Exploration des interactions plantes-animaux et implications en conservation par Louis Lazure essai présenté au Département de biologie en vue de l’obtention du grade de maître en écologie internationale (maîtrise en biologie incluant un cheminement de type cours en écologie internationale) FACULTÉ DES SCIENCES UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE Sherbrooke, Québec, Canada, décembre 2007 Sommaire Les écosystèmes ne consistent pas seulement en un assemblage d’espèces (biocénose) vivant dans un milieu physico-chimique (biotope). Ces espèces interagissent continuellement et ces relations sont une force de cohésion entre toutes les parties de la biocénose. Les relations plante-animal font parties de ces forces et facteurs ayant une influence sur l’écologie et l’évolution. Elles se déclinent sous plusieurs formes et offrent une grande opportunité de découvertes. Chez les plantes, les angiospermes sont la division végétale la plus associée aux animaux et de très nombreux insectes et vertébrés sont liés aux plantes, soit en tant qu’herbivore ou dans une relation symbiotique. Les adaptations que présentent les acteurs dans ces relations sont parfois issues du processus de coévolution. Dans ce processus, ce n’est pas un des deux acteurs qui s’adapte aux caractéristiques déjà présentes de son partenaire, il s’agit plutôt de changements évolutifs qui s’alternent, l’un répondant à l’autre et vice-versa, ce qui les mène à un certain degré de spécialisation l’un pour l’autre. Les structures physiques des organismes, leur comportement, leur biochimie, sont des éléments pouvant être modulés par la coévolution. Ce processus ne prend pas toujours place entre deux espèces, mais peut se dérouler entre deux guildes incluant plusieurs espèces de chaque côté (coévolution diffuse). La biodiversité, et par conséquent la santé des écosystèmes aussi, dépend grandement des interactions plante-animal. Ce sont bien souvent des processus clés dont l’altération ou l’interruption ont des effets difficilement prévisibles, certainement nuisibles et potentiellement dévastateurs. Les populations humaines obtiennent des services des écosystèmes qui, lorsque évalués, ont une valeur immense. Le maintien de ces services passe par la protection et la gestion des écosystèmes et de leur biodiversité. À cette raison utilitariste s’ajoutent la valeur intrinsèque de la biodiversité, l’attachement à la nature et à ses processus caractéristiques et le plaisir d’explorer et de comprendre ces interactions. Plusieurs activités et phénomènes menacent les relations plantes-animaux, soit en interférant directement ou en affectant un autre élément de la communauté qui éventuellement viendra à affecter les interactions. La meilleure ii mesure de conservation est l’approche par habitat, écosystème et région et la reconnaissance des espèces et processus clés. Ces efforts appliqués au niveau écologique resteront vains s’ils ne sont pas accompagnés de mesures beaucoup plus larges qui touchent les causes sous- jacentes à la dégradation des écosystèmes, de nature économique ou sociale. La forêt Atlantique du Brésil nous offre un exemple d’écosystème ayant subit une intense dégradation dans les dernières décennies. Plusieurs des relations plante-animal en ont souffert, ce qui a à son tour nuit aux communautés biologiques. Des efforts de conservation s’y mettent lentement en place, pour contrer avant tout les effets de la fragmentation du territoire. iii Table des matières SOMMAIRE.......................................................................................................................ii TABLE DES MATIÈRES..................................................................................................iv LISTE DES TABLEAUX..................................................................................................vi LISTE DES FIGURES.......................................................................................................vii GLOSSAIRE......................................................................................................................viii INTRODUCTION..............................................................................................................1 CHAPITRE 1 – LA DIVERSITÉ DES RELATIONS PLANTES-ANIMAUX................4 1.1. La reproduction assistée........................................................................................4 1.2. Le cerf de Virginie, paysagiste de la forêt québécoise..........................................6 1.3. Logement végétal, gardiens animaux....................................................................9 1.4. On a toujours besoin d’un plus mobile que soi...................................................11 1.5. Des jardins de plantes en eau salée......................................................................13 CHAPITRE 2 – L’ORIGINE DES RELATIONS PLANTES-ANIMAUX....................15 CHAPITRE 3 – MOTIVATIONS À L’ÉTUDE DU PHÉNOMÈNE..............................20 CHAPITRE 4 – CONSERVATION................................................................................27 4.1. Menaces..................................................................................................................28 4.1.1. La perte d’habitat..............................................................................................28 4.1.2. La fragmentation...............................................................................................29 4.1.3. La surexploitation.............................................................................................30 4.1.4. Les espèces envahissantes................................................................................31 4.1.5. La pollution......................................................................................................31 4.2. Mesures de protection.............................................................................................32 iv 4.2.1. Aires protégées et restauration.........................................................................32 4.2.2. Conservation ex-situ et réintroduction.............................................................34 4.2.2. Mesures économiques.......................................................................................34 4.2.3. Mesures sociales...............................................................................................36 4.2.4. Coopération......................................................................................................37 CHAPITRE 5 – ÉTUDE DE CAS : LA FORÊT ATLANTIQUE DU BRÉSIL.............39 CONCLUSION................................................................................................................46 LISTE DES RÉFÉRENCES.............................................................................................47 v Liste des tableaux 2.1 Critères de discernement entre coévolution diffuse ou de pair.................................18 3.1 Valeur économique totale d’un écosystème .............................................................23 3.2 Six questions sur l’écologie et l’évolution des interactions plantes-animaux à explorer dans le futur.................................................................................................26 5.1 Nombre d’espèces menacées par classe de vertébrés terrestres dans la forêt Atlantique du Brésil...................................................................................................40 vi Liste des figures 1.1 Diversité des relations plantes-animaux......................................................................8 4.1 Schéma intégrant les relations plante-animal dans la préservation des écosystèmes, avec les menaces et les champs d’action...................................................................27 5.1 Distribution originelle de la forêt Atlantique en Amérique du Sud et situation actuelle dans quatre États brésiliens, à l’extrémité nord-est de la forêt Atlantique...39 5.2 Fragments de forêt Atlantique sur les collines d’une plantation de canne à sucre....43 vii Glossaire Commensalisme Relation symbiotique dont un acteur retire des avantages, sans nuire à l’hôte ni lui apporter de bénéfice. Communauté Ensemble d’espèces qui vivent suffisamment près les unes des autres pour avoir la possibilité d’interagir. Compétition Utilisation ou défense d’une ressource par un individu qui en réduit la disponibilité à d’autres individus, soit de la même espèce (intraspécifique) ou d’une autre (interspécifique). Espèce Groupe d'organismes étroitement liés qui peuvent se reproduire et engendrer une progéniture viable et qui sont isolés génétiquement des autres groupes d'organismes. Espèce clé Concept restreint pour cet essai, aux espèces identifiées comme actrices dans de nombreuses ou d’importantes relations qui façonnent significativement la dynamique d’un écosystème. Fitness Habileté d’un individu à contribuer génétiquement à la génération suivante. On utilise le terme anglais à défaut d’avoir un terme largement reconnu en français, pour le moment. Guilde Groupe d’espèces qui utilisent une même ressource de manière similaire. Mutualisme Relation symbiotique dont les acteurs tirent tous deux profit. On parle de mutualisme obligatoire si la survie des deux acteurs en dépend , sinon il s’agit de mutualisme facultatif. Prédation Mode de nutrition selon lequel un organisme d'une espèce (le prédateur) capture un organisme d'une autre espèce (la proie) et le consomme en tout ou en partie. viii Population Groupe localisé d’organismes de la même espèce à un moment déterminé Processus clé Une fonction critique dans l’écosystème qui contrôle une grande part des caractéristiques de cet écosystème. Sélection naturelle Processus par lequel augmente la fréquence de certains allèles (une des deux formes possibles d’un seul gène) et diminue celle d’autres allèles à cause de l’inégalité du succès reproductif. L’évolution résulte de la modification des fréquences alléliques. Service environnemental Bénéfice que l’humain obtient des écosystèmes. Inclut des services d’approvisionnement (ex : eau, nourriture), de régulation (ex : protection des inondations), culturels (ex : loisirs) et de support (ex : séquestration du carbone). Spéciation Apparition de nouvelles espèces au cours de l’évolution. Symbiontes Les acteurs d’une symbiose. Symbiose Relation écologique entre des organismes appartenant à des espèces différentes qui vivent en contact direct les uns avec les autres. ix Introduction Aussi loin que nous pouvons reculer dans l’histoire des sciences naturelles, les différentes disciplines ont presque toujours été considérées séparément et de façon très hermétique. En particulier dans les sciences biologiques : d’un côté la botanique et de l’autre la zoologie. Cette dichotomie se perpétua jusqu’au 19e siècle, qui correspond aux premiers balbutiements de l’écologie. Avec l’écologie, l’étude et la prise en considération des relations entre organismes et avec leur environnement prirent de l’importance. Néanmoins, la plante et l’animal furent souvent sujets d’études bien délimitées à l’un ou l’autre. Encore de nos jours, il reste des départements de botanique et de zoologie distincts dans les universités et chaque discipline possède ses propres revues scientifiques. Heureusement, l’échange d’information et la collaboration sont maintenant très valorisés. Ce qu’il importe de comprendre, c’est que la nature n’a que faire de cette vision des choses. Elle n’est pas soumise au même besoin de classer et d’ordonner que le cerveau humain! Les plantes et les animaux sont différents, sans aucun doute. Les plantes sont fixes, fabriquent leur propre nourriture (autotrophes) et font preuve d’une étonnante plasticité qui leur permet de faire face aux contraintes plutôt que de les fuir. Les animaux sont mobiles, doivent ingurgiter leur nourriture pour produire leur énergie (hétérotrophes) et possèdent des comportements variés qui leur permettent de répondre rapidement à un stimulus extérieur. On pourrait facilement ajouter une quantité phénoménale d’autres différences. Et c’est justement à cause de ces différences que, depuis des millions d’années, ces deux règnes partageant les ressources et l’espace de notre planète, ont noué d’innombrables relations. Ces relations se rapportent à l’alimentation, la reproduction, le déplacement, la défense, etc. Elles peuvent être considérées comme étant de la prédation, de la compétition ou une symbiose. Pour illustrer rapidement l’importance de toutes ces relations, référons nous à l’ouvrage du botaniste français Francis Hallé (1999). Imaginons, qu’il est possible de faire disparaître d’un coup tous les végétaux de la Terre. En quelques heures ce serait l’hécatombe. N’ayant plus de 1
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