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Importations de biens intermédiaires et choix organisationnel PDF

16 Pages·2011·0.96 MB·French
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ÉCONOMIE Importations de biens intermédiaires et choix organisationnel des firmes multinationales françaises Fabrice Defever et Farid Toubal * Nous analysons les décisions de sous-traitance internationale des groupes multinatio- naux français en nous appuyant sur un modèle théorique de la décision d’importation avec firmes hétérogènes inspiré d’Antràs et Helpman. Ce modèle élargit la théorie des échanges internationaux aux stratégies d’organisation des entreprises. Lorsqu’elles importent des biens intermédiaires, les firmes sont confrontées au choix organisationnel entre produire en interne dans l’une de leurs filiales à l’étranger ou confier la production à un sous-traitant étranger. Ce choix dépend de deux dimensions. La première concerne la productivité de l’entreprise. Selon Antràs et Helpman, seules les entreprises les plus productives ont des filiales à l’étranger et importent leurs intrants en interne. Dans notre modèle, nous considérons le cas des entreprises multinationales. Ce qui compte pour les importations de ces entreprises n’est donc pas le coût d’implantation de la filiale mais le coût fixe d’organisation de la production. Nous montrons que les entreprises plus productives externalisent la production de biens intermédiaires si leurs coûts organisa- tionnels dans le cas de l’outsourcing sont plus élevés que ceux associés à l’intégration verticale. La seconde dimension concerne la nature des inputs échangés entre le fournis- seur et l’entreprise multinationale. Certains de ces inputs requièrent des investissements d’adaptation à la spécificité du bien final produit par l’entreprise. Le fait de contrôler le processus productif au travers de l’intégration permet de limiter le risque de sous-inves- tissement. Le choix d’une forme organisationnelle correspond à un arbitrage entre les gains en termes de coûts organisationnels et ceux en termes de partage du revenu. Nos estimations montrent que les multinationales les plus productives ont tendance à exter- naliser la production de biens intermédiaires. Nous montrons également que l’intensité en capital physique et humain joue en faveur de l’intégration. * Fabrice Defever, Université de Nottingham, GEP et CEP. Farid Toubal, Université d’Angers, École d’Économie de Paris et CEPII. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 169 L’organisation des entreprises multinatio- le contenu en facteur des échanges mais égale- nales et leurs liens dans la décomposition ment le mode d’importation. Le modèle d’An- internationale du processus de production susci- tràs et Helpman (2004) constitue une extension tent un intérêt grandissant. Ces entreprises sous- intéressante en ce qu’il considère l’hétérogé- traitent tout ou partie de la production de pro- néité des entreprises du point de vue de leur duits intermédiaires à des fournisseurs étrangers productivité comme autre déterminant majeur indépendants ou internalisent celle-ci au travers du choix organisationnel. Si les coûts fixes d’or- de leurs filiales étrangères. D’importants déve- ganisation sont plus importants en externalisant, loppements ont permis de rattacher l’économie alors seules les entreprises les plus productives internationale au champ de l’économie indus- pourront importer leurs biens intermédiaires de trielle (1). De nouveaux modèles théoriques fournisseurs indépendants.1 sont apparus, intégrant la nouvelle théorie des droits de propriété de Grossman-Hart-Moore Notre objectif n’est pas de mener une analyse (Grossman et al., 1986 et Hart et Moore, 1990) exhaustive des déterminants du commerce dans un modèle de concurrence monopolistique intra-firme des groupes français mais d’analy- en économie ouverte de Helpman et Krugman ser empiriquement les implications théoriques (1985). Dans cet article, nous nous appuyons du modèle d’Antràs et Helpman (2004). Nous sur les travaux d’Antràs (2003) et Antràs et montrons tout d’abord que le choix organisa- Helpman (2004) et proposons une étude empi- tionnel est déterminé par la productivité totale rique des choix organisationnels dans les rela- de l’entreprise multinationale. Nous faisons tions d’importations des entreprises multinatio- l’hypothèse que les coûts fixes d’organisation nales françaises. sont plus élevés dans le cas de l’outsourcing que dans le cas de l’intégration. Les entreprises les Dans le modèle d’Antràs (2003), les entreprises plus productives sont celles dont la productivité s’internationalisant choisissent non seulement permet de compenser les coûts liés à l’outsour- leur localisation géographique, mais également cing. Cette hypothèse sur les coûts fixes orga- le type de contrôle qu’elles désirent exercer sur nisationnels est basée sur deux éléments. Le chacune des unités de production. Une entreprise premier, théorique, est basé sur les travaux de désireuse d’importer un bien intermédiaire peut Williamson (1985). Selon cet auteur, l’intégra- alors contracter avec un fournisseur indépendant tion verticale est soumise à des coûts fixes orga- (on parle alors d’outsourcing), ou importer ce nisationnels plus faibles car ce choix permet le bien d’une de ces filiales (dans ce cas, nous par- regroupement des coûts de coordination entre lerons d’importation intra-firme). Le choix de l’entreprise et le sous-traitant. Le deuxième posséder ou non le fournisseur est déterminé de élément provient de l’enquête sur les échan- manière endogène. Dans le modèle, le processus ges intra-firmes menée par le Sessi. Au moins de production requiert deux inputs spécifiques. 70 % des répondants de l’enquête considèrent L’un est produit par l’entreprise, dans notre cas que le commerce intra-firme implique des coûts localisée en France et l’autre est produit par le fixes organisationnels plus faibles que ceux liés fournisseur, localisé à l’étranger. En suivant la à l’outsourcing. Nous montrons ensuite que logique de Hart et Moore (1990), Antràs montre le choix organisationnel dépend également de que c’est l’importance relative de ces deux inputs l’importance relative des intrants spécifiques. dans la production du bien final qui détermine l’effort d’investissement des deux entreprises. Notre analyse est liée à celle de Corcos et al. L’agent dont la contribution au revenu est la (2009) qui élargissent le champ de l’étude aux plus importante reçoit en effet la propriété de firmes indépendantes, n’ayant aucune filiale l’actif. En admettant que l’entreprise française à l’étranger. Ils considèrent que ces entrepri- fournisse le capital et le fournisseur étranger le ses importent leur production de biens inter- travail et si le bien final est intensif en capital, médiaires de fournisseurs indépendants. Cette alors l’investissement de l’entreprise française hypothèse permet de considérer l’ensemble des est crucial et il est préférable d’intégrer le four- entreprises françaises. Dans ce cas, et contrai- nisseur étranger. Les importations seront alors rement à nos résultats, le commerce intra-firme de type intra-firme. Antràs (2003) généralise ce est principalement réalisé par les firmes les plus résultat au niveau des secteurs. C’est l’une des productives. Ce résultat est directement lié à la contributions majeures de son modèle : le choix productivité plus élevée des firmes multinatio- d’internationalisation des entreprises multina- nales en comparaisons des firmes indépendan- tionales est lié aux caractéristiques des secteurs dans lesquels elles évoluent. Les intensités sec- 1. Voir Helpman (2006) et Spencer (2005) pour une revue torielles en facteur déterminent non seulement détaillée de la littérature. 170 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 tes. Seules les premières possèdent une filiale à forme Cobb-Douglas définie par deux paramè- l’étranger nécessaire au commerce intra-firme. tres ; un paramètre de productivité θ supposée i Notre étude complémente aussi les travaux neutre au sens de Hicks et la part des intrants précédemment réalisés à partir de donnés simi- produite par l’entreprise française η. La fonc- i laires à celles utilisées dans ce présent papier. tion de production est donnée comme suit : Notamment, Carluccio et Fally (2008) mon- trent que les institutions financières jouent un rôle important dans le choix organisationnel des (1) entreprises. Ils montrent que les firmes multina- tionales françaises ont tendances à intégrer leurs fournisseurs dans les pays ayant un environne- En suivant la logique d’Antràs (2003), l’in- ment financier très peu développé. Chevassus- trant h, fourni par l’entreprise française, peut Lozza, Gallezot et Galliano (1999) se concen- être soit du capital soit du capital humain alors trent sur les multinationales agro-alimentaires que le fournisseur fournira l’intrant m princi- françaises en 1994 et montrent que le volume palement composé de travail. Empiriquement, des échanges intra-firme dépend des économies η représente donc l’intensité en capital ou en d’échelle et de l’expérience internationale du capital humain dans la fonction de production groupe. Utilisant un échantillon plus exhaustif de l’entreprise (2)2. Nous supposons, comme couvrant l’ensemble des secteurs manufactu- dans les modèles d’Antràs (2003) et d’Antràs riers, Raspiller et Sillard (2004) montrent que le et Helpman (2004), que les deux intrants sont niveau technologique de la production ainsi que entièrement adaptés et spécifiques à la relation l’intensité en marketing sont corrélés positive- entre les deux parties. De ce fait, ils n’ont aucune ment aux échanges intra-firme. valeur en dehors de cette relation. Soumis à l’in- complétude des contrats, les investissements spécifiques de l’entreprise française et de son Firmes hétérogènes, contrats fournisseur étranger sont intégralement non- incomplets et structure contractibles. Il existe donc un problème de hold-up (cf. encadré). Après avoir investi, il y a des importations renégociation sur le partage des rentes ex post. La relation se déroule en trois étapes : L’intégration de la nouvelle théorie des - ex ante, l’entreprise française et le fournisseur droits de propriété en économie interna- étranger s’associent contractuellement et cette tionale permet de comprendre les déterminants première décide de la forme organisationnelle du commerce intra-firme (cf. encadré). Antràs de la production ; le fournisseur étranger paye et Helpman (2004) présentent un modèle théo- un transfert T à l’entreprise française, égal à son rique expliquant le choix entre internalisation et profit ex post ; externalisation de la production de biens inter- médiaires à l’étranger. Nous nous proposons - ex ante, les investissements spécifiques sont d’en développer les grandes lignes afin d’en réalisés ; extraire deux implications empiriques au niveau de l’entreprise. - ex post, le contrat initial est renégocié. Une firme française produit une variété i d’un Ex post, lors de la renégociation du contrat, les bien dans l’industrie j. Nous supposons que les deux parties vont se répartir le revenu généré préférences des consommateurs sont détermi- par les ventes du produit final, Q. Soit β la part nées par une fonction CES (Constant Elasticity du revenu R reçu par l’entreprise française. Le of Substitution). Nous désignons par k, un indice fournisseur recevra donc le reste, c’est à dire caractérisant la forme organisationnelle de la (1- β)R. En suivant la logique de la théorie du firme. k peut prendre deux modalités, o, si exter- droit de propriété développée par Grossman et nalisation (outsourcing) et v si intégration (ver- Hart (1986) et Hart et Moore (1990), β dépend ticale) de la production du bien intermédiaire. de la forme organisationnelle choisie par l’en- Quelle que soit la forme organisationnelle choi- sie, le processus de production requiert l’utilisa- tion de deux intrants. L’un, h(i), est produit par 2. Nous supposons donc, à la différence d’Antràs (2003) et d’An- l’entreprise française et l’autre, m(i), est produit tràs et Helpman (2004), que cette intensité est propre à l’entre- par le fournisseur à l’étranger. La fonction de prise et non au secteur. Cela ne change pas fondamentalement les résultats mais permet de tirer partie de l’information au niveau production du bien final est supposée être de la de l’entreprise contenue dans la base de données de l’EAE. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 171 treprise française. Lorsqu’elle décide de pren- où w et w* correspondent respectivement aux dre le contrôle du fournisseur étranger, l’entre- salaires en France et à l’étranger. L’entreprise prise française va accroître la part du revenu β française et le fournisseur choisissent leurs à laquelle elle peut prétendre. Par exemple, elle niveaux d’investissement h et m de manière peut mettre en avant lors de cette renégociation indépendante. Pourtant, la très forte concur- qu’elle est propriétaire des biens intermédiaires rence entre les fournisseurs potentiels permet à produit par le fournisseur étranger et qu’il lui est l’entreprise française de contraindre le fournis- possible de se réapproprier une partie de cette seur à lui donner ex ante l’ensemble du profit production (3). Ainsi, la part du revenu reçu qu’il va réaliser ex post sous forme d’un trans- fert T. Payer ce transfert T assure au fournisseur par l’entreprise française est supérieure si elle la participation à la relation de production. Le internalise la production et importe intra-firme (k = v) par rapport au cas où elle externalise la profit de l’entreprise πk(η,θ) est donné par : 3 production (k = o). On a donc β > β . v o π(η,θ) = θα/(1 – α)ψ – F (2) k k k Ex ante, l’entreprise française et son fournisseur étranger investissent. Le choix d’organisation avec choisi k, ainsi que les valeurs de β ou β asso- v o ciées à ce choix sont connus. Les deux acteurs choisissent leurs investissements en maximi- (3) sant leur profit en se basant sur la part du revenu qu’elles vont respectivement recevoir : - l’entreprise française choisit h pour maximi- ser β.R - h.w - le fournisseur étranger choisit m pour maxi- 3. Antràs (2003) propose une modélisation de cette renégocia- tion basée sur les options alternative de la firme et du fournisseur miser (1-β).R - m.w* dans les différents modes organisationnels. Encadré Les nouveLLes théories des droits de propriété La théorie de la firme a été profondément marquée autre produit et n’ont donc aucune valeur en dehors par le célèbre article de Coase (1937). Il marque la de la relation. Les deux entreprises sont donc blo- naissance du concept de « coût de transaction », plus quées dans la relation, qui lorsqu’elle est soumise à tard approfondi par les travaux de Williamson dans les l’incomplétude des contrats, conduit à des compor- années 1970 et 1980. Plus récemment, une nouvelle tements opportunistes de la part des agents (situation théorie de la firme a été développée par Hart en colla- aussi connue sous le nom de « hold-up problem »). boration avec Grossman (1986) et Moore (1990). Cette Chaque agent se trouve donc dans une situation de nouvelle théorie, dite « théorie des contrats incom- dépendance vis-à-vis de l’autre partie. plets » ou « nouvelle théorie des droits de propriété » considère que les contrats signés par les agents Le contrat étant incomplet, ex post, une fois les inves- économiques sont, au moins partiellement, « incom- tissements réalisés, chaque agent peut renégocier le plets ». En effet, les caractéristiques des biens sont partage des rentes liées à la vente du produit final. Ce tellement nombreuses qu’il n’est pas possible d’écrire risque entraîne, ex ante, un sous-investissement des un contrat complet spécifiant l’ensemble des attributs agents. Dans cet affrontement, les droits de propriété d’un bien. On dit alors que le bien est « non-contrac- donnent un pouvoir sur les investissements engagés, tible ». D’autre part, les investissements réalisés pour qui s’exprime notamment lors de la distribution des produire le bien sont « non-vérifiables », que ce soit rentes. Pour la firme réalisant la vente du bien final, par une juridiction ou par les agents eux-mêmes. être propriétaire et contrôler l’entreprise partenaire, à travers l’intégration, permet d’augmenter ses rentes Lorsque deux firmes décident de s’associer afin de ainsi que sa propre incitation à investir. C’est l’inverse produire conjointement un bien, leurs investissements pour l’entreprise partenaire. La forme organisationnelle sont considérés comme « spécifiques à la relation ». optimale implique de donner les droits de propriété à En effet, les investissements en capital financier et l’agent dont l’investissement est le plus crucial dans la humain sont nécessairement adaptés à la production production, afin de minimiser le sous-investissement de ce bien et sont donc spécifiques à la transaction. joint induit par la crainte de comportements opportu- Ils ne sont pas redéployables vers la production d’un nistes. 172 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 où D représente la taille de la demande, α est ger et n’ont donc pas à payer le coût fixe lié à un paramètre relatif à l’élasticité de la demande l’implantation de filiales. Dans ce cas, ce sont et F le coût fixe relatif au choix organisation- les coûts fixes liés à la gestion de la production k nel. Chacun maximise son profit sur une part internationale qui seront prédominants. Cette du revenu total et, de ce fait, les deux acteurs structure des coûts fixes est en accord avec les sous-investissent. Pour autant, le sous-inves- travaux de Williamson (1985) qui considère que tissement de l’entreprise française par rapport les coûts fixes d’organisation sont plus élevés à celui du fournisseur sera d’autant plus grand lorsque l’externalisation est choisie. que β, la part du revenu qui lui reviendra, sera faible. Puisque β > β , ce sera le cas, lorsque la T2 : La probabilité d’importation intra-firme v o situation d’outsourcing sera choisie. d’un bien intermédiaire dépend de la producti- vité de l’entreprise française θ, et du coût fixe Dans le même temps, lorsque l’entreprise choi- relatif au choix organisationnel F, elle dimi- sit la forme organisationnelle, elle considère nue avec la productivité de l’entreprise fran- nécessairement le profit réalisé par le fournis- çaise θ, lorsque F > F. Elle augmente avec la o v seur du fait du transfert T. Cela conduit l’entre- productivité lorsque F > F . v o prise française à choisir la forme organisation- nelle qui va maximiser le profit joint réalisé par les deux acteurs (son propre profit qui dépend Analyse du choix organisationnel de son investissement, plus celui du fournisseur, qu’elle reçoit sous forme de transfert). Lorsque sur données d’entreprises la part des intrants fournie par l’entreprise fran- çaise, η, est importante, le surplus généré par la i La base de données utilisée dans cette étude relation est particulièrement sensible à l’inves- couvre l’ensemble des firmes appartenant tissement de cette entreprise. Afin de limiter les à un groupe international. En effet, il est néces- possibilités de sous-investissement de l’entre- saire d’avoir une filiale à l’étranger pour com- prise française, il est donc nécessaire de l’inciter mercer en intra-firme. Ce type de commerce se en lui donnant une plus grande part de revenu. concentre donc nécessairement au sein de ces Ceci est possible en internalisant la production entreprises multinationales. La restriction aux de bien intermédiaire puisque β > β . Lorsque v o entreprises appartenant à un groupe interna- η, est faible, alors c’est l’inverse. Il s’agit d’in- i tional nous conduit à comparer le choix entre citer le fournisseur étranger en externalisant la production du bien intermédiaire. Ce sont là les outsourcing et intra-firme, pour des entreprises principales conclusions du modèle d’Antràs ayant déjà une filiale à l’étranger. Dans ce cas, (2003), qui nous amène à la première implica- ce ne sont pas les coûts fixes liés à l’implanta- tion empirique T1. tion d’une filiale qui vont être importants mais plutôt les coûts fixes d’organisation. Nos résul- T1 : La probabilité d’importer un bien intermé- tats confortent les prédictions du modèle d’An- diaire intra-firme augmente avec η, l’intensité tràs (2003) et Antràs et Helpman (2004). En en facteur h fourni par l’entreprise française. particulier, la productivité accroît la probabilité d’importation de biens intermédiaires de four- La productivité de l’entreprise, θ, ne modifie nisseurs indépendants. L’importance relative pas le résultat d’Antràs (2003). En revanche, des intrants spécifiques est également un déter- comme le coût fixe d’organisation varie en minant majeur du choix organisationnel. fonction du choix organisationnel, l’impact de la productivité dépend de F et F . Si F > F , L’ensemble de notre travail s’appuie sur les v o v o l’intégration verticale ne sera réalisée que par bases de données issues à la fois du Sessi et de des entreprises relativement productives. C’est l’Insee. La présence du code SIREN, identifiant l’hypothèse adoptée par Antràs et Helpman propre à chaque entreprise et invariant au cours (2004), considérant que l’implantation d’une du temps, nous permet d’apparier différentes nouvelle filiale à l’étranger engendre un coût bases de données collectées par ces deux orga- fixe plus élevé que l’externalisation. Dans le nismes. Cela nous permet de construire une base cas contraire, si F > F, alors l’externalisation de données unique par l’information qu’elle o v de la production de biens intermédiaires ne sera possède au niveau à la fois de l’entreprise et de réalisée que par des firmes relativement plus ses transactions commerciales. productives (cf. graphique I). Cette hypothèse apparaît aussi mieux adaptée aux firmes mul- Nous utilisons l’enquête Mondialisation sur les tinationales qui ont déjà des filiales à l’étran- échanges internationaux intra-groupes du Sessi. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 173 Celle-ci est réalisée en 1999 et concerne exclu- L’enquête du Sessi ne contient que très peu d’in- sivement les entreprises dont le commerce est formations sur l’entreprise elle-même. Nous de plus d’un million d’euros et qui détiennent utilisons l’enquête annuelle d’entreprise (EAE) au moins 50 % du capital social d’une entreprise pour pallier ce manque. Cette dernière base de étrangère. Ce sont donc toutes des firmes multi- données est réalisée par l’Insee et contient un nationales. Ces entreprises multinationales fran- panel d’entreprises que l’on peut suivre sur çaises ont toutes au moins une filiale à l’étranger. plusieurs années. Cette caractéristique sera cru- La base de données contient l’information sur le ciale pour notre estimation de la productivité choix organisationnel de l’entreprise localisée en des firmes. Elle nous fournit l’information sur France pour chacun des produits importés selon les comptes de résultat des entreprises françai- la classification SH4 ainsi que la provenance ses ayant plus de 20 employés : la production, géographique de ces flux. Nous nous concentrons le capital, le travail, la valeur des consomma- sur les importations de biens étrangers en France. tions intermédiaires utilisés dans le processus En 1999, le commerce réalisé par ces entreprises productif ainsi que le secteur de production de représente 82 % des importations françaises. l’entreprise. Graphique I Coûts fixes et choix organisationnel Lecture : lorsque η est faible et Fv > Fo, le profit en outsourcing est toujours supérieur à celui en intégration et toutes les firmes actives i préfèrent l’outsourcing. Lorsque η est important et Fv > Fo, l’outsourcing est plus profitable pour les firmes les moins productives alors i que l’intégration est plus profitable pour les plus productives. Lorsque η est faible et Fv > Fo, l’intégration est plus profitable pour les i firmes les moins productives alors que l’outsourcing est plus profitable pour les plus productives. Lorsque η est important et Fv > Fo, le i profit en intégration est toujours supérieur à celui en outsourcing et toutes les firmes actives sont intégrées. Source : auteurs. 174 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 Nous utilisons l’enquête sur les liaisons finan- ceux-ci) devraient pouvoir être comparables à cières entre sociétés (Lifi) permettant d’identi- ceux obtenus si nous avions agrégé nos données fier les groupes de sociétés opérant en France au niveau de la firme. Pour cela, nous utilisons et de déterminer leur contour. Lifi nous permet la technique de « cluster » des termes d’er- de distinguer entre les groupes multinationaux reur au niveau de l’entreprise développée par français et étrangers localisés en France. Cette Wooldridge (2006).4 distinction est utile dans la mesure où le modèle d’Antràs et Helpman s’applique aux têtes de Nous analysons le choix organisationnel des groupes localisés en France qui importent des entreprises du secteur manufacturier à l’excep- biens intermédiaires de l’étranger. tion du secteur « Alimentation, boisson, tabac », n’ayant que très peu de données concernant ce secteur. Nous excluons de l’analyse les entre- Le choix organisationnel prises actives dans les secteurs miniers, pétro- liers et nucléaires puisque le choix organisa- À partir de notre modèle théorique, nous obte- tionnel dans ces secteurs peut être déterminé nons un simple modèle empirique en ajoutant par des facteurs nationaux spécifiques, comme un terme d’erreur aléatoire e aux profits π pour la défense de la souveraineté nationale. k k les deux types d’organisation. Pour un niveau de productivité donné θ et une intensité en intrant produit par l’entreprise française η, la transac- Productivité totale des facteurs et inputs tion sera internalisée si : spécifiques Nous utilisons la base de données de l’EAE (4) (1996-2004) afin d’estimer θ, la productivité totale des facteurs (TFP) pour l’année 1999. Celle-ci est estimée en utilisant la méthodologie de Olley et Pakes (1996) (OP). Celle-ci permet En supposant que e – e suive une fonction de de prendre en compte le biais de simultanéité o v distribution cumulé F(.), la probabilité d’inter- qui apparaît lorsque l’entreprise répond à des naliser la transaction est définie comme suit : chocs de productivité en ajustant son choix d’intrants. Cette réponse entraîne une corréla- Prob(Intégration) = F(Δ) (5) tion entre le terme d’erreur et les facteurs de production. L’estimateur OP nous permet de Nous retenons un modèle de choix discret de type corriger ce biais en utilisant la décision d’in- Logit où la variable dépendante prend la valeur vestissement comme approximation des chocs, 1 si une transaction d’importation est réalisée en et en stipulant une relation de monotonie entre intra-firme et 0 dans le cas contraire (4) : l’investissement et l’hétérogénéité non obser- vée au niveau de la firme. Les estimations ont été réalisées en considérant une fonction de pro- duction Cobb-Douglas et ont été réalisées pour 52 secteurs (5)5. Comme chez Antràs (2003), nous supposons Les données utilisées sont désagrégées au que le capital humain et le capital physique sont niveau du flux d’importation en provenance du fournis par l’entreprise française. Ainsi, le para- pays l pour un produit p par une firme i apparte- mètre η de l’équation (1) peut être approximé nant au secteur j. Nous sommes principalement i intéressés par les choix réalisés au niveau de la firme. Pour autant, nous ne voulons pas négliger 4. Environ 15 % des transactions importées, dites « mixtes », sont la possibilité que le produit, ou encore le pays réalisées à la fois en intra-firme et en outsourcing. Pour simplifier d’origine, influencent le choix organisationnel. la présentation, nous ne prenons pas en compte ces transactions dans l’analyse économétrique. Pour autant, les stratégies mixtes Pour prendre en compte ces possibles effets, peuvent simplement être prises en compte lorsque l’on ne consi- nous introduisons dans toutes nos régressions dère pas simplement le choix binaire d’organisation, mais la part de commerce intra-firme dans l’importation d’un bien en pro- des effets fixes produits et des effets fixes pays. venance d’un pays. L’ensemble de nos résultats restent inchan- L’utilisation de données désagrégées nous per- gés en utilisant une simple estimation basée sur la méthode des moindres carrés ordinaires. Defever et Toubal (2007) proposent met de prendre en compte ces effets. Les varia- d’utiliser des techniques d’estimation plus complexes qui pren- bles explicatives que nous allons introduire sont nent en compte le fait que la variable dépendant est alors bornée toutes au niveau de l’entreprise. Les coefficients entre 0 et 1. Les résultats sont qualitativement identiques. 5. Pour les détails de ces estimations, voir Defever et Toubal estimés (mais aussi le terme d’erreur associé à (2007). ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 175 par l’intensité en capital physique ou en capi- définissons comme biens intermédiaires, les tal humain de l’entreprise. C’est donc dans les produits importés (classés avec la nomenclature entreprises les plus intensives en capital que l’in- NES114) n’ayant pas la même classification que ternalisation de la production devrait être la plus le secteur de l’entreprise importatrice (classé largement choisie. Disposant de données fines avec la nomenclature NAF114). L’échantillon au niveau de l’entreprise, nous approximons des biens intermédiaires est plus restreint en l’intensité en capital physique par le ratio du termes de nombre d’observations. Il constitue stock de capital sur le nombre d’employés tan- environ 73 % du nombre d’observations de dis que nous approximons l’intensité en capital l’échantillon total. La moyenne et l’écart-type humain par le ratio des dépenses en technologie de la productivité et des intensités en capital de l’information sur le nombre d’employés. humain et physique sont cependant similaires à ceux de l’échantillon total (cf. tableau 1). Statistiques descriptives Les entreprises multinationales sous- et faits stylisés traitent à des fournisseurs indépendants Nous disposons de l’information sur Les statistiques présentées dans cette section 2 348 entreprises multinationales françaises sont basées sur deux échantillons distincts. dans l’échantillon comprenant l’ensemble Le premier échantillon concerne les importa- des importations et de 1 604 entreprises pour tions totales des entreprises. Le second ne prend l’échantillon ne concernant que les importa- en compte que les biens intermédiaires impor- tions de biens intermédiaires (cf. tableau 2). tés. Nous utilisons la méthodologie présentée Nous ne retenons que les transactions impor- par Feenstra et Hanson (1996) pour distinguer tées soit par l’intermédiaire des filiales soit par les biens finaux des biens intermédiaires. Nous l’intermédiaire de fournisseurs indépendants. Tableau 1 Statistiques descriptives Observations Moyenne Écart-type Échantillon total Productivité 64 104 5,446 1,009 Intensité capitalistique 64 104 6,267 0,932 Intensité en capital humain 60 831 1,924 1,204 Échantillon des biens intermédiaires importés Productivité 46 604 5,438 1,014 Intensité capitalistique 46 604 6,301 0,916 Intensité en capital humain 44 411 1,938 1,213 Lecture : pour les 64 104 observations de l’échantillon totale, la variable « productivité » possède une moyenne de 5,446 et un écart-type de 1,009. Champ : entreprises multinationales françaises en 1999. Source : Sessi et EAE. Calcul des auteurs. Tableau 2 Statistiques descriptives de l’échantillon d’estimation Échantillon total Biens intermédiaires importés Mode organisationnel Outsourcing Intra-firme Outsourcing Intra-firme Nombre d’entreprises 1 726 622 1 247 357 Pourcentage du total 73,51 26,49 77,74 22,26 Nombre de transactions 47 949 16 155 36 129 10 475 Pourcentage du total 74,80 25,20 77,52 22,48 Montant des transactions (millions e) 34 279,61 27 378,59 19 382,43 9 081,504 Pourcentage du total 55,60 44,40 68,09 31,91 Lecture : dans l’échantillon total, 1 726 entreprises importent en outsourcing contre 622 en intra-firme. Champ : entreprises multinationales françaises en 1999. Source : Sessi et EAE. Calcul des auteurs. 176 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 Les entreprises de l’échantillon choisissent entreprises dont la tête de groupe est localisée dans plus de 70 % des cas une forme organi- en France. Nous remarquons que les deux sous- sationnelle qui favorise les fournisseurs indé- groupes d’entreprises ont recours à l’outsour- pendants. Plus des trois quarts de leurs impor- cing dans la grande majorité des cas. Ceci est tations de biens intermédiaires correspondent à vrai pour le nombre des transactions et le mon- de l’outsourcing. tant total. Plus de 42 % des entreprises de l’échantillon Les entreprises importent à plus de 50 % en total ont une tête de groupe localisée en France provenance de leurs filiales localisées à Malte, (cf. tableau 3). Elles réalisent 41 % du nombre en Turquie, au Maroc et en Suisse (cf. gra- total des transactions et 44 % de la valeur des phique II). Elles choisissent l’externalisation importations. Notons que la valeur des impor- pour les importations en provenance des pays tations par entreprise est plus élevée pour les Européens et de l’OCDE. Tableau 3 Localisation de la tête de groupe des entreprises importatrices Tête de groupe localisée en France Tête de groupe localisée à l’étranger Mode organisationnel Outsourcing Intra-firme Outsourcing Intra-firme Nombre d’entreprises 832 150 894 472 Pourcentage du total 84,73 15,27 65,45 34,55 Nombre de transactions 22255 3799 25694 12356 Pourcentage du total 85,42 14,58 67,53 32,47 Montant des transactions (millions e) 21 470,88 5 645,757 12 808,73 21 732,84 Pourcentage du total 79,18 20,82 37,08 62,92 Lecture : pour les entreprises, dont la tête de groupe est localisée en France, 832 entreprises importent en outsourcing contre 150 en intra-firme. Champ : entreprises multinationales françaises en 1999. Source : Sessi et EAE. Calcul des auteurs. Graphique II Distribution géographiques des importations intra-firme Lecture : la part des importations intra-firme dans les importations totales de Malte est d’environ 90 %. Champ : entreprises multinationales françaises en 1999. Source : enquête Sessi. Calcul des auteurs. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010 177 Caractéristiques de l’entreprise tions de la productivité totale des facteurs des et choix organisationnel entreprises qui importent de6 leurs filiales et de celles qui externalisent leurs importations (cf. La théorie prédit une relation positive entre l’in- graphique IV) (7)7. tensité capitalistique de l’entreprise française et la part des importations intra-firme. Nous consi- Afin de savoir si les distributions diffèrent dérons deux mesures d’intensité capitalistique ; statistiquement, nous utilisons la statistique celle relative aux capital physique et celle rela- de Mann-Whitney. Celle-ci est de - 17,644 et tive au capital humain. Nous corrélons celles-ci est significative à 1 %. Les deux groupes sont au niveau des secteurs NAF114 de la nomen- donc statistiquement différents. En utilisant la clature d’activité française (6). Il existe une statistique de Somer (1962) nous montrons que corrélation positive entre l’intensité en facteur la probabilité d’être plus productif est de 6 % capital physique et capital humain et la part des à 8 % moins élevée pour les importateurs en importations intra-firme au niveau sectoriel en intra-firme que pour les autres. Les firmes mul- France (NAF114) (cf. graphique III). On remar- tinationales les plus productives ont donc une que cependant une corrélation moins forte entre probabilité plus grande d’externaliser. le capital physique et la part des importations intra-firme que celle liant le capital humain et cette même part. Les importations intra-firmes Les entreprises multinationales sont les plus importantes dans le secteur phar- les plus productives externalisent maceutique, dans le secteur du matériel optique et photographique et de l’horlogerie ainsi que leurs importations dans la fabrication d’appareils domestiques. Ces secteurs sont autant intensifs en capital physique qu’en capital humain. La part des Nous estimons la probabilité d’importations importations intra-firmes est plus faible dans intra-firme à l’aide de régressions logisti- l’industrie du cuir et de la chaussure ainsi que ques en effets marginaux. Chaque spécification dans la construction navale. Ces secteurs ont est estimée avec un ensemble d’effets spécifi- des intensités capitalistiques faibles. ques au produit et au pays d’origine du flux (cf. tableau 4). Les écarts-types sont ajustés pour l’hétéroscédasticité et la corrélation intra-entre- Le modèle prédit également que les entreprises prise des résidus (Wooldridge, 2006). multinationales les plus productives externali- sent leurs importations de biens intermédiaires si le coût fixe organisationnel est plus faible 6. La liste des secteurs est présentée en annexe. en internalisant F > F. C’est l’implication 7. Dans le graphique IV, nous ne considérons que les entreprises T2 de notre déveoloppemvent théorique. Nous qui importent au moins 80 % du total des importations soit en outsourcing, O, soit en intra-firme, V. La modification de ce seuil comparons dans un premier temps les distribu- ne change pas qualitativement le résultat. Tableau 4 Estimation de la probabilité d’importations intra-firme (régressions logistiques en effets marginaux) Échantillon total Biens intermédiaires importés (S1) (S2) (S3) (S4) Productivité OP - 0,038*** - 0,040*** - 0,037*** - 0,039*** i (0,013) (0,013) (0,014) (0,013) Intensité capitalistique KL - 0,013 - 0,019 i (0,015) (0,016) Intensité en capital humain HL 0,028** 0,032** i (0,012) (0,014) Constante 0,471 0,509 0,540* 0,071 (0,326) (0,338) (0,277) (0,293) Observations 64 104 60 811 46 593 44 393 Lecture : erreurs standards robustes entre parenthèses. Cluster au niveau de l’entreprise. ***, **, *, significativement différent de 0 à respectivement 1 %, 5 % et 10 %. Les spécifications (S1) à (S4) incluent des effets spécifiques au pays et au produit. Champ : entreprises multinationales française en 1999. Source : enquêtes EAE et Sessi. Calcul des auteurs. 178 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 435–436, 2010

Description:
importent des biens intermédiaires, les firmes sont confrontées au choix organisationnel Antràs P. (2003), « Firms, Contracts, and Trade. Structure », Quarterly C43 Fabrication d'articles de sport, de jeux et industries diverses.
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