Imaginez un chœur polyphonique réunissant douze femmes dont un homme trans, âgées de 19 à 93 ans, presque toutes noires, chantant leur(s) expérience(s) britannique(s) dans une scénographie multipliant décors et points de vue de Newcastle à Cornwall en passant par Londres et dans une chronologie s'étendant du XXe siècle aux trébuchements d'un XXIe siècle remodelé par les mouve-ments #metoo et #Blacklivesmatter. Cela donne Fille, Femme, autre, un roman-fusion époustouflant où, comme le soutien-gorge en son temps, la ponctuation a été allègrement jetée par la fenêtre. Son auteure, Bernardine Evaristo, a raflé comme une tornade dans son passage tous les honneurs dont le Man Booker Prize 2019 devenant ainsi la première femme noire à recevoir le prestigieux prix. C'est l'histoire entremêlée d'Amma, Yazz, Dominique, Carole, Bummi , LaTisha, Shirley, Winsome, Penelope, Megan/Morgan, Hattie et Grace et d'autres encore. Chacune d'elles cherche un avenir, une maison, l'amour, une mère absente, un père perdu, une identité, un genre – il, elle, iel - une existence, et au passage, le bonheur. Toutes ont traversé l'espace et le temps – pour atterrir au cœur de l'Angleterre, carrefour historique des migrations et échouer aux confins éternellement figés des castes britanniques. Femmes invisibles dans la société anglaise, elles prennent corps et âmes sous la plume libre et libératrice d'une auteure, poète, dramaturge qui, avec ce huitième roman, signe une œuvre d'une grande vitalité. **