Henri Lemaître 1881-1946 : de la lecture publique à la documentation.

175 Pages·2010·4.36 MB·French

by  Magne Nathalie

Exclu du prêt
C) EA 2 3
Nathalie MAGNE
Maîtrise des Sciences de l'Information
et de la Documentation
Université Panthéon Sorbonne
PARIS I
HENRI LEMAITRE 1881-1946
DE LA LECTURE PUBLIQUE A LA
DOCUMENTATION
Mémoire réalisé sous la direction
de Mme Sylvie FAYET-SCRIBE
u V 0
il 'PoVŸ1 11
Paris 1995
Numerisé à l'initiative de l'ENSSIB
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Madame Sylvie Fayet-Scribe qui m'a
orientée dans mes recherches bibliographiques, m'a apporté des documents
que je ne parvenais pas à obtenir et qui m'a aidée à reformuler ma
problématique et à la faire évoluer.
Je souhaite également exprimer ma gratitude envers Madame
Renée Lemaître pour m'avoir accueillie avec une telle gentillesse et un tel
enthousiasme, pour m'avoir donné accès à ses archives et pour avoir toujours
été disponible et à l'écoute de mes interrogations. Merci pour m'avoir
soutenue tout au long de cette année.
Nathalie MAGNE.
Numerisé à l'initiative de l'ENSSIB
Henri Lemaitre, chartiste de formation, se
préoccupa tout au long de sa vie, d'assurer la
diffusion du savoir à toute personne désirant
accroître sa connaissance. Il s'intéressa aussi
bien aux besoins du grand public que des
chercheurs et spécialistes. Réalisateur avant
tout, organisateur méthodique, il entreprit de
changer les mentalités en militant pour le
développement de deux secteurs nouveaux,
issus de la Bibliothéconomie traditionnelle : la
lecture publique et la documentation.
Organisation du Congrès d'Alger, création du
premier prototype de bibliobus français,
fondation d'une école de documentalistes,...
autant de réalisations à son actif qui lui
valurent d'être reconnu comme précurseur et
qui lui conférèrent une réelle autorité auprès
des bibliothécaires et des documentalistes.
117 mots
Numerisé à l'initiative de l'ENSSIB
SOMMAIRE
INTRODUCTION. (cid:9) P. 4
I - LE MILITANT DE LA LECTURE PUBLIQUE
1881-1931 P. 6
A - Naissance d'une vocation. P. 6
1.Portrait d'un précurseur. P. 6
2. Une famille de libraires éditeurs à Valenciennes. P.11
3.Le brillant élève de l'Ecole des Chartes. P. 14
B Une nouvelle conception des bibliothèques. P. 16
-
1.Des bibliothèques inadaptées aux nouveaux
besoins des lecteurs. P. 16
2. Le début d'une prise de conscience :
rencontre avec des hommes militant pour
la modernisation des bibliothèques. P. 20
3. L'après guerre: le Card et l'internationalisation
des débats. (cid:9) P. 28
C - L'année des grandes réalisations personnelles :
le premier Congrès International de la Lecture Publique
et le bibliobus. P. 37
1.Le concept de la lecture publique et l'organisation du
Congrès International de la Lecture Publique à Alger. (cid:9) P. 37
2. Création du premier prototype de bibliobus français
et bilan de ses initiatives. (cid:9) P. 43
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BIBLIOGRAPHIE. P. 108
ANNEXES. P. 123
N° I : Illustrations photographiques.
N° II : Entretiens avec Renée Lemaître, fille d'Henri Lemaître.
N° III : Repères chronologiques.
N° IV : Liste des sigles.
N° V : Cartons de présentation et d'invitation conservés par
Henri Lemaître.
N° VI : Présentation de la revue d'Histoire Franciscaine.
N° VII : Fonctions occupées par Henri Lemaître dans les commissions
de la FLAB.
N° VIII : Actes des Congrès.
N° IX : Terminologie de la documentation.
N° X : Les associations et organismes nationaux et internationaux
organisant la documentation.
N° XI : Les cadres de classement de l'Institut Scientifique de
Recherches Economiques et Sociales.
N° XII : Tableau comparatif de la fonction documentaire dans les
bibliothèques et les centres de documentation.
TABLE DES MATIERES.
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INTRODUCTION
Dans (cid:9) l'entre-deux-guerres, (cid:9) la (cid:9) documentation (cid:9) s'impose
progressivement comme un nouveau secteur d'activités en France pour les
personnes désirant transmettre le savoir. La naissance de cette nouvelle
profession liée à l'Information Scientifique et Technique est dûe à la
réflexion, la volonté et l'action continue d'hommes et de femmes au service
de la connaissance. A côté des chercheurs et scientifiques, certains
bibliothécaires que l'on a nommés par la suite "les modernistes", sont les
principaux acteurs de cette mise en place. En effet, à ses débuts, la
Documentation est extrêmement liée au monde de la Bibliothéconomie en
cours de modernisation, et plus précisément à l'organisation et au
développement de la lecture publique.
Henri Lemaître fut l'un de ces hommes érudits et bibliothécaires
oeuvrant pour le progrès. "Servir la cause de l'esprit était le but de sa vie"'.
Dans cet hommage, l'auteur rappelle quel fut l'intérêt d'Henri Lemaître sa vie
durant. Toutes ses réalisations convergent vers une seule et même
préoccupation : rendre le savoir accessible à tous, faciliter l'accès à la
connaissance. Ceci sous-entend une volonté d'optimiser la diffusion de
l'Information, seule capable de faire avancer la civilisation. Henri Lemaître
apparaît alors au regard des professionnels comme l'un des précurseurs pour
le développement de la bibliothèque moderne en faisant de la lecture
publique l'objet principal de ses réflexions et interventions. Parallèlement, il
est au même titre considéré comme l'un des pères fondateurs de la
Documentation en France. Il est le modèle du novateur chartiste,
bibliothécaire, documentaliste, celui qui a su trouver la façon dont les choses
devaient évoluer.
Expert dans le domaine des bibliothèques modernes, puis dans
celui de la documentation, il multiplia ses interventions et ses moyens
d'action : membre des associations nationales et internationales, participation
active aux congrès, conférences et expositions en France comme à l'étranger,
auteur de nombreux articles, rédacteur en chef de revues savantes et
professionnelles, et éditeur intellectuel. Il utilisa donc toutes les ouvertures
s'offrant à lui pour défendre successivement ces deux nouveaux domaines.
Tous ses efforts étaient tournés vers un seul but qui consistait à obtenir l'aide
et l'appui des pouvoirs publics pour développer deux secteurs mal cernés ou
encore ignorés, ce soutien étant essentiel pour fonder leur légitimité.
'Paul LEFRANCQ. Henri Lemaître : Archiviste Paléographe. Le Guetteur de
Valenciennes. Nov. 1946, p 1.
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L'appartenance à ces deux mondes que sont la lecture publique et
la documentation peut paraître étonnante de nos jours où la profession de
bibliothécaire est devenue distincte de celle de documentaliste. Cependant,
ces deux activités semblaient au contraire très proches pour les innovateurs
tel qu'Henri Lemaître. Face à cette conception, on peut se demander quelles
ont été les similitudes qui ont fait que cet homme, comme un petit nombre de
ses contemporains, soit passé de la Bibliothéconomie à la Documentation. H
est donc intéressant de se pencher sur la progression de son intérêt pour la
documentation tout au long de son parcours et de voir par conséquent
évoluer la relation entre ces deux secteurs. Aussi, j'ai tenté dans un premier
temps de mettre en évidence la notion de documentation présente dans
l'optique de la lecture publique. Par ailleurs, même si Henri Lemaître resta
jusqu'à ses derniers jours particulièrement attaché au sort des bibliothèques,
c'est l'homme considéré par les professionnels de ce milieu comme l'un des
pionniers de la Documentation française qui formera le second objet
principal de cette étude. Effectivement pour permettre l'existence de cette
profession, plusieurs bases ont dû être fixées, à commencer par la nécessité
de formuler la définition même de ce domaine, de son champs d'action, de
ses limites, de sa terminologie, de ses techniques, de ses outils, etc. Puis, il a
fallu convaincre, rassembler et organiser des rencontres entre les personnes
se sentant concernées. Enfin, comme n'importe quelle autre vocation, la
présence de spécialistes des techniques documentaires nécessita la mise en
place d'une formation spécifique. Ainsi pour ces trois éléments fondateurs
d'un nouveau secteur, nous tenterons de distinguer quelle fut sa contribution,
le rôle qu'il joué pour obtenir le qualificatif de "pionnier".
J'ai pu distinguer dans la vie d'Henri Lemaître deux grandes
périodes qui constituent mes deux chapitres : le premier a pour but de
retracer l'affirmation de ses idées et ses réalisations en faveur de la lecture
publique. Le second est consacré à son entrée dans le corps professionnel de
la Documentation, à la consolidation de sa position et à l'aboutissement de
son combat.
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I - LE MILITANT DE LA LECTURE PUBLIQUE.
1881 - 1931
Cette première période correspond au parcours du bibliothécaire
qui découvre le modèle d'organisation anglo-saxon et s'efforce de rendre
populaire cette conception moderne des bibliothèques et du rôle du
bibliothécaire, désignée peu à peu par la locution "lecture publique". La
lecture publique et la documentation sont incontestablement liées puisque
l'une des principales fonctions de la bibliothèque moderne est de fournir des
informations précises pour le quotidien. Ainsi, Henri Lemaître apparaît dès le
départ intéressé par la diffusion de la culture, de l'information ou du savoir en
général.
A - Naissance d'une vocation.
1. Portrait d'un précurseur.
Henri Lemaître marqua le monde des bibliothèques et de la
documentation par la nouveauté de ses idées et la diversité de ses
compétences : "A la fois érudit et homme d'action, il a été un précurseur
dans bien des domaines : technique, bibliothèque pour enfants, bibliobus,
bibliothèques d'entreprises et d'hôpitaux, documentation et coopération
internationale"2. Les nombreux hommages qui lui furent rendus à sa mort,
montrent à quel point les travaux qu'il avait entrepris durant toute sa vie,
avaient suscité une réelle considération des milieux professionnels
concernés. Cette notoriété s'était répandue au-delà des frontières comme en
témoigne Paul Lefrancq lorsqu'il affirme : "C'était, je pense, sinon le seul
bibliothécaire qu'on connut hors de France, du moins le premier auquel on
pensât en parlant de notre pays"3. Noë Richter exprime lui aussi cette
reconnaissance : "L'étendue et la qualité de ses compétences lui ont valu
l'estime de ses pairs, non seulement en France, mais aussi dans les
'Renée LEMAITRE. Henri Lemaître 1881-1946. Tapsucrit, [1986], p. 1.
Document dactylographié communiqué par Renée Lemaître. Traduit en anglais par Mary
dans la : World Encyclopedia of Library and Information Science. 2e éd., Niles Maack
1986, p. 450-451.
'Paul LEFRANCQ. Henri Lemaître : Archiviste Paléographe. Op. cit., p. 1.
Numerisé à l'initiativ6e de l'ENSSIB
associations étrangères"4. Enfin, les nombreuses distinctions honorifiques
qu'il reçut, viennent confirmer ce point de vue : Chevalier de la Légion
d'Honneur en 1931, Officier de l'Instruction Publique, Chevalier de l'ordre de
la Couronne de Belgique et de la Couronne d'Italie. Il fut également désigné
comme Président d'Honneur de l'Association de Bibliothécaires Anglais.
Cependant, cet homme qui eut une vie professionnelle aussi intense que
variée, axée sur la propagation des méthodes et conceptions modernes, a su
rester simple et concret, mêler la réflexion à l'action.
L'apparence qu'il donnait, était celle d'un homme aimable et
souriant. Les yeux bleus, le teint clair, son visage respirait un air de santé, me
confia sa fille cadette, Renée Lemaître. Très distingué, il avait adopté le style
britannique : costume de tweed avec gilet de couleur sobre. Il se montrait
habituellement affable et enjoué. Il trouvait toujours une anecdote à raconter,
quelque chose de nouveau. Cet esprit vif et plaisant se retrouve souvent chez
les bibliothécaires considérés comme les pionniers de la lecture publique.
L'obligeance envers chacun semble avoir été un autre côté
apparent de sa personnalité. Il était celui auprès de qui on venait chercher
des conseils. Etre attentif aux autres, savoir communiquer, être capable de
s'entretenir avec n'importe quel interlocuteur en restant complaisant sont
d'ailleurs les premières qualités nécessaires à tout bibliothécaire ou
documentaliste : être en mesure d'écouter, de conseiller, d'interroger pour
clarifier une demande.
Une autre des qualités exigées pour constituer un bon
documentaliste est la curiosité. Henri Lemaître satisfaisait sa curiosité en se
tenant au courant de toutes les nouveautés et tendances du moment grâce à
ses contacts et ses relations françaises et étrangères, à la lecture de la presse
internationale et à ses visites au cours de ses missions ou voyages. En effet,
il fut chargé de missions dans divers pays, soit en qualité de simple
observateur : aux Etats-Unis en 1911, en Italie en 1920 et en Belgique en
1921 pour recueillir les publications concernant la guerre, soit en tant que
représentant de la France : en Egypte en 1911 pour l'inauguration de l'école
Khediviale au Caire, en Ecosse en 1927 pour la Conférence Internationale
des Bibliothèques à Edimbourg, en Suisse en 1928 au Congrès des
Bibliothèques Suisses de Zoug, en 1929 à Rome et à Venise au Congrès
Mondial des Bibliothèques, en Suède au Congrès International des
Bibliothécaires de 1930, à Alger en 1931, à Berne la même année pour
l'inauguration de la nouvelle Bibliothèque Nationale Suisse et à Thoune à
Noë RICHTER. Les hommes qui ont fait la lecture publique. in POULAIN, Martine.
4
Histoire des Bibliothèques françaises : Les Bibliothèques au XXe siècle, 1914 1990.
-
Paris : Promodis - Editions du Cercle de la Librairie, 1992, T.4, p. 162.
Numerisé à l'initiative7 de l'ENSSIB
l'occasion de la Vème session du Comité International des Bibliothèques et
enfin à Zurich en 1938 et 1939 pour le Ilème Congrès International des
Bibliothèques d'Hôpitaux comme délégué du Ministère Français de la Santé
Publique, et pour le Congrès International de Documentations. En outre, sa
connaissance des langues lui procura le moyen d'entretenir de nombreuses
relations avec ses collègues étrangers et de lire tout ce qui paraissait à
l'étranger relatif aux bibliothèques, notamment dans les pays anglo-saxons. Il
pouvait parler, lire et écrire l'Anglais, l'Allemand, l'Italien, l'Espagnol et le
Néerlandais. Cette faculté lui permit, comme nous l'avons vu précédemment,
d'être l'un ou sûrement le meilleur ambassadeur de la lecture publique, puis
de la Documentation à l'étranger. Il est important d'ajouter que parallèlement
à son implication de dimension internationale, il suivait de très près ce qui se
passait au niveau local. Il représenta sa ville natale, Valenciennes, en
devenant Président de "l'Union Valenciennoise à Paris". Il assura la
protection de l'ancien lycée de Valenciennes, où il fut élève, en le faisant
classer monument historique et il obtint que la bibliothèque de Valenciennes
devienne bibliothèque d'Etat6. Son attitude vis-à-vis de Sceaux, la ville qu'il
choisit pour s'installer avec sa famille à partir de 1923, fut quasiment
similaire. Président de la Société des Amis de Sceaux, association d'Histoire
locale, de 1928 jusqu'à sa mort, il fit, entre autres, une conférence sur
l'Histoire du Bal de Sceaux, objet d'une nouvelle de Balzac. Il initia les
bibliothécaires de la bibliothèque de Sceaux aux techniques modernes et créa
une bibliothèque pour enfants. Enfin, il fit classer le petit jardin de la
Ménagerie où se retrouvaient dans le passé toutes les classes sociales, sans
distinction, à l'occasion du Bal.
Le souci d'être informé sur l'actualité ne l'empêcha pas de
poursuivre des recherches savantes et érudites en raison de sa formation de
chartiste. Il fit un remarquable travail de recherche sur l'Histoire Religieuse
et Médiévale à laquelle il consacra de nombreux articles (Cf. bibliographie)
qui parurent dans des revues spécialisées telles que : la Bibliothèque de
l'Ecole des Chartes, le Bulletin de la Société des Anciens Textes Français (il
fut d'ailleurs administrateur de la Société en 1919), la Revue d'Histoire
Franciscaine, la France Franciscaine, le Moyen Age et Archivum
Franciscanum Historicum. Ce goût pour l'hétérogénéité des activités est
perceptible à la lecture d'un discours qu'il prononça en 1933, à l'occasion de
la distribution des Prix des Académies de Valenciennes : "Il est bon de ne
pas passer d'un extrême à l'autre et de ne pas se cantonner dans la seule
pratique de son métier, de ne pas se mettre des oeillères et de voir autour et
'Henriot MARTY. Henri Lemaitre. Tapuscrit, [s.d.], p 7-8.
Document dactylographié communiqué par Renée Lemaître.
'Paul LEFRANCQ. Op. cit., p. 2.
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