Georges Bataille, à l’extrémité fuyante de la poésie FAUX TITRE 303 Etudes de langue et littérature françaises publiées sous la direction de Keith Busby, M.J. Freeman, Sjef Houppermans et Paul Pelckmans Georges Bataille, à l’extrémité fuyante de la poésie Sylvain Santi AMSTERDAM - NEW YORK, NY 2007 Maquette couverture / Cover design: Pier Post. The paper on which this book is printed meets the requirements of ‘ISO 9706: 1994, Information and documentation - Paper for documents - Requirements for permanence’. Le papier sur lequel le présent ouvrage est imprimé remplit les prescriptions de ‘ISO 9706: 1994, Information et documentation - Papier pour documents - Prescriptions pour la permanence’. ISBN: 978-90-420-2280-5 © Editions Rodopi B.V., Amsterdam - New York, NY 2007 Printed in The Netherlands Combien l’auteur aurait aimé le jeune homme s’il avait décrit avec minutie une position où l’on ne peut saisir que l’insaisissable, où l’on parle encore, où l’on ne peut que parler toujours, mais où – comme l’archevêque de Paris se promenant accompagné d’une amante dans ses jardins faisait par trois hommes accompagnés de râteaux effacer à mesure la trace de ses pas – l’on est tenu de dissoudre en silence une phrase à peine formée. (III, pp. 498-499.) INTRODUCTION A l’heure où l’œuvre de Georges Bataille a acquis une nouvelle dimension avec la publication de ses romans et de ses récits dans la Pléiade, il nous a semblé qu’il était enfin temps de reconnaître toute son importance au mot qui, dans son œuvre, éclaire le mieux le rapport complexe que cet auteur entretint avec la littérature, tous genres confondus. Ce mot, c’est le mot de poésie. Bien que le temps soit révolu où les études critiques consacrées à Bataille se contentaient, quand elles prenaient la peine de le faire, de reléguer la poésie au rang de question mineure, force est de constater que celle-ci reste encore marginalisée et mal comprise dans les études les plus récentes. Cette marginalisation persistante ne rend cependant pas justice à une question qui permet de revisiter les grands thèmes chers à Bataille sous une lumière nouvelle, et d’offrir ainsi un regard nouveau sur son œuvre et la place qu’elle occupe dans son siècle. C’est dans cet esprit que nous avons voulu décrire et analyser cette relation si singulière à la poésie. Et pour ce faire, il nous a semblé qu’il nous fallait en conserver un peu l’allure. La méditation de Bataille n’est pas d’un bloc. Fragmentaire, elle est plutôt faite de reprises incessantes où chaque fois la question 8 GEORGES BATAILLE, A L’EXTREMITE FUYANTE DE LA POESIE de la poésie est rejouée, abordée à partir d’un biais nouveau, comme si Bataille trouvait dans cette multiplication des angles d’attaque la meilleure manière de s’approcher d’un objet qu’il savait le plus fuyant. Ainsi, nous proposons une réflexion découpée en huit chapitres, huit chapitres que nous avons voulu indépendants les uns des autres, mais qui se répondent, se complètent, s’interpellent et s’interrogent. Huit chapitres qui sont aussi huit entrées que le lecteur empruntera au gré de ses envies et dans lesquels seront tour à tour envisagés les rapports que Bataille entretint avec le surréalisme et plus particulièrement avec l’écriture automatique, l’articulation qu’il voulut opérer entre la poésie et l’expérience, la manière dont il se servit du sacrifice pour penser les modalités de l’écriture de la poésie, la façon dont il se mit en jeu dans les poèmes et les rapports que cette mise en jeu entretient avec celle qu’il tenta à travers ses fictions, la question enfin de la communauté avec laquelle ses méditations trouvent peut-être leur plus grand accomplissement, si bien que ce qui se formule alors est sans doute ce qui, de cette œuvre, nous interroge le plus aujourd’hui. INFLUENCE DU SURRÉALISME Pourquoi Bataille s’est-il intéressé à la poésie ? Là où dans bien des cas une telle question ne vient pas même à l’esprit, tant la quête et la vie du poète semblent généralement se confondre, elle s’impose dans le cas de Bataille sitôt que l’on considère la singularité de sa réflexion. Il nous semble difficile de comprendre le sens d’une méditation qui maltraite autant l’objet qu’elle poursuit sans élucider les raisons pour lesquelles elle le fait, c’est-à-dire sans se demander s’il n’existe pas des raisons conjoncturelles qui, en même temps qu’elles lui auraient donné le jour, l’auraient aussi conduite sur cette voie : comprendre, par exemple, le sens de la haine de la poésie est une chose, comprendre ce qui conduit Bataille vers elle en est une autre sans laquelle la première ne demeure jamais que superficielle et incomplète. Dans une lettre datée de 1917, destinée à un certain Jean- Gabriel, Bataille témoigne du lien qui unit la poésie à sa fervente foi catholique d’alors : Autre chose est que me reprend mon ancienne manie. J’ai commencé hier un nouveau poème sur Jérusalem. Le sujet à la fois vague et simple s’inspire de la déception que peut causer cette nouvelle croisade en regret des temps héroïques. La forme est le vers libre comme je l’écrivis dans le poème de Notre Dame de Rheims dont vous avez lu un court fragment – mais le style est plus clair – moins subtil. Le procédé
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