FACULTE DE DROIT, DE SCIENCE POLITIQUE ET DE CRIMINOLOGIE Département de Droit La machine pénale à travers l’œuvre de José Giovanni Aurélie Quintart Travail de fin d’études Master en droit à finalité spécialisée en mobilité interuniversitaire Année académique 2014-2015 Recherche menée sous la direction de : Monsieur Nicolas THIRION Professeur ordinaire Il ne faut pas sacrifier le souci de comprendre à celui de ne pas choquer.1 (Lucien François, Le cap des tempêtes) 1 L. FRANÇOIS, Le cap des tempêtes. Essai de microscopie du droit, Paris, L.G.D.J., Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 166. 2 Résumé : La machine pénale à travers l’œuvre de Jose Giovanni Dans un premier temps, j’aimerais présenter l’artiste José Giovanni. Je vais expliquer son parcours de vie, très lié au milieu carcéral, et montrer ainsi son expérience et son savoir dans ce domaine. Je présenterai une partie de son travail en tant que réalisateur, à travers la présentation de cinq de ses films, réalisés entre 1972 et 1978. Ladite présentation comportera un court résumé de chacun de ses films, ainsi qu’un commentaire pour mettre en lumière les grandes problématiques pénales abordées dans ceux-ci. Je dirai quelques mots de la vision de Giovanni, son coté critique et revendicateur, mais surtout son coté pragmatique, presque cynique, qui met en scène des truands finalement assez semblables aux policiers dans leurs attitudes. J’espère, en résumé, montrer sa vision du monde « en gris », où tous ne sont finalement que des hommes, souvent coincés dans des mécanismes de pouvoir. Dans un deuxième temps, je « prendrai les lunettes » d’un théoricien du droit pour analyser ces films, et y retrouver la théorie juspositiviste de Lucien François. Je voudrais réexpliquer cette théorie, de manière simplifiée, en utilisant des exemples tirés des films présentés. Ces exemples mettront en scène des policiers et des bandits, de manière à établir un parallèle. Dans ma conclusion, j’aimerais donc « valider » la théorie de Lucien François, mettre en lumière un parallèle important à faire entre les mécanismes de pouvoir et de contrôle mis en place par des policiers et ceux utilisés par des truands, et proposer un changement de regard sur ce qu’est notre justice pénale. 3 4 Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement mon promoteur de mémoire, le Professeur Nicolas Thirion, pour sa disponibilité et ses précieux conseils. Je souhaite également remercier M. Antoine VandenBulke et M. François Desseilles, pour le temps qu’ils m’ont consacré, ainsi que pour leurs conseils. J’adresse en outre tous mes remerciements à Mme Delphine Nyssen, Mme Caroline Dumont, M. Maxime De Brogniez et M. Quentin Pironnet, pour leur aide précieuse. Enfin, je tiens à remercier Mme Françoise Lecrompe, M. Dominique Quintart, Mme Julie Quintart, et M. Rodrigue Belot pour le soutien qu’ils m’ont apporté et le temps qu’ils ont consacré à la relecture de mon mémoire. 5 6 Table des matières Table des matières .................................................................................................................................. 1 Introduction : Revisiter notre compréhension du droit pénal à travers l’œuvre d’un auteur/réalisateur, José Giovanni. ........................................................................................................ 4 Partie 1 : José Giovanni : sa vie, son œuvre, sa vision ........................................................................ 5 A) Bref exposé de la vie de José Giovanni ................................................................................. 5 B) Analyse de son œuvre comme réalisateur : quelques films à la loupe ............................... 8 1. Le Gitan : un film engagé..................................................................................................... 10 1.1 Résumé .......................................................................................................................... 10 1.2 Présentation des grands thèmes pénaux abordés ...................................................... 10 2. Les égouts du paradis : zoom sur le montage d’une opération criminelle ....................... 12 2.1 Résumé .......................................................................................................................... 12 3. Comme un boomerang : le déroulement d’un procès et le poids d’un passé criminel .... 14 3.1 Résumé .......................................................................................................................... 14 3.2 Analyse : les grands thèmes pénaux abordés ............................................................. 15 4. La Scoumoune : monde carcéral, milieu de la pègre et code d’honneur ......................... 16 4.1 Résumé .......................................................................................................................... 16 4.2 Analyse : les grands thèmes pénaux abordés ............................................................. 17 5. Deux hommes dans la ville : plaidoyer contre la peine de mort et critique des méthodes policières ....................................................................................................................................... 19 5.1 Résumé .......................................................................................................................... 19 5.2 Analyse : les grands thèmes pénaux abordés ............................................................. 20 C) Que retenir de ces films ? Zoom sur la vision désenchantée, critique et pragmatique de José Giovanni.................................................................................................................................... 22 Partie 2 : Les films de José Giovanni sous la lunette juspositiviste ................................................. 24 A) Explication de la démarche ................................................................................................. 24 B) Présentation de la théorie de Lucien François illustrée par des exemples tirés des films analysés ............................................................................................................................................. 25 1 1. Jurème : définition et illustrations ...................................................................................... 25 2. Le système de notification: définition et illustrations ....................................................... 28 3. Archème : définition et illustrations ................................................................................... 34 4. Les agrégats : définition et illustrations ......................................................................... 38 Conclusion : Changer de regard ......................................................................................................... 41 Bibliographie ........................................................................................................................................ 45 2 3 Introduction : Revisiter notre compréhension du droit pénal à travers l’œuvre d’un auteur/réalisateur, José Giovanni. José Giovanni, artiste au passé trouble, a consacré un pan majeur de sa vie et de son œuvre à la critique du milieu carcéral et du monde pénal au sens large2. Sa contribution artistique pose encore aujourd’hui des questions pertinentes aux juristes, sur ce qu’est le droit pénal, et sur sa légitimité. Notre travail se veut analytique de l’œuvre du célèbre Corse, mais il veut aussi, dans un deuxième temps, aider à une meilleure compréhension de notre machine pénale. Nous reprendrons à cette fin les outils donnés par Lucien François, dans son ouvrage Le cap des tempêtes3. Notre objectif est d’étudier, en utilisant « la loupe de l’analyse microscopique », les phénomènes de pouvoir décrits par José Giovanni, qu’ils régissent les rapports entre truands, « honnêtes gens », ou truands et policiers. Ces phénomènes et mécanismes de pouvoirs présentent des similitudes incontestables malgré les statuts différents voire opposés de leurs « auteurs » et de leurs « destinataires ». Le réalisateur José Giovanni, en effet, entremêle dans ses œuvres ces différents intervenants, dont la plupart sont issus de ses souvenirs de vie dans l’illégalité et en détention4. Nous souhaitons mettre cette ressemblance en exergue, et poursuivre ainsi la réflexion de Lucien François sur l’existence ou plutôt l’inexistence d’une différence de nature entre le phénomène à la base de notre droit étatique, et une certaine technique « d’intervention dans la conduite d’autrui », très utilisée entre êtres humains, y compris entre « brigands »5. Nous souhaitons ainsi démontrer, aussi choquant que cela puisse paraitre au premier abord, que ceux qu’on appelle « truands » font exécuter leurs désirs et leurs ordres au moyen notamment de mécanismes de pression sur leur entourage, semblables à ceux que la police, et plus généralement l’état, exerce sur la population. Si l’échelle à laquelle ces différents protagonistes opèrent n’est bien sûr pas la même (encore que, l’on pourrait imaginer un « état de brigands », tel que le petit état à l’intérieur de l’état officiel, créé par Maximilien dans une anecdote du grand théoricien du droit Lucien François6), il n’en demeure pas moins que les procédés et la manière d’intervenir dans les comportements d’autrui, nous apparaissent clairement identiques. 2 J. GIOVANNI, Mes grandes gueules, Paris, Fayard, 2002, 534 p. 3 L. FRANÇOIS, Le cap des tempêtes. Essai de microscopie du droit, Paris, L.G.D.J., Bruxelles, Bruylant, 2001, 332 p. 4 J. GIOVANNI, Mes grandes gueules, Paris, Fayard, 2002, 534 p. 5 L. FRANÇOIS., Le cap des tempêtes. Essai de microscopie du droit, Paris, L.G.D.J., Bruxelles, Bruylant, 2001, pp.132 et 317. 6 Ibid., pp. 243-249. 4
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