Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie: autour des séminaires inédits de 1933-1935

578 Pages·2005·26.303 MB·French

by  Emmanuel Faye

HEIDEGGER
L’INTRODUCTION DU NAZISME
DANS LA PHILOSOPHIE
Bibliothèque Albin Micbel
Idées

Emmanuel Faye
HEIDEGGER
L’INTRODUCTION
DU NAZISME
DANS LA PHILOSOPHIE
Autour des séminaires inédits
de 1933-1935
Aibin Michel
Collection Bibliothèque Albin Michel Idées
N ))
dirigée par Hélène Monsacré
O Éditions Aibin Michel, 2005

Avant-propos
Nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce que signifie la
propagation du nazisme et de l’hitlérisme dans la pensée », cette
((
lame de fond qui s’empare progressivement des esprits, les
domine, les possède et supprime en l’homme toute notion de
résistance. La victoire des armes ne fut qu’une première victoire,
certes vitale et qui coûta à l’humanité une guerre mondiale.
Aujourd’hui se déroule une autre bataille, plus longue, plus
sourde, mais où est en jeu l’avenir de l’espèce humaine. C’est dans
tous les domaines de la pensée, de la philosophie jusqu’au droit et
à l’histoire, qu’une prise de conscience est nécessaire.
Qu’il s’agisse de Heidegger, de Schmitt, de Jünger à plus d’un
égard ou de Nolte, ces principaux diffuseurs du nazisme dans la
vie des lettres ont pris le temps d’affiner leur stratégie de recon-
quête après la défaite des armées du Reich hitlérien. Par un jeu
d’occultation des vraies causes, de dilution des responsabilités
dans une mondialisation des approches, de disqualification de la
pensée humaniste et des valeurs universelles, de mythologisation
de soi dans la figure du ((bergerd e l’être de 1’((É piméthée chré-
)),
tien », de l’a anarque D, du théoricien du ((droit historique )), ces
auteurs ont instrumenté la philosophie, le droit, les lettres et l’his-
8 Heidegger, L’introduction du nazisme ddns La philosophie
toire, en les mettant au service de la révision et finalement de la
(( ))
réhabilitation des fondements du nazisme. Parmi eux, certains ont
progressivement conquis une audience planétaire auprès d’un
public qui, le plus souvent, ne réalise pas ce qui se joue à long
terme dans cette conquête des esprits. I1 est vrai que les lignes de
front de ce combat ne se lisent sur aucune carte. I1 n’y a pas de
géopolitique de l’esprit, même si l’inflation des ouvrages apologé-
tiques ou trop complaisants permet de mesurer l’ampleur de la
propagation.
Cependant, des foyers de critique et de résistance sont progres-
sivement apparus dans de nombreux pays. Pour Heidegger, sur
lequel porte ce livre, les critiques les plus incisives se sont élevées
tant en Europe que sur le continent américain, depuis que Karl
Lowith avait su voir et dire, dès 1947, qu’il était «plus radical que
MM. Krieck et Rosenberg)),d eux piliers du régime nazi, mais qui,
moins habiles et plus triviaux, n’avaient pas vu leur réputation
survivre à la défaite du III‘ Reich.
En outre, de nouveaux documents et des recherches rnenées
plus en profondeur permettent aujourd’hui de voir à quel point
Heidegger s’est consacré à mettre la philosophie au service de la
légitimation et de la diffusion des fondements mêmes du nazisme
et de l’hitlérisme. C’est pourquoi nous avons voulu rendre acces-
sibles au public, extraits du fonds des inédits de Heidegger,
certains des moments les plus significatifs de séminaires professés
durant les années 1933-1935. Seulement connus d’une poignée
de chercheurs, quelques-uns de ces textes constituent en effet de
véritables cours d’éducation politique au service de l’État hitlé-
rien, et vont jusqu’à identifier la différence ontologique entre
l’être et l’étant avec la relation politique entre l’État et le peuple,
tandis que d’autres envisagent, explicitement, les moyens de
prolonger, sur le long terme, l’a esprit du nazisme. En rendant
N
publics ces extraits, nous n’avons rien voulu d’autre que servir le
droit à la vérité historique et philosophique.
Nous avons également pris appui sur les discours, les confé-
rences et les cours de ces mêmes années, récemment parus en
Allemagne, et qui ne peuvent être actuellement consultés que par
des lecteurs germanophones. Ces textes, publiés aux tomes 16,