Fénelon in the Enlightenment: Traditions, Adaptations, and Variations 178 Internationale Forschungen zur Allgemeinen und Vergleichenden Literaturwissenschaft Begründet von Alberto Martino und in Verbindung mit Francis Claudon (Université Paris-Est Créteil Val de Marne) – Rüdiger Görner (Queen Mary, University of London) – Achim Hölter (Universität Wien) – Klaus Ley (Johannes Gutenberg-Universität Mainz) – John A. McCarthy (Vanderbilt University) – Alfred Noe (Universität Wien) – Manfred Pfister (Freie Universität Berlin) – Sven H. Rossel (Universität Wien) herausgegeben von Norbert Bachleitner (Universität Wien) Redaktion: Paul Ferstl und Rudolf Pölzer Anschrift der Redaktion: Institut für Vergleichende Literaturwissenschaft, Sensengasse 3A , A-1090 Wien Fénelon in the Enlightenment: Traditions, Adaptations, and Variations With a preface by Jacques Le Brun Edited by Christoph Schmitt-Maaß, Stefanie Stockhorst and Doohwan Ahn Amsterdam - New York, NY 2014 Cover illustration: Telemach betrachtet die Gelegenheit der Stadt Tÿrus. In: François de Salignac de la Mothe Fénelon: Die Begebenheiten des Prinzen von Ithaca, Oder: der seinen Vater Ulysses, suchende Telemach [?]. Transl. by Benjamin Neukirch. Vol. 1. Onolzbach 1727, p. 145. Classmark: ESlg/2 P.o.gall. 10-1. Reproduction courtesy of Bayerische Staatsbibliothek München. Le papier sur lequel le présent ouvrage est imprimé remplit les prescriptions de “ISO 9706:1994, Information et documentation - Papier pour documents - Prescriptions pour la permanence”. The paper on which this book is printed meets the requirements of “ ISO 9706:1994, Information and documentation - Paper for documents - Requirements for permanence”. Die Reihe “Internationale Forschungen zur Allgemeinen und Vergleichenden Literaturwissenschaft” wird ab dem Jahr 2005 gemeinsam von Editions Rodopi, Amsterdam – New York und dem Weidler Buchverlag, Berlin herausgegeben. Die Veröffentlichungen in deutscher Sprache erscheinen im Weidler Buchverlag, alle anderen bei Editions Rodopi. From 2005 onward, the series “Internationale Forschungen zur Allgemeinen und Vergleichenden Literaturwissenschaft” will appear as a joint publication by Editions Rodopi, Amsterdam – New York and Weidler Buchverlag, Berlin. The German editions will be published by Weidler Buchverlag, all other publications by Editions Rodopi. ISBN: 978-90-420-3817-2 E-Book ISBN: 978-94-012-1064-5 © Editions Rodopi B.V., Amsterdam - New York, NY 2014 Printed in The Netherlands Table of Contents Jacques Le Brun Préface : Une réception paradoxale 7 Christoph Schmitt-Maaß/Stefanie Stockhorst/Doohwan Ahn Introduction: Early Modernism, Catholicism and the Role of the Subject – Fénelon as a Representative of the Age of Enlightenment 13 Karen Pagani And if Voltaire Ceased to be Voltaire? The Influence of Quietism on Voltaire’s Later Works 25 Matthew D. Mendham Rousseau’s Partial Reception of Fénelon: From the Corruptions of Luxury to the Contradictions of Society 47 Andrew Mansfield Fénelon’s Cuckoo: Andrew Michael Ramsay and the Archbishop Fénelon 77 Doohwan Ahn From Idomeneus to Protesilaus: Fénelon in Early Hanoverian Britain 99 Jorge Fernández-Santos Ortiz-Iribas/Sara Muniain Ederra Prendre modèle sur Télémaque: The Fénelonian Underpinnings of ‘Cultural Policy’ at the Court of Philip V of Spain 129 Christoph Schmitt-Maaß Quietistic Pietists? The Reception of Fénelon in Central Germany c. 1700 147 Patricia A. Ward Fénelon and Classical America 171 Márcia Abreu The Adventures of Telemachus in the Luso-Brazilian World 193 Arzu Meral The Ottoman Reception of Fénelon’s Télémaque 211 6 Dragana Grbić Telemachus – Dositej Obradović’s Last Wish. The Serbian Reception of Fénelon 237 Anna Szyrwińska Polish Translations of Fénelon’s The Adventures of Telemachus in the 18th and early 19th Century 263 Mary D. Sheriff Painting Telemachus in the French Regency 281 Bernward Schmidt The Rejected Maxim: Images of Fénelon in Rome 1699 and by Catholic Reformers c. 1800 313 Silvia Schmitt-Maaß Collecting Fénelon: Images, Imaginations, and Collecting Portraits 339 Bruno Forment Fénelon’s Operatic Novel: Audiovisual Topoi in Télémaque and their Representation in Opera 365 Biographical Notes 377 Index 383 Préface : Une réception paradoxale Jacques Le Brun Les œuvres de Fénelon ont connu au XVIIIème siècle, et jusqu’au début du XXème, un succès inégalé. Publiées clandestinement en 1699 les Aventures de Télémaque eurent un succès immédiat, furent rééditées et traduites dans la plupart des langues de l’Europe. Et, nouvelle surprise, les autres œuvres, d’un caractère tout différent, philosophiques, pédagogiques, politiques, spiri- tuelles, sans atteindre le succès du Télémaque, furent largement publiées, traduites, lues, dans tous les pays, en des milieux les plus différents. Une aussi large diffusion à travers pays, langues et cultures si divers fait cependant question. Les travaux rassemblés ici s’interrogent de façon appro- fondie sur les formes, les raisons, les ambiguïtés de cette exceptionnelle réception. Ce qui frappe l’historien, c’est que cette réception est contradic- toire, s’appuie souvent sur des faux-sens, manifeste des paradoxes. En effet à chacune des raisons qui l’expliquent peuvent être jointes des raisons oppo- sées, mais qui ont elles aussi contribué à l’audience de ces œuvres et à la popularité de leur auteur. En effet Fénelon fut d’abord un écrivain dévot, catholique, engagé dans la controverse antiprotestante ; il fut le disciple de Bossuet et comme lui travailla à une reconquête catholique de la société. Devenu archevêque de Cambrai il apparaît comme un prélat selon l’esprit de la Contre-Réforme. Or cet archevêque apparut très tôt, au prix d’un faux-sens, comme un homme de dialogue, voire de tolérance. Certainement faux-sens, comme l’avait mon- tré au XIXème siècle O. Douen, qui dans son livre L’intolérance de Fénelon dénonçait ses méthodes de convertisseur. Cependant les contemporains pouvaient souligner le fait que, dans ses controverses contre les protestants, Fénelon se montrait discret sur la dévotion à la Vierge et aux saints et sou- haitait épurer le catholicisme de ses abus ; les protestants voyaient aussi dans L’éducation des filles des traces d’une conception épurée du catholicisme. Avec la querelle du pur amour, l’archevêque de Cambrai, persécuté par le roi et condamné par Rome, prit aux yeux de l’Europe et de ceux qui allaient deve- nir les Philosophes la figure d’une victime de l’intolérance romaine et de l’arbitraire royal, et cela au moment où sa soumission et sa lutte inlassable contre toutes les hétérodoxies, en particulier les jansénistes, lui donnaient le visage d’un prélat à l’insoupçonnable orthodoxie. Les choses sont plus complexes : au moment où Fénelon poussait Rome à publier une bulle définitive contre les jansénistes (ce sera en 1713 la bulle Unigenitus), il avait des correspondances ou des conversations avec des pro- testants comme le philosophe et auteur spirituel Pierre Poiret et comme 8 Jacques Le Brun l’écossais Ramsay qui devint son familier puis son biographe. Et parmi les disciples de Mme Guyon, avec qui il ne rompit jamais, il y avait nombre de protestants ou d’hommes en marge des orthodoxies, les piétistes étant sé- duits par sa spiritualité. Ainsi se formait le portrait idéalisé, peu conforme à la réalité, d’un Fénelon tolérant, peu attaché aux orthodoxies et persécuté injustement pour sa liberté d’esprit. La biographie, publiée par Ramsay en 1723, jouera de ce point de vue un rôle essentiel, tandis que les portraits de l’archevêque se répandaient par la peinture et la gravure. Si nous considérons les œuvres philosophiques de Fénelon, on constate que leur auteur fut un apologiste du christianisme et du catholicisme à la fois traditionnel et novateur. Il développait les preuves classiques par la méta- physique et développait les arguments des Pères de l’Eglise sur les beautés de la nature et l’ordre du monde qui semblaient prouver l’existence d’un Être Suprême. Mais ici encore il faut reconnaître l’ambiguïté de la réception de ces œuvres : d’un côté certains admiraient un archevêque qui défendait avec talent le christianisme, l’existence de Dieu, la Providence, la liberté de l’homme, et louaient la façon dont l’archevêque actualisait le traditionnel argument des merveilles de la création ; d’un autre côté, si les Philosophes applaudissaient à ces tableaux, ils croyaient y voir une entreprise qui favori- serait le déisme, l’idée d’un Dieu grand Horloger ; que cette interprétation fût abusive, c’est certain, car Fénelon avait jadis soutenu le contraire contre Malebranche, mais la Réfutation de Malebranche est restée inédite jusqu’au XIXème siècle, et ce sont les seuls textes publiés qui, contre l’intention de l’auteur, accréditeront l’idée d’un Fénelon « philosophe » au sens du XVIIIème siècle, favorable au déisme. Même si cette théodicée se montrait très discrète sur Jésus-Christ, sur l’Incarnation et sur la Rédemption, et si Fénelon ne composait pas à proprement parler un « génie du christianisme », c’était évidemment un abus de voir en Fénelon une sorte de précurseur du culte de l’Être Suprême. Il y a donc ici encore paradoxe à voir un apologiste aussi orthodoxe susciter l’admiration des Philosophes du Siècle des Lu- mières, mais la postérité se construisait un portrait de Fénelon tel qu’elle désirait le trouver. Il en allait de même dans le domaine politique : la disgrâce de Fénelon pouvait le faire passer pour un opposant au roi de France et la publication des Aventures de Télémaque confirmait cette opinion aux yeux d’une Europe où les adversaires de la politique brutale et expansionniste de Louis XIV étaient nombreux. Maint document montre qu’on lisait alors le roman comme une vive critique de l’absolutisme du roi de France, du luxe de la Cour, du règne de la faveur et de l’argent, d’une politique guerrière contre toutes les lois de l’humanité, au mépris des engagements et des traités. Mais l’inverse était vrai aussi : les esprits conservateurs, nous dirions réaction- Préface : Une réception paradoxale 9 naires, trouvaient dans le livre des arguments, le respect de l’ordre établi, l’éloge de la famille, d’une vie rurale non contaminée par le monde moderne, la nostalgie de la vie simple des temps primitifs, la dénonciation des villes modernes, d’une économie fondée sur l’argent et non sur les valeurs tradi- tionnelles de la terre, du travail, de l’ordre moral, de la hiérarchie des condi- tions, l’exaltation utopique d’un pouvoir qui incarnerait la morale, la justice et le droit, et la nostalgie mythique et aristocratique d’un grand corps de nobles conseillers du souverain qui auraient un réel rôle politique. Ainsi, de façon contradictoire, les leçons politiques de Fénelon ont pu être proposées comme modèles de justes maximes de gouvernement au jeune Louis XVI et, inversement, ont pu être considérées comme des textes hostiles à la monar- chie absolue, comme des critiques politiques et sociales radicales. En réalité, comme en d’autres cas de l’histoire, une pensée réformatrice s’appuyait sur une tentative de retour à des origines mythiques, origines reconstruites et exaltées à cette fin. Le paradoxe était que Fénelon, grand seigneur opposé à l’apparent embourgeoisement de la société louis-quatorzième et défenseur de l’aristocratie, allait apparaître en accord avec la sensibilité bourgeoise des Lumières, manifeste aussi dans l’esthétique du temps. En effet, c’est dans les domaines, esthétique, littéraire et artistique qu’une ambivalence se manifeste vis-à-vis de l’œuvre et de l’art de Fénelon. Cela apparaît déjà au moment des débats que l’on appelés la querelle des Anciens et des Modernes à propos du rapport de l’artiste et de l’homme moderne à l’Antiquité. Fénelon lui-même fut sollicité pour donner son avis dans ce débat, et sa position, très nuancée, put être considérée comme apportant des arguments à l’un et à l’autre parti. Ce qui frappe au premier abord est la couleur antique des œuvres de Fénelon, des Dialogues des morts et du Télé- maque, qui mettent en scène des personnages de l’Antiquité et dont le sujet se situe à l’époque homérique et dans les âges classiques. Dans ces œuvres bien des traits de mœurs, des détails de civilisation, étaient destinés à rendre le lecteur en quelque sorte contemporain des époques lointaines où les faits étaient supposés se passer. Ces écrits étaient en effet aussi destinés à faire connaître aux enfants et aux adultes l’histoire ancienne, la mythologie, ce qu’on appelait la fable, tout ce qui permettait de lire les littératures grecque et latine et de sentir les beautés de l’art, qui, aux XVIIème et XVIIIème siècles, était imprégné de l’Antiquité. Ainsi Fénelon pouvait apparaître comme un Ancien pour qui l’Antiquité constituait un modèle insurpassable. A travers l’Europe et jusqu’en Amérique, une communauté de culture, la référence à la double Antiquité, classique et chrétienne, rendait immédiatement accessible la sensibilité littéraire et artistique de Fénelon. Mais Fénelon, s’il pouvait ainsi convaincre et charmer les partisans des Anciens, fournissait aussi aux Modernes quelques-uns de leurs meilleurs arguments et constituait, lui-
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