G v eer van elde 1898 - 1977 G V EER VAN ELDE 1898 – 1977 16 Mai – 15 Juillet 2012 GALERIE FLEURY PARIS 36 Avenue Matignon – 75008 Paris. Mail : [email protected] - Web : www.galerie-fleury.com Tel. : 01 42 56 46 11 – Fax : 01 42 56 46 11 Remerciements Cette exposition vous est présentée grâce au concours de la galerie Louis Carré & Cie, Paris de la galerie Berès, Paris de la Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Nous remercions particulièrement : Mr Piet Moget, Mr Peter Graven, Mme Lydia Harambourg, la galerie Montanari, notre Imprimeur ainsi que les collectionneurs ayant contribué à cet événement. Avant Propos C’est avec un immense plaisir que je vous propose ce parcours dans l’œuvre d’après- guerre de Geer van Velde. Le charme de sa gamme de couleurs, la vivacité de ses rythmes et de ses pans colorés, nous font voyager entre l’intensité du Midi et le calme du Nord. Cette grande maîtrise, ces émotions parfaitement matérialisées et cette facilité à se détacher de toutes influences, constituent l’aboutissement d’un immense artiste. Aujourd’hui on ne parle plus forcément de l’art comme une sublimation de la nature, ou une représentation simplifiée de ce que l’on voit, il tend vers l’expression d’un sentiment. L’art abstrait est une volonté de nous présenter des idées ou des visions nouvelles sur le monde, issues d’un groupe d’artistes en quête de créations, tentant d’effleurer l’indescriptible. Il peut être aussi l’aboutissement d’une idée personnelle ou d’une vie d’artiste. On peut s’approcher ou s’éloigner de l’art abstrait mais il est nécessaire d’essayer de le comprendre… Alexandre FLEURY. 9 « Alchimiste de la lumière Geer van Velde recourt à la vibration de la couleur et à la matière pour rendre tangible l’espace ». La peinture de Geer van Velde rayonne d’une sensibilité contenue et d’un silence qui s’impose lentement à celui qui la regarde. Et pourtant, Samuel Beckett, l’ami fidèle, écrit que sa peinture « est excessivement réticente », et qu’elle « agit par des irradiations que l’on sent défensives ». Si pensée qu’elle soit, elle n’en est pas moins poreuse à la vie qu’elle féconde, passée dans une solitude indispensable pour préserver une œuvre fervente, introspective, refermée sur elle-même. L’artiste conduit son travail serein et lumineux, en s’absentant du monde, dans « une lutte sans merci », a-t-il confié. Un combat qu’il mène tôt avec la toile, animé d’une ascèse exercée en conscience. Celle-ci porte sur la perception de l’image en tant que réalité objective dont il revient à la peinture de rompre avec cette image représentée, au profit de l’extériorité spatiale lumineuse et cependant invisible. Une longue quête qui passe par les états successifs d’un « objet » jusqu’à sa stabilité dans l’espace. Pour Geer van Velde l’extériorité est une intériorité. Il part des formes exactes de l’image dont il ne cherche pas tant l’expressivité que les modulations pour atteindre à l’invisibilité devenue à son tour tangible. Nous voici au cœur de la dialectique de Geer van Velde pour lequel « l’essentiel n’est pas le visible, mais notre monde intérieur. Invisible, je dirai même inexistant ». Il y a l’avant et l’après d’un processus de la succession d’états invisibles pour produire un glissement de l’image vers une invisibilité des choses jusqu’à ce qu’elle devienne à son tour une réalité. Après les années passées à Cagnes-sur-Mer entre 1939 et 1944, Geer s’oriente vers l’abstraction, dans l’attente d’une harmonie et d’une plénitude, sans renoncer à l’observation du motif. 11 Ses surfaces chromatiques suggèrent une lente montée vers l’infini, une musique La toile intitulée Méditerranée de 1946, encore proche de l’univers matissien, du silence. C’est là toute la spécificité de ce que l’on nommera son style. Geer van marque un tournant irréversible. Dans l’atelier de Cachan d’apparence serein, plane le Velde « croit que la peinture devrait signifier sa propre affaire, c’est-à-dire la couleur ». doute pour un combat qui isole le peintre pendant des jours. « Etre malheureux est un luxe privé ». Tout prend son sens dans cette transmutation des plans qui se rompent et se reforment à mesure que l’on regarde, des intermittences où le temps est pensé Lydia Harambourg. comme espace, où du silence naissent des résonances. Le rituel est immuable. Geer van Velde commence par tracer au fusain les grands rythmes et les masses avant de Membre correspondant de l’Institut, Académie des Beaux-Arts recouvrir la toile d’une fine couche de blanc de zinc à l’huile appliquée sans diluant, Auteur du dictionnaire des Peintres de l’Ecole de Paris 1945 – 1965. Editions Ides et calendes, 1993, rééditions en 2010. laissant apparaître les traces du fusain. Vient ensuite l’étape des journaux collés pour absorber l’huile ce qui rend résistante la toile à laquelle il peut s’attaquer à partir d’un © Lydia Harambourg geste ralenti, soumis au support. Sa pratique simultanée du dessin accompagne sa conquête des équilibres plastiques précaires, conséquence de sa remise en question de la perspective albertienne traditionnelle, avec le double thème de l’atelier et du paysage à la suite de Bonnard, avec lequel il s’était lié dans le midi. Avec le cycle des grands Ateliers (1948-1952), le travail du dessin renforce les structures ordonnées par le jeu des aplats colorés et confirme sa prédilection pour la verticalité. Celle-ci est à interpréter comme une métaphore de l’homme debout, menacé de tomber, de même la peinture remise chaque jour sur le métier affronte le risque du déséquilibre. Un trait vibrant cerne les plans animés par de subtils rapports de tons dans une palette qui acquiert une autonomie en démultipliant les tonalités froides : les bleus, les gris, les roses, les violets clairs. Laboratoire, lieu intime et creuset de la création de celui qui se référait à la pensée de Lao-Tseu, l’atelier permet une méditation constante sur sa relation à l’espace qui l’entoure. Dans la décennie des années 50, ses compositions cristallisent son sujet : des Intérieurs dans lesquels, fonds et formes s’interpénètrent, avant que ceux-ci soient dissociés quelques années plus tard. Ce passionné d’architecture entretient des liens avec ses compatriotes du Siècle d’or, de Saenredam, Vermeer à Mondrian pour leur attention commune portée à l’épure, aux problèmes spatiaux. Pour ses évocations furtives de châssis, de chevalet, de tableaux et de miroir, de fenêtre, Geer van Velde ne retient que la « substance » ou le « substratum linéaire » de Proust. Le regard embrasse la surface, distingue des formes géométriques (rectangles, losanges, carrés) ajustées comme pour une construction, sans qu’aucun des éléments ne soit figuratif. Comment ne pas penser au pavement des intérieurs de Vermeer ou encore aux losanges suspendus sur les piles des églises de Saenredam. Pour finir l’objet du tableau se confond avec l’intériorité. Au tournant des années soixante, l’élaboration géométrique se meut en un espace intime dans lequel la lumière atteint à la spiritualité. Une présence lumineuse transcende sa composition qui élague formes et couleurs dans un jeu de déséquilibre- équilibre pour traduire un mouvement circulaire d’où naissent les souffles vitaux. 12 13 Biographie de l’artiste : Geer van Velde 1898 – 1977 Beaucoup d’artistes ont commencé par l’apprentissage des techniques de base (dessin, gouache, huile). Certains d’entre eux ont été tentés par quelques mouvements picturaux avant de trouver leur voie, d’autres se sont inscrits comme novateurs ou fondateurs d’emblématiques groupes. Monet, Pissarro, Manet ou Renoir pour l’impressionnisme, Braque, Picasso ou Gris pour le cubisme… Les frères Van Velde, Bram et Geer n’ont pas eu la possibilité d’acquérir ces techniques. Abandonnés par leur père dès leur plus jeune âge, les enfants Van Velde vécurent dans une véritable misère. En 1910, à l’âge de 12 ans, Geer est apprenti décorateur chez Eduard Hendrick Kramer, grand amateur d’art, propriétaire d’une firme de peinture et de décoration. Cet homme, qui fût son mécène durant de longues années, va encourager Geer dans son goût pour la peinture. Dès lors, le jeune artiste parcourt les Flandres et peint des enseignes pour gagner sa vie. Voilà la seule école que Geer aura. Suite à ce voyage il se rend en 1925 à Paris pour retrouver son frère ainé et visite l’exposition des Arts décoratifs. En 1933, Geer se marie et s’installe avec sa jeune épouse Elisabeth dans le XIIIème arrondissement. Entre temps, le peintre expose à trois reprises (1928, 1929, 1930) au Salon des Indépendants. A cette époque, l’artiste n’a toujours pas trouvé sa voie et se concentre sur ses recherches. En 1937, il rencontre Samuel Beckett, écrivain, poète et dramaturge irlandais qui lui présente Peggy Guggenheim. Cette dernière, enthousiasmée par les peintures de Geer, l’exposera à Londres l’année suivante (Guggenheim Jeune). Suite à l’échec de cette exposition, Geer décide de s’installer à Cagnes-sur-Mer jusqu’en 1944. C’est ici que les bleus de la mer et les ocres du sable vont provoquer un changement radical dans son oeuvre. Cette intense luminosité, propre au bord de mer du sud de la France, le plonge vers une observation du monde qui l’influencera tout au long de sa vie. Une réelle unité se dégage de ses toiles. Commence alors pour lui un périple entre l’intérieur et l’extérieur, mais également entre équilibre, luminosité et structure. A la fin de l’année 1944, il quitte Cagnes-sur-Mer pour aller s‘installer à Cachan où il restera définitivement. 15 Evolution dans l’œuvre de Geer Van Velde : du réalisme à l’abstraction. Geer a mis longtemps à se trouver, et malgré son passage chez Monsieur Kramer, il lui a fallu découvrir sans réel maître les œuvres des autres artistes et les mouvements picturaux de l’époque. Mais la souplesse de sa peinture lui a évité les erreurs des débutants. Les années 50 constituent l’aboutissement d’une vie consacrée à s’imprégner des différentes périodes de la peinture moderne en France comme en Hollande. 1915 -1925 : Esthétique Hollandaise. A l’issue de son premier travail à la Haye, Geer, avec le soutien de Eduard H. Kramer, cultive son goût pour la peinture, qui l’amène à choisir les thèmes de prédilection des artistes hollandais. Des natures mortes ou des portraits réalisés dans les règles de l’esthétique hollandaise. 1 Mais au-delà de ce réalisme, on ressent déjà chez lui le désir d’aller plus loin. La matière, la lumière et les couleurs utilisées durant cette période, nous dévoilent son évolution. Une incroyable agilité ressort de ses œuvres. La maîtrise des volumes et la manière de poser et de juxtaposer les couleurs nous révèlent un artiste ambitieux et audacieux. C’est durant cette période qu’il met en œuvre son savoir acquis quelques années plus tôt chez E.H. Kramer : le rapport matière et couleur. 17 1925 - 1930 : Inspiration parisienne. 1930 - 1938 : de la figuration à la géométrisation des thèmes. Après trois expositions au Salon des Indépendants, où il n’a presque rien vendu, Geer Geer, après son service militaire repart en Hollande, faute d’argent. Mais, dès son retour à Paris, il entreprend de parcourt les Flandres à pied. nouvelles œuvres. Période difficile à comprendre où l’artiste se dote d’un éventail de Cette vision des plaines et des couleurs stupéfiantes. Lorsqu’il représente un champs ou un paysage reflétant un soleil villages l’influence dans les dévastateur, presque violent, il se libère de toutes les influences parisiennes et œuvres qu’il peindra lors de son « académiques ». Peut-être se rapproche-t-il ainsi vers l’art de son frère, avec qui il est arrivée à Paris. Il représente alors très lié à cette époque. Cette courte période, où il utilise principalement la gouache, des paysages, des personnages et nous montre encore une fois son désir d’aller toujours plus loin dans le domaine de la des scènes du quotidien. Les peinture. Ses gouaches et ses sujets explosent sur le papier, la touche part dans tous les couleurs qu’il utilise sont sens. Geer n’exécute, à ce moment là, aucun dessin préparatoire et il pose directement franches et vives, les scènes sur le papier ses aplats colorés. représentées sont populaires. 2 Le réalisme d’autrefois n’est plus d’actualité, et le respect des proportions n’est pas encore devenu son principal objectif. La mise en page de ses œuvres évolue durant ces cinq années. Dès 1925, quelques-unes de ses toiles pourraient nous donner à penser qu’il était familier de l’œuvre d’un autre artiste de l’époque : Chagall. Comme dans les œuvres de ce dernier, les personnages vivent dans le décor. Au fil des mois et des années qui suivront, son travail s’ouvre vers un nouvel horizon, ce sont les prémices de son art d’après guerre que nous observons. Les zones colorées s’agrandissent et rythment la toile. Les personnages sont visibles ou disparaissent derrière de larges bandes de couleurs, disposées de manière à mettre en avant un visage, un bras, ou un mouvement. C’est encore une vision figurative du monde qui se ressent dans la peinture de l’artiste, qui, peu à peu, évoluera vers la géométrisation. 5 3 4 18 19
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