Giap et Clausewitz LES EDITIONS ADEN Les Editions Aden édition Gilles Martin 44, rue À. Bréart graphisme Atelier B-1060 Bruxelles des grands pêchers Belgique ([email protected]) Tél 00 32 2 5344661 équipe éditoriale Fax 00 32 2 5344662 Marie David, Julie Matagne, [email protected] Patrick Moens www.aden.be Dépôt Légal à parution T. Ierbent GIAP ET CLALSEUIT Z suivi de Général Vo fMquyen Giap CONTRIBUTION À L'HISTOIRE DE DIEN BIEN PHU Ernesto Che Guevara PRÉFACE AU LIVRE DU GÉNÉRAL GIAP: GUERRE DU PEUPLE, RAMEE DL PEUFLE teste inédit +ea0 dein tions AUG 2 7 2008 Les soldats du régiment «Marche vers l’ouest» Tête rasée, ont l'aspect furibond du tigre. Vêtus de vert, les yeux sévères et rêveurs, ils regardent les frontières La nuit, ils rêvent d’une silhouette gracieuse de Hanoï Quang Dung Une introduction dispensable Lorsque qu’il m'a fallu lâcher le manuscrit de Clausewitz et la guerre populaire à son éditeur, j'ai ressenti un sen- timent d’inachèvement probablement très banal en cette circonstance. Il se trouve toujours quelque boulon à resserrer, quelque barbelure à limer. Mais à ce sen- timent général s’ajoutait un regret très précis : celui de n'avoir pas pu creuser la question des stratèges révolu- tionnaires postérieurs à Lénine qui ont appliqué cons- ciemment les thèses de Clausewitz. C’est le cas des cadres de l’appareil politico-militaire du KPD dans les années 1925-1945", de Tito (qui a étudié Clausewitz à Moscou en 1934) et du général Giap, à peine men- 1. Il ya de nombreuses mentions et analyses des thèses de Clausewitz dans les publications militaires du KPD et du Rotfront Kämpferbund. — G_ Gap er CrAUSEwrrz tionné dans l'introduction du livre. Il a fallu la publi- cation des Mémoires de Giap pour mesurer en quoi et à quel point il avait été influencé par Clausewitz. Je ne pourrais jamais assez conseiller ces Mémoires’: elles fournissent un éclairage irremplaçable sur la première guerre d’Indochine. À la différence des textes publiés dans les années 1960, les échecs de l'Armée populaire et les désaccords survenus parmi ses cadres y sont évoqués ouvertement et en détail. C’est dans ces Mémoires que Giap raconte sa rencontre avec Clausewitz et les moments où la pensée de Clausewitz vint nourrir ses propres réflexions. C’est fort de ces Mémoires que j'ai pu rédi- ger un des chapitres qui manquait à mon étude’ et, sur base de cette étude et de ce chapitre, l'essai que voici. T. D. 2. Général Vo Nguyen Giap, Mémoires, Éditions Anako (www.anako.com), collection Grands Témoins, Fontenay-sous-Bois, trois tomes, 2003-2004. 3-_ On peut lire ou télécharger ce chapitre sur wWww.geocities.com/t_derbent. T. Derbent Giap et Clausewitz L Carl von Clausewitz, | théoricien de la guerre populaire Universellement connu et reconnu comme penseur de la guerre (et notamment dans son rapport à la poli- tique), le général Carl von Clausewitz est aussi l’un des premiers théoriciens de la guerre populaire. C’est essen- tiellement par ses cours sur la «petite guerre» à l’École de guerre de Berlin (1810), par le troisième Manifeste des réformateurs prussiens appelant au soulèvement contre Napoléon (1812), par son essai intitulé Ueber den Partei gäger-krieg des Major von Balderstein (1813) et par le chapitre sur La Nation en armes de son œuvre majeure, Vom Kriege (De la guerre), que Clausewitz apparaît comme le théoricien de la guerre populaire nationale. Il examina à ces occasions tous les aspects de l’in- surrection militaire contre l'occupant dans des pages remarquables que tous les états-majors européens s’em- pressèrent d’occulter. Toute la guerres d’Indochine y semble pourtant par avance décrite : «Obéissant à une —. 10_GraP ET CLAUSEWIIz loi semblable à celle qui régit le phénomène de l’évapo- ration, l'insurrection agit en raison de la surface. Plus l'invasion occupe d’espace, plus les populations ont de points de contact avec elle, et plus grande devient l’action du soulèvement de ces populations. Cette action mine graduellement les bases sur lesquelles repose la puis- sance de l'ennemi. Comme une combustion sourde, elle poursuit lentement son œuvre, et, par ce fait même, - crée un état de tension incessante qui épuise l'élément sur lequel elle s’acharne. Cette tension diminuera sur certains points, quelques opérations vigoureuses la feront même parfois complètement disparaître, mais en somme, au moment où l’'embrasement général éten- dra partout ses flammes, elle contribuera puissamment à forcer l’envahisseur à vider le sol de la patrie, sous peine d’y trouver son tombeau.» Clausewitz distingue la petite guerre de la grande par les effectifs engagés :d es combats de vingt, cinquante, cent, trois cents ou quatre cents hommes, s'ils ne sont pas une partie de combats plus importants, appartiennent à la petite guerre. La petite guerre présente des carac- tères spécifiques que Clausewitz énumère longuement: les petites troupes peuvent passer partout, se ravitailler sans peine, se dissimuler, se déplacer rapidement, retraiter même en l'absence de route, etc. Ces traits spécifiques déterminent les qualités morales qu’elle requiert et 4. Clausewitz, De la guerre, éditions Lebovici, Paris, 1989, page 671.