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Histoire de la Martinique. Tome 2: De 1848 à 1939 PDF

258 Pages·1996·8.23 MB·French
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Preview Histoire de la Martinique. Tome 2: De 1848 à 1939

HISTOIRE DE LA MARTINIQUE ARMAND NICOLAS HISTOIRE de la MARTINIQUE De 1848 à 1939 Tome 2 L'Harmattan L'Harmattan Inc. 55,rue Saint-Jacques 5-7,rue del'École Polytechnique 75005 Paris - FRANCE Montréal (Qc) -CANADA H2Y lK9 Cet ouvrage a étépublié avec le concours du Conseil Régional de la Martinique En couverture: Le travail de la canneà l'usine du Galion, vers 1895. Photo JM Leguay, collection du Bureau du Patrimoine du Conseil Régional de la Martinique. @ L'Harmattan, 1996 ISBN: 2-7384-4860-7 Au lecteur Mon projet initial était de publier cet ouvrage en un seul volume. Mais il aurait été trop volumineux ettrop coûteux. Aussi pour le rendre plus facile àlire etIX>urenpermettre l'accès àtous, en quelque sorte par étape, j'ai finalement penché en faveur de la parution en 2tomes. La coupure n'a pas été difficile ni artificielle dans la mesure où je pouvais l'effectuer de manière équilibrée, sans problème, au principal tournant de l'Histoire de la Martinique, c'est-à-dire à l'abolition de l'esclavage en 1848. Toutefois cet ouvrage forme un tout et les 2tomes sont intime- ment liés. Le peuple martiniquais est issu de la rencontre de plusieurs civilisations, d'un extraordinaire brassage de races au cours de contacts de 3 siècles. L'ancêtre amérindien a laissé quelques traces, même s'il a été exterminé une vingtaine d'années après l'arrivée des colons français. L'ancêtre africain, puis indou, a été arraché à sa terre lointaine pour féconder de sa sueur et de son sang d'esclave le sol martiniquais. L'ancêtre européen a été le «conquistador» qui a marqué le pays de sa forte empreinte de dominateur. Comment de ces contacts, lentement, au travers des luttes sociales, des affrontements guerriers et du vécu quotidien se for- ment nos structures économiques, notre société, notre mentalité, nos caractéristiques culturelles? Le lecteur qui, pour le savoir, commencerait sa quête en 1848 (parfois par peur ou par «honte» de son passé) escamoterait sans doute l'essentiel. L'aujourd'hui martiniquais ne peut se com- prendre pleinement sans plonger le regard dans ces 2 siècles de colonisation qui ont précédé l'abolition de l'esclavage. C'est dire qu'entre les 2tomes ilexiste une totale et nécessaire continuité. Ilfaut s'en pénétrer pour avoir cette vision globale de l'Histoire martiniquaise, sans laquelle on ne peut l'assumer plei- nement. 5 N OE E GdRivière o~ ~ ~ S ~~ < ~~ ~.; p~ ~ MER DESCARAÏBES ----- Umite Nord Insurrection du Sud La Martinique en 1900 CHAPITRE PREMIER 1repartie LA BOURGEOISIE DE COULEUR A LA - CONQUÊTE DE LA CITÉ (1848 1900) Ainsi le 22 mai 1848le soulèvement général des esclaves mar- tiniquais avait forcé le Gouverneur Rostoland àdécréter l'aboli- tion de l'esclavage avant même que ne soit connu en Martinique l'existence du décret du 27 avril. Mais malgré l'arrêté du gouverneur, une certaine effervescence subsista dans diverses parties de l'île. La situation était tenement tendue à Sainte-Marie où «le Doc- teur Lapeyre et plusieurs autres blancs s'y trouvaient réduits à chercher leur salut dans la fuite»,que le gouverneur envoya, dans la nuit du 28 au 29 mai, un détachement militaire conduit par le capitaine Faron, son chef d'État-Major. n en fut de même auLamentin oùla population manifesta pour la réintégration de l'abbé de Lettre, suspendu par le Préfet apos- tolique Jacquier à cause de son soutien aux esclaves. Sous la menace, Jacquier, connu pour ses sympathies esclavagistes, dut accepter pour éviter l'explosion. Par mesure de précaution, se trouvaient concentrés au Lamentin cent quarante soldats, deux obusiers de montagne, une brigade de gendarmerie et des dra- gons de milices. Tous ces incidents proviennent oubien de l'attitude aITogantede certains ffi31ITeSou d'une volonté de vengeance des esclaves sur cer- taineshabitations qui sedistinguaientparlacruautédeschâtiments. Par contre, à Saint-Pierre et Fort-de-France le calme était revenu. 7 Les 27 et 28 mai on planta à Saint-Pierre des arbres de la liberté. Le journal «Les Antilles» raconte la scène: «Rien ne peut rendre la physionomie qu'a prise notre ville depuis mardi. Les innombrables drapeaux suspendus aux fenêtres des maisons, les groupes populaires qui parcourent les rues en agitant des branches de lauriers, de fleurs, de feuillage et en chantant; les cris de "Vive la Liberté" qui retentissent de tous côtés lui don- nent un tel aspect d'allégresse qu'on peut dire sans craindre de trop s'avancer que jamais elle n'a offert le spectacle d'une fête aussi animée, aussi profondément sentie des masses ». A Fort-de-France «la foule était innombrable. La ville entière et la population des campagnes assistaient àcette fête».En cette période de troubles graves, le général Rostoland sut faire preuve de sagesse et de clairvoyance. Son but était: 1)éviter le massacre des Blancs, 2) conserver la colonie à la France. Cet objectif fut atteint. Il sut résister aux pressions de ceux qui, comme le Procureur général et certains maîtres comme Huc, réclamaient une répres- sion sévère et l'intervention brutale des troupes. Il était conscient qu'avec deux mille quatre cents hommes de troupes, il était impossible de contrôler la situation dans toute l'île. II sut s'entourer, dans le Conseil privé, d'hommes acquis à l'abolition. C'est ainsi qu'il désigna Pory-Papy comme Directeur de l'Intérieur et membre du Conseil privé. Il avait compris que seul le soutien des hommes de couleur lui permettrait de mainte- nir l'ordre. D'ailleurs, partout ceux-ci intervinrent pour limiter les dégâts et empêcher les débordements. La République, c'était l'abolition. C'était aussi la voie ouverte àune participation active aux affaires du pays, en s'associant aux Blancs modérés ou en les supplan- tant en cas de refus. Ce n'est pas par hasard qu'au lendemain du 22 mai certains milieux ultras de colons lancèrent toutes sortes d'accusations de faiblesse contre le gouverneur dont ils demandèrent la punition. Cette pondération, Rostoland sut la conserver jusqu'à la fin de son mandat. 8 I. IA LIQUIDATION DU SYSTÈME ESCIA VAGISTE : LES RÉFORMES SCHŒLCHERISTES Lorsque le nouveau Commissaire général de la République, l'homme de couleur Perrinon, nommé par le Gouvernement pro- visoire, aniva le 3juin àla Martinique, Rostoland l'empêcha de commettre des erreurs qui auraient pu avoir des conséquences tragiques. En effet, Perrinon était porteur dudécret d'abolition du 27 avril qui prévoyait une période de deux mois après sa promulgation pour son entrée en vigueur. C'était donc maintenir l'esclavage deux mois de plus. Allait-on publier tel quel ce décret qui, au moment où il a été pris, ne pouvait faire état de l'insurrection libératrice des esclaves de la Martinique? Perrinon était partisan de ne rien modifier. Il se laissa cependant convaincre par Rosto- land et ses collaborateurs qui lui indiquèrent le danger d'une telle position. Certains termes du décret furent donc modifiés pour tenir compte de la nouvelle situation en vue de sa publication le 4juin, dans tous les points de l'île. Perrinon obtint le soutien de la majorité des hommes de cou- leur, en particulier ceux des milieux possédants. «Je trouvai, pour sauvegarder la tranquillité générale, une milice civile et une agence de police spontanément organisées ». Le Commissaire de la République se rendit à Saint-Pierre, à Case-Pilote et auPrêcheur où ilfut bien accueilli par tous. «Le 8, le Consul américain et une députation de commerçants anglais sont venus féliciter en moi la République d'avoir purgé sa Consti- tution de l'esclavage». Son principal souci était la reprise du travail. Une commission spéciale, où figuraient des hommes de couleur comme Pory-Papy et Agnès, adjoint au maire de Saint-Pierre~ fut constituée «pour propager les idées d'ordre et de propriété dans les campagnes et ménager les transactions entre les anciens maîtres etles nouveaux affranchis» . Perrinon eut aussi à faire face à une sorte de fronde du clergé catholique. La majorité des prêtres était favorable aux idées de 9 l'ancien régime et boudait la République. Aussi Schœlcher envoya-t-il comme préfet apostolique en Martinique son ami l'Abbé CastellL Cette nomination mit en fureur le clan esclava- giste du clergé. Dans une lettre à l'Abbé de Lamennais, le Frère Amboise (des Frères de Ploërmel), note: «22 juillet: de grandes discussions viennent d'éclater dans le clergé: une bonne partie des prêtres s'opposent au changement du préfet apostolique M.Jacquier et ne veulent pas reconnaître le nouveau, M. Cas- telli... 24 septembre: M.Jacquier part aujourd'hui pour France; il était opposé à l'émancipation et tout à fait hostile à notre œuvre (l'instruction des enfants esclaves). Vingt-trois prêtres refusent de reconnaître M. Castelli. » Ce dernier cite le cas d'un Abbé Peyrol, curé du Vauclin, qui 'osa déclarer en chaire. «Vous n'êtes que des imbéciles; vous voulez être autant que les Blancs, vous êtes plus qu'eux en sot- tise. Vousvoulez marcher de pair avec les Blancs, l'orgueil vous étouffe» . Perrinon n'avait pas seulement à appliquer le décret d'aboli- tion, mais aussi les autres décrets datés du 27 avril. C'est que, au-delà de l'abolition de l'esclavage, ces décrets tendaient àfaire des esclaves d'hier des citoyens français et proclamaient l'assi- milation des vieilles colonies àla France métropolitaine. Dans une adresse àsesélecteurs de la Guadeloupe et dela Mar- tinique, datée du 29 septembre 1848 Schœlcher dira: «purifiées de la servitude, les colonies sont désormais unepartie intégrante de laMétropole; disons mieux, il n'y aplus de colonies, il n'y a que des Départements d'Outre-Mer régis par les mêmes lois que ceux du continent ». Cette pétition de principe s'accompagne d'une double série de mesures: «les unes ont pour but d'assurer le travail dès le jour de l'émancipation en l'établissant sur ses véritables bases, en réglant les rapports dupropriétaire etdel'ouvrier, en assurant àce dernier de l'ouvrage etdes moyens de vivre, enréprimant levaga- bondage, l'intempérance, en prévenant surtout ces vicesparl'édu- cation, devenue universelle... enfin par la pleine réhabilitation du travail... D'autres, auxiliaires des premières, auront pour objet de soutenir l'agriculture, l'industrie et le commerce etde leur impri- mer plus d'élan, par de nouvelles institutions de crédit». 10 Voiciquelques-unes de ces mesures - Décret sur les vieillards, infirmes et orphelins Considérant que la société doit aide et assistance à tous ses membres dans le besoin, que le principe dela fraternité impose le même devoir àtous les hommes entre eux; Article I Les vieillards et infirmes seront conservés dans les habitations dont l'atelier voudrait donner au propriétaire une somme de tra- vail équivalente àleurs entretien, leur nouaiture et leur logement. Article IV Des crèches et salles d'asile seront ouvertes dans tous les vil- lages où l'autorité lesjugera utiles". Décret sur l'instruction publique aux colonies - Il instituait l'école prinlaire gratuite et obligatoire, «considé- rant que la préparation de la jeunesse à la vie morale, civile et politique est un des premiers devoirs que la société a à remplir vis-à-vis d'elle-même, que plus il y a d'hommes éclairés dans la nation, plus la loi et la justice seront respectées, que la société doit l'éducation gratuite àtous ses membres ». Article I Il sera fondé, dans chaque commune, une école élémentaire gratuite. Article III Nul ne peut se soustraire au devoir d'envoyer son enfant à l'école... au-dessus de six ans et au-dessous de 12ans - Décret sur lesAteliers Nationaux Considérant que la société doit assurer à tous le droit au tra- vail, sous la dénomination d'Ateliers Nationaux, il sera établi dans les colonies des ateliers de travail. -Institution de Jurys cantonaux Dans chaque ressort de Justice de Paix il y aura un jury com- posé de six membres sur une base paritaire: Trois citoyens qui posséderont une propriété ou qui exerceront une industrie, trois travailleurs industriels ou agricoles. Ce jury est chargé de conci- lier«toutecontestationsurl'exécution desengagements». Il

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