblige à as- surer l’égalité de traitement entre offrants19. Cette structure réglementaire peut sembler surprenante : si l’objectif est d’assurer une égalité des armes entre les parties prenantes au processus de prise de contrôle, pourquoi imposer de telles contraintes aux offrants et pourquoi limiter la faculté de la société visée de prendre des mesures de défense ? Ne serait-il pas plus simple de permettre aux offrants de déterminer librement les termes et les conditions de leur offre, tout en laissant aux actionnaires et au conseil d’administration de la société visée le soin de juger des mérites de la transaction proposée ? En réalité, la raison pour laquelle le législateur a considéré que le processus de prise de contrôle ne peut pas être laissé à la libre appréciation des parties repose sur deux considérations fondamentales : – La première est que les actionnaires d’une société cotée en bourse ne sont pas toujours en mesure de se prononcer librement sur les questions qui touchent au contrôle de la société. Ils sont en général trop nombreux pour être en me- sure d’adopter une attitude concertée quant aux offres pouvant leur être sou- mises. Cette situation peut les inciter à accepter des termes inappropriés, de crainte de se retrouver minorisés au sein de la société visée en cas de succès de l’offre20. – Une deuxième considération tient au fait que, en cas de changement de contrôle, le conseil d’administration de la société visée peut se trouver en situation de conflit d’intérêts21. Le conflit résulte du fait qu’un changement de contrôle affecte souvent la composition des organes dirigeants de la so- ciété visée et qu’il est donc à craindre que, dans ce contexte, les membres du conseil d’administration et de la direction fassent passer leur intérêt propre avant celui de la société visée. Ce risque explique la méfiance que le législateur témoigne aux organes dirigeants de la société visée en matière de prise de contrôle. Il explique en particulier pourquoi – dans la réglementation suisse sur les OPA – le conseil d’administration de la société visée n’est pas considéré 16 Art. 24 al. 2 LBVM et 10 OOPA. 17 Art. 29 al. 1 LBVM ; art. 29 à 33 OOPA. 18 Art. 29 al. 2 et 3 LBVM ; art. 34 à 36 OOPA. 19 Art. 48 OOPA. 20 Tchäni / Iffland / Diem (note 4), 3. 21 Message du Conseil fédéral concernant une loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 février 1993, FF 1993 I 1269 ss, 1315. Voir sur ce point par exemple la recomman- dation Implenia AG III du 20 décembre 2007 c. 2.1.1.2. OPA hostiles : le combat est-il équitable ? 63 comme étant à même de juger si une prise de contrôle est conforme à l’intérêt de la société visée22. En l’absence de réglementation adéquate, cette combinaison de facteurs – risque de coercition des actionnaires de la société visée, d’une part, et risque de stratégie de défense illégitime de la part du conseil d’administration de la société visée, d’autre part – pourrait avoir des conséquences néfastes sur le déroulement des prises de contrôle. L’offrant pourrait justifier le recours à des tactiques coercitives par la crainte de se voir opposer des mesures de défense incompatibles avec l’intérêt de la société visée. Inversement, le conseil d’administration de la société visée pourrait justifier le recours à des mesures de défense en invoquant la déloyauté de l’offre. Une intervention réglementaire s’avère donc nécessaire pour éviter une telle situation. Dans le système de la LBVM, cette intervention prend la forme d’un compromis. De manière simplifiée, on peut dire que le législateur oblige l’offrant à traiter les destinataires de l’offre de façon équitable ; en contrepartie, il interdit au conseil d’administration de la société visée de prendre des mesures de défense importantes sans l’assentiment des actionnaires. Le principe d’égalité des armes a une double portée en droit suisse des OPA : – Il postule d’abord une égalité des chances entre l’offrant et la société visée. Son objet dans ce contexte est de garantir que les actionnaires de la société puissent décider librement des mérites des opérations de changement de contrôle proposées23. – Le principe d’égalité des armes s’applique également entre offrants (voire même entre offrants potentiels) et doit alors permettre le déroulement régulier du processus d’enchères, de façon à adjuger l’offre la plus attrayante possible dans l’intérêt des actionnaires de la société visée24. 22 Voir par exemple les recommandations ENR Eastern Natural Resources SA I du 28 septembre 2001 c. 1 et Saurer AG du 13 octobre 2006 c. 1.1.1. En réalité, l’option prise par le législateur – à savoir permettre aux actionnaires de juger de l’opportunité d’un changement de contrôle – ne va pas de soi non plus. En cas de changement de contrôle, l’intérêt des actionnaires ne coïncide pas nécessairement avec celui de la société visée. Une offre avantageuse pour les actionnaires peut contrevenir aux intérêts de la société. Tel pourrait par exemple être le cas si l’offre émanait d’un concurrent déterminé à liquider la société visée. On ne peut donc exclure que les actionnaires de la société visée soient – eux aussi – en situation de conflit d’intérêts potentiel. Le choix du légis- lateur de permettre aux actionnaires plutôt qu’au conseil d’administration de décider de l’issue d’une offre se justifie par la légitimité particulière dont jouissent les actionnaires du fait du risque qu’ils ont assumé en investissant dans la société. 23 Le Tribunal fédéral est d’avis que : “die Aktionäre und nicht der Verwaltungsrat sollen über den Erfolg oder Misserfolg des Angebots entscheiden” (ATF 133 II 232, 239 c. 3.1.2). 24 Selon le Tribunal fédéral : “Die Regelung konkurrierender Übernahmeangebote im Börsengesetz bzw. in der Übernahmeverordnung-UEK will auf dem Unternehmenskontrollmarkt zwischen den Anbietern einen Wettbewerb mit möglichst gleich langen Spiessen schaffen (sog. “level playing field”) und damit – im Interesse der Anleger – ein effizientes und wertmaximierendes Auktions- verfahren gewährleisten” (ATF 133 II 232, 238 c. 3.1.2). 64 Jacques Iffland II. Le principe d’égalité des armes à l’épreuve de la pratique Dix ans après l’entrée en vigueur des règles de la LBVM en matière d’OPA, il est intéressant d’examiner comment le régime légal s’applique concrètement et les effets de cette réglementation sur le processus de prise de contrôle. Un examen systématique de la pratique en la matière excéderait le cadre de cette contribution ; la présente étude se limite donc à quelques thèmes choisis. A. Accès de l’acquéreur potentiel aux informations concernant la société visée 1. En l’absence d’offre concurrente Pour un acquéreur potentiel, il est généralement essentiel de procéder à une ana- lyse approfondie de la société visée. Un point crucial est donc de déterminer les circonstances dans lesquelles l’offrant peut mener une due diligence et s’il peut, le cas échéant, contraindre le conseil d’administration de la société visée à lui don- ner les moyens de procéder à un tel examen. La pratique révèle que la position d’un offrant potentiel est relativement faible dans ce domaine. En principe, un acquéreur potentiel n’a aucun droit à conduire une due diligence, même si le prix qu’il entend offrir est avantageux25. Une excep- tion explicite à ce principe n’existe qu’en cas d’offres concurrentes26. Aussi long- temps qu’aucune offre n’a été faite, il n’existe pas de moyen légal de contraindre le conseil d’administration à communiquer des informations confidentielles. Annoncer une offre sans avoir eu l’occasion d’examiner la société visée est une stratégie risquée. Une fois annoncée, une offre ne peut en principe plus être retirée27. Une exception à ce principe n’existe que si l’offrant s’en est expressément réservé la possibilité par l’insertion d’une ou plusieurs conditions dans l’offre28. Toutefois, le système réglementaire suisse limite fortement les circonstances dans lesquelles une offre peut s’accompagner de conditions29. En particulier, la décou- verte de circonstances antérieures à l’annonce de l’offre ne peut justifier un retrait de cette dernière que si les faits identifiés sont susceptibles d’influencer gravement 25 Recommandations EIC Electricity SA du 25 juillet 2003 c. 1 et SIG Holding AG I du 26 octobre 2006 c. 5.2.2.1. Voir aussi Romerio / Gerhard, “Due Diligence und öffentliche Übernahmen”, in RSDA 79 (2007) 1 ss, 5-6. 26 Art. 48 OOPA. 27 Art. 9 al. 1 OOPA. 28 Art. 16 OOPA. 29 Art. 13 OOPA. OPA hostiles : le combat est-il équitable ? 65 la situation patrimoniale de la société visée30. La découverte de “cadavres” dans les placards de la société visée ne permet en général pas non plus de réduire le prix d’une offre déjà annoncée. Même si une telle possibilité existe en théorie31, elle est difficile à mettre en œuvre en pratique32. La COPA ne permet pas non plus à un offrant d’annoncer que le prix offert pourra être augmenté si une due diligence était permise et ne permet ainsi pas de constater d’élément négatif important33. La situation légale et réglementaire est donc défavorable pour un offrant po- tentiel qui souhaite conduire une due diligence contre la volonté du conseil d’ad- ministration de la société visée. La faculté de l’acquéreur d’exercer des pressions indirectes pour pousser le conseil d’administration à autoriser une due diligence est aussi limitée. En particulier, la COPA considère qu’une offre ne peut pas être soumise à la condition que le conseil d’administration de la société visée autorise l’offrant à conduire une due diligence34. Une offre soumise à une telle condition sera jugée valide (et donc en principe irrévocable), abstraction faite toutefois de la condition pertinente. La situation est différente si l’acquéreur potentiel annonce envisager une offre (plutôt qu’une offre à proprement parler), à condition de pouvoir conduire une due diligence satisfaisante. Contrairement à une annonce d’offre, l’annonce d’une intention éventuelle de présenter une offre ne lie en principe pas son auteur35. Un tel procédé comporte toutefois certains risques. D’une part, il entraîne gé- néralement la hausse du cours des actions de la société visée, et donc un renché- rissement du prix de l’acquisition36. D’autre part, l’offrant doit veiller à ce que la COPA ne puisse pas qualifier sa communication d’“annonce préalable” d’offre au sens de la réglementation sur les OPA37. En effet, une telle qualification oblige en principe l’offrant à présenter une offre dans un délai de six semaines, que la due diligence souhaitée ait pu être menée ou non38. Cette situation est très défavorable pour un offrant potentiel qui ne dispose que de peu de moyens d’action si le conseil d’administration de la société visée lui refuse la faculté de mener une procédure de due diligence. La question se pose 30 Sur les conditions dites de “Material Adverse Change” (qui, selon la pratique de la COPA, couvrent en réalité aussi la découverte de circonstances antérieures à l’offre), voir Tschäni / Iffland / Diem (note 4), 147 ss. 31 Art. 9 al. 2 lit. a OOPA. 32 Tschäni / Iffland / Diem (note 4), 115-116. 33 Recommandation SIG Holding AG du 26 octobre 2006 c. 1.2.2. 34 Recommandation Saia-Burgess Electronics Holding AG I du 15 juillet 2005 c. 2.11.4. 35 Gerhart, “Das virtuelle Übernahmeangebot”, in GesKR 2006, 216 ss. 36 Pour ce motif, l’annonce d’une approche non sollicitée peut constituer une stratégie de défense. 37 Sur la requalification possible de l’annonce de l’intention de faire une offre en annonce préalable au sens des art. 7 ss OOPA, voir la recommandation Serono SA du 8 janvier 2007 c. 1.2. 38 Art. 9 al. 1 OOPA. 66 Jacques Iffland donc du respect du principe d’égalité des armes dans ce domaine. La limita- tion des moyens de défense du conseil d’administration de la société visée im- porte peu si ce dernier a la possibilité de prévenir la publication des offres qui lui déplaisent. La réglementation actuelle avantage le conseil d’administration de la société visée par rapport à l’offrant pendant la phase précédant la publication d’une offre. Toutefois, cette situation n’est pas inopportune. Une tentative de prise de contrôle perturbe sensiblement la marche d’une entreprise. Elle ébranle aussi bien la clientèle que les collaborateurs et fournisseurs de la société visée et peut – en cas d’échec – laisser d’importantes séquelles. Il n’est donc pas choquant que le prin- cipe d’égalité des armes ne soit pas appliqué avec la même rigueur avant et après la publication ou l’annonce d’une offre. Il est juste que l’intérêt de la société visée à la bonne marche de ses affaires l’emporte sur l’intérêt que peut avoir l’offrant à évaluer l’opportunité d’une éventuelle transaction39. 2. En cas d’offre concurrente Nous avons vu qu’en général, le droit suisse des OPA ne reconnaît pas à un offrant potentiel le droit de conduire une due diligence40. Ce principe connaît cependant une exception importante en cas d’offre concurrente. Le principe d’égalité de trai- tement entre offrants l’emporte alors sur l’intérêt de la société visée à préserver ses secrets. La réglementation suisse contraint la société visée à autoriser chaque offrant à réaliser une due diligence de même importance41. La réglementation n’est cependant pas claire quant au moment auquel le droit à la due diligence peut être exercé. S’agit-il du moment auquel l’offre concur- rente est faite (ou annoncée de façon contraignante pour son auteur) ou faut-il au contraire considérer qu’un offrant hostile est en droit de conduire une due diligence dès que la société visée a autorisé un tiers à réaliser une telle inspec- tion ? Le texte légal semble préconiser la première solution42. La COPA, la CFB et, plus récemment, le Tribunal fédéral se sont cependant prononcés en faveur de 39 Le Tribunal fédéral adopte un raisonnement similaire : “im Übrigen dürfte es regelmässig nicht im Gesellschaftsinteresse liegen, vertrauliche Informationen einer Mehrzahl von lediglich (abstrakt) interessierten Parteien offen zu legen, ohne dass es am Ende überhaupt zu einem Konkurrenzan- gebot kommt” (ATF 133 II 232, 242 c. 3.3.3). 40 Voir la note 25 et le texte qui l’accompagne. 41 Art. 48 OOPA. 42 L’art. 48 OOPA contraint la société visée à respecter l’égalité de traitement “entre les offrants”, ce qui suggère que le principe d’égalité de traitement auquel se réfère cette disposition ne s’applique qu’à partir du moment auquel une seconde offre est faite ou au moins annoncée. OPA hostiles : le combat est-il équitable ? 67 la seconde43. Selon ces autorités, un offrant hostile est en droit d’accéder à des informations confidentielles dès que celles-ci ont été mises à disposition de tiers, et non pas seulement à partir du moment auquel le tiers concerné a présenté une offre44. Cette interprétation se justifie par la volonté de garantir l’égalité des armes entre offrants. La jurisprudence précitée repose sur une analyse peu convaincante et se ré- vèle particulièrement inopportune. Contrairement à ce que la COPA, la CFB et le Tribunal fédéral semblent considérer, le litige en question ne portait pas sur le principe de l’égalité de traitement entre offrants, mais seulement sur le moment auquel ce dernier devait être mis en œuvre. La jurisprudence précitée est fondée sur la prémisse que les chances de succès de l’offrant initial seraient compromises si la société visée se voyait reconnaître la possibilité d’autoriser un chevalier blanc à mener une procédure de due diligence sans donner immédiatement la même faculté à l’auteur de l’offre initiale45. Cette prémisse est erronée car la réglementation sur les OPA garantit à l’auteur de l’offre initiale de disposer de suffisamment de temps après la publication de l’offre concurrente pour effectuer une due diligence et – le cas échéant – adapter les termes de son offre46. Par conséquent, ne pas accorder à l’auteur de l’offre initiale la faculté de conduire une due diligence au même moment qu’un potentiel chevalier blanc ne signifie pas que l’auteur de l’offre initiale soit obligé de décider d’une éventuelle augmentation du prix offert avant d’avoir pu réaliser sa propre due diligence. 43 Recommandation Saia-Burgess Electronics Holding AG I du 15 juillet 2005 c. 2.11.3 ; recommandation SIG Holding AG III du 14 novembre 2006 c. 1.2.4, 33-40 ; décision de la CFB du 20 décembre 2006 dans la cause SIG Holding SA et Romanshorn SA ; ATF 133 II 232 (arrêt SIG Holding AG) ; recommanda- tion Implenia AG III du 20 décembre 2007 c. 3.2. 44 Selon la COPA, la même obligation existe lorsque la société visée annonce son intention de mener une procédure d’enchères et de permettre aux acquéreurs potentiels de conduire une procédure de due diligence dans ce contexte. Voir la recommandation SIG Holding AG du 26 octobre 2006 c. 5.2.2.1. 45 “Den potentiellen Anbietern würde damit in einem Fall wie dem vorliegenden eine Pre-Offer Due Diligence bzw. die Möglichkeit eines Post-Due-Diligence-Angebots zugestanden […], während sich der Erstanbieter mit einer – nachteiligeren – Post-Offer Due Diligence begnügen oder sogar auf diese verzichten müsste, falls die potentiellen Interessenten gestützt auf ihre Abklärungen von einem Angebot absehen” (ATF 133 II 232, 243-244 c. 3.4.2). 46 Une offre concurrente doit être ouverte aussi longtemps que l’offre initiale, mais au minimum dix jours de bourse (art. 49 al. 3 OOPA). Cette période minimale de dix jours de bourse est précédée d’un délai de carence de dix autres jours de bourse (art. 14 al. 1 OOPA), en principe maintenu en cas de concurrence d’offres. L’offre initiale est prolongée de plein droit jusqu’à l’échéance de l’offre concurrente (art. 50 OOPA). Il est possible de modifier l’offre initiale jusqu’au cinquième jour de bourse avant l’échéance de la période d’offre ainsi prolongée (art. 51 OOPA).

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