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Homo sacer. 1, Le pouvoir souverain et la vie nue PDF

222 Pages·1997·11.568 MB·French
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HOMO SACER GIORGIO AGAMBEN S CE LE POUVOIR SOUVERAIN ET LA VIE NUE Traduit de l'italien par lvIarilène Raiola Ouvrage tradllit et publié avec le concours du Centre national du livre SEUIL Ce livre est publié dans la collection «L'ORDRE PHILOSOPHIQUE» dirigée par Alain Badiou et Barbara Cassin Les directeurs de la collection « L'Ordre philosophique» remercient !\II. Yves Hersant pour son aide précieuse dans la mise au point de ce texte Titre original: Homo sacer. 1: Il potere sovrmzo e la nllda vita Éditeur: Giulio Einaudi editore © 1995, Giulio Einaudi editore s.p.a., Torino ISBN 88-06-13850-2 ISBN 978-2-02-025645-2 Seuil: R. Lar)OU'lacle © Février 1997, Éditions du Seuil pour la traduction française Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées il une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contre façon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle www.seuil.com Le droit n'a aucune existence en soi, son être est plutôt la vie même des hommes, considérée sous un aspect particulier. SAVICNY Ainsi en la recherche du droit de l'état, & du devoir des sujets, bien qu'il nefaille pas rompre la société civile, il la faut pourtant consi dérer comme si elle étoit dissoute, c'est-à-dire, il faut bien entendre quel est le naturel des hommes, qu'est-ce qui les rend propres ou incapables de former des cités, & C01mnent c'est que doivent être disposés ceux qui veulent s'assembler en un corps de république. HOBBES, De cive [trad. du XVIIe siècle par S, Sorbière] INTRODUCTION LES GRE C 5 ne disposaient pas d'un terme uIùque pour exprimer ce que nous entendons par le mot vie. Ils se servaient de deux mots qui, bien que pouvant être ramenés à une étymologie com mune, étaient sémantiquement et morphologiquement distincts: zoe, qui exprimait le simple fait de vivre, cornmun à tous les êtres vivants (arumaux, hOlllllles ou dieux), et bios, qui indiquait la forme ou la façon de vivre propre à un individu ou à un groupe. Lorsque Platon, dans le Philèbe, parle de trois genres de vie et qu'Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, distingue la vie contem plative du philosophe (bios theoretikos) de la vie qui a pour objet le plaisir (bias apolaustikos) et de la vie politique (bios palitikos), ni l'un ru l'autre n'auraient jamais pu se servir du terme zoe (qui, sigIÙfi cativement, n'a pas de pluriel en grec), pour la simple raison qu'il n'était nullement question pour eux de la simple vie naturelle, lnais d'une vie qualifiée, d'un lllode de vie particulier. Il est vrai par rapport à Dieu, d'une zoe ariste kai rtidios, d'une vie plus noble et éternelle 1072 b 28), mais c'est seu leluent parce qu'il entend souligner le fait peu banal que Dieu aussi est un être vivant (tout COlnme, dans le Inênle contexte, il se sert du terme zoe pour définir, d'une façon guère plus triviale, l'acte de l'intelligence). Parler d'une zoe politike des citoyens d'Athènes n'aurait eu aucun sens. Non que l'idée ne fût farnilière au monde antique, selon laquelle la vie naturelle, la siInple zoe comIne telle, pouvait être en soi un bien. Dans un passage de La Politique (1278b 23-31), après avoir rappelé que la fin de la cité 9 INTRODUCTION est de vivre selon le bien, Aristote s'expriIne à ce sujet avec la plus extrêlne lucidité: Telle est [le vivre selon le bien] la finalité suprême, aussi bien pour tous les hommes en COlIlll1un, que pour chacun d'eux pris séparément. Ceux-ci, toutefois, s'unissent et maintiennent la communauté politique également en vue du simple vivre, en tant qu'il y a probablement un certain bien aussi dans le seul fait de vivre [kata to zen auto monon); s'il n'y a pas un excès de difficulté dans la façon de vivre [kata ton bion], il est évident que la plupart des hommes supportent beaucoup de souf france et s'attachent à la vie [zoe] comme s'il y avait en elle une sorte de sérénité [euemeria, belle journée] et une douceur naturelle. Dans le monde classique, toutefois, la siInple vie naturelle est exclue de la polis au sens propre du terme et reste strictement confi née, cornme siInple vie reproductive, à la sphère de l' oikos (Pol. 1252 a 26-35). Au début de la Politique, Aristote distingue soigneu sement du politique 1'0ikonomos (le chef d'une entreprise domes tique) et le despotes (le chef de famille), qui s'occupent de la repro duction de la vie et de sa préservation, et se moque de ceux qui pensent que leur différence est de quantité et non d'espèce. Et quand, dans un passage qui devait prendre une valeur canonique dans la tradition politique occidentale, il définit le but de la cornmu nauté parfaite, il oppose justelnent le simple fait de vivre (to zen) à la vie politiquement qualifiée (to eu zen): ginomene men oun tou zen heneken, ousa de tou eu zen, «engendrée en vue de la vie, mais exis tant essentiellernent en vue du bien vivre» (selon la traduction latine de Guillalune de qu'avaient sous les yeux aussi bien saint Thomas que Marsile de Padoue: quidem igitur vivendi existens nutem gratin bene vivendi). Il est vrai qu'un très célèbre passage de cette même œuvre défi lùt l'hornme comlne politikon zoion (1253 a 4), Inais ici, outre le fait que dans la prose attique le verbe bionai n'est pratiquement pas uti lisé au présent, le tern1e « politique» n'est pas un attribut du vivant conune tel, n1ais une différence spécifique qui détermine le genre zoon. lnunédiatement après, du reste, la société hUlnaine est dis tinguée de celle des autres vivants en tant qu'elle est fondée, par un 10 INTRODUCTION supplément de politicité lié au langage, sur une communauté de bien et de n1al, de juste et d'injuste, et non simplen1ent d'agréable et de douloureux. C'est en référence à cette définition que Michel Foucault, à la fin de La Volonté de savoir, résume le processus à travers lequel, au seuil de l'époque moderne, en revanche, la vie naturelle commence à être intégrée dans les mécanismes et les calculs du pouvoir éta tique, la politique se transformant en bio-politique: «L'hornme, pendant des millénaires, est resté ce qu'il était pour Aristote: un animal vivant et de plus capable d'une existence politique; l'homme moderne est un animal dans la politique duquel sa vie d'être vivant est en question» (Foucault 1, p. 188). Selon Foucault, le «seuil de rnodernité biologique» d'une société se situe là où l'espèce et l'individu en tant que simple corps vivant deviennent l'enjeu des stratégies politiques. A partir de 1977, dans ses cours au Collège de France, Foucault cornrnence à définir le passage de 1'« État territorial» à 1'« État de population» et l'accroissement vertigineux de l'irnportance de la vie biologique et de la santé de la nation, en tant que problème spécifique du pou voir politique, qui se transforrne désormais progressivelnent en « gouvernement des hommes» (Foucault 2, p. 719). « Il en résulte une sorte d'animalisation de l'hOlnme effectuée par les techniques politiques les plus soplùstiquées. Alors apparaissent dans l'his toire aussi bien la n1l11tiplication des possibilités des sciences hun1aines et sociales, que la possibilité simultanée de protéger la vie et d'en autoriser l'holocauste. »En particulier, le développement et le triOll1phe du capitalislne n'auraient pas été possibles, dans cette perspective, sans le contrôle disciplinaire réalisé par le nouveau par une série de technologies s'est créé pour ainsi dire les «corps dociles» dont il avait besoin. D'autre part, à la fin des années cinquante (c'est-à-dire presque vingt ans avant La Volonté de savoir), Hannah Arendt avait déjà analysé dans The Human Condition le processus qui conduit l'homo laborans et, avec lui, la vie biologique connne telle à occuper pro gressivement le centre de la scène politique de la modernité. C'est précisén1ent à ce prinlat de la vie naturelle sur l'action politique Il

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