P ’I.H.É.S. UBLICATIONS MATHÉMATIQUES DE L ALEXANDER GROTHENDIECK Élémentsdegéométriealgébrique(rédigésaveclacollaboration deJeanDieudonné):I.Lelangagedesschémas Publicationsmathématiquesdel’I.H.É.S.,tome4(1960),p.5-228. <http://www.numdam.org/item?id=PMIHES_1960__4__5_0> ©Publicationsmathématiquesdel’I.H.É.S.,1960,tousdroitsréservés. L’accès aux archives de la revue « Publications mathématiques de l’I.H.É.S. » (http://www. ihes.fr/IHES/Publications/Publications.html), implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/legal.php). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fi- chier doit contenir la présente mention de copyright. Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques http://www.numdam.org/ I N S T I T UT D ES H A U T ES É T U D ES S C I E N T I F I Q U ES ÉLÉMENTS DE GÉOMÉTRIE ALGÉBRIQUE par A. GROTHENDIECK Rédigés avec la collaboration de J. DIEUDONNÉ LE LANGAGE DES SCHÉMAS 1960 PUBLICATIONS MATHEMATIQUES, N° 4 5, ROND-POINT BUGEAUD — PARIS (XVIe) DÉPÔT LÉGAL i1'® édition . . . . . . 3e trimestre 1960 TOUS DROITS réservés pour tous pays © ^^î Institut des Hautes Études Scientifiques INTRODUCTION A Oscar ^ariski et André Weil. Ce mémoire, et les nombreux autres qui doivent lui faire suite, sont destinés à former un traité sur les fondements de la Géométrie algébrique. Ils ne présupposent en principe aucune connaissance particulière de cette discipline, et il s'est même avéré qu'une telle connaissance, malgré ses avantages évidents, pouvait parfois (par l'habitude trop exclusive du point de vue birationnel qu'elle implique) être nuisible à celui qui désire se familiariser avec le point de vue et les techniques exposés ici. Par contre, nous supposerons que le lecteur a une bonne connaissance des sujets suivants : a) Y! Algèbre commutative, telle qu'elle est exposée par exemple dans les volumes en cours de préparation des Éléments de N. Bourbaki (et, en attendant la parution de ces volumes, dans Samuel-Zariski [13] et Samuel [n], [12]). b) \} Algèbre homologique, pour laquelle nous renvoyons à Cartan-Eilenberg [2] (cité (M)) et Godement [4] (cité (G)), ainsi qu'à l'article récent de A. Grothendieck [6] (cité(T)). c) La Théorie des faisceaux, où nos principales références seront (G) et (T) ; cette dernière théorie fournit le langage indispensable pour interpréter en termes « géomé- triques » les notions essentielles de l'Algèbre commutative, et pour les « globaliser ». d) Enfin, il sera utile au lecteur d'avoir une certaine familiarité avec le langage fonctoriel, qui sera constamment employé dans ce Traité, et pour lequel le lecteur pourra consulter (M), (G) et surtout (T) ; les principes de ce langage et les principaux résultats de la théorie générale des foncteurs seront exposés plus en détail dans un ouvrage en cours de préparation par les auteurs de ce Traité. * * * Ce n'est pas le lieu, dans cette Introduction, de donner une description plus ou moins sommaire du point de vue des « schémas » en Géométrie algébrique, ni la longue liste des raisons qui ont rendu nécessaire son adoption, et en particulier l'acceptation systématique d'éléments niipotents dans les anneaux locaux des « variétés » que nous considérons (ce qui, nécessairement, relègue au second plan la notion d'application rationnelle, au profit de celle d'application régulière ou « morphisme »). Le présent Traité vise précisément à développer de façon systématique le langage des « schémas » et démontrera, nous l'espérons, sa nécessité. Encore qu'il serait facile de le faire, nous 6 A.GROTHENDIECK n'essayerons pas non plus de donner ici une introduction « intuitive » aux notions développées dans le chapitre premier. Le lecteur qui désirerait avoir un aperçu préliminaire des matières de ce Traité pourra se reporter à la conférence faite par A. Grothendieck au Congrès international des Mathématiciens à Edinburgh en 1958 [y], et à l'exposé [8] du même auteur. Le travail [14] (cité (FAG)) de J.-P. Serre peut aussi être considéré comme un exposé intermédiaire entre le point de vue classique et le point de vue des schémas en Géométrie algébrique, et à ce titre, sa lecture peut constituer une excellente préparation à celle de nos Éléments, *** A titre informatif, nous donnons ci-dessous le plan général prévu pour ce Traité, d'ailleurs sujet à modifications ultérieures, surtout en ce qui concerne les derniers chapitres : Chapitre Premier. — Le langage des schémas. — II. — Étude globale élémentaire de quelques classes de morphismes. — III. — Gohomologie des faisceaux algébriques cohérents. Applications. — IV. — Étude locale des morphismes. — V. — Procédés élémentaires de construction de schémas. — VI. — Technique de descente. Méthode générale de construction des schémas. — VII. — Schémas de groupes, espaces fibres principaux. — VIII. — Étude différentielle des espaces fibres. — IX. — Le groupe fondamental. — X. — Résidus et dualité. — XI. — Théories d'intersection, classes de Chern, théorème de Riemann- Roch. — XII. — Schémas abéliens et schémas de Picard. — XIII. — Cohomologie de Weil. En principe, tous les chapitres sont considérés comme ouverts, et des paragraphes supplémentaires pourront toujours leur être ajoutés ultérieurement ; de tels paragraphes paraîtront en fascicules séparés, pour diminuer les inconvénients du mode de publication adopté. Lorsqu'un tel paragraphe est prévu ou en préparation au moment de la publication d'un chapitre, il sera mentionné dans le sommaire dudit chapitre, même si en raison de certains ordres d'urgence sa publication effective devait être nettement postérieure. Pour la commodité du lecteur, nous donnons dans un « Chapitre 0 » des compléments divers d'Algèbre commutative, d'Algèbre homologique, de Théorie des faisceaux, utilisés au cours des chapitres de ce Traité, qui sont plus ou moins bien connus, mais pour lesquels il n'a pas été possible de donner des références commodes. Il est recommandé au lecteur de ne se reporter au chapitre 0 qu'en cours de lecture du Traité proprement dit, et dans la mesure où les résultats auxquels nous référons ne lui sont pas ÉLÉMENTS DE GÉOMÉTRIE ALGÉBRIQUE 7 suffisamment familiers. Nous pensons d'ailleurs que de cette façon, la lecture de ce Traité pourra être pour le débutant une bonne méthode lui permettant de se familiariser avec l'Algèbre commutative et l'Algèbre homologique, dont l'étude, lorsqu'elle ne s'accompagne pas d'applications tangibles, est jugée fastidieuse, voire déprimante, par un assez grand nombre. * * * II est hors de notre compétence de donner dans cette Introduction un aperçu historique, même sommaire, des notions et résultats exposés. Le texte ne contiendra que des références jugées particulièrement utiles pour sa compréhension, et nous n'indi- querons l'origine que des résultats les plus importants. Formellement du moins, les sujets traités dans notre ouvrage sont assez neufs, ce qui expliquera la rareté des références faites aux Pères de la Géométrie algébrique du XIXe siècle et du début du XXe siècle, dont nous ne connaissons les travaux que par ouï-dire. Il convient cependant de dire quelques mots ici sur les ouvrages qui ont le plus directement influencé les auteurs et contribué au développement du point de vue des schémas. Il faut en tout premier lieu citer le travail fondamental (FAC) de J.-P. Serre, qui a servi d'introduction à la Géométrie algébrique pour plus d'un jeune adepte (dont l'un des auteurs du présent Traité), rebuté par l'aridité des classiques Foundations de A. Weil [18]. C'est là qu'il est démontré pour la première fois que la « topologie de Zariski » d'une variété algébrique « abstraite » est parfaitement appropriée pour lui appliquer certaines techniques de la Topologie algé- brique et donner lieu notamment à une théorie cohomologique. De plus, la définition d'une variété algébrique qui y est donnée est celle qui se prête le plus naturellement à l'extension de cette notion que nous développons ici (1). Serre avait d'ailleurs remarqué lui-même que la théorie cohomologique des variétés algébriques affines pouvait se transcrire sans difficulté en remplaçant les algèbres affines sur un corps par des anneaux commutatifs quelconques. Les chapitres 1 et II de ce Traité et les deux premiers para- graphes du chapitre III peuvent donc être considérés, pour l'essentiel, comme des transpositions faciles, dans ce cadre élargi, des résultats principaux de (FAC) et d'un article ultérieur du même auteur [15]. Nous avons aussi retiré grand profit du Séminaire de Géométrie algébrique de C. Chevalley [i] ; en particulier, l'usage systématique des « ensembles constructibles » introduits par lui, s'est révélé fort utile en théorie des schémas (cf. chap. IV). Nous lui avons aussi emprunté l'étude des morphismes du point (1) Ainsi que J.-P. Serre nous l'a signalé, il convient de noter que l'idée de définir la structure de variété par la donnée d'un faisceau d'anneaux est due à H. Cartan, qui a pris cette idée comme point de départ de sa théorie des espaces analytiques. Bien entendu, tout comme en Géométrie algébrique, il importerait, en « Géométrie analytique », de donner droit de cité aux éléments niipotents dans les anneaux locaux des espaces analytiques. Cette extension de la définition de H. Cartan et J.-P. Serre a été récemment abordée par H. Grauert [5], et il y a lieu d'espérer qu'un exposé systématique de Géométrie analytique dans ce cadre général verra bientôt le jour. Il est d'ailleurs évident que les notions et techniques développées dans ce Traité gardent un sens en Géométrie analy- tique, bien qu'il faille s'attendre à des difficultés techniques plus considérables dans cette dernière théorie. On peut prévoir que la Géométrie algébrique, par la simplicité de ses méthodes, pourra servir comme une sorte de modèle formel pour de futurs développements dans la théorie des espaces analytiques. 8 A GROTHENDIECK de vue de la dimension (chap. IV), qui se transcrit sans changement notable dans le cadre des schémas. Il convient de noter par ailleurs que la notion de « schémas d'anneaux locaux », introduite par Chevalley, se prête naturellement à une extension de la Géométrie algébrique (n'ayant pas cependant toute la souplesse et la généralité que nous entendons lui donner ici) ; pour les rapports entre cette notion et notre théorie, voir chapitre premier, § 8. Une telle extension a été développée par M. Nagata dans une série de mémoires [9] contenant de nombreux résultats spéciaux concernant la Géométrie algébrique sur les anneaux de Dedekind (1). *% Enfin, il va sans dire qu'un livre sur la Géométrie algébrique, et surtout un livre portant sur les fondements, est nécessairement influencé, ne serait-ce que par personnes interposées, par des mathématiciens tels que 0. Zariski et A. Weil. En particulier, la Théorie des fonctions holomorphes de Zariski [20], convenablement assouplie grâce aux méthodes cohomologiques et complétée par un théorème d'existence (chap. III, §§ 4 et 5) est (avec la technique de descente exposée au chap. VI) un des principaux outils employés dans ce Traité, et nous semble un des plus puissants dont on dispose en Géométrie algébrique. La technique générale dans laquelle elle s'insère peut être esquissée de la façon suivante (un exemple typique en sera fourni au chap. IX, dans l'étude du groupe fondamental). On a un morphisme propre (chap. II) f : X.->Y d'une variété algébrique dans une autre (plus généralement, d'un schéma dans un autre) qu'on veut étudier au voisinage d'un point J^Y, en vue de résoudre un problème P relatif à un voisinage de y. On opère par étapes successives : i° On peut supposer Y affine, de sorte que X devient un schéma défini sur l'anneau affine A de Y, et on peut même remplacer A par l'anneau local dej^. Cette réduction est toujours facile en pratique (chap. V) et nous ramène au cas où A est un anneau local. 2° On étudie le problème envisagé lorsque A est un anneau local artinien. Pour qu'il garde effectivement un sens lorsque A n'est pas supposé intègre, il y a lieu parfois de reformuler le problème P, et il apparaît que l'on obtient souvent ainsi une meilleure compréhension du problème, de nature « infinitésimale » à ce stade. 3° La théorie des schémas formels (chap. III, §§ 3, 4 et 5) permet de passer du cas d'un anneau artinien au cas d'un anneau local complet. 4° Enfin, si A est un anneau local quelconque, la considération de « sections multiformes » sur des schémas convenables sur X, approchant une section « formelle » donnée (chap. IV) permettra souvent de passer d'un résultat connu pour le schéma (1) Parmi les travaux qui se rapprochent de notre point de vue en Géométrie algébrique, signalons l'im- portant travail de E. Kàhler [22], et une Note récente de Chow et Igusa [3], qui reprennent dans le cadre de la théorie de Nagata-Chevalley certains résultats de (FAC) et donnent aussi une formule de Kùnneth. ÉLÉMENTS DE GÉOMÉTRIE ALGÉBRIQUE 9 déduit de X par extension des scalaires au complété de A, à un résultat analogue pour une extension finie assez simple (par exemple non ramifiée) de A. Cette esquisse montre l'importance de l'étude systématique des schémas définis sur un anneau artinien A. Le point de vue de Serre dans sa formulation de la théorie du corps de classes local, et des travaux récents de Greenberg, semblent suggérer qu'une telle étude pourrait être entreprise en attachant fonctoriellement à un tel schéma X un schéma X' sur le corps résiduel k de A (supposé parfait) de dimension égale (dans les cas favorables) à n dim X, où n est la longueur de A. Quant à l'influence de A. Weil, qu'il nous suffise de dire que c'est la nécessité de développer l'outillage nécessaire pour formuler avec toute la généralité voulue la définition de la « cohomologie de Weil » et pour aborder la démonstration (1) de toutes les propriétés formelles nécessaires pour établir ses célèbres conjectures en Géométrie diophantienne [19], qui a été une des principales motivations de la rédaction du présent Traité, au même titre que le désir de trouver le cadre naturel des notions et méthodes usuelles en Géométrie algébrique, et de donner aux auteurs l'occasion de comprendre lesdites notions et techniques. * * * Pour terminer, nous croyons utile de prévenir les lecteurs que, tout comme les auteurs eux-mêmes, ils auront sans doute quelque difficulté avant de s'accoutumer au langage des schémas, et de se convaincre que les constructions habituelles que suggère l'intuition géométrique peuvent se transcrire, essentiellement d'une seule façon raison- nable, dans ce langage. Comme dans beaucoup de parties de la Mathématique moderne, l'intuition première s'éloigne de plus en plus, en apparence, du langage propre à l'exprimer avec toute la précision et la généralité voulues. En l'occurrence, la difficulté psychologique tient à la nécessité de transporter aux objets d'une catégorie déjà assez différente de la catégorie des ensembles (à savoir la catégorie des préschémas, ou la catégorie des préschémas sur un préschéma donné) des notions familières pour les ensembles : produits cartésiens, lois de groupe, d'anneau, de module, fibres, fibres principaux homogènes, etc. Il sera sans doute difficile au mathématicien, dans l'avenir, de se dérober à ce nouvel effort d'abstraction, peut-être assez minime, somme toute, en comparaison de celui fourni par nos pères, se familiarisant avec la Théorie des Ensembles. * * * Les références seront données suivant le système décimal ; par exemple, dans III, 4.9.3, le chiffre III indique le chapitre, le chiffre 4 le paragraphe, le chiffre 9 la section du paragraphe. A l'intérieur du même chapitre, on supprimera la mention du chapitre. (1) Pour éviter tout malentendu, précisons que cette tâche vient à peine d'être entreprise au moment où cette Introduction est écrite, et n'a donc pas encore abouti à la démonstration des conjectures de Weil. s CHAPITRE 0 PRÉLIMINAIRES § i. ANNEAUX DE FRACTIONS 1.0. Anneaux et algèbres. (1.0.1) Tous les anneaux considérés dans ce Traité posséderont un élément unité ; tous les modules sur un tel anneau seront supposés unitaires ; les homomorphismes d'anneaux seront toujours supposés transformer l'élément unité en élément unité ; sauf mention expresse du contraire, un sous-anneau d'un anneau A sera supposé contenir Vêlement unité de A. Nous considérerons surtout des anneaux commutatifs^ et lorsque nous parlerons d'anneau sans préciser, il sera sous-entendu qu'il s'agit d'un anneau commutatif. Si A est un anneau non nécessairement commutatif, par A-module nous entendrons toujours un module à gauche, sauf mention expresse du contraire. (1.0.2) Soient A, B deux anneaux non nécessairement commutatifs, 9 : A->B un homomorphisme. Tout B-module à gauche (resp. à droite) M peut être muni d'une structure de A-module à gauche (resp. à droite) en posant a.m= <p(û) .m (resp. m. a = m. ç (a) ) ; lorsqu'il sera nécessaire de distinguer sur M les structures de A-module et de B-module, nous désignerons par M^ le A-module à gauche (resp. à droite) ainsi défini. Si L est un A-module, un homomorphisme u : L->M^j est donc un homo- morphisme de groupes commutatifs tel que u{a.x)==^{a) .u{x) pour aeA, xeï^ ; on dira aussi que c'est un ^-homomorphisme L->M, et que le couple (cp,^) (ou, par abus de langage, u) est un di-homomorphisme de (A, L) dans (B, M). Les couples (A, L) formés d'un anneau A et d'un A-module L forment donc une catégorie pour laquelle les morphismes sont les di-homomorphismes. (1.0.3) Sous les hypothèses de (i .0.2), si 3 est un idéal à gauche (resp. à droite) de A, nous noterons B^ (resp. ^B) l'idéal à gauche (resp. à droite) B(p(3) (resp. <p(3)B) de B engendré par <p(3) 5 C5est aussi l'image de l'homomorphisme canonique B®^3->B (resp. 3®^B—^B) de B-modules à gauche (resp. à droite). (1.0.4) Si A est un anneau (commutatif), B un anneau non nécessairement commutatif, la donnée d'une structure de A-algèbre sur B équivaut à la donnée d'un homomorphisme d'anneaux y : A-^-B tel que 9 (A) soit contenu dans le centre de B. Pour tout idéal 3 de A, 3B=B3 est alors un idéal bilatère de B, et pour tout B-module M, 3M est alors un B-module égal à (B3)M. (1.0.5) Nous ne reviendrons pas sur les notions de module de type fini et d''algèbre (commutative) de type fini ; dire qu'un A-module M est de type fini signifie qu'il existe 11
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