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Je parle, tu dis, nous écoutons : Apprendre avec l'oral PDF

32 Pages·2017·1.13 MB·French
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117 n° Sommaire Avril 2017 l Page 2 : Apprendre à parler et à se construire l Page 11 : Comment apprendre avec l’oral ? l Page 27 : Bibliographie JE PARLE, TU DIS, NOUS É ÉCOUTONS : APPRENDRE F AVEC L’ORAL I ’ l « L’acte de parole est aussi un lieu d’inven- Par Marie Gaussel tion du savoir » (Wacquet, 2003) e Chargée d’étude et de L’enseignement de la langue en France, recherche au service d aujourd’hui encore au cœur de débats sur la Veille et Analyses de place de la grammaire et de l’orthographe, a l’Institut français de été marqué par plusieurs décennies de poli- l’Éducation (IFÉ) e tiques linguistiques-éducatives qui ont donné à la langue écrite ses lettres de noblesse, lais- l sant peu de place à l’enseignement du langage apprentissage est un enjeu déterminant pour l oral. Les problématiques liées à l’oral resur- l’égalité des chances (CNIRE, 2016) l. Un des i gissent parallèlement aux constats de crises rôles de l’école est de permettre aux élèves de e que traverse régulièrement l’École, générale- maitriser des registres de langages adaptés ment liées aux tensions sociales qui remettent aux situations et contextes auxquels ils sont v en questions les finalités de l’enseignement. confrontés. Les jeunes enfants apprennent à Néanmoins, que ce soit l’institution, la socié- parler spontanément mais l’École est chargée té, les chercheur.se.s et les praticien.ne.s, e de transmettre le « langage légitime », celui tou.te.s s’accordent à dire que la maitrise du de la culture scolaire et des savoirs savants. langage est une priorité sur laquelle s’édi- d Il leur faut donc un processus de réappropria- fie l’ensemble des apprentissages. L’oral est tion de la langue au fur et à mesure de leur également un puissant marqueur social qui va scolarité. La maitrise de la parole et l’analyse jouer un rôle déterminant dans la réussite de r des genres oraux sont les enjeux de la didac- l’élève. La maitrise des compétences orales tique de l’oral qui fait du langage une branche e et des habilités de communication est un véri- de la discipline. L’oral scolaire recouvre dès table instrument de pouvoir et d’ascension so- lors deux dimensions : un savoir à maitriser i ciale. Dans son rapport sur l’école innovante, et un outil éducatif. L’oral n’est toujours pas s le Conseil national de l’innovation pour la réus- perçu comme un savoir à maitriser pour lui- site éducative (CNIRE) souligne la prépondé- s même mais comme « un préalable au service rance de la maitrise des compétences ora- de la culture scolaire » (Langlois, 2012). o toires dans le milieu scolaire et dans la société en général. Les compétences orales sont sé- lectives dans un grand nombre de domaines l Toutes les références bibliographiques dans D ce Dossier de veille sont accessibles sur notre de la vie quotidienne et professionnelle et leur bibliographie collaborative. Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 1/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral Nous aborderons d’abord dans ce dossier syntaxique, plus que lexical ou morpholo- les relations entre le langage et la construc- gique, permet d’organiser le discours et de tion de la pensée, la façon dont l’expres- soutenir la pensée en : sion orale conditionne les apprentissages − évoquant des évènements de façon et les enjeux liés à l’oral pour l’adaptabilité abstraite et les situant dans le temps et sociale et la réussite scolaire. Nous verrons l’espace ; ensuite la place des activités langagières − exprimant des relations logiques et en dans l’enseignement et ce que peut être articulant des raisonnements (Canut, une didactique de l’oral. 2009). APPRENDRE À PARLER La langue n’est pas un catalogue de mots, ce sont les phrases qui permettent aux ET À SE CONSTRUIRE enfants de mettre le langage en fonction- nement. Apprendre à parler est un pro- cessus sociocognitif complexe qui né- Le langage est un processus biologiquement cessite un long apprentissage dépendant déterminé mais la mise en fonctionnement des interactions avec les adultes. Il faut du langage s’effectue au-delà des fonctions qu’ils aient suffisamment de « nourriture biologiques en relation avec les interactions langagière » adéquate permettant l’appro- et le contexte extérieur. Le développement priation du fonctionnement de la langue. du langage, conçu comme un acte indivi- Ils doivent s’approprier les données lan- duel, est tributaire d’actes sociaux en ce qui gagières présentes dans les discours des concerne la transmission. L’élaboration du adultes de façon cognitive. Il ne s’agit pas langage est une construction sociale qui dé- juste d’une imitation du discours de l’adulte passe le cadre des interactions en dévelop- mais d’un processus interactionnel. « Si pant des savoirs et des connaissances dans l’offre langagière de l’adulte n’est pas adé- une société donnée. quate, il peut alors exister un réel décalage entre le potentiel cognitif et les réalisations LA RELATION LANGAGE - PEN- langagières de l’enfant » (Canut, 2009). SÉE La fonction langage présente dès la nais- « Dans le cadre familial, certains sance s’actualise au contact de la langue parents réalisent intuitivement parlée par le groupe auquel l’enfant appar- des interactions adaptées qui tient. Au fur et à mesure du développement font avancer leur enfant dans de l’enfant, le langage permet une structu- l’apprentissage du langage. Dans ration de la pensée de plus en plus abs- le cadre scolaire, pour avoir des traite menant à la formation de concepts. interactions efficaces, il ne faut C’est le langage qui permet d’exploiter le pas compter sur cette intuition potentiel cognitif et le fonctionnement de aléatoire : il faut «conscientiser » la pensée. Les jeunes humains possèdent sa démarche, ce qui implique une des capacités innées qui les prédisposent écoute particulière, non naturelle, à parler mais qui nécessitent d’apprendre puisqu’elle se focalise plus sur la manière de les utiliser. Il existe donc une la forme des énoncés que sur le interaction entre le linguistique et le cognitif contenu. C’est ce que l’on appelle liant constitution de la pensée et relations so- l’entraînement au langage » ciales (Canut, 2009). Les enfants utilisent le (Canut, 2009). langage pour communiquer avec leur entou- rage proche, ils en ont besoin pour obtenir ce qu’ils désirent dans leur contexte culturel. Pour Bruner, le langage est le moteur de la Apprendre à parler pour ensuite transmission de la culture (Bruner, 1996). apprendre à lire et à écrire La syntaxe est un élément primordial dans le processus d’apprentissage du langage, L’hypothèse d’un lexique mental « l’apprendre à parler ». Le fonctionnement (Treisman, 1960), comme un ensemble Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 2/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral de connaissances stockées en mémoire Ce travail sur l’oral (manipulation des (estimé en moyenne à 60 000 mots), sons, des rythmes, des intonations, des a été remise en question dans les an- structures langagières) et la prise en nées 1990 par les modèles connexion- compte de l’organisation syntaxique et nistes qui estiment que le système de morphologique favorisent un apprentis- connaissances lexicales n’est pas isolé, sage ultérieur de l’écrit (Chabanal, 2011). mais configuré en fonction des activa- Les enfants apprennent seuls, de manière tions entre les unités orthographiques, implicite, par la simple exposition à la morphologiques et phonologiques d’un langue, un premier niveau de langage, mot. Ces approches se nourrissent des « le niveau des usages ». Mais ils ap- recherches sur la plasticité des cir- prennent par enseignement un second cuits cérébraux (Gaussel & Reverdy, niveau, « celui des normes et des conven- 2013). Pour Oakhill et Cain, ce sont les tions ». Un troisième niveau, la « descrip- habiletés du langage oral qui présup- tion scientifique des faits de langue », est posent des capacités de compréhen- quant à lui généralement abordé au ni- sion écrite. Les corrélations entre com- veau universitaire (Tricot, 2005). L’articu- préhensions orale et écrite évoluent lation entre apprentissage implicite (qui se en fonction de l’âge du lecteur et de la fait spontanément, sans prise de complexité des textes (Oakhill & Cain, conscience) et explicite (qui est la consé- 2007). Il y aurait intérêt à croiser des quence d’un enseignement) se fait de savoirs issus de la psycholinguistique manière différente dans l’apprentissage développementale et de la didactique de l’oral et de l’écrit : l’implicite tient une pour une meilleure prise en compte des plus grande place à l’oral, mais n’est pas processus d’apprentissage et du traite- absent de l’apprentissage de l’écrit. Des ment des savoirs enseignés. Repérer recherches récentes montrent l’impor- les étapes développementales obser- tance des connaissances implicites, ac- vées sur les enfants de maternelle per- quises avant l’apprentissage de l’écrit, en met de réfléchir à la question de l’inté- maternelle, aussi bien pour l’oral que pour gration des savoirs dans l’ensemble de l’écrit. En travaillant autour d’une meil- la dynamique de développement. L’en- leure articulation entre l’implicite et l’expli- fant doit apprendre à échanger, à prati- cite à l’oral et à l’écrit, cela pourrait faciliter quer les diverses fonctions du langage l’apprentissage des compétences langa- oral, à apprendre, à comprendre et se gières. faire comprendre et connaitre le fonc- tionnement du langage (création d’une La parole conscience métalinguistique). La parole constitue l’aspect oralisé du langage et utilise un certain nombre d’élé- ments comme la phonologie (sons de la « Le lien entre didactique et langue), le lexique (mots de la langue), acquisition est fondé sur les la syntaxe (la grammaire de la langue, connaissances stockées en son organisation) et la sémantique (la mémoire et les processus socio- signification des mots). Chacun de ces cognitifs que développe l’enfant systèmes est en lien dynamique avec pour acquérir sa langue. Nous les autres et permet la compréhension et supposons que la connaissance l’expression. L’assemblage systématique sur ce type d’éléments pourrait d’une suite de sons (mots) avec un sens aider à envisager de nouvelles nécessite la conjonction répétée de l’audi- démarches didactiques. Visi- tion du mot et d’expériences perceptivo- blement, elles pourraient être motrices congruentes, via l’observation, tournées vers une importance la manipulation, la vision. On parle alors plus accrue d’un bain linguistique d’apprentissage implicite, c’est-à-dire qui dense et varié basé sur un contact se fait spontanément, sans enseignement récurrent d’items et de structures délibéré. Ces associations de mots et de lexicales » (Chabanal, 2011). concepts sont mémorisées au sein de réseaux dédiés aux langages (réseaux Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 3/32 lexicaux, réseaux sémantiques). L’ex- biologiques et physiologiques, certains pression orale est issue de l’ensemble peuvent être travaillés, modifiés, comme du développement intellectuel et social le débit ou le volume, d’autres non, de l’enfant, de ses capacités de com- comme la hauteur de la voix qui dépend préhension du langage et de ses capa- de la taille des cordes vocales. Le travail cités practo-motrices bucco-phonatoires, de la voix est composé de la diction (pro- c’est-à-dire la parole. La production de nonciation, articulation) et de la prosodie la parole, outil d’échange et de partage, (accentuation, rythme, mélodie, volume) dépend de la maturation linguistique, de susceptibles d’être modifiées. Il est donc la maturation des voies sensori-motrices nécessaire d’amener l’élève à maitriser et praxiques (gestuelles) et de la sphère ces paramètres et à mettre en valeur ses bucco-phonatoire. Dès l’âge de 4 ans, un propos en relation avec les thématiques enfant peut posséder un vocabulaire de étudiées en classe et en adéquation avec base, nommé fondamental, proche de ce- la situation de communication. lui de l’adulte. En ce qui concerne la pho- nologie, ce n’est qu’à partir de l’âge de 5-7 L’expression non verbale par le corps ans que le système de prononciation de est « l’ensemble des signaux visuels et la parole est intégralement mis en place kinésiques produits par les locuteurs au (Inserm, 2012). cours de la communication parlée, et plus précisément des conduites posturo-mi- Les dimensions vocale et mo-gestuelles accompagnant la parole » corporelle de l’oral comme (Colletta, 2004). Elle comprend les ex- phénomènes paralinguistiques pressions faciales, les regards, la gestion de la distance et du toucher, la posture, la gestualité, l’apparence physique et ves- Les dimensions vocale et corporelle sont timentaire. Un bon nombre de ces para- rarement abordées dans le cadre de mètres varie selon les cultures, le statut l’enseignement du français car elles sont social, la situation de communication et la perçues comme moindre face aux lourds personnalité du locuteur. L’expression du contenus des programmes. Un autre frein corps et l’implication personnelle de l’en- à l’utilisation de ces dimensions en classe semble de la personne sont des éléments est également à prendre en compte : les peu maitrisables dans l’enseignement de enseignant.e.s ne semblent pas à l’aise et l’oral (Gagnon & Dolz, 2016). manquent de préparation et d’expertise de type théâtrale ou artistique qui pourraient Comment aborder la voix et le corps en les aider à se familiariser à ce domaine. tant qu’objets didactiques et réussir à les Ces dimensions sont d’autant plus dif- utiliser en situation d’enseignement ? Et ficiles à aborder qu’elles semblent relever comment introduire la didactisation de de la sphère privée de l’élève et qu’il est ces éléments auprès des enseignant.e.s, mal aisé de les délimiter et les définir (la notamment de français ? En Suisse ro- variation du débit, l’utilisation de pause et mande, les programmes institutionnels de silence, l’adaptation du volume à l’es- prescrivent un examen du traitement de la pace, l’auditoire, la nature du discours, voix et du corps. Si ces deux dimensions l’utilisation du souffle). Or, la diction, la sont traitées succinctement lors de l’en- l Le 3ème cycle de l’école prosodie et l’expression corporelle caracté- seignement de français au 3ème cycle l, obligatoire regroupe risent, au-delà des éléments linguistiques, les trois premières les élèves apprennent néanmoins à tenir l’expression orale (Gagnon & Dolz, 2016). années du secondaire. compte des contraintes de l’oralité, c’est- Les élèves qui à-dire l’intonation, le volume de la voix, fréquentent ce cycle La voix est le support acoustique de la la diction, le rythme, la gestuelle, etc., et ont entre 11 et 15 ans. parole et comprend l’émission de sons, la à les adapter à la situation d’énonciation prononciation, l’articulation des voyelles (poésie, chanson, conte, reportage, in- et des consonnes, l’accentuation, l’into- terview, etc.). L’élève doit pouvoir lire ou nation et le rythme. Les consonnes as- restituer un texte quel que soit son genre surent la compréhension du contenu tan- de manière fluide, intelligible et expres- dis que les voyelles permettent un niveau sive tout en tenant compte de l’auditoire sonore d’audibilité. Parmi ces éléments (Gagnon & Dolz, 2016). Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 4/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral L’expression orale et l’écoute oralisation de textes écrits, mémorisation comme objet d’enseignement ? des mots (Gagnon & Dolz, 2016). l Précisons que le terme L’enseignement de l’expression orale l « Les dimensions interaction- « oral » fera référence dans le canton de Genève est un ensei- nelles mettent en jeu l’écoute et au français langue gnement spécifique dispensé par un spé- première, sauf indiqué la prise en compte des discours cialiste reconnu des arts de la scène à tous autrement. des autres locuteurs. Les élèves les élèves de la 9ème année (la troisième peuvent ainsi apprendre à refor- en France) et aux élèves du secondaire muler l’argument d’un autre supérieur en sections communication et élève, à accrocher leur prise de technologie, et langues vivantes et com- parole à celle des autres interlo- munication. La progression des apprentis- cuteurs, à réfuter un argument sages s’appuie sur sept critères : ou à faire une concession, à − l’adaptation au contexte de prise de récapituler les thèses défendues. parole (prendre conscience de ses Cet apprentissage est à la fois un capacités vocales et linguistiques, ap- apprentissage linguistique mais prendre des techniques de respiration, aussi un apprentissage social et d’articulation) ; participe à la construction de la − l’acceptation de soi dans le regard des citoyenneté » (Garcia-Debanc, autres (relaxation, scénettes, imita- 2016). tion) ; − la recherche du contact visuel (diriger, focaliser, soutenir le regard) ; − l’adaptation de la gestuelle (savoir L’écoute est à la fois une condition préa- exprimer ses sentiments par la pos- lable à tout travail sur l’oral et un des ob- ture, les mimiques, l’occupation de jectifs de ce travail. Elle est le versant in- l’espace) ; séparable de la parole. Elle se rapporte à − l’expression des cinq émotions de base toutes les dimensions de l’engagement (colère, tristesse, envie, joie, peur) dans la communication scolaire. Malgré dans le message verbal et gestuel ; toute l’importance de l’écoute à l’école, − la narration (savoir raconter des faits son apprentissage, quand il en est ques- réels et de fiction en utilisant les orga- tion, reste implicite. Pourtant, l’écoute re- nisateurs textuels, les temps) ; lève de la sphère pédagogique et des rap- − la lecture expressive (savoir interpré- ports sociaux dans la classe. Comment ter un texte en utilisant la ponctuation réussir à dégager des indicateurs didac- orale comme les pauses et le rythme, tiques susceptibles de différencier et d’or- voir Gagnon & Dolz, 2016). ganiser les séquences et les niveaux d’écoute dans divers contextes ? La voix et le corps sont bien des objets didactiques même si actuellement les trai- La communication en classe repose sur tements de ces objets d’enseignement se la nécessité de participation des élèves résument à l’interprétation théâtrale sans pour que le cours dialogué puisse prendre prendre en compte les contraintes liées à place. Elle dépend également de la ca- l’oralité. En Suisse, les éléments d’ensei- pacité de l’enseignant.e à se faire écou- gnement de l’oral sont répartis selon cer- ter et à écouter les élèves, de la volonté taines disciplines : les activités de respi- des élèves à écouter l’enseignant.e et les ration, de formulation, de conscientisation autres élèves. Gérer les temps oraux est du corps, d’occupation de l’espace et de donc une activité aléatoire qui nécessite rythmique appartiennent à la discipline une gestion efficace par l’enseignant du artistique. La prononciation et la proso- système d’écoutes multiples tout en ren- die sont propres aux activités de français. voyant à des notions déstabilisantes de Néanmoins, des zones de chevauche- difficultés communicationnelles de part et ment existent lorsque ces disciplines par- d’autre de la classe (Nonnon, 2004). tagent des objectifs communs : activités d’expression orale des genres textuels, Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 5/32 L’ORAL : ENJEUX SOCIAUX, Perrenoud (1994) dégage onze ENJEUX ÉDUCATIFS dilemmes liés à la communication en classe : En France, la tradition humaniste veut − autour de la prise de parole et que seule la culture écrite ait une valeur du silence ; scientifique confirmant ainsi sa domina- − autour de la justice ; tion sur l’oral et la culture orale des per- − autour de la norme langa- sonnes non lettrées. Depuis, la culture gière ; de l’écrit et la lettre ont symbolisé l’objet − autour du mensonge ; éducatif et incarné la réussite scolaire, − autour de la sphère privée ; sociale et professionnelle. La question − autour du conflit ; de la maitrise de l’écrit reste au cœur des − autour du pouvoir pédago- systèmes éducatifs, plus fondamentale- gique ; ment en France, et l’enjeu le plus préoc- − autour du bavardage ; cupant du monde contemporain. « Mai- − autour de l’erreur, de la ri- triser la lettre, lettre du savoir, lettre du gueur et de l’objectivité ; pouvoir, c’est la promesse d’une vie future − autour de l’efficacité et du respectable, non misérable » (Langlois, temps didactique ; 2012). Pourtant, si l’école est consubs- − autour de la métacommunica- tantiellement liée à l’écriture pour certains tion et du sens. (cf. Goody, 1994 par exemple) d’autres déclarent que la femme et l’homme sont des êtres de paroles et que c’est le lan- gage qui est au cœur de la transmission L’écoute peut être appréhendée à partir des connaissances (cf. Hagège, 1995 par de différents cadres permettant de définir exemple). Même si « l’école française, des domaines d’objectifs et des indica- construite sur les bases d’une pensée teurs de progrès. On distingue trois di- humaniste a, dès la Renaissance, posé mensions constitutives de l’écoute : une les fondations d’une école tournée vers la dimension sociale et interpersonnelle, culture des élites, c’est-à-dire une culture une dimension cognitive et une dimen- essentiellement livresque, signe distinctif sion langagière et linguistique du savoir savant », l’oralité joue un rôle (Nonnon, 2004). Les échanges oraux sont important dans la création et la circula- à la fois condition et moyen de socialisa- tion des connaissances (Langlois, 2012). tion dans le microcosme de la classe. Ils L’écrit et la parole sont intimement liés, ils permettent aux élèves de se situer, de sont souvent mis en opposition à l’école s’intégrer, d’apprendre les règles sociales et hiérarchisés. Pourtant, Langlois affirme et scolaires. Il faut apprendre à gérer la que ce sont là deux outils indispensables prise de parole, les silences, à écouter le à la transmission des savoirs. L’étude ou la professeur.e et les autres élèves de la parole devient une vraie question même contre son gré. Cela nécessite des d’éducation en tant qu’outil intellectuel et qualités de tolérance, d’attitudes civiles et néanmoins naturel, ancré dans la nature civiques et parfois d’empathie. Pourtant, humaine corporellement et cognitivement. très peu de recherches se sont consa- crées à l’étude de l’écoute, pendant indis- sociable de la question de l’oral. Les ma- « L’oral a des statuts différents nifestations non verbales de l’écoute de- à l’école et il pâtit du flou qui vraient sans doute faire partie des élé- affecte sa définition. En effet, le ments à prendre en compte pour une terme «oral» sert à désigner à la meilleure prise en charge de l’enseigne- fois des modalités pédagogiques, ment oral. En effet, en l’absence d’écoute, un outil au service des apprentis- pas de partage, pas d’échanges, pas sages et un objet d’apprentissage d’apprentissage (Dumais & Lafontaine, particulièrement complexe » 2011). (Plane, 2015). Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 6/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral Si les programmes du primaire institution- connaissances acquises, qui vont déter- nalisent l’oral pour apprendre, au collège- miner un « bagage linguistique ». lycée, les programmes réaffirment l’impor- tance de l’oral tout en refoulant l’oralité à La construction de l’élève comme su- la sphère extra-scolaire (le social, le com- jet parlant, capable d’utiliser le langage munautaire, le familial). Au lycée où l’écri- pour apprendre et comprendre au sein ture et la réécriture sont privilégiées, l’ora- des contextes auxquels il ou elle est lité est peu exploitée et les pratiques confronté.e est l’enjeu principal au sein semblent étanches à un objectif affiché de l’école. L’oralité est d’abord langagière mais peu développé. mais elle permet aussi de se positionner au plan identitaire et de prendre part à la Les enjeux de l’oralité pour la communauté scolaire d’abord (statut, rôle réussite scolaire et place de l’élève) et à la société ensuite. C’est aussi un mode d’ancrage comme sujet singulier qui permet de faire des La récurrence de la question de l’ap- ponts entre les différentes communautés prentissage de l’oral s’accompagne qu’il ou elle traverse (Chanfrault-Duchet, aujourd’hui de la prise en compte des 2002). difficultés des enseignant.e.s à réduire les inégalités inhérentes à cet appren- Le terme oral recouvre à l’école plusieurs tissage. Le lien entre difficultés sco- concepts dont : laires et compétences linguistiques − l’oral parlé : interaction en face à face, socialement déterminées se tisse dès échanges de données énonciatives et les premiers apprentissages à l’école pragmatiques ; maternelle pour se renforcer au début − l’oral socialisé : rituels socio-discursif de l’école élémentaire. Des recherches codés, genres formels, rhétorique ; montrent que la source de l’échec serait − l’oralité : ensemble des faits et proces- langagière et que la réussite dans les ap- sus liés à la parole communautaire qui prentissages serait corrélée à la capacité se déploie dans des contextes rituali- à « bien parler » le français. Nos résultats sés, réfère à une mémoire identitaire, de recherche dans ce domaine, passés met en jeu des mises en scène, une et présents, mettent en effet au jour deux diction et des gestes spécifiques, une éléments qui laissent penser que la place énonciation gnomique (qui exprime croissante de l’oral dans les pratiques des vérités morales sous forme de de classe et les dispositifs didactiques sentences ou maximes). participe, à l’insu des enseignants, de l’accroissement des inégalités sociales Dans le contexte scolaire, le mode parlé des apprentissages (Bautier, 2016). n’est pas encouragé, et même souvent L’approche sociologique décrit comment interdit et dévalorisé face à un oral sco- les classes sociales utilisent le langage laire qui se réfère à l’écrit. L’oral socialisé de façon différente et comment l’école constitue la base de l’oral scolaire, ancré conforte ces discordances en mettant en dans l’argumentatif, et représente des jeu des usages de la langue qui ne sont enjeux scolaires. L’oralité est un élément pas connus par certains élèves de par constitutif principal de la maternelle (objet leur cadre familial (Laparra & Margolinas, d’étude, support d’apprentissages) mais 2012). En maternelle, les écarts sont très ne semble être qu’un passage prépara- visibles en terme d’acquisition de voca- toire à l’écrit. bulaire mais aussi de maitrise dans les échanges en interaction : anticiper, éva- Laparra et Margolinas abordent le concept luer, expliciter, tous les enfants de mater- d’oralité qu’elles définissent en relation nelle n’ont pas accès à ces usages. Un avec la littératie dans le cadre d’obser- socle langagier commun se constitue vations en classe de maternelle grande malgré tout, mais les décalages entre section. Elles insistent sur l’importance répertoires et conduites langagières d’oraliser le travail sur les listes de mots s’accentuent, du fait des contextes de écrits comme celle des prénoms ou celle socialisation, des formes de culture, des des jours de la semaine. Sans repère oral, Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 7/32 les listes sont mémorisées par les élèves bulaire, envisager de définir les mots à la façon dont on mémorise la place de « dont l’appropriation serait à un niveau pièces de puzzle : on sait où sont placées donné prioritaire pour structurer le rapport les étiquettes blanche, jaune ou bleu et au monde et à soi (vocabulaire des émo- on les remet à la « bonne place » sans tions, des opérations mentales, comme pour autant avoir fait le lien entre les mots croire, penser, savoir), ou parce que écrits et leurs sens (Laparra & Margolinas, leur acquisition a un cout cognitif impor- 2012). En classe, la plupart des résultats tant (mots abstraits, relationnels, usages doivent être consignés à l’écrit après avoir conceptuels de mots connus), ou dont été pourtant parfaitement mémorisés à l’appropriation est particulièrement diffé- l’oral. La dévalorisation des connais- renciatrice » (Nonnon & Jacques 2014). sances de l’oralité fait douter les élèves de leurs capacités mémorielles orales et rend Pourquoi l’oral est-il si difficile à caduque toute tentative de continuum enseigner ? oral-écrit. Les chercheuses proposent de les analyser en remplaçant le couple D’abord, la pratique de l’oral est transver- oral / écrit par les notions d’oralité et de lit- sale à toutes les disciplines et toutes les tératie, ce qui amène à remettre en cause situations. Laparra se demande d’ailleurs la rupture entre l’oral et l’écrit au profit de si l’enseignement de l’oral est une mis- la pensée d’un continuum. Un des enjeux sion impossible. Les attentes de la part forts de la maternelle et du CP est de per- du grand public et de l’institution pour tout cevoir et de développer les « connais- ce qui concerne la langue et son enseigne- sances littératiennes » des élèves : il ment sont souvent complexes et contra- faut pour cela faire apparaitre des objets dictoires : on déplore que l’école utilise de savoirs aujourd’hui « transparents » une langue trop éloignée de celle utilisée (non perçus comme tels), et travailler da- par les élèves, on reproche aux manuels vantage certaines pratiques à l’oral, avant de ne montrer que la langue littéraire, et de le faire à l’écrit. Pour l’instant « la fami- dans le même temps, aux enseignant.e.s liarisation préconisée par l’institution avec de laisser parler les élèves de façon trop certains usages de l’écrit s’effectue sans familière. Les enseignant.e.s doivent tout aucune analyse des connaissances de mettre en œuvre pour que les élèves mai- l’oralité et de la littératie que ces usages trisent l’écrit et ses usages de plus en impliquent et dans l’ignorance de ce que plus tôt, mais on critique le peu de temps sont les pratiques effectives des familles consacré à l’apprentissage de l’oral. On des milieux populaires en la matière. Elle voudrait que chaque élève puisse déve- doit être remplacée par la construction lopper ses capacités linguistiques libre- d’un nombre limité de savoirs oraux et ment, mais l’école doit rester garante du littératiens. Parler de besoins particuliers savoir savant, du civisme et de la civi- à propos de certains élèves risque d’exo- lité. La liste est encore longue (Laparra, nérer l’école de sa responsabilité dans 2008). Les avis des théoricien.ne.s et l’échec et de rejeter celle-ci sur les élèves praticien.ne.s se rejoignent sur la grande et leurs familles » (Laparra & Margolinas, difficulté à définir les objectifs de l’ensei- 2012). gnement de l’oral et à déterminer les activi- tés, les tâches et les modalités pour les at- Nonnon et Jacques prônent un allège- teindre. Quelles sont les principales difficul- ment des programmes, en particulier tés inhérentes à l’enseignement de l’oral ? au niveau des activités grammaticales à − la régulation des interactions en l’école primaire, pour mieux centrer les classe : même si la parole est harmo- apprentissages sur des notions-noyaux nieusement répartie entre élèves et qui permettrait de réfléchir et verbali- enseignant.e et gérée de façon démo- ser des raisonnements. Les sciences du cratique, cela ne garantit pas la réus- langage peuvent aider à déterminer ce site de tâches favorisant les apprentis- qui relève des difficultés langagières sages discursifs ; et/ou d’objectifs d’apprentissage dans − les interactions sociales et les appren- l’objectif de dégager des priorités. Par tissages : construire des apprentis- exemple, lors d’activités autour du voca- Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 8/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral sages à partir de savoirs linguistiques énoncés, l’articulation de la parole en in- et langagiers majoritairement acquis à teraction et la cohérence des propos. l’extérieur de l’école pose problème, Mais cela reste une activité couteuse en surtout à l’oral. C’est sans doute temps et en énergie, qui demande des une des raisons pour laquelle les compétences professionnelles précises. enseignant.e.s favorisent les tâches La parole peut être monopolisée par les écrites qui leur permettent de contrôler plus habiles ce qui rend la séquence dis- et normaliser les apprentissages ; criminante pour les plus faibles, les moins − les variations sociolinguistiques dia- rapides, les moins familiers avec l’exer- topiques, diastratiques et diaspha- cice. Ce travail demande beaucoup d’in- l Les linguistes siques l : les variations qui affectent géniosité pédagogique et de finesse dans reconnaissent toute langue sont une source supplé- le guidage de la part de l’enseignant. Le l’existence de la mentaire de difficultés pour son ensei- travail de l’oral semble occuper les temps variation et son investissement dans gnement. La stabilité et la permanence collectifs au détriment de l’enseignement différents ordres des contenus (écrits par exemple) sont des contenus d’apprentissages (Nonnon extra-linguistiques : préférables à l’instabilité et la variabi- & Jacques 2014). diatopique (selon la lité (générées par l’oral en classe). Les région), diastratique (selon la dimension variations diaphasiques sont les plus La problématique d’une langue stan- sociale ou perturbantes car, selon les contraintes dard occupe également une place de démographique) et liées aux interactions et aux tâches choix dans la liste des difficultés à sur- diaphasique (stylistique à effectuer, on peut passer d’un type monter. Comment articuler une réflexion ou situationnel). Pour aller plus loin, lire d’oral conversationnel entre pairs à sociolinguistique et un point de vue di- Boutet & Gadet (2003). un autre type de communication forte- dactique autour de la langue et de ses va- ment normalisé ; riations comme objet d’enseignement ? − la didactique de l’oral : malgré les Qu’appelle-t-on « français standard » et nombreuses spécificités attribuées à qu’entend-on par l’enseignement de ce la langue orale tant au plan prosodique modèle ? Les travaux de recherche en et pragmatique que syntaxique, placer sociolinguistique mettent en question la frontière entre écrit et oral n’est pas l’opposition binaire oral / écrit (pensé si simple, surtout si l’enseignant.e doit comme français non-standard / français choisir entre travailler ce qui est com- standard) au profit de la mise en valeur mun à tous les usages, la norme lin- d’un continuum des usages de la langue. guistique, ou ce qui caractérise leurs Ils mettent l’accent sur l’importance des différences (Laparra, 2008). situations de communication dans les productions langagières. Dans la relation oral/écrit, « oral » se réfère aux formes « Il est juste de remarquer qu’en d’actualisation de la langue qui ne ren- France la prise en compte des treraient pas dans le modèle standard variations internes à la langue, et « écrit » aux actualisations conformes en particulier diastratiques, dans aux codes régissant le modèle standard, les manuels scolaires de français le code valorisé à l’école. Gadet et Gué- est pour le moins timide ou dé- rin (2008) plaident pour l’enseignement voyée » (Chiss & David, 2014). d’un « français de l’école », pensé et présenté comme tel, sans déconsidé- ration des autres usages de la langue. Elles recommandent pour cela d’enga- Quels types d’interactions verbales peut- ger une réflexion sur la langue et ses l La finalité des on organiser dans la classe et comment usages avant le CP où se met en place programmes de faire prendre conscience aux l’assimilation du français standard au Language Awareness enseignant.e.s des effets du dialogue di- français correct. La didactique du fran- est de sensibiliser les élèves au rôle de la dactique sur les productions orales des çais langue maternelle gagnerait aussi langue dans leur vie, élèves, par exemple dans des situations à s’inspirer des travaux développés dans la vie de leurs de débats organisés sur des sujets d’his- en didactique des langues seconde et sociétés comme toire, de littérature, de philosophie, etc. ? étrangères avec par exemple des pro- dans celle d’autres sociétés (Byram, 1992). Un travail régulier et rigoureux favorise la grammes d’éveil à la langue ou « lan- tenue des discussions, la longueur des guage awareness » l principalement Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 9/32 expérimentés en Grande-Bretagne. « La difficultés que rencontrent les élèves réflexion sociolinguistique, notamment dans la maitrise de la langue. Les re- sur le couple oral/écrit, peut bénéficier présentations de ce que doit être l’en- à la pratique didactique. Il s’agit, en seignement du français ne prennent d’autres termes, de regarder les élèves pas en compte les variétés orales par- comme des usagers de la langue au lées par les élèves, ce qui amène à moment où ils s’ouvrent à de nouveaux s’interroger sur l’efficacité des straté- usages » (Gadet & Guérin 2008). gies scolaires. Dans un contexte sco- laire marqué par la massification, l’écart croissant entre le français de l’école et Idéologie historique de ce que le français des élèves peut être tenu doit être la langue française responsable des problèmes des élèves Il existerait une hiérarchie natu- à maitriser la langue (Bertucci, 2008). relle qui ordonnerait les langues « Privilégiant un rapport pratique au selon qu’elles semblent belles, langage, ces derniers ne parviennent riches, aptes à exprimer des sen- pas systématiquement à le mettre à sations, des sentiments ou à per- distance et à le prendre comme un ob- mettre l’élaboration d’un raison- jet étudiable en lui-même et pour lui- nement scientifique. Le français a même » : Lahire (2008) indique ici que historiquement incarné la langue réussir au sein d’une école qui a forgé universelle de la distinction, des ses propres normes autour d’une belles-lettres, de la civilisation. culture écrite, à partir d’un français sco- La grammaire et le dictionnaire laire autonomisé, décontextualisé et ont constitué les nouveaux outils défonctionnalisé, nécessite des dispo- scripturaux diffusés dans les éta- sitions spécifiques. blissements d’enseignement qui ont permis l’homogénéisation Pour les élèves qui ont des difficultés de la langue après la Révolution. à l’écrit, il semblerait plus pertinent de « Pour les révolutionnaires, pro- partir de l’oral qu’ils utilisent pour abor- mouvoir le français signifiait faire der l’écrit et prendre en considération disparaitre les autres langues, fa- la notion de français ordinaire (fran- voriser l’homogénéité linguistique çais familier, de la langue de tous les au détriment de la diversité et de jours, sur laquelle le poids de la sur- l’altérité. L’institution du français veillance sociale est moindre et moins langue nationale s’est fondée stigmatisant). Il s’agirait de mettre au sur l’éviction des langues régio- point une didactique de la grammaire nales, sur l’acceptation du code qui s’appuierait sur les caractéristiques commun, du français commun, de la langue orale, plus proches des lequel correspond à un souci de locuteurs. marquer l’usage, de rendre la langue conforme à une norme » Bertucci (2008) énonce quelques proposi- (Bertucci, 2008). Cette norme tions favorisant l’acquisition d’un français est finalement restée identique à standard. Les élèves pourraient se référer celle qui préfigurait avant la Ré- aux typologies spécifiques de l’oral pour volution car les mêmes manuels les transposer à l’écrit sans prendre en ont été utilisés, de même l’Acadé- compte le système de l’écrit. Les fautes, mie française demeura et garda les mésusages des niveaux de langue, ses fonctions. les infractions au code écrit ne seraient pas considérés comme des erreurs mais plutôt comme des interprétations par les élèves du genre, du nombre, de la mor- L’enseignement de la langue a gardé la phologie verbale en référence à la typo- particularité de promouvoir une langue logie de l’oral. Cela permettrait de mettre unique, le français standard, garant en perspective les représentations du d’une culture commune pour tous. Cet français par les élèves pour mieux définir objectif est largement contrarié par les le type de français à enseigner à l’école, Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 10/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral

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Dossier de veille de l'IFÉ • n° 117 • Avril 2017. Je parle, tu dis ce Dossier de veille sont accessibles sur notre bales et les apprentissages linguis-.
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