Homélies du Père RENE PICHON ANNEE 2005 ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT Matthieu 3, 13-17 Jésus, arrivant de Galilée, paraît sur les bords du Jourdain, et il vient à Jean pour se faire baptiser par lui. Jean voulait l'en empêcher et disait : "C'est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c'est toi qui viens à moi !" Mais Jésus lui répondit : "Pour le moment, laisse-moi faire ; c'est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste." Alors Jean le laisse faire. Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l'eau ; voici que les cieux s'ouvrirent, et il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour." HOMELIE DU DIMANCHE 9 JANVIER 2005 Matthieu 3, 13 – 17 La fête du Baptême de Jésus est pour nous tous l’occasion de faire le point sur notre propre baptême, notre propre vie de baptisés . Vivons-nous notre baptême ? Comment mieux vivre notre baptême, c’est à dire tout simplement comment progresser dans la vie Chrétienne ? Etre Chrétien ce n’est pas être statique mais être en chemin, en route , en perpétuelle progression , c’est sans cesse faire des pas nouveaux, passer des caps . Au début de cette année 2005, je vous invite à faire un bilan de vie Chrétienne pour voir quel cap passer en priorité . Je vous propose sept caps possibles : le cap intellectuel, le cap moral, le cap spirituel, le cap personnel, le cap communautaire, le cap actif, le cap missionnaire . · Vivre son baptême, progresser dans la vie Chrétienne, c’est passer le cap intellectuel de la Foi , c’est à dire mieux réfléchir sur la Foi, sur toutes les questions possibles qu’on peut poser à la Foi . Etre Chrétien ce n’est pas se contenter de la Foi du charbonnier qui croit sans comprendre, c’est essayer comme le disait St Augustin de « comprendre pour croire et de croire pour comprendre ». Oui sans cesse posons- nous des questions pour que notre Foi soit plus éclairée, plus lucide, plus intelligente, plus forte . Posons-nous des questions personnellement, posons-nous des questions ensemble, la catéchèse inter générations sur Aix est faite pour ça, et je me réjouis de son succès . Posons-nous des questions avec l’Eglise, avec le Monde comme en ce moment après la catastrophe de l’Asie : pourquoi Dieu permet-il de telles cataclysmes, avec des milliers de victimes innocentes, pourquoi Dieu n’intervient-il pas, pour quoi le monde est-il si mal fait ?… Ces questions éprouvent notre Foi mais il faut nous les poser pour que la Foi grandisse intellectuellement en nous . · Vivre son baptême, progresser dans la vie Chrétienne, c’est passer le cap moral de la Foi, c’est à dire mieux nous comporter en Chrétien dans toute notre vie . Dans notre comportement quotidien qu’est-ce qui mérite une amélioration ? Qu’est-ce qui est loin d’être Chrétien, d’être conforme aux valeurs évangéliques ? Pour répondre il suffit de lire l’Evangile, le Sermon sur la Montagne par exemple , ou tout simplement il suffit d’écouter notre conscience et nous verrons qu’il y a mille choses à améliorer pour passer un cap dans notre vie Chrétienne . Alors parmi ces mille choses à améliorer, quelle est la plus importante, la plus urgente ; oui dans quel domaine de notre vie, sur quel aspect de notre comportement y a-t-il urgence à passer un cap moral ? · Vivre son baptême, progresser dans la vie Chrétienne, c’est passer le cap spirituel de la Foi, c’est à dire plus prier, plus entrer en relation avec Dieu pour que Dieu devienne pour nous Présence d’Amour, pas une idée, pas une image, pas une hypothèse, mais Quelqu’un de proche, d’aimant, une lumière, une force, une voix qui nous dit , comme à Jésus le jour de son baptême : « Tu es mon Fils Bien-Aimé » , je suis là avec toi pour toujours ! Sommes-nous assez priants, vivons-nous assez la prière comme une rencontre d’Amour ? quel cap passer pour y parvenir, pour que les Cieux s’ouvrent et que Dieu se fasse proche de nous, comme on l’a répété à Noël cette année, nous qui, parmi toutes les autres religions, avons cette originalité de croire à la proximité intime de Dieu avec chacun ! · Vivre son baptême, progresser dans la vie Chrétienne , c’est passer le cap personnel de la Foi , c’est à dire faire de la Foi une affaire personnelle, une décision personnelle, une expérience personnelle . Si pour nous la Foi est un héritage, une tradition familiale, une culture, la culture ambiante de notre milieu de vie, ce n’est pas suffisant pour nous dire Chrétiens . Etre Chrétien c’est dire « Je » : « Je crois parce que j’ai décidé de croire , je crois parce que j’ai fait l’expérience de Dieu dans ma vie et pas seulement parce qu’on m’en a parlé, je crois surtout parce que je suis unique aux yeux de Dieu et parce qu’étant unique, j’ai quelque chose d’original à apporter aux autres, une différence qui me constitue et dont je dois les enrichir » . Passer le cap personnel de la Foi, c’est pouvoir dire à Dieu , aux autres, à soi-même : « Voilà ma différence et je vous l’apporte » Avez-vous conscience de votre différence, pouvez-vous dire votre différence tant sur le plan humain que Chrétien ?. Tant que vous ne pouvez pas le dire, c’est que votre Foi n’est pas personnelle et que vous avez ce cap à passer . · Vivre son baptême, progresser dans la Foi Chrétienne, c’est passer le cap communautaire de la Foi, c’est à dire mieux appartenir à une Communauté capable de nous porter, de nous stimuler dans la Foi . On ne peut pas être Chrétien tout seul . Tout seul on se construit son dieu à soi , on se fait sa religion à soi, c’est d’ailleurs un peu la mode aujourd’hui . Et puis tout seul, on peut se laisser aller, se décourager, se démotiver . Si on appartient à une Communauté qui nous porte, alors on est stimulé, encouragé et Dieu devient le vrai Dieu, le Dieu de tous et pas le Dieu qui nous arrange et qu’on imagine selon ses goûts personnels et parfois ses illusions ! Alors comment passer le cap communautaire de la Foi, quelle est notre Communauté Chrétienne de référence, et comment y être plus adhérent, plus participant ? Après son baptême, Jésus a appelé ses disciples , car son premier travail a été de construire la Communauté apostolique Etre Chrétien, être disciple de Jésus, c’est donc appartenir effectivement à une Communauté ressemblant à celle de Jésus, celle des Apôtres . · Vivre son baptême, progresser dans la vie Chrétienne , c’est passer le cap actif de la Foi, c’est à dire avoir une Foi qui passe aux actes. Comme le dit St Jacques : « La Foi qui n’agit pas est une Foi morte » . Quelles sont les actions que nous pourrions mener au nom de notre Foi ou si vous le voulez quelles responsabilités ou quels engagements pourrions-nous prendre pour que notre Foi soit agissante ponctuellement ou sur un long terme, ou si vous le voulez encore, quels projets bâtir pour rendre notre Foi agissante ? . Actions, responsabilités, engagements, projets, peu importe les mots, mais ce sont ces mots qui nous permettent de passer le cap actif de la Foi ! Pour réveiller notre Foi en ce moment, quelle priorité nous donner pour la rendre agissante, c’est à dire quelle action urgente décider, quelle responsabilité urgente ou quel engagement urgent prendre, quel projet urgent faudrait-il bâtir ? · Enfin, vivre son baptême, progresser dans la vie Chrétienne, c’est passer le cap missionnaire de la Foi , c’est à dire chercher à la rayonner, à l’apporter, à la donner aux autres , à tous ceux qui ne la partagent pas. On n’a pas la Foi pour soi, mais pour les autres . Plus on a la Foi, plus on a envie de la donner aux autres, car c’est une bonne nouvelle, un trésor . Passer le cap missionnaire, c’est pouvoir dire : « Désormais mon champ missionnaire c’est là, dans tel groupe, tel milieu de vie . Je vais témoigner de ma Foi, en parler, la proposer, la montrer d’abord au milieu de ces personnes-là. Dieu compte sur moi pour se révéler là, se proposer là…à moi d’assumer cette Mission, car si je ne la remplis pas, personne d’autre ne le fera à ma place : Dieu m’envoie, me fait confiance, compte sur moi pour être son témoin, son visage… » L’année 2005 vient de commencer : sera-t-elle pour nous un chemin de Foi, une progression dans notre vie de Chrétiens et de Baptisés ? Nous sommes au temps des résolutions et des projets pour l’année nouvelle . L’Esprit de Dieu, c’est à dire la Lumière et la Force de Dieu descend sur Jésus le jour de son Baptême . Que l’Esprit de Dieu descende sur nous durant cette Eucharistie pour nous aider à voir quel est le cap de la Foi Chrétienne le plus important à passer cette année , et pour nous donner la force de prendre les moyens de passer ce cap, afin que notre Foi et toute notre vie Chrétienne soient plus intellectuelles, plus morales, plus spirituelles, plus personnelles, plus communautaires, plus actives, plus missionnaires . Oui prenons les moyens de mieux vivre notre baptême pour que les Baptisés soient Signes aujourd’hui du Dieu Vivant, et visages actuels du premier des Baptisés dans l’Esprit : Jésus le Fils Bien-Aimé du Père . AMEN ! ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT Jean 1, 29-34 29 Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit : "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ; 30 c'est de lui que j'ai dit : derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était. 31 Je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il soit manifesté au peuple d'Israël." 32 Alors Jean rendit ce témoignage : "J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. 33 Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint. 34 Oui, j'ai vu et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu." HOMELIE DU DIMANCHE 16 JANVIER 2005 Jean 1 29 – 34 L’Evangile que nous venons d’entendre est difficile, vraiment difficile, je dirais presque catastrophique . Face à un tel Evangile, comment réagissent les Chrétiens habituellement, surtout les plus jeunes générations ? J’entends leurs réactions : « Je ne comprends rien , ça ne me dit rien, ça ne m’apporte rien…donc je prends mes distances…Je ne vais plus au caté, à l’Aumônerie…Je ne vais plus à l’église » Depuis plusieurs années beaucoup de gens, surtout les jeunes adultes, les jeunes, les enfants ont déserté nos lieux de réunion et nos églises à cause de tels textes : « Je ne comprends rien…ça ne m’apporte rien, donc j’arrête, donc je quitte… » Et voilà que diminue partout le nombre d’enfants au catéchisme , le nombre de jeunes dans les aumôneries, le nombre de Chrétiens pratiquants, pendant que les sectes et les autres religions prennent de l’ampleur autour de nous . Il est vrai – je l’ai vu avec les parents de CE 2 cette semaine – que l’Evangile de ce jour est particulièrement hermétique : « L’Agneau de Dieu », qu’est-ce que ça veut dire ? « Enlever le péché du monde », qu’est-ce que ça veut dire ? « Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était… » Qu’est-ce que ça veut dire et qu’est-ce que ça peut m’apporter ? « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe » ! Qu’est-ce que ça veut dire ? « Le Baptême dans l’eau, le Baptême dans l’Esprit- Saint » qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça peut m’apporter ? Comment comprendre la Bible et tout ce qu’on raconte à l’Eglise ? Et surtout comment être touché pour que ça nous apporte quelque chose de profond, d’intérieur, de spirituel ? Comment comprendre ? C’est relativement facile : il suffit de lire et de relire ; si on ne comprend pas , il faut rejoindre un groupe avec qui on discute : c’est la vocation d’un groupe de catéchisme, d’aumônerie, de paroisse . Si on ne comprend pas encore, il faut aller se faire expliquer par quelqu’un qui comprend, un spécialiste, mieux un témoin puisque c’est le mot de la fin de l’Evangile . Un témoin c’est un catéchiste, un animateur, un Prêtre, quelqu’un de formé qui comprend la Bible mieux que nous , et surtout essaie de vivre son message . Il nous expliquera, il nous éclairera ! Se faire expliquer pour comprendre, tout le monde l’admet volontiers. Mais comment être touché pour que ça nous apporte quelque chose de profond, d’intérieur, de spirituel ? Là est le vrai problème de la Foi . Les parents ont dit d’autres mots que j’ai bien aimés pour dire l’effet spirituel qu’on souhaiterait voir produire en nous par la Bible : la Bible, dans la Bible n’importe quel texte, n’importe quelle phrase, n’importe quel mot doivent être un « appel », une « révélation », un « déclic », une « extase », même certains ont dit, une « émotion spirituelle » , un « élan » , une « force », un « ressenti » , « une sensation », mieux même : une « mise en Présence » Voilà l’effet magnifique que la Bible et n’importe quel Evangile devrait produire : ce qui a été raconté il y a 2000 ans comme une histoire lointaine et extérieure, je le ressens maintenant en moi, et devient mon histoire proche et intérieure . C’est ça la Bible et l’Evangile . : tout ce qui est raconté doit se passer en moi, c’est donc merveilleux ! Ce Dieu dont on parle, ce Jésus qui parle, agit, aime, se donne est là maintenant en moi, et il m’ouvre un monde spirituel que je n’imaginais pas ; en moi il y a beaucoup plus que moi, un monde infini, le monde de Dieu, le monde de Jésus Vivant… Comment, en lisant la Bible, en écoutant un Evangile, arriver à ce que j’appellerais ,pour résumer tous les mots de tout à l’heure « une expérience spirituelle » , comment faire l’expérience de Dieu et de Jésus vivant maintenant en moi ? Le Baptême dans l’Esprit c’est cela . Le Baptême dans l’eau, c’est un geste d’appartenance extérieur : je reçois l’eau du Baptême sur le front pour dire que j’appartiens désormais au Peuple des Chrétiens . Mais le Baptême dans l’Esprit c’est autre chose : c’est faire l’expérience de Dieu et de Jésus Vivant . C’est l’appel, la révélation, l’extase , le déclic , l’émotion, la mise en présence, l’expérience de Dieu…Comment arriver à ça ? Pour vous l’expliquer , je vais vous raconter une de mes rencontres de cette semaine, la visite au Presbytère du pasteur de l’Eglise Evangélique du Boulevard Wilson . Il est venu me voir pour faire connaissance, et surtout pour me dire cela : « Notre communauté évangélique grandit, nous sommes 200 à 250 régulièrement le Dimanche et plusieurs fois par semaine, est-ce que vous ne nous loueriez pas une de vos églises, et même nous serions prêts à acheter une de vos églises puisque certaines sont inoccupées et fermées presque tout le temps ? »…Voilà le problème de l’Eglise Catholique : nous sommes prêts à louer et même à vendre des églises puisqu’elles sont inoccupées et que les pratiquants diminuent…des diocèses l’ont déjà fait ! J’ai répondu au pasteur : « C’est vrai que la question se pose à Aix les Bains de louer certaines de nos églises, peut-être pas de les vendre, mais de les louer . Je lui ai même dit que des Musulmans étaient déjà venus me poser la question et que la Mairie d’Aix les Bains , pour d’autres raisons, était intéressée par l’occupation de nos bâtiments » A partir de cette demande j’ai demandé au Pasteur quel était son parcours dans la Foi . Je vais vous le résumer, car il correspond parfaitement à la question de l’élan , de l’appel, de l’expérience spirituelle et même du Baptême dans l’Esprit . « Jusqu’à 30 ans, m’a- t-il dit, la religion ne m’a jamais intéressé . J’étais baptisé catholique, mais je n’étais pas Chrétien, notez bien la nuance…Le Baptême pour moi, j’espère ne pas vous choquer, m’a-t-il dit, c’était comme un coup de tampon administratif , mais je n’ai jamais rien ressenti à l’intérieur de moi, rien vécu, je n’ai jamais adhéré, j’ai vécu sans ça . J’avais tout pour réussir ma vie , une famille, une belle situation professionnelle , j’étais sportif et pratiquais le hand-ball à un haut niveau national, je faisais de la montagne, j’avais beaucoup d’argent, de loisirs, rien ne me manquait . Et puis un jour à 30 ans , par hasard, à la sortie d’une réunion , quelqu’un m’a donné un Evangile et m’a dit : « Lis ça ! » J’a lu, relu, trois, quatre fois entièrement tout le Nouveau Testament, les Evangiles, les Lettres, l’Apocalypse : ça m’intéressait , mais « ça ne me touchait pas » . Et j’ai relu encore : toujours pareil. Pourquoi je relisais, j’insistais ? Je ne sais pas . Et puis un jour je me suis dit : « Pourquoi ne pas lire l’Ancien Testament ? » Et voilà qu’en lisant l’Ecclésiaste, je suis tombé sur cette phrase bien connue : « Vanité des vanités, tout est vanité, tout est vide… » Ce fut le déclic, l’illumination, la révélation ! Ma vie d’un coup me paraissait entièrement vide, creuse, et d’un coup en même temps Jésus me semblait Vivant en moi… Ce Jésus dont j’avais lu et relu l’Histoire tant de fois dons l’Evangile , ce Jésus devenait Présence Vivante en moi . Je le ressentais là en moi, me donnant sa Lumière, sa Force, sa Présence et je m’ouvrais à un monde spirituel, vaste, infini, inconnu de moi jusqu’alors . Je me suis dit qu’il fallait voyager dans ce monde intérieur, l’inventorier, l’étudier, l’approfondir ..J’ai donc cherché l’aide d’une religion Chrétienne et le hasard a voulu que, parlant de mon besoin dans un cercle d’amis, quelqu’un m’a dit : « Tu n’as qu’à venir avec moi » . C’est comme ça que je suis entré dans l’Eglise Evangélique » . Je ne vais pas prolonger cette histoire, mais je vous l’ai racontée pour dire ce qu’est le déclic, l’émotion, la mise en présence, l’expérience spirituelle et pour dire que je n’en n’ai pas le monopole, ni même les Catholiques, mais que tout le monde peut connaître ce cadeau de Dieu . Pour connaître cela, pour que jaillisse l’étincelle de Dieu , il faut le choc entre deux choses : la Bible, un texte, une phrase, une image, une idée, un mot même…et notre vie, notre vie profonde ! « Vanité des vanités… Ma vie apparemment si pleine et pourtant si vide…et Jésus plénitude de vie au contraire « a reconnu le Pasteur ! » . Pour que toute la Bible nous parle, pour que, par exemple, l’Evangile d’aujourd’hui nous parle, il n’y a pas d’autre chose à faire : lire, relire le texte, s’arrêter sur un mot, une idée, une image…et confronter cela à ce que je vis, à ma vie maintenant ! Sans cesse faire jouer ces deux questions : « Qu’est-ce que ça veut dire ? » et « Qu’est-ce que je vis, qu’est-ce que je devrais vivre ? » Par exemple, et nous l’avons fait avec les Parents, nous pouvons nous arrêter sur le mot « Agneau de Dieu » et nous dire : « Est-ce que, dans mon rapport aux autres je me comporte comme un loup féroce et sans pitié ou comme un agneau, comme cet agneau qu’a été Jésus qui s’est livré en sacrifice sur la Croix, plutôt que de répondre à la violence par la violence , à la haine par la haine ? Si Dieu est Agneau sans force , alors je comprends qu’il n’empêche pas les catastrophes, les tsuniamis , les victimes innocentes, mais qu’il est avec les victimes une Présence pour soulager et non une puissance pour empêcher le Mal. Nous pouvons nous arrêter sur l’expression : « Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi, car avant moi il était » et nous demander : « Est-ce que j’ai assez d’humilité et de simplicité pour faire passer avant moi ceux qui sont plus importants que moi, ou est-ce que je m’impose partout et suis mon seul centre d’intérêt et d’importance ? . Nous pouvons nous arrêter bien sûr sur l’expression « Baptême dans l’Esprit » pour nous demander tout comme le Pasteur : « J’ai été baptisé dans l’eau, mais est-ce que je suis vraiment Chrétien, est-ce que j’ai été baptisé dans l’Esprit, est-ce que j’ai fait l’expérience de Jésus Vivant et celle d’entrer dans un monde spirituel en moi que j’ignorais et qui me comble ? Comment faire cette expérience ? Face à la Bible et à l’Evangile il n’y a pas d’autre chose à faire : lire, relire, ruminer les textes, les paroles, les confronter à notre vie et attendre, attendre l’illumination, la révélation, l’émotion, l’appel, la mise en Présence . Alors oui, ne disons pas trop vite : la Bible je n’y comprends rien et ça ne m’apporte rien ; essayons ensemble de comprendre et prenons les moyens de nous laisser toucher pour dire comme Jean-Baptiste : « J’ai vu l’Esprit de Dieu descendre en moi, j’ai fait l’expérience de l’Esprit et je reconnais Jésus, l’Agneau de Dieu, Vivant là en moi. Oui, c’est lui le Fils de Dieu, c’est lui qui en moi m’ouvre à Dieu et me comble de tout ce qu’ est Dieu Je crois en lui, je veux vivre de lui » AMEN ! ÉVANGILE DE JÉSUS CHRIST SELON SAINT Matthieu 4, 12-23 12 Quand Jésus apprit l'arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée. 13 Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. 14 Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe : 15 Pays de Zabulon et pays de Nephtali, 16 route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée, toi le carrefour des païens : 17 le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée. 18 A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : "Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche." 19 Comme il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c'étaient des pêcheurs. 20 Jésus leur dit : " Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes." 21 Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. 22 Plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée et son frère Jean, qui étaient dans leur barque avec leur père, en train de préparer leurs filets. Il les appela. 23 Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent. 24 Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple. HOMELIE DU 23 JANVIER 2005 Matthieu 4 12 – 23 Tout au long de ces semaines de Janvier, je remets entre les mains de jeunes parents l’Evangile du Dimanche et je leur dis : « Qu’est-ce que vous comprenez et qu’est-ce que vous ne comprenez pas ? » et surtout « Qu’est-ce qu’il vous apporte ? En quoi vous touche-t-il ? » Cette semaine j’ai donc présenté l’Evangile que vous venez d’entendre à des parents de CE 2 et CM 1 des Parents du Bord du Lac . J’ai été très étonné et très intéressé par leurs réponses : ils m’ont dit, en résumé, que dans cet Evangile il y avait à la fois tout ce qu’ils aiment bien et tout ce qu’ils n’aiment pas dans la religion Chrétienne . Jamais je n’avais lu l’Appel des Disciples avec cette grille d’interprétation et je vais donc le faire avec vous pour essayer de répondre à cette question capitale qui vous intéresse tous : « A quelles conditions la religion Chrétienne peut-elle intéresser les jeunes parents et les jeunes d’aujourd’hui ? » Au moins 5 choses m’ont étonné … · Mon premier étonnement a été de voir qu’ils faisaient deux interprétations opposées de la phrase de Jésus : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes » Certains y ont vu un appel de Jésus laissant libres de répondre et d’autres au contraire un ordre de Jésus , et cela les a gênés, un ordre de Jésus imposant sa volonté , exigeant une obéissance immédiate et totale…Voilà un premier débat possible auquel je n’avais jamais pensé : l’Appel de Jésus aux disciples et donc à nous , est-il une invitation , une proposition, une sollicitation nous laissant libres ? ou un ordre, une directive, une obligation ? « Vous devez me suivre, sinon gare à vous ! » Evidemment si c’est un ordre, une directive , une obligation, les jeunes générations se rebiffent et rejettent ce qu’on veut leur imposer . Elles ne veulent pas que la religion dicte et impose ce qu’il faut penser, croire, faire, elles veulent que la religion les fasse réfléchir, éclaire leur conscience sans se substituer à elle ; leur donne des repères pour croire, des valeurs pour agir, bref soit une aide pour penser, faire, croire, et non des obligations et des contraintes imposées ! Voilà pourquoi la religion Chrétienne doit de plus en plus être, selon l’expression du philosophe Marcel Légaut , une religion d’appel et non d’autorité , une religion qui invite, propose, et non une religion qui ordonne, dirige, éventuellement condamne . Etre une religion d’appel, ce n’est pas dire : « Voilà ce que vous devez penser, croire, faire » mais « venez avec nous et nous vous aiderons à penser, croire, faire » ou même mieux : « Voulez-vous venir avec nous ? Nous vous invitons, nous vous proposons de venir…mais vous êtes libres de dire oui ou non, de choisir votre degré d’adhésion, votre rythme de participation ! » C’est comme cela que Jésus a appelé : il n’a pas ordonné, il a invité…les Apôtres ont suivi, le jeune homme riche a dit non . Jésus a laissé libre et donc la religion Chrétienne doit être de plus en plus une religion d’appel et de liberté . C’est en tout cas ce que disent le jeunes : « Dans la religion Catholique on est libre et on aime cette liberté…Il n’y a pas d’obéissance passive à un guru comme dans les sectes , il n’y a plus la pression de la famille, de la race, du pays…on est libre… » . Oui, notre religion Chrétienne est de plus en plus une religion de liberté. Cela explique qu’il y a moins de monde qu’avant, mais au moins notre religion est vraie, la Foi devient de plus en plus comme celle de Pierre, Jacques, Jean, André : elle devient la réponse libre à un appel, un choix, une décision…libre et vraie. · Mon deuxième étonnement a été la réaction plutôt négative des parents à l’image que je trouve personnellement très belle de « pêcheurs d’hommes » . Certains y ont vu la belle image du rassemblement , et beaucoup plus l’idée négative d’enfermement. Pour beaucoup les filets enferment , rendent prisonniers, plus qu’ils ne rassemblent . Les Parents ont donc dit : « L’Eglise ne doit pas nous enfermer, nous donner des œillères, nous replier sur nous et nos Communautés, comme le font les sectes ; elle doit nous ouvrir, nous ouvrir aux autres, elle doit nous ouvrir à d’autres idées, aux autres comportements, aux autres religions, à l’Universel . Elle doit nous rassembler dans nos Communautés pour le partage, la solidarité, l’entraide humaine et spirituelle , pour des échanges, des discussions, des célébrations où l’on se porte les uns les autres, où l’on s’encourage à donner le meilleur de nous-mêmes…tant sur le plan humain que dans la Foi . Mais nos Communautés doivent, en même temps, s’ouvrir et nous ouvrir . La religion doit aller avec l’ouverture et non l’enfermement » . Cela veut dire qu’elle doit être « Catholique » , car le mot catholique veut dire justement ouverture à l’universel, à tous les hommes et à tout l’homme ! Que notre religion soit de plus en plus catholique, de plus en plus ouverte ! · Mon troisième étonnement a été, non l’admiration mais la méfiance des Parents devant la puissance de l’Appel de Jésus . « Aussitôt laissant leurs filets ils le suivirent… » « Peut-on et doit-on lâcher d’un coup ? » ont-ils demandé ? Est-ce possible et n’est-ce pas dangereux de suivre le premier venu sans réfléchir, sans prendre du recul, sans peser le pour et le contre, mesurer les risques ? N’est-ce pas de l’aveuglement semblable à celui de ceux qui, du jour au lendemain abandonnent tout pour suivre les yeux fermés le guru d’une secte qui va les entraîner à faire n’importe quoi et parfois le pire . Pour les Parents, et je crois qu’ils ont raison, la Foi ne va pas à l’aveuglement mais avec le cheminement, avec la réflexion et non la précipitation , avec la lucidité, la prudence, la mesure, le temps, l’histoire ; que la religion aide à cheminer et non à aveugler, qu’elle soit une histoire longuement mûrie et non un coup de cœur, un coup de sang, un coup de foudre, bref un saut dans le vide ! · Mon quatrième étonnement, et là ce n’est pas une réaction négative des Parents par rapport au texte, mais une approbation : les Parents ont approuvé, applaudi la démarche personnelle et diversifiée des Apôtres, nous invitant à voir dans la religion une demande personnelle et diversifiée à vivre et non un mouvement collectif et uniforme à subir . C’est vrai que dans la plupart des religions, on le voit encore aujourd’hui dans certaines , la religion apparaît comme un mouvement collectif et uniforme : on fait tous les mêmes gestes en même temps, on pratique tous en même temps, dans le même endroit, on se pousse , on s’oblige tous à adhérer à la religion du pays ou du milieu ambiant. Ce n’est pas ça la religion Chrétienne, la religion de Jésus-Christ , et l’Evangile de ce Dimanche en est l’illustration parfaite : Jésus appelle personnellement par leurs prénoms, Pierre, Jacques, Jean, André…Chacun répond personnellement et avec ses différences, il n’y a pas de mouvement collectif, chacun répond avec ce qu’il est , son caractère, sa personnalité, son histoire, ses qualités, ses défauts, son degré plus ou moins fort d’adhésion . Tout au long de l’Evangile Jésus va appeler personnellement de nombreuses personnes, mais aucune ne va répondre de la même manière : Pierre n’est pas Jean, André n’est pas Zachée, ni le Centurion ou la Samaritaine …Le paralytique n’est pas l’aveugle-né, ni le dixième lépreux guéri . Chacun répond ou ne répond pas d ‘ailleurs, chacun répond personnellement et avec sa différence . C’est ça la religion Chrétienne, une religion d’Appel, mais d’appel personnel qui suscite des réponses diversifiées . C’est dire que la religion Chrétienne n’est pas uniforme ou incolore, mais multiforme et prend toutes les couleurs et toutes les différences des croyants qui adhèrent à elle . · Mon cinquième étonnement dont je me réjouis car je n’y avais jamais pensé, c’est la remarque des parents me disant que Jésus n’avait appelé que des hommes mûrs, ni des enfants, ou des trop jeunes , ni des trop âgés Dans l’Evangile d’aujourd’hui on ne parle pas des enfants, et Jésus n’appellera jamais à sa suite des enfants pour être ses disciples . Par contre, dans l’Evangile de ce jour il y a des personnes âgées, notamment Zébédé le père de Jacques et Jean, et il n’est pas appelé comme si Jésus voulait nous dire : « N’attendez pas d’être trop vieux pour me suivre, c’est dans la pleine force de l’âge que je vous appelle ! » On peut en déduire que la religion de Jésus, la religion Chrétienne n’est pas faite , d’abord pour les enfants ou les personnes âgées, mais pour les Adultes, les hommes et les femmes d’âge mûr parce que la Foi avec la maturité, avec l’âge où l’on a des responsabilités, où l’on donne de soi, où l’on essaie d’être utile et de faire de sa vie quelque chose . Oui, la religion va avec la force de la vie, car elle incite à faire de sa vie un don au moment où l’on a le plus de forces et de moyens ! La religion ne doit pas investir seulement dans l’enfance et la vieillesse, mais aussi et surtout dans l’âge mûr . L’Evangile de ce Dimanche ainsi interprété avec les réactions des Parents m’invite donc à vous lancer cet appel : ne laissons pas notre religion Chrétienne péricliter mais modernisons-là pour qu’elle intéresse tous les âges de la vie : qu’elle soit une religion d’appel, une religion d’ouverture, une religion de cheminement, une religion personnelle et diversifiée, une religion de maturité . Tant pis si nous avons moins de monde mais misons sur la liberté plus que sur l’autorité : Jésus n’a pas voulu faire du nombre mais du vrai, du fort, du solide . Que notre religion soit vraie pour être forte et solide . AMEN !
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