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Ibn arabi le devoilement des effets du voyage PDF

21 Pages·2007·0.17 MB·French
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IBN ARABÎ LLLLEEEE DDDDÉÉÉÉVVVVOOOOIIIILLLLEEEEMMMMEEEENNNNTTTT DDDDEEEESSSS EEEEFFFFFFFFEEEETTTTSSSS DDDDUUUU VVVVOOOOYYYYAAAAGGGGEEEE SOMMAIRE § 31 L'un des effets de ce voyage fut la connaissance de la composition, de la croissance et de la dissolution. Adam connut ainsi la constitution de son édifice corporel selon la succession des cycles, contrairement à la formation du Paradis qui s'accomplit en une seule fois pour celui qui peut la voir. Il sut aussi que dans le Paradis on aspire à la jouissance et aux délices; dans ce monde on aspire à l'accroissement et à la recherche de la science. Pour cette raison l'homme connaît ici ce qu'il ne connaît pas là-bas. Ce voyage produit de nombreux effets semblables. Mais les voyages sont nombreux et je crains d'être trop long. Ce voyage adamique comporte des connaissances si nombreuses qu'il faudrait lui consacrer un recueil à part et ainsi en est-il pour tous les voyages que nous avons mentionnés et que nous mentionnerons dans ce livre. Complète donc ce que nous avons tu, en suivant ce dont nous avons déjà parlé, tu seras bien dirigé, si Dieu veut – Il est puissant et majestueux –. § 32 le voyage d'Enoch (Idrîs) – sur lui la paix – ou le voyage 83. Il est impossible de rendre le de la dignité et de l'élévation en lieu et degré83. rapport linguistique entre «lieu» Dieu – exalté soit-Il – dit: «Et mentionne dans le Livre (makân) et «degré» (makâna). Enoch; il était très-véridique et prophète et nous l'avons élevé en un haut lieu» (19: 57)84. On dit qu'il fut 84. Sur ce «haut lieu», voir le Verbe le premier des fils d'Adam à écrire au moyen du d'Idrîs, Fusûs al-hikam, éd. 'Afîfî, pp. 75-6 et 181. calame85. Le premier influx spirituel du Calame supérieur fut pour lui – sur lui la paix –. Il avait été 85. Cf. Futûhât I 327 chap. 327 où emmené en voyage nocturne jusqu'au septième ciel; lui est attribué la science de tous les cieux se trouvèrent donc embrassés par lui. l'écriture ('ilm al-khatt). § 33 Sache que Dieu a fait de tous les cieux le réceptacle des sciences cachées relatives aux êtres qu'Il doit faire venir à l'existence dans le monde: substance ou accident, petit ou grand, état ou mutation. Il n'est de ciel où n'ait été déposée une science confiée à son gardien. Dieu a déposé la descente de Son ordre vers la terre dans les mouvements des sphères célestes et dans le passage de leurs astres par les mansions de la huitième sphère. Il a instauré pour les astres de ces sept cieux conjonctions et séparations, montée et descente. Il leur a conféré des influences différentes et provoqué une attirance entre les uns, une répulsion totale entre les autres. Ce qui provoque leur répulsion est le dépôt en l'un du contraire de ce qui est déposé dans l'autre, non qu'ils soient ennemis, mais Dieu ayant créé les habitants des cieux selon des réalités supérieures, elles entraînent inéluctablement ces 86. Le gardien du Paradis. oppositions. Il a voué ces êtres à l'obéissance et à la glorification de leur Seigneur: «Ils ne désobéissent pas 87. Wakîl : l'ange chargé de ce ciel. à ce que Dieu leur a ordonné» (66: 6). On rapporte ainsi de Mâlik, le gardien du Feu, qu'il est créé de telle 88. Cf. Futûhât I 324 chap. 66 : sur manière qu'il ne rit jamais, au contraire de Ridwân86, ce verset, à propos d'Idrîs. - 1 - créé de joie et de gaieté. Or, ils sont tous deux des serviteurs pieux et obéissants; aucune hostilité ni haine ne les opposent. Toutefois les effets de ces oppositions dans le monde inférieur sont suscités par ces réalités supérieures. La jalousie et l'hostilité interviennent entre nous, pris que nous sommes par nos propres intérêts, mais leur origine remonte à ces mêmes réalités. L'absence de répulsion entre deux êtres en harmonie vient de ce que l'un a été existencié différent de l'autre, mais non comme son contraire; tout contraire est différent, mais tout différent n'est pas contraire. L'intendant87 du septième ciel est en opposition avec celui du sixième, à tel point que lorsque la science de l'ange du sixième ciel doit passer sous l'autorité de l'ange auquel elle est confiée dans le septième ciel, ce dernier corrompt ce qui a été instauré par le premier et réciproquement en passant du septième au sixième ciel. Pourtant ce n'est pas que l'ange corrompe ni qu'il instaure, comme nous disons, c'est qu'il se conforme à l'ordre de son Seigneur et s'acquitte de ce qui lui est confié. Cet ordre est celui que Dieu a inspiré aux cieux comme il le dit Lui-même: «Et Il inspira à chaque ciel son ordre propre» (41: 12)88. § 34 En admettant cela, tu dois savoir que ce fait ne porte nullement atteinte au credo; sinon quel sens aurait la parole divine «et les étoiles soumises par Son ordre» (16: 12). Par quoi, ô mon frère, les a-t-Il soumises? Dieu n'a-t-Il pas soumis certains êtres à d'autres et n'a- t-Il pas dit: «Et Il vous a élevés les uns au-dessus des autres par degrés pour que les uns prennent les autres soumis à leur service» (43: 32), «et Il a soumis pour vous ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre» (45: 13)? Dieu dit donc qu'il y a des choses qui nous sont soumises dans le ciel, comme sur la terre. La foi d'un musulman n'est pas mise en cause parce qu'il sait ce qui a été inspiré au ciel comme ordre et ce pour quoi son monde a été soumis. S'il n'en était pas ainsi, on pourrait l'affirmer de tout ce qui est dans le ciel et la terre. Or, à chaque moment nous avons recours aux causes que Dieu a mises en place pour nous et qu'Il nous a fait connaître comme soumises et non agentes. Nous nous réfugions en Dieu «et je ne Lui associe rien» (72: 20). Le Législateur n'a déclaré mécréant que celui qui croit que l'acte revient aux astres et non à Dieu ou qu'Il agit par leur intermédiaire; croire cela est mécréance et associationnisme, mais non pas considérer qu'ils sont soumis et qu'ils suivent le cours que leur a assigné la sagesse divine. Bien plus, ignorer ce que Dieu a déposé dans les astres, ce qu'Il leur a inspiré et ce qu'Il a placé en eux comme effets de Sa sagesse, c'est laisser échapper abondance de bien et grande science. Et «qu'y a-t-il après la vérité si ce n'est l'erreur ?» (10: 32). § 35 Enoch – sur lui la paix – sut par la science que Dieu lui 89. Sur les mouvements lents et avait inspirée que Dieu avait lié entre elles toutes les rapides des sphères, voir également Futûhât III 417 chap. - 2 - parties du monde et soumis certains êtres à d'autres. 371. Il vit que le monde des éléments est réservé aux êtres engendrés. Il considéra les conjonctions et les séparations des astres dans les mansions célestes, les différences entre les êtres et les mouvements des sphères, les uns rapides, les autres lents. Il sut qu'en réglant sa marche et son voyage sur le mouvement lent, il faisait entrer le mouvement rapide sous l'autorité de ce dernier, car le mouvement est circulaire, non rectiligne, et le cycle d'un être petit et rapide doit nécessairement revenir à celui qui est lent. Il apprit ainsi, en côtoyant celui qui avance avec pondération, la raison d'être de celui qui va vite89. Comme Enoch ne vit tout cela que dans le septième ciel, il y resta trente ans à suivre sa rotation à travers la sphère des constellations du zodiaque. Il se tenait au centre de la rotation exercée par l'intendant de ce ciel, ainsi que dans la sphère portant la sphère de la rotation et dans la sphère portant les sphères des rotations, celle que parcourt la sphère des signes du zodiaque. Ayant eu la vision de ce que Dieu avait inspiré dans le ciel ainsi que des astres près d'entrer en conjonction avec le signe du cancer, il sut que Dieu allait inéluctablement faire descendre une quantité d'eau immense et un déluge général. Grâce à ce qu'il avait réalisé comme science en parcourant les degrés de cette sphère, il reçut une science à la fois totale et distinctive. § 36 Puis il redescendit, et choisit parmi les adeptes de sa religion et de sa loi, ceux chez qui il avait reconnu sagacité et pénétration. Il leur enseigna ce qu'il avait contemplé et ce que Dieu a déposé comme secrets dans ce monde supérieur. Parmi ce dont la connaissance a été déposé dans les cieux, un immense déluge, l'anéantissement des hommes et l'oubli de la science. Voulant que cette science perdure pour ceux qui viendraient après, il ordonna qu'on l'inscrivît sur les rochers et les pierres. Par la suite, Dieu l'éleva dans le haut lieu. Il descendit dans la sphère du soleil, la quatrième, au centre des sphères célestes correspondant au cœur, car au-dessus se trouvent cinq régions et de même au-dessous. Dieu lui octroya au cours de ce voyage par lequel Il l'éleva vers Lui, la station de pôle et la constance. Il fit tourner toute chose autour de lui. Auprès de lui se réunit ce qui monte et ce qui descend. Ce voyage produisit pour lui comme effet, la science du temps et des siècles et de ce qui doit advenir, or la science du temps est l'une des connaissance infuses les plus sublimes. Un autre de ses effets fut la connaissance de la réalité spirituelle de la nuit et du jour et de ce qui y trouve repos90. Celui qui, comme Enoch, voyage vers le monde de son cœur, voit le monde angélique le plus grandiose et à lui se manifeste la théophanie du monde suprême de 90. Cf. Coran 6 : 13. - 3 - la Toute-Puissance. Il aperçoit aussi le secret de la vie, esprit par lequel elle se propage dans tous les animaux. Il fait la différence entre l'esprit de beaucoup et l'esprit de peu, rend à chacun son dû, a connaissance des degrés de ses propres âmes inférieures et de ses esprits supérieurs, de la façon dont les conséquences jaillissent des principes et comment les conséquences retournent à leurs principes, ainsi que la forme de l'univers et la sagesse divine qui préside au cycle et autres connaissances semblables. Ceci suffit pour le voyage d'Enoch – sur lui la paix –. § 37 le voyage du salut ou le voyage de Noé – sur lui la paix –. Noé – sur lui la paix – sut qu'approchait le temps de la conjonction astrale que Dieu dans Sa sagesse avait déterminée et provoquée91. Il vit qu'elle se produirait dans le signe du cancer dont l'élément est l'eau. C'est dans ce signe changeant et instable que Dieu a créé le monde d'ici-bas. Quand on entra dans ce signe et que l'ascendant de ce monde coïncida avec lui, Dieu voulut par son anéantissement et sa permutation vers la demeure dernière, lui conférer un ascendant semblable et stable, le lion. Telle est la sagesse d'un être omniscient ! Noé – sur lui la paix – se mit à construire l'arche. Le signe de sa prophétie ne résidait ni dans cette conjonction ni dans le Déluge, car certains savants parmi ses compagnons pouvaient en avoir eu la science et la partager avec lui. Il reçut donc le Four (al- Tannûr)92 comme signe. S'il avait annoncé cette conjonction, il se serait agi d'une science et non d'un miracle prophétique. C'est pourquoi son peuple se moqua de lui et sans doute aussi les astronomes de 91. Ou, selon la lecture de B : « et son époque. Il advint ensuite ce que l'on sait et son fils dont le pouvoir allait s'exercer » resta en arrière car il se rendit coupable d'une œuvre (ajrâ hukmahu au lieu de ajrâhu impie «et il fut parmi les noyés» (11: 43). hikmatan). § 38 Noé emmena ses compagnons en voyage. Il fit entrer 92. Sur ce terme coranique, cf. dans l'Arche «un couple de chaque espèce» (11: 40) et Claude Gilliot, Exégèse, langue et dit: «Embarquez ! Au nom de Dieu est sa course et son théologie en Islam. L'exégèse coranique de Tabari, Paris, 1990 p. ancrage; certes mon Seigneur est très-pardonnant 105. L'interprétation que donne très-miséricordieux» (11: 41), quand le Four se mit à Ibn 'Arabî ci-dessous coïncide avec bouillonner et que les nuées grosses de pluie mirent celle de 'Alî, pour qui ce mot bas leur fardeau. Dans cet anéantissement, les deux signifiait «l'illumination de l'aurore» eaux furent réunies: celle de la terre et celle du ciel. (tanwîr al-subh), cf. Tabarî, Jâmi al- bayân XV 318-9. Selon Ibn 'Arabî, Dans sa course, l'Arche portait Noé et les siens «à l'expression coranique fâra l-tannûr travers des vagues comme des montagnes». Noé signifiait métaphoriquement chez appela: «Ô mon fils, monte avec nous!» (11: 42) et le les Arabes l'apparition de la clarté fils de répondre: «Je me réfugierai sur une montagne de l'aube (daw' al-fajr) ; cf. Futûhât qui me protégera de l'eau», et Noé – sur lui la paix – I 493, à propos de la prière surérogatoire de l'aube et I 608, à de répliquer: «Rien ne protège aujourd'hui contre propos du début du temps du l'ordre de Dieu si ce n'est ceux à qui Il a fait jeûne. Le verbe fâra associe l'eau miséricorde» (11: 43), c'est-à-dire les passagers de et le feu, puisqu'il signifie «jaillir» - 4 - l'Arche. L'invocation prononcée auparavant par Noé, pour l'eau, «bouillonner» pour la «ne laisse pas sur la terre le moindre des incroyants» marmite et «rougeoyer de chaleur» pour le four. (71: 26), avait été exaucée. Ceux qui s'étaient réfugiés sur la montagne et tous ceux qui n'étaient pas dans l'Arche se noyèrent. Alors du non-manifesté se fit entendre l'appel du Soi. En effet, Celui qui lança l'appel ne se mentionna pas Lui-même et n'usa pas directement du vocatif93. La terre engloutit son eau, le ciel s'arrêta et l'eau diminua. L'Arche du salut s'établit sur le mont Jûdî, allusion à la générosité (jûd) divine. Depuis cette station fut prononcée cette parole: «Banni soit le peuple des injustes !» (11: 44), ceux qui s'étaient moqués. § 39 Sache, ô secret subtil établi par Dieu à un rang analogue à celui de Son prophète Noé – sur lui la paix –, que Dieu – Il est puissant et majestueux – a achevé ton arche et l'a façonnée de Ses Mains par Son inspiration. Quand Dieu inspirait l'Arche, celle-ci se trouvait «par Son œil», autrement dit conservée en Dieu qui la faisait voir à Noé94. Dieu dit, s'adressant à ce secret: qui es-tu pour que Dieu accomplisse vers toi une telle descente, depuis la station du Moi divin de surcroît? Ton âme ordonnant le mal, ton satan, ton monde d'ici-bas, ta passion ne cessent ensuite de se moquer de toi tant que tu édifies cette arche qui est la constitution du salut. Le four, le réceptacle du feu à ton côté dit: de là sortira l'eau. Eux, convaincus qu'une chose ne peut en aucune façon se transformer en son opposé, se sont moqués et ont dit à Noé: tu n'es qu'un niais. Ils n'ont pas fait la différence entre le réceptacle du feu et l'eau par ignorance de la substance et des formes du monde. S'ils avaient su que le feu est une forme dans cette substance tout comme l'eau, ils ne se seraient pas moqués. S'imaginant que l'eau et le feu sont tous deux une substance distincte s'opposant ensuite l'une à l'autre, ils trouvèrent absurdes les paroles de Noé et se moquèrent de lui. Toi qui t'occupes à édifier ton arche, l'arche du salut, et te prépares à recevoir, sur l'ordre de Dieu, Son Commandement qui est une manifestation du Moi, réponds aux moqueurs que s'ils périssent dans une chose, ils lui seront voués sans pouvoir jamais en 93. Allusion au verset, simplement sortir. Embarque dans ton arche par le bâ' qui est le évoqué : « Et il fut dit : ô terre, nom d'Allâh, redresse l'alif de la réalisation de l'unité engloutis ton eau ; ô ciel, arrête-toi entre le bâ' et le sîn de bismi 95. Tu ne verras pas ici le et l'eau décrût...». Tout-Miséricordieux le Très-Miséricordieux, car Nous restons en arrière de ton arche. Sa course s'accomplit 94. Allusion au verset 11 : 37 : « Façonne l'Arche par Nos yeux et par le bâ', particule d'abaissement, ainsi que son Notre inspiration...». ancrage au rivage de la générosité divine. Par la générosité (jûd) est apparue l'existence (wujûd), et sur 95. Allusion au verset 11 : 41 « Au le mont Jûdî s'est manifesté ce que contenait l'Arche. nom de Dieu est sa course et son Fais sortir de ton arche «un couple de chaque espèce» ancrage ». Comme dans la pour l'engendrement et la procréation, car tu es le basmala l'alif de ism «nom» est occulté et représente donc l'unité produit de la multiplication du monde supérieur par le divine ou l'Essence inconnaissable, monde inférieur, toi et tous les êtres engendrés. La le bâ', comme dans la basmala, présence du couple est indispensable dans ce voyage contient le reste de la formule. - 5 - d'anéantissement. § 40 L'eau symbolise la science, la vie provenant de l'une sur le plan sensible, de l'autre sur le plan spirituel. Aussi périrent-ils par l'eau pour avoir refusé la science. L'eau provenait du Four parce que c'est en cette eau qu'ils avaient mécru, rejetant la science que Noé leur avait transmise de vive voix par la langue du four de son corps. Ils ne surent pas qu'il traduisait ainsi la signification du Four, qui est la lumière absolue. L'eau du Four voila pour eux le four (tannûr), et ils ne comprirent pas qu'il s'agissait de la lumière (nûr) à laquelle s'était ajouté le tâ' de l'achèvement (tamâm) de la constitution humaine par l'existence du corps. La lumière devint «four», c'est-à-dire une lumière accomplie dans le monde du Royaume, la lumière du tâ' et son lieu de manifestation. L'ignorance les conduisit également à déclarer absurde la transmutation. S'ils avaient regardé le Four, ils l'auraient considéré comme la source de l'eau. Il n'y a d'opposition sous aucun rapport entre l'un et l'autre, car le froid embrasse [les autres états de la matière]. Ils ignorèrent le secret de Dieu dans la nature et le secret de Dieu dans le rôle privilégié du Four, et ils périrent. Tous ceux à qui Noé avaient adressé la parole ne périrent que par l'eau du Four, car ils n'avaient rien refusé d'autre. Le reste du monde périt à la fois par l'eau du Four et par celle du ciel. Cette dernière est celle de la roue à godets qui recueille l'eau distillée dans l'alambic du froid glacial et retournée à son origine. Dieu – Il est puissant et majestueux – fait périr par le feu, mais ici, à cause de l'intervention de la mission prophétique, le feu fut introduit dans l'eau, car «la jambe n'a pas encore été découverte»96. Le feu fit sortir les humidités et les vapeurs et commença de s'élever en redevenant de la vapeur. Il se mit à exercer dans l'air la même action que la roue de la noria quand elle fait monter l'eau du puits. Il continua à s'élever jusqu'à atteindre le cercle du froid glacial et retomba en goutte de pluie par «la détermination du Tout-Puissant le Très-Sage». Les cercles de la détermination ne cessent de tourner dans la sphère de la formation des êtres dans ce monde et dans l'autre. Un des effets de ce voyage est de faire connaître que la Sagesse divine97 peut s'interrompre, alors que la 96. Expression coranique (68 : 42) signifiant l'arrivée de l'Heure, soit Toute-Puissance continue de s'exercer sur le couple parce qu'elle dévoilera une réalité pour la reproduction; que la sagesse divine, si elle jusqu'alors cachée, soit pour n'est pas d'ordre supérieur, n'est pas authentique; que évoquer la peur panique de celles de la Générosité dépend le salut. Ne vois-tu pas que qui s'enfuient en retroussant leur Moïse – sur lui la paix – lorsqu'il invoqua Dieu pour robe. qu'Il fasse périr son peuple, Lui demanda de lui infliger 97. Qui préside à la marche du l'avarice. Devenus avares, ils coururent à leur perte. Il monde. apparut aussi que la Parole divine s'oriente nécessairement vers chaque être dans le monde; 98. Désignation en grammaire tantôt à partir du non-manifesté du non-manifesté, s'il arabe de la voix passive. - 6 - s'agit de la voix où l'agent n'est pas nommé98: «Sera amenée ce jour-là la Géhenne (89: 23) ou «il fut dit: bannis... et il fut dit: ô terre absorbe ton eau» (11: 44); tantôt par le Nous: «Lorsque Nous dîmes...»; tantôt par la Divinité: «Dieu dit»; tantôt encore par la Seigneurie: «Ton Seigneur dit...». Toute parole dépend du nom qui lui est attaché. Celui qui accomplira le voyage de Noé connaîtra certaines des sciences relatives au monde intermédiaire et créaturel. C'est au cours de ce voyage que l'on apprend le Grand Œuvre. C'est pourquoi ce dernier s'achève par la Générosité qui est sa raison d'être. En voici assez sur le voyage de Noé; dire son secret serait trop long. § 41 le voyage de la guidance ou le voyage d'Abraham, l'Ami intime – sur lui la paix –. «Je vais vers mon Seigneur; Il me guidera» (37: 99). Dieu lui offrit comme hospitalité la rançon de son fils, quand il descendit chez Lui. La jouissance grandit en effet à la mesure de l'amertume de la peine. Après avoir reçu la bonne nouvelle que sa prière avait été exaucée: «Seigneur, fais-moi don d'un enfant d'entre les saints!» (37: 100), l'objet de cette nouvelle fut une source d'épreuve pour lui, car il avait demandé à Dieu autre chose que Lui. Dieu est jaloux et Il éprouva Abraham en lui demandant le sacrifice de son fils, ce qui était encore plus terrible que de lui demander le sacrifice de son âme, qui ne lui opposait d'autre adversaire qu'elle-même, et que par la moindre des pensées il pouvait repousser sans avoir beaucoup à combattre. Tandis que dans l'épreuve du sacrifice de son fils, le grand nombre de ses adversaires lui imposaient un combat d'autant plus fort. Il fut donc éprouvé par le sacrifice de ce qu'il avait demandé à son Seigneur, réalisa l'origine de cette épreuve et, sous la loi de l'événement, ce fut comme si, bien que toujours vivant, il avait lui-même été sacrifié. C'est alors que lui fut annoncé Isaac – sur lui la paix – sans demande de sa part. Il reçut tout à la fois rançon et substitution, tout en gardant celui auquel Isaac avait été substitué et réunit acquisition et don. Le sacrifice est une œuvre acquise par Abraham du fait de Sa demande, et donnée de par la rançon qu'il n'avait pas demandée. Isaac fut donné et Ismaël réunit en lui les aspects d'acquisition et de don. Il fut pour son père à la fois acquis et donné. La perfection de sa réalité essentielle lui valut de porter dans ses reins Muhammad – que Dieu répande sur lui la grâce et la paix – ou plutôt c'est parce que Muhammad se trouvait dans ses reins, qu'Ismaël bénéficia de cette perfection et de cet accomplissement. C'est pourquoi dans notre loi les bêtes sacrifiées sont pour nous une rançon qui nous délivre du feu. § 42 Celui qui cherche à accomplir ce voyage de la 99. Deux interprétations du - 7 - guidance accordée par Dieu, qu'il réalise pleinement le Prophète : la première dans monde de son imagination, où les réalités supérieures un hadîth indiquant certaines doivent descendre sur lui. La difficulté de cette étape clés pour l'interprétation ; la vient de ce qu'elle est un lieu de passage, non seconde, à propos d'une recherché pour lui-même, mais pour ce qui doit s'y vision où le Prophète se voit accomplir. Ne franchit cette étape que l'homme boire du lait et donner le véritable. On appelle interprétation du songe (ta'bîr al- reste à 'Umar. Cf. Bukhârî, ru'yâ) «l'action de passer» ('ibâra) car l'explication Sahîh, ta'bîr, 14-5 et 24, IX passe du songe à sa signification. Le Prophète que 45 et 47-8. Dieu répande sur lui la grâce et la paix passa ainsi du lien à la fermeté dans la religion et du lait à la 100. Sur l'absence science99. Une fois arrivé, on trouve. Si l'Ami intime de d'interprétation de la vision Dieu sur la paix était passé de son fils au bélier, il par Abraham, voir également aurait vu la rançon avant son occurrence et il se serait Fusûs al-hikam, p. 85. On conformé à l'ordre divin le cœur serein, ayant remarquera que dans cet connaissance de l'aboutissement final100. Mais la ouvrage, le sacrifice et demande à son Seigneur autre que son Seigneur le l'interprétation sont traités plongea dans une obscurité qui l'empêcha de franchir dans le Verbe d'Isaac. ce «passage», car il est impossible de passer dans l'obscurité, on ne sait où poser le pied. Il n'aurait pas 101. Pour rendre les deux connu alors une telle jouissance ni une grâce divine sens du mot sharaf, noblesse aussi visible. La rançon fut le bélier, maison zodiacale et élévation au sens spatial. de la haute noblesse101 du centre et esprit du monde, la plus noble et la plus élevée des maisons zodiacales. Le bélier fut le substitut du corps d'Ismaël non de son esprit, car le corps et la maison ont ceci en commun: le sacrifice n'affecte que le corps, et la destruction et la ruine ne touchent que les maisons. § 43 Quand l'homme voyage dans le monde de son 102. Cf. Coran 5 : 66 : « S'il s'en imagination, il doit le dépasser pour arriver à celui des tenaient de façon droite à la Torah, à l'Evangile et à ce qui leur a été réalité supérieures. Il voit alors les choses telles révélé, ils mangeraient d'au-dessus qu'elles sont et reçoit le don absolu qui n'est d'eux et de dessous leurs pieds ...»; conditionné par aucune œuvre d'acquisition; il tire sa allusion, selon Ibn 'Arabî, aux nourriture «d'au-dessus de lui» alors qu'auparavant il la sciences inspirées et aux sciences tirait «de dessous ses pieds»102. Le don divin procure la acquises par les œuvres. Cf. Futûhât II 488 chap. 206, 594-5 permanence en Dieu au contraire de la chap. 276, III 439 chap. 371. contemplation103. Il est donc écrasement (sahq)104 et non effacement (mahq)105. Celui qui est écrasé voit 103. Car la contemplation, résultat séparées toutes les parties de lui-même. Son d'une acquisition, conduit à éloignement est donc encore plus grand que l'état l'extinction. d'effacement. Si Abraham n'avait commencé sa prière en disant: «Fais-moi don d'un enfant d'entre les 104. «Jeu de mot» sur le nom d'Isaac en arabe : Ishâq, qui est en saints!», il aurait reçu comme bonne nouvelle une même temps le nom d'action du contemplation, non Isaac. Isaac écrasa (ashaqa Ishâq) verbe ashaqa, de même racine que celui qui demandait une créature, en l'éloignant de sahq, l'«écrasement», mais l'effacement de son être. Cette bonne nouvelle faisait signifiant «éloigner» ; cf. donc allusion à la station de l'éloignement impossible. l'expression ashaqa-hu 'llâh «que Dieu l'éloigne». En effet, les choses divines descendent selon la prédisposition du réceptacle, qui était ici 105. Sur cette notion, cf. Futûhât, II insuffisamment dépouillé et tourné vers Lui. Comment 554 chap. 155. lui ferait-Il don de l'être106, alors qu'il ne pourrait le recevoir? Le Donateur est très-Savant et très-Sage; 106. Al-'ayn : l'identité de l'être. l'instant est juge et le fils procède du monde du partage ('alam al-tabdîd)107. 107. Tabdîd vient de baddada qui signifie «séparer» (=farraqa), mais un autre verbe de la même racine: badda signifie «donner à chacun sa - 8 - part» (budda). Tabdîd connote donc les sens de don, de séparation et de fragmentation. § 44 le voyage oÙ l'on avance sans se retourner ou voyage 108. Yaqîn ou Yâqîn, localité de Loth vers Abraham, l'Ami intime – sur lui la paix – sur la route entre Jérusalem et sa réunion avec lui dans la Certitude.108 et Hébron où s'était réfugié Loth après sa fuite de La tradition rapportée à ce sujet est connue et Sodome. Voyant le châtiment conservée par les savants. Mais nous devons en tomber sur les villes rechercher l'esprit dans la transposition de son sens. maudites, il se prosterna en disant : « J'ai la certitude que Sache que le nom même de Loth (Lût) est un nom la promesse de Dieu est noble et plein de majesté, car il confère l'attachement vérité ». Un oratoire avait été à la Présence divine109, qui lui fait dire: «...ou si je édifié à cet emplacement, pouvais me réfugier vers un soutien solide» (11: 80). signalé par Harawî, Guide Par le «soutien» il entendait la tribu. On ne peut passer des lieux de pélerinage, texte en effet d'un soutien divin à un soutien créaturel. arabe, Damas, 1953, pp. 29- L'Envoyé de Dieu – sur lui la grâce et la paix – lui en 30. Ibn 'Arabî le visita en 602 rendit témoignage en ces termes: «Dieu fasse H. et composa à miséricorde à mon frère Loth, il se réfugiait vers un l'emplacement même de la soutien solide»110. Combien sont excellents le témoin prosternation de Loth le et celui pour qui il témoigna ! Parce qu'il s'appuyait sur Kitâb al-yaqîn, un opuscule Dieu et adhérait à Lui dans la science divine, il fut sur la notion coranique de appelé Lût et ne fut relié à aucun autre que Dieu. Il lui certitude, en rapport accorda le voyage de nuit (surâ)111, voyage dans le notamment avec certains non-manifesté, parce que ce terme ne s'emploie que passages concernant pour la marche de nuit. Il lui fut dit: «... Emmène de Abraham. M. Michel nuit les tiens...», ce qui signifie par transposition de Chodkiewicz m'a sens, mais non du point de vue de l'exégèse: la totalité aimablement communiqué de ton essence afin de contempler toutes les réalités une copie d'un des «...sauf ta femme...» (11: 81): nous transposons en manuscrits d'Istanbul : Yahya nous: l'ordre d'abandonner l'âme commandant le mal, Efendi 2415 f. 121b-125. Cf. laquelle ne prend pas part aux ascensions supérieures O. Yahya, Histoire et du cœur. Il se rendit à al-Yaqîn («la Certitude»), lieu classification de l'Œuvre connu sous ce nom. Abraham l'y attendait, car il y d'Ibn 'Arabî, Damas, 1964, séjournait. C'est pourquoi le Prophète – sur lui la grâce n° 834. et la paix – dit: «Nous avons plus de raison de douter qu'Abraham»112, sachant qu'Abraham se tenait dans 109. Le nom Lût est la Certitude. Le prophète Loth gagna cette station. À rapproché ici du verbe lâta- l'aube, la certitude lui vint, car le lever du soleil et le yalûtu. Intransitif, il signifie dévoilement des choses visibles après leur occultation «s'attacher à» ; transitif, procurent la certitude sans le moindre doute. «joindre». 110. En regrettant l'absence de soutien humain, Loth montre qu'il ne se réfugie qu'en Dieu. Sur cette parole du Prophète, cf. Tabarî, Jâmi' al-bayân, éd. M. Shâkir XV 419-22 ; Futûhât IV 53 chap. 440 et Fusûs, p. 127. 111. Surâ est de même racine que isrâ' «voyage nocturne», toutefois la forme verbale de ce dernier terme - 9 - comporte en plus l'idée d'être emmené en voyage. 112. Parole prononcée à propos de Coran 2 : 260 : « Et lorsqu'Abraham dit : Seigneur, fais-moi voir comment Tu ressuscites les morts. Il demanda : Ne crois- tu pas ? – Si, répondit-il, mais afin que mon cœur soit apaisé ». Cf. Tabarî, Jâmi' al- bayân, V 490. § 45 Voici un exemple de la part que nous pouvons prendre au voyage de Loth et de même pour tout voyage dont je traite ici. Je n'en parle qu'en visant ma propre essence et non l'exégèse de l'histoire survenue à ces prophètes. Ces voyages sont des ponts et des passerelles édifiés pour que nous passions dessus vers nos essences et nos propres états. Nous y trouvons notre profit, car Dieu en a fait pour nous un lieu de passage. «Nous te contons, parmi les histoires des envoyés, de quoi affermir ton cœur; à travers ces histoires est venue à toi la Vérité et un rappel pour les croyants» (11: 120). Quelle pertinence dans la parole divine «en elles t'est venue la Vérité» et dans «un rappel» de ce qui est en toi et chez toi et que tu as oublié; ce que Je t'ai conté te rappelle ce qui est en toi et ce sur quoi J'ai appelé ton attention. Tu sauras alors que tu es toute chose, en toute chose, de toute chose. Quant à moi si je suis de toute chose, je suis avec le Vrai en toute chose. Je suis une ombre par Lui manifestée Si je suis une ombre, je suis une ombre qui s'étend113 Ma chute et ma montée vers Lui sont identiques sous le plus heureux des astres pour tout être vivant. Ma direction l'emporte sur toute direction, et mon égarement sur tout égarement. De même qu'Il est avec tout mort ou vivant, 113. Le premier terme employé Il est en toute chose déploiement ou repliement. dans ce vers est zill, l'ombre en général ; le second, fay', l'ombre «Et Dieu dit la vérité et Il guide sur la voie.» qui s'étend avec le déclin du soleil. § 46 le voyage de la ruse et de l'épreuve dans l'histoire de Jacob et de Joseph – sur eux deux la paix –. Sache que lorsque Dieu honore un serviteur, Il l'emmène en voyage dans la servitude. Il dit – Il est puissant et majestueux –: «Gloire à Celui qui a fait voyager de nuit Son serviteur», en l'appelant du plus 114. Le fait que «dirhems» soit au noble des noms, selon Lui, parce qu'un serviteur ne pluriel indique un nombre de trois peut s'embellir d'une parure plus belle et plus à dix, car au-delà le nom qui suit somptueuse que l'excellence de sa servitude. La un nombre reste au singulier. - 10 -

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IBN ARABÎ. LE DÉVOILEMENT DES EFFETS DU VOYAGE. SOMMAIRE. § 31. L'un des effets de ce voyage fut la connaissance de la composition, de
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