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Goodbye mister socialism PDF

305 Pages·2007·4.621 MB·French
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\nlonio Negri goodbye mister socialism enlivliens avec l\af \ alvola Scelsi Iratluil <!*' l'italien par l'aola Berlilolli Seuil Nos remerciements vont à Mattco Scianchi et au service Web de Feltrinelli pour leur collaboration. Titre original : Goodbye Mr Socialism de l'édition originale 88-07-71025-0 ISBN © original Giangacomo Feltrinelli Editore Milano (« Nuova Serie »), septembre 2006 978-2-02090789-7 ISBN © Éditions du Seuil, mars 2007, pour la traduction française Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.seuil.com Raf Valvola Scelsi : Bonjour Toni, comment ça va ? Ça fiiit longtemps qu 'on ne s'est vus. Antonio Negri : Alors Raf, tu sévis encore ? R.V.S. : Eh oui, tu sais, les méchants ne meurent jamais. Mais toi aussi tu m'as l'air en forme... A.N. : Ce qui reste aux monstres c'est leur beauté, mais ce qui les rend tristes, c'est la situation politique italienne. R.V.S. : Pourquoi ? C'est Berlusconi qui te fait dire ça ? ou tu as encore la gauche dans le collimateur... ? A.N. : La gauche ? D'où est-ce qu'on a sorti des gens pareils ? Ils n'ont même pas été capables de battre Berlus- coni. C'est dire '... 1. Silvio Bcrlusconi a (hé à la tête du gouvernement italien en 1994 puis entre 2001 et 2006. La gauche italienne, rassemblée autour de Romano Prodi au sein de l'« Union », a remporté les élections législatives d'avril 2006 d'une courte tête, obtenant 49,8 % des voix et 347 sièges à la Chambre (contre 49,7 % des voix et 283 sièges à la coalition de la « Ma ison des libertés » conduite par Silvio Berlusconi) et 49,2 % des voix et 1 58 sièges au Sénat (contre 49,9 % des voix et 156 sièges à la « Maison des libertés ») [N.d. T.}. 1 Gooclbye Mister Socialisai R.V.S. : C'est justement de ça que je veux parler avec toi, d'une gauche devenue presque moribonde. A.N. : Pourquoi pas ? Parlons-en. D'autant que je suis très inquiet. Berlusconi, en ce moment, fait du harcèle- ment, il est en train de pousser à bout ces pâles repré- sentants institutionnels de la gauche, qui sont pourtant d'honnêtes gens qui travaillent. Si le Parlement n'a de- toute façon jamais bien fonctionné, maintenant il ne va plus pouvoir fonctionner du tout, c'est sûr. Du coup, on aura besoin de quelqu'un qui décide, d'un « décideur »... J'ai comme une impression de déjà-vu : une démocratie usée qui s'épuise dans son affrontement avec un popu- lisme agressif. La Première République1 s'est achevée dans le déshonneur. Et pourtant, aujourd'hui, on en viendrait presque à la regretter avec nostalgie... Certes, les dirigeants de l'époque étaient des voleurs, mais ils corrompaient beaucoup moins les institutions que les hommes politiques et les patrons d'aujourd'hui. La Deuxième République, d'où qu'on la regarde, est syno- nyme de corruption. C'est du postmoderne néolibéral, fondé sur les privatisations et l'appropriation des biens publics par le privé, ainsi que sur la perversion de l'éthique publique. 1. Du point de vue strictement constitutionnel, l'Italie est encore aujourd'hui sous la Première République. Cependant, les journalistes et les analystes de la vie politique ont tendance à considérer que la Première République a duré de 1946 à 1992, et qu'il y a. de facto une Deuxième République depuis 1992 [N.d.T.]. 8 Introduction R.V.S. : Et sur leprécariat... A.N. : Bien sûr ! Et non seulement sur la précarisation du travail vivant, mais aussi sur la fragilisation de l'épargne des travailleurs et la misère des retraités. La question me concerne, tu sais, je suis presque un retraité... Et, avec tout cela, Berlusconi gagne les élections (enfin, il ne les perd pas) sur la promesse de supprimer les droits de succes- sion. Nous sommes en pleine folie : c'est le hara-kiri des misérables ! R.V.S. : Donc tu crois que c 'est sans issue ? Tu ne penses pas que la victoire à l'arraché de la gauche puisse tout de même représenter une opportunité ? A.N. : Je ne crois pas, non. Tandis qu'en Italie la Deuxième République s'essouffle dans l'affrontement entre une gauche en mauvaise santé et faiblarde et l'alter- native forte, fasciste, populiste et bushienne proposée par Berlusconi et consorts, on a vu désormais se développer dans le monde entier une opposition démocratique qui dépasse le socialisme. L'Amérique latine se libère du joug de sa dépendance à l'égard de l'Amérique du Nord, la guérilla irakienne met en échec l'unilatéralisme néoconser- vateur américain, la Chine et l'Inde font une entrée mas- sive sur les marchés mondiaux, le peu d'intelligence qui existe encore dans le capitalisme européen se bat pour une Europe qui prenne ses distances à l'égard de Bush, et, qui plus est, le grand cycle altermondiahste a retrouve sa base sociale dans les luttes des précaires et des travailleurs cognitifs. C'est ce que montrent les luttes des derniers 9 Gooclbye Mister Socialisai mois en France. Et chez nous, pendant ce temps ? Nous avons au contraire affaire à une gauche immunisée contre tout espoir de renouvellement et paralysée, tant au plan pratique qu'au plan théorique, face à toute lutte subversive. 1 Goodbye Mister Socialism R.V.S. : 1989, la chute du mur de Berlin, la fin du socia- lisme réel. Pourquoi le mur est-il tombé ? Qu 'est-ce qui nous est arrivé à tous à ce moment-là ? A.N. : Je me souviens de grandes scènes de liesse, la foule qui traverse le mur et en même temps le démolit. J'ai justement ici, chez moi, un morceau de mur, un fragment numéroté, que m'a donné un vieil ami théologien. La des- truction du mur et le franchissement de la porte de Bran- debourg ont représenté quelque chose de véritablement enthousiasmant à de multiples points de vue, quelles que soient les conclusions que l'on peut en tirer aujourd'hui. À mes yeux, 89 correspond à 68. Alors que 68 a permis d'abattre les murs qui enserraient notre société, 89 a abattu le mur qui protégeait le socialisme réel en le maintenant à l'extérieur du marché mondial. Donc, je disais, j'ai vu à la télévision cette foule joyeuse qui venait de l'autre côté du mur s'acheter une paire de chaussures : au fond, ils étaient vraiment misérables dans cette nouvelle idéologie consumériste. Mais tout cela n'est rien à côté du bonheur véritable que ressentaient ces gens à pouvoir sortir du monde totalitaire et à trouver un peu de liberté. 11 Gooclbye Mister Socialisai Une semaine après, Claus Offe, l'un des plus grands théoriciens du développement du capitalisme et des formes d'organisation du travail dans l'Allemagne de l'après- guerre, est venu me voir à Paris. C'est l'une des personnes qui m'étaient les plus proches du point de vue des analyses que j'avais développées à partir de l'axe théorique de l'ouvriérisme, et nous avions eu une collaboration scien- tifique. Il était venu me voir parce que je l'avais invité à l'un de mes séminaires : il était encore extrêmement ému. Le soir de la chute du mur, il avait quitté Hambourg en voiture avec sa fille cadette et était parti pour Berlin. Il me disait la joie immense de cette aventure. Un enthousiasme qui était moins dû à l'unification allemande - qui n'a fait que plus tardivement l'objet d'une proposition politique — que pour la fin d'une ligne de partage, d'une délimitation féroce et abstraite qui avait été introduite dans les cons- ciences, à l'intérieur d'un peuple, d'une civilisation, au cœur de l'Europe. Lorsque l'on a connu le vieux Berlin divisé, on sait parfaitement ce que le franchissement de cette frontière à l'intérieur de la ville a pu avoir de fou, exactement comme il est fou, aujourd'hui, de traverser la porte de Jérusalem, ou de sauter par-dessus les murs que l'on construit un peu partout pour se protéger du monde extérieur, des émigrants, des barbares. Quoi qu'il en soit, avec Claus, nous avons passé une nuit bien arrosée, cette fois-là, absolument heureux de voir enfin s'écrouler ce socialisme grossier et totalitaire. Mais il nous restait encore à résoudre la question du développement historique de cette forme de socialisme - et le problème reste ouvert aujourd'hui. En ce qui me 12 ( '•() adh )c \hster So ( ia lis m concerne, je ne me reconnais certainement pas dans la nos- talgie qui s'exprime par exemple dans le film - excellent par ailleurs - de Wolfgang Becker, Good Bye Lenin /, mais éga- lement dans d'autres types de comportements de masse que l'on trouve en ex-Allemagne de l'Est, en Pologne, ou encore dans d'autres pays ex-socialistes, pour ne pas parler de la vieille Union soviétique où la nostalgie se mêle au ressentiment et accompagne la renaissance d'un fort natio- nalisme. Au-delà de ces aspects, qui restent malgré tout à mes yeux superficiels, il faut se demander pourquoi une éco- nomie massivement planifiée et une société socialiste n'ont pas réussi à déterminer des structures solides et à bénéficier d'un consensus durable. R.V.S. : Qii 'est-ce que cela voulait dire, en réalité, une éco- nomie planifiée ? A.N. : 11 me semble important de souligner qu'une économie planifiée est tout de même une économie capi- taliste, c'est-à-dire une économie orientée vers le profit. En outre, une économie planifiée n'en est pas moins une économie où l'espace de la décision, bien que défini par le pouvoir public, est en fait géré par l'entreprise. Personnel- lement, j'ai vécu les mêmes déchirements et les mêmes tensions que beaucoup d'intellectuels occidentaux sur ce type de problème. Au fond, c'est à ces thèmes (plan et profit, entreprise et développement) que les plus beaux cerveaux socialistes d'Occident se sont mesurés : com- ment faire converger (à l'intérieur d'une décision d'État, publique) l'intérêt de l'entreprise et la cohésion sociale, 13 Goodbye Mister Socialisai c'est-à-dire le partage et le consensus des citoyens- travailleurs ? Je ne sais pas trop, mais j'ai l'impression que, si la chute du système soviétique s'explique par de nom- breux facteurs, la non-résolution de ce problème y a joué un rôle fondamental. C'est là-dessus qu'il faudrait s'inter- roger. En réalité, je ne crois pas du tout qu'un régime d'économie planifiée soit structurellement incapable d'obtenir le consensus des sujets. Par le passé, de grands écono- mistes réalistes et formalistes, de Marx à Walras, ont montré qu'un système économique planifié relevait non seulement du possible mais encore du réalisable. D'excel- lents économistes de la génération immédiatement anté- rieure à la nôtre, comme Keynes et Schumpeter, ont montré en quoi un système économique de ce type était praticable et avantageux. On peut donc se rassurer : une économie planifiée est tout à fait possible et (peut-être) avantageuse. Cela dit, d'un point de vue historique, le problème est tout autre. En URSS, la planification a été contrainte, dans sa genèse même, de résister à une pression militaire toujours plus insupportable, d'épauler une résis- tance toujours plus difficile et de subir à l'évidence une com- pression toujours plus forte de la consommation. Par la suite, nous aurions dû remercier les multitudes soviétiques. Sans leurs sacrifices, par exemple, les nazis auraient gagné la guerre et, aujourd'hui, nous serions tous en train de parler allemand... Mais, bien sûr, nous ne les avons pas remerciées. Bien au contraire. Une fois affranchis du nazisme, nous avons redoublé notre haine libérale à leur égard. Mais, pour en revenir à notre point de départ, c'est-à-dire à la question de l'économie planifiée, si cela n'a pas fonctionné, ce n'est M

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