Noesis 5 | 2003 Formes et crises de la rationalité au XXe siècle L’Action à l’ombre de la pensée : Hannah Arendt Renée Le Boulanger Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/noesis/1500 DOI : 10.4000/noesis.1500 ISSN : 1773-0228 Éditeur Centre de recherche d'histoire des idées Édition imprimée Date de publication : 10 août 2003 Pagination : 187-201 ISSN : 1275-7691 Référence électronique Renée Le Boulanger, « L’Action à l’ombre de la pensée : Hannah Arendt », Noesis [En ligne], 5 | 2003, mis en ligne le 04 mars 2009, consulté le 19 septembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/ noesis/1500 ; DOI : https://doi.org/10.4000/noesis.1500 Tous droits réservés L'ACTION A L'OMBRE DE LA CRISE DE LA RATIONALITÉ : HANNAH ARENDT Renée LE BOULANGER La liberté véritable ne se définit pas par un rapport entre te désir et la satisfaction, niais par un rapport entre la pensée et l'action. Simone Weil, Oppression et liberté1 La place et le statut occupés par l'action dans le monde contemporain est l'objet clairement et explicitement déclaré de la réflexion de Hannah Arendt, et l'on peut dire que l'objectif de sa démarche vise prioritairement à la réhabilitation de l'action. Arendt entreprend cette réhabilitation simultanément sur deux fronts : à la fois vis- à-vis des deux autres activités de la vita activa, - selon les distinctions canoniques de Condition de l'homme moderne, de l'œuvre et du travail -, mais aussi et surtout, vis-à-vis de la pensée. Plus que la dévalorisation de l'action vers le bas, c'est sa dévalorisation vers le haut qui lui importe. Au cœur de toute son interrogation sur l'action est lovée la question des rapports de l'action et de la pensée, autrement dit de la politique et de la philosophie, en d'autres termes la question des rapports de la recherche du sens et de l'insertion du sens dans le monde commun. Réhabiliter l'action vis-à-vis de la pensée, c'est en fait pour Arendt rechercher l'existence d'un rapport tout autre 1. Simone Weil. Oppression et liberté, « Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale ». Paris, Gallimard-NRF. col. « Espoir ». 1955. p. 115. Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome 1 : “Philosophie” Renée Le Boulanger que celui légué par la tradition de pensée philosophique, c'est tenter l'établissement (et l'on peut dire le rétablissement) de leurs relations sur un tout autre mode que celui de l'exclusion réciproque ou de l'opposition hiérarchisée en laquelle la pensée a toujours eu la meilleure part. Hannah Arendt voudrait en finir avec L'hostilité entre philosophie et politique qui à peine recouverte par une philosophie politique, a été la malédiction de la politique occidentale non moins que de la tradition philosophique occidentale depuis qu'hommes d'action et hommes de pensée se sont faussé compagnie, c'est-à-dire depuis la mort de Soc rate.2 Arendt est à la recherche du « lien secret entre pensée et action », dont elle dit être certaine, sans pouvoir en donner la preuve, que Lessing l'avait découvert, ou redécouvert3. Sans doute ce lien secret, dont elle est en quête, devrait-il pouvoir vider pensée et action de leur antagonisme, abattre leur hiérarchisation, et les réunir à nouveau. Il reste que s'attacher à la réhabilitation de l'action à l'époque où l'entreprend Hannah Arendt est sans doute la chose la plus problématique qui soit. Et Arendt le sait, en 1948 elle écrit à son ami Judah Magnes : La politique dans notre siècle est presque une œuvre désespérée, et j'ai toujours eu ta tentation de la fuir en courant... 4 2. Essai sur la Révolution. Paris. Gallimard, col. « Tel », 1985, p. 455, note I, chapitre VI intitulé « La tradition révolutionnaire et son trésor perdu » - dorénavant cité ER. 3. « De l'humanité dans de “sombres temps” : réflexions sur Lessing » (1959), dans Vies Politiques, Paris, Gallimard, col. «Tel», 1986, p. 18 - dorénavant cité VP. 4. Correspondance, Dossiers Arendt - Bibliothèque du Congrès. Lettre du 3 octobre 1948, rapportée par Elisabeth Young-Bruhl, dans Hannah Arendt, trad. française de J. Roman et E. Tassin, Paris, Anthropos, 1986, p. 305. 188 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome 1 : “Philosophie” L'Action à l'ombre de la crise de la rationalité : Hannah Arendt Si l'action est la plus noble des activités de la vita activa, que peut-il en être de cette activité après l'avènement et l'expérience d'un système politique qui la nie ? Cela a-t-il même encore un sens de penser l'action, de penser la politique, après qu'un système politique qui est la négation même de toute communauté du vivre ensemble avec les hommes, après qu'un système politique qui non seulement les exclut de cette vie mais va jusqu'à les rendre superflus, en résumé après qu'un système politique qui tue la polis, a bel et bien historiquement existé ? L'interrogation sur la pertinence du projet arendtien peut légitimement être posé. Pourquoi et comment peut-elle encore vouloir s'attacher à faire reconquérir à l'action ses titres de noblesse dans un paysage aussi sombre et désespérant ? Hannah Arendt a conscience de se situer à un moment très particulier tant de l'histoire proprement dite, que de l'histoire de toute la pensée occidentale. Elle a la conviction de vivre dans « un monde qui partout semble avoir touché une fin »5 en somme dans un monde qui dans tous les domaines semble parvenu au terme de sa tradition. Une situation qu'à plus d'une reprise Arendt rapproche de celle qu'a connu, en d'autres temps, Augustin. Ainsi elle écrit dans « Compréhension et politique » qu'il est ... le seul grand penseur qui ait vécu à une époque ressemblant, à certains égard, plus qu 'aucune autre à la période actuelle. [Et qu'] il a écrit son œuvre dans un véritable climat de fin du monde, qui ressemble peut-être à la situation à laquelle nous sommes parvenus.6 5 .Le Système totalitaire, Paris. Le Seuil, col. «Points Politique», 1972, p. 310 -dorénavant cité ST. 6. « Compréhension et politique», dans Nature du totalitarisme, Paris, Payot, 1990. p. 58 - dorénavant cité NT. Il s'agit de la traduction par 189 Noesis n"5 « Formes et crises de la rationalité au XXèmc siècle» Tome I : “Philosophie” Renée Le Boulanger L'époque est bien celle de tous les désenchantements, de tous les manques, de la déliquescence des repères de la vie en communauté avec les autres (la politique), comme de ceux de la vie en communauté avec soi-même (la pensée)7. Ceci ne signifie nullement que Hannah Arendt voit dans cette situation de crise l'occasion de profiter de la faiblesse ou de la détresse, hypothétiquement plus grande de l'adversaire que serait la pensée vis-à-vis de l'action. Si la catastrophe totalitaire a en quelque sorte ratifié la rupture de la tradition de pensée politique occidentale8 en pulvérisant tous ses critères et catégories, quasiment dans le même temps, une rupture a surgi au cœur du domaine de la philosophie, par la rupture de la tradition de pensée métaphysique. En somme, tant dans le domaine des affaires humaines que dans celui de la pensée, le fil de la tradition est rompu. Si l'époque, ainsi marquée au sceau de la rupture de la tradition dans son ensemble, exhibe ses stigmates : la vacuité et le silence ; si la brèche ainsi ouverte par l'effondrement général de la tradition occidentale est celle d'un double abîme : abîme de la pensée et abîme de l'action, ce moment entre un « déjà plus » et un « pas Michèle-Irène B. de Launay de l'article intitulé « Understanding and Politics » paru en 1953 dans Partisan Review, vol. XX, n°4, juil.août. 7. Hannah Arendt double cet effondrement dans le registre du politique, d'un effondrement dans celui du social, par « la transformation d'un système de classes en une société de masse ». Rapprochant ce qui se produisit dans les années quarante et cinquante en France de ce qui était advenu dans les années vingt en Allemagne, Arendt voit parallèlement dans l'avènement du nihilisme, qui après avoir « longtemps été l'affaire de quelques uns » est « devenu alors soudain un phénomène de masse », la concrétisation de ce même effondrement de la tradition dans le registre du spirituel. « Bertolt Brecht (1898-1936) », dans VP., op. cit., p. 218. 8. « La domination totalitaire en tant que fait institué... a rompu la continuité de l'histoire occidentale », Hannah Arendt, Crise de la culture, Paris, Gallimard, col. « Idées », 1972. p. 40 - dorénavant cité CC. 190 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome I : “Philosophie” L'Action à l'ombre de la crise de la rationalité : Hannah Arendt encore » apparaît alors, aux yeux de Hannah Arendt, singulièrement privilégié. En dépit de son pessimisme avoué, sa démarche est portée par l'espoir né de cette interrogation. La brèche béante, (the gap) creusée par la crise de la rationalité ne révèle-t-elle pas un monde soudain « devenu aussi innocent et frais qu'il l'était le jour de la création »9 ? La brèche n'offre-t-elle pas, précisément maintenant, un monde dont « la fraîcheur enfantine » l0, ouvre la possibilité de retrouver et renouer le lien secret entre pensée et action ? L'époque, désertée par tous les repères, tant au cœur de son présent historique que de son présent philosophique, ne réunit-elle pas les conditions les plus propices à la découverte (ou re-découverte) de nouvelles relations harmonieuses entre pensée et action, hommes de pensée et hommes d'action, philosophie et politique ? Hannah Arendt veut voir dans ce point de non-retour sur lequel a tragiquement échoué la tradition occidentale dans son ensemble, son renversement en un point initial, le seuil d'un nouveau commencement. Faisant fi de toutes les apparences, pour Arendt, aussi sombres soient-ils, les temps plongés au fond de la brèche seraient lourds d'un nouveau commencement pour l'action et la pensée. C'est la voie que je propose d'explorer à partir de l'interprétation et de l'utilisation que conduit Arendt d'un aphorisme de René Char, et d'une parabole de Franz Kafka ; aphorisme et parabole qu'elle utilise dans plusieurs textes, mais qu'elle réunit et combine dans la Préface à Between past and Future. 9 « Bertolt Brecht (1898-1936) », dans VP.. op. cit.. p. 219. I0. Id. Ibid. 191 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome I : “Philosophie” Renée Le Boulanger L'aphorisme de René Char est : « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament »11. Voici la parabole de Franz Kafka: Il a deux antagonistes : le premier le pousse de derrière, depuis l'origine. Le second barre la route devant lui. Il se bat avec les deux. Certes, le premier le soutient dans son combat contre le second car il veut le pousser en avant et de même le second le soutient dans son combat contre le premier, car il le pousse en arrière. Mais il n'en est ainsi que théoriquement. Car il n'y a pas seulement les deux antagonistes en présence mais aussi, encore lui-même, et qui connaît réellement ses intentions ? Son rêve, cependant, est qu'une fois, dans un moment d'inadvertance - et il y faudrait assurément une nuit plus sombre qu'il n'y en eut jamais - il quitte d'un saut la ligne de combat et soit élevé, à cause de son expérience du combat, à la position d'arbitre sur ses antagonistes dans leur combat l'un contre l'autre.12 L'aphorisme de Char dont Arendt fait la première phrase de sa préface à Crise de la culture 13 vise en ce texte à faire émerger la compréhension du domaine public, du domaine de l'action, comme espace d'apparition par excellence de la liberté. L'auteur de La Pensée l4 fera de nouveau appel à cet aphorisme ; ce sera là encore pour lui faire jouer le rôle de révélateur d'un nouvel espace de 11.«Feuillets d'Hypnos » n° 62, in Fureur et mystère, Paris, Gallimard, 1967, col. « Poésie », p. 102. Hannah Arendt relie l'aphorisme de René Char à la célèbre parole d'Alexis de Tocqueville : «le passé n'éclairant plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres ». De la Démocratie en Amérique. Paris, Gallimard, 1961, col. « Nrf », Tome II, 4è me partie, chap. VIII, p. 336. 12. Franz Kafka, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1984, col. « Bibliothèque de la Pléiade », vol. III « Journal » (fév-sept. 1920), p. 502. (ce texte figure dans Beschreibung eines Kampfes. p. 300). 13. Op. cit. p. 11. On retrouve ce même aphorisme en épigraphe du sixième et dernier chapitre de l'Essai sur la Révolution, intitulé « La tradition révolutionnaire et ses trésors perdus », op. cit., p. 317. 14. La Vie de l'esprit. I. La Pensée. Paris, Presses universitaires de France. 1981, « Introduction », p. 27 - dorénavant cité VE. I.P. 192 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome 1 : “Philosophie” L'Action à l'ombre de la crise de la rationalité : Hannah Arendt liberté, celui dévoilé par la rupture de la tradition de pensée métaphysique. Ce double recours à l'aphorisme de René Char, tant pour le trésor perdu de l'action, que pour les « trésors » perdus de la pensée, et plus particulièrement de la métaphysique, n'est pas un hasard. Nul hasard non plus, lorsque Arendt convoque la même parabole de Franz Kafka15 pour tenter de cerner la brèche dans laquelle les hommes de pensée mais aussi, en de rares circonstances exceptionnelles, les hommes d'action se trouvent précipités. En effet, l'auteur de Crise de la Culture peut bien affirmer que « l'événement-de-pensée » 16 rapporté dans l'histoire de Kafka ne vaut que pour le temps de l'activité de pensée, et peut bien souligner qu'il ne saurait y avoir de brèche dans le temps historique ou biographique l7, Arendt n'en présente pas moins la rupture intervenue dans la vie politique et historique de l'époque, et le désarroi qui s'en suivit, comme l'apparition d'une brèche dans le temps. Par le va et vient entre la métaphore de Char et celle de Kafka, notre auteur glisse sans cesse du domaine de la pensée à celui de l'action - et inversement -, et met doublement en rapport la situation inconfortable de l'homme d'action projeté dans la brèche historique de l'époque, avec 15 Hannah Arendt cite la parabole de Franz Kafka, une première fois dans sa Préface à CC, op. cit., p. 16. Elle la sollicite à nouveau, et l'analyse plus longuement, dans le premier volume de VE. op. cit., p. 227. Dans ce dernier texte Arendt éprouve le besoin de l'accompagner de l'énigme « beaucoup plus facile à comprendre » - (op. cit., p. 229) - de l'allégorie du « portique » d'Ainsi parlait Zarathoustra. (Nietzsche, op. cit., trad. franc. M. de Gandillac. Paris, 1971, p. 177). 16 Op. cit., p. 20. L'auteur de La Pensée précisera une fois de plus qu'à ses « yeux cette parabole décrit la sensation du temps telle que la perçoit le moi pensant » (op. cit., p. 228) et que ce « fossé entre passé et futur ne se creuse qu'au cours de la réflexion », (Ibid. p. 231 ). 17 Op. cit., p. 24 : « ...des brèches dans le temps ne se produisent pas là ». 193 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome 1 : “Philosophie” Renée Le Boulanger l'expérimentation ordinaire de cette même condition par l'homme de pensée. De fait, le propos de Hannah Arendt superpose et croise deux niveaux d'explicitation d'une métaphore par l'autre. 1er niveau d'explicitation : Le gap au creux duquel l'homme d'action18 de Char se trouve exceptionnellement dépositaire d'un trésor sans nom et, dépourvu de tout mode d'emploi, condamné à le laisser glisser entre ses mains, est le gap au creux duquel se meut, habituellement, le Il de Kafka. Cette « brèche du temps » est un « petit non-espace- temps au cœur même du temps » qui vient rompre le temps historique. Il, nous dit Arendt, n'est pas un « quelqu'un », n'est pas un « qui ». Il « est sans âge ». Poursuivons en d'autres termes. Il est soustrait au temps. Il n'a pas d'histoire, Il est toujours « sans testament ». Il n'hérite pas ce « petit non-espace-temps » du passé. Il le découvre, s'y insère, et en fraye la piste pour son propre compte, à ses propres frais. Il commence à chaque fois dans l'originalité et le dénuement absolus de celui qui « ne dispose d'aucune formule toute prête pour quoi que ce soit » l9. En somme Il est sans tradition. C'est dire que le « petit non-espace-temps » qui se dérobe à l'histoire, et esquive le monde, est par essence la patrie propre du penseur. La brèche n'a pas pour vocation naturelle de rompre la continuité du temps historique ou biographique. Elle est tout d'abord et tout naturellement le 18. Pour Hannah Arendt ce n'est que très rarement, en général en temps de révolution, que dans l'histoire se produit le surgissement de cette brèche. Cf. CC, op. cit., p. 13. 19. « Aux origines de l'assimilation ». postface à Rahel Varnhagen en commémoration du 100ème anniversaire de sa mort, dans La Tradition Cachée, Paris, Ch. Bourgois éd.. 1987. col. «Détroits» p. 44. Cette formule, énoncée par Arendt au sujet de Rahel Varnhagen, nous paraît parfaitement convenir à la situation du penseur. 194 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome 1 : “Philosophie” L'Action à l'ombre de la crise de la rationalité : Hannah Arendt pays de nulle part et hors du temps du penseur20. L'homme n'est Il que dans la mesure où il pense. C'est là, en quelque sorte a contrario, la preuve que l'expérience de la brèche par le moi pensant « n'a rien d'ordinaire » 21, mais aussi que ce caractère d'extra-ordinaire est sa condition ordinaire d'être. Nous retiendrons de ce premier niveau d'explicitation que ce n'est qu'en des temps exceptionnels, et celui de René Char en est au plus haut point, que cette brèche est soudain aussi, est soudain nécessairement, le gîte de l'homme d'action. Dans cet intervalle, exceptionnellement advenu dans le temps historique, la découverte d'un trésor sans nom est explicitée précisément par l'apparition, naturellement et de tout temps coutumière, de l'« étrange entre-deux » au cœur du temps du penseur. En somme, la métaphore de la brèche, tout événementielle et historique, dont prend conscience l'homme d'action de cette époque peu ordinaire, est donnée à comprendre dans le transfert vers la métaphore de la brèche, ordinairement et éternellement propre au penseur. 2eme niveau d'explicitation : Arendt insiste sur un fait des plus surprenants qui, à la lisière de ces temps de rupture dont les hommes d'action font la déconcertante expérience, 20. CC, op. cit., p. 24 : « Il se peut bien qu'elle [la brèche] soit la région de l'esprit ou, plutôt le chemin frayé par la pensée, ce petit tracé de non-temps que l'activité de la pensée inscrit à l'intérieur de l'espace-temps des mortels, et dans lequel le cours des pensées, du souvenir et de l'attente sauve tout ce qu'il touche de la ruine du temps historique et biographique. » L'auteur de Willing. s'arrêtera à nouveau sur la description de ce «fossé», et précisera que ce qu'elle avait appelé « “the gap between past and future”... in explicating Kafka's time parable » (tant dans la préface à CC que dans La Pensée) a porté bien d'autres noms, de l'hodernius d'Augustin, au “présent qui dure” de Bergson, en passant par le nunc stans de la pensée médiévale. The Life of the mind. II/Willing. New-York and London, Harcourt Brace Jovanovich. 1978, p. 12. 21. VE. I.P»., op. cit., p. 58. 195 Noesis n°5 « Formes et crises de la rationalité au XXème siècle» Tome 1 : “Philosophie”
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