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eugène ionesco, samuel beckett, arthur adamov PDF

307 Pages·2010·2.04 MB·French
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UNIVERSITÉ AL.I. CUZA UNIVERSITÉ D’ARTOIS IAŞI, ROUMANIE ARRAS, FRANCE FACULTÉ DES LETTRES U.F.R. LETTRES ET ARTS P.R.E.S. LILLE-NORD DE FRANCE THÈSE DE DOCTORAT EN COTUTELLE en Littérature Comparée présentée par Mirela HELBERI sur ALIÉNATION ET ABSURDE DANS LE « NOUVEAU THÉÂTRE » : EUGÈNE IONESCO, SAMUEL BECKETT, ARTHUR ADAMOV Thèse dirigée par : M. Alexandru CǍLINESCU, Professeur à l’Université « Alexandru Ioan Cuza », Roumanie M. Alain VUILLEMIN, Professeur à l’Université d’Artois, France soutenue le 14 décembre 2009 JURY : Mme Muguraş CONSTANTINESCU, Professeur à l’Université « Ştefan cel Mare », Suceava, Roumanie Mme Simona MODREANU, Professeur à l’Université « Alexandru Ioan Cuza », Iaşi, Roumanie M. Alexandru CǍLINESCU, Professeur à l’Université « Alexandru Ioan Cuza », Iaşi, Roumanie M. Jacques CHEVRIER, Professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne (Paris 4), France M. Michael OUSTINOFF, Maître de Conférences HDR, Université Sorbonne Nouvelle- Paris 3, France M. Alain VUILLEMIN, Professeur à l’Université d’Artois, France REZUMAT În urma marilor dezastre provocate de cele două razboaie mondiale, trei dramaturgi provenind din medii culturale diferite, având concepŃii diferite, românul Eugen Ionescu, irlandezul Samuel Beckett şi armeanul Arthur Adamov îşi croiesc un drum aparte în peisajul teatral al anilor 1950, exprimând sentimentul propriei alienări faŃă de o lume incomprehensibilă şi iraŃională, în care omul trăieşte experienŃa iremediabilă a absurdului. Expunând în manieră proprie condiŃia omului aruncat în vârtejul existenŃei, condamnat la o viaŃă absurdă ce duce la înstrăinare, noii dramatutgi construiesc în acelaşi timp un teatru « nou », metafizic, simbolic şi alegoric, folosind procedee artistice şi estetice tradiŃionale în slujba unui mod de gândire filozofic nou, modern, foarte apropiat de filozofia existenŃialistă. Ipoteza de interpretare a caracterului alegoric al acestui « nou » teatru interpelează existenŃa în capacitatea de ei de a se manifesta ca libertate generatoare de sens, pusă la încercare în confruntarea cu alienarea si absurdul, propunându-si să analizeze componentele succesive ale acestuia : fundamentele filozofice şi dramatice, percepŃia spaŃiului teatral, ce dezvăluie indivizi depersonalizaŃi, Ńinând discursuri degradate într-un timp destructurat, prin intermediul pulsiunilor primare. 2 RÉSUMÉ Ayant vécu les grands désastres des deux guerres mondiales, trois dramaturges de cultures et d’horizons très divers, Eugène Ionesco, le Roumain, Samuel Beckett, l’Irlandais et Arthur Adamov, l’Arménien, se fraient un chemin à part dans le paysage théâtral des années 1950, exprimant leur sentiment d’aliénation face à un monde incompréhensible et irrationnel où l’homme vit l’expérience irrémédiable de l’absurde. Peignant, chacun à sa manière, la condition de l’être jeté dans le tourbillon existentiel, condamné à mener une existence absurde qui le dépossède de lui-même, ils construisent, en même temps, un théâtre « nouveau », métaphysique, symbolique et allégorique, basé sur une réutilisation de procédés esthétiques et dramatiques très anciens, au service d’une réflexion philosophique neuve, moderne, très proche de la philosophie existentialiste. L’hypothèse d’interprétation du caractère allégorique de ce « nouveau théâtre» interroge l’existence comme acte d’une possible liberté éprouvée dans la confrontation avec l’aliénation et l’absurde, capable de l’éclairer et de lui donner un sens, à travers l’analyse de ses strates successives : les fondements philosophiques et dramatiques, la perception de l’espace théâtral qui fait découvrir des êtres dépersonnalisés aux propos désarticulés, présentés dans une durée déstructurée, par le jeu de pulsions premières. SUMMARY Having lived through the tremendous disasters of the two world wars, three playwrights from different cultural backgrounds with different views, Eugene Ionesco the Romanian, Samuel Beckett the Irish and Arthur Adamov the Armenian opened up a new way in the 1950’s theatrical scenery, by expressing their feeling of alienation in an incomprehensible and irrational world where human beings live the incurable experience of the Absurd. Exposing, each one in his particular manner, the condition of the human being thrown into the abyss of life, condemned to a meaningless existence which leads inevitably to estrangement, the three playwrights are also building a “new”, metaphysical, symbolic and allegorical theatre, based on old traditional aesthetic and artistic procedures, yet serving a modern philosophical approach, profoundly related to existentialism. The interpretative hypothesis of this new allegorical theatre questions human life as a possible act of liberty tested in its confrontation with the feelings of alienation and absurd, capable of enlightening it by giving it meaning, throughout the analysis of each and every one of its successive strata: the philosophical and dramatic basis, the perception of the theatrical space, unveiling estranged human beings using distorted speech, presented in a devastated duration by the means of primary urges. 3 REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma gratitude envers mes directeurs de recherche, M. Alexandru Călinescu et M. Alain Vuillemin, pour leur soutien constant et leur efficacité, sur lesquels j’ai pu m’appuyer autant que je l’ai senti nécessaire. Je les remercie aussi de leur amabilité, de leur patience et de leur compréhension. Merci également à mes parents pour leur confiance en moi, leur appui extraordinaire et leurs encouragements. 4 SOMMAIRE REMERCIEMENTS..............................................................................................4 INTRODUCTION GÉNÉRALE............................................................................8 I. FONDEMENTS DU « NOUVEAU THÉÂTRE »..........................................38 II. UN ESPACE PRISON......................................................................................66 II. DES ENTITÉS IMPERSONNELLES...........................................................114 IV. UN DISCOURS DÉSARTICULÉ................................................................179 V. UNE DURÉE INTEMPORELLE..................................................................224 CONCLUSION GÉNÉRALE.............................................................................260 BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................276 TABLE DES MATIÈRES..................................................................................307 5 INTRODUCTION GÉNÉRALE Sous les ruines encore fumantes de la Seconde Guerre Mondiale, trois dramaturges d’horizons, de cultures et de sensibilités très diverses, un Roumain, Eugène Ionesco, un Irlandais, Samuel Beckett et un Arménien, Arthur Adamov, s’affirment audacieusement dans le paysage théâtral de l’époque par leur volonté de dire et de faire sentir à la fois, par tous les moyens scéniques dont ils disposent, de la façon la plus simple et la plus franche possible, ce qu’est devenue la condition humaine après les événements des deux guerres mondiales qui ont irrémédiablement ébranlé le monde. Émerge avec ces trois écrivains de théâtre une dramaturgie moderne qu’on a souvent appelée « nouveau théâtre » - terme générique que l’on doit à la critique Geneviève Serreau dans son Histoire du Nouveau Théâtre, ouvrage paru en 1966 - afin de mieux souligner son écart par rapport à la représentation traditionnelle réaliste. Témoignages particulièrement sensibles du climat aliénant de l’époque de l’immédiat après-guerre et de la dégradation de l’homme qui découvre la contingence fondamentale de son existence au monde, les œuvres dramatiques d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett et d’Arthur Adamov dévoilent brutalement des vérités qui ne cessent de choquer par le constant et perçant rappel de l’inhumanité qui gît en chacun de nous et de l’absurdité de notre condition d’hommes seuls, aliénés, face à un monde impénétrable, indéchiffrable, que la mort menace d’engloutir à tout instant. Abordant la condition de l’homme cruellement jeté dans le monde, s’y retrouvant à jamais solitaire, désorienté, dépersonnalisé, cerné de toutes parts par l’inhumain, aliéné à lui-même et aux autres et dévoilant l’absurde comme son attitude et sa conduite, les auteurs de cette nouvelle formule théâtrale se maintiennent sur les positions du courant existentialiste, qui prend essor à la même époque, adoptant sa façon de penser en ce qui concerne les problèmes fondamentaux de la condition humaine. Néanmoins, les trois nouveaux venus sur la scène des années 1950 ne se contentent plus de rendre l’impitoyable réalité du moment à travers seulement un discours, ils la projettent sur scène dans toute sa cruauté et toute sa violence, la faisant se déchaîner impitoyablement devant les spectateurs amenés à voir, dans le miroir qui leur est tendu, leur tragique situation, dans toute sa désolation et tout son désespoir. Face à une existence chaotique, sans repères ni sens, engendrant un vertige existentiel et une sensation d’aliénation insurmontables, quels moyens trouve la nouvelle écriture scénique d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett et d’Arthur Adamov pour lui donner une réalité tangible et quelles solutions envisagent-ils afin de la transcender? 6 1. Aliénation et absurde – définitions opératoires Le parcours textuel autour des notions de l’aliénation et de l’absurde dans les dramaturgies d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett et d’Arthur Adamov se propose de déceler et d’analyser les réponses que la poétique des trois écrivains de théâtre donne aux questions que les deux concepts ne cessent de soulever. Car, lorsqu’il s’agit d’analyser ces trois nouvelles écritures dramatiques, force est de constater, en effet, qu’à tous les niveaux, les sentiments de l’aliénation et de l’absurde sont présents : perçus comme des phénomènes éternellement humains, ils recouvrent deux notions qui manifestent le négatif de l’existence et qui ne peuvent être éliminés que par la disparition de l’homme lui-même. La notion d’« aliénation » est à l’origine un terme juridique : dans le domaine du droit, ce concept désigne la privation au profit d’un autre (« alienus ») de son travail ou de ses biens. Dans cette première acception du terme, l’aliénation se lit comme dépossession/dépouillement/séparation de quelque chose qui est sien. En plan philosophique et sociologique1, l’aliénation humaine se traduit comme privation de sa liberté sous l’influence de divers facteurs, sources étrangères, extérieures à l’homme, qui s’acharnent à l’asservir d’une manière ou d’une autre, à le rendre esclave, et par conséquent fragile, vulnérable, sous le regard d’autrui autant qu’à ses propres yeux. Cet état de vulnérabilité plonge l’homme dans un exil intérieur qui culmine avec l’étrange sensation qu’il n’est plus lui-même, qu’il ne se maîtrise plus, qu’il est devenu un autre, qu’il n’est plus ce qu’il est, ce qu’il veut être ou ce qu’il doit être. De nos jours, les philosophes, les psychologues et les sociologues se servent du mot « aliénation » pour désigner des désordres et des troubles de toutes sortes, tels, par exemple, l’angoisse, l’anxiété, l’égarement mental, le désespoir, l’apathie, l’anomie, etc., qui conduisent à esquisser un sentiment personnel de division d’avec soi-même, au point que l’homme, victime d’un malaise profond, ne parvient plus à se reconnaître comme sujet, a la sensation d’avoir perdu tout contact avec lui-même et commence à s’éprouver étranger à lui-même. Privé d’une partie de lui-même, il devient impuissant, a l’impression de ne plus maîtriser sa propre destinée, d’être agi, manipulé, contrôlé par des agents extérieurs. 1 On retrouve le concept d’« aliénation » chez Georg Friedrich Hegel pour lequel l’origine du phénomène réside dans la dialectique du maître et de l’esclave, fait ontologique, enraciné dans la nature humaine elle- même, ou chez Karl Marx, qui lui emprunta le terme et plaça l’aliénation au niveau de l’exploitation de l’homme par l’homme, processus qui tient de l’humanité de l’homme et qui peut prendre fin. Le terme existe également dans les ouvrages de sociologie du XIXe et du XXe siècle (voir Émile Durkheim, Ferdinand Tönnies, Max Weber, Georg Simmel, etc.) et doit une approche théorique à l’ouvrage de Sigmund Freud, Le Malaise dans la civilisation (1934). La notion d’ « aliénation » sera par la suite reliée au courant existentialiste, particulièrement aux ouvrages de Jean-Paul Sartre et de Sören Kirkegaard. 7 La tentation de se laisser entraîner à fuir le contact avec le monde s’empare de plus en plus de lui, l’amenant à se détacher des autres et du monde en général pour vivre replié sur lui-même, dans l’anxiété et l’angoisse irrémédiables, qui l’empêchent d’être libre et d’exercer sa liberté. L’aliénation se définit, en dernière analyse, par une déviance par rapport à une conduite normale, qui s’exprime à travers une discontinuité entre le moi et lui-même, le moi et le monde, le moi et le temps, le moi et l’autre, etc. L’homme aliéné est donc un être qui échoue à devenir lui-même, à la suite de quelqu’un ou de quelque chose qui fait obstacle à sa liberté. La notion d’« absurde » est à l’origine un terme musical : en latin, « absurdus » signifiait « inaudible, sourd » et renvoyait à ce qui était dissonant, discordant, ce qui n’était pas dans le ton. Aujourd’hui, dans le langage courant, le propre de l’absurde est tout ce qui heurte le sens commun, tout ce qui semble inepte, incompréhensible, inexplicable, ce qui n’a pas de sens, ce qui manque de signification logique, d’intelligibilité, ce qui est aveugle, sans but et sans direction. Le terme appartient plus généralement au registre philosophique2 et désigne ce qui est contraire aux lois de la logique, ce qui ne s’accorde pas avec la raison, s’y opposant même, ce qui est ressenti comme déraisonnable, incohérent, insensé, manquant totalement de sens, de compatibilité ou de lien logique avec le reste. En philosophie existentielle (on y insistera largement dans le premier chapitre), l’asburde est un sentiment, une sensation de l’être humain face à un monde désenchanté où on l’a été jeté contre son gré et auquel il ne trouve aucun sens. Il ne peut pas être expliqué par la raison et refuse à l’homme et à l’existence toute justification. Les notions d’aliénation et d’absurde sont étroitement liées, elles se réfléchissent et se combinent. D’une part, l’aliénation peut conduire à l’effondrement du sens de l’existence dans l’absurdité, dans l’absence de sens, d’autre part, elle peut résulter de la confrontation avec une existence absurde. Impuissant à conquérir sa propre identité, privé de toute capacité de se maîtriser et de maîtriser le monde, l’homme se trouve vite confronté à un échec, à une déception. L’ordre du monde se brouille alors à ses yeux et il a le sentiment que toutes ses représentations s’effondrent et perdent leur sens. Tout autour de lui cesse d’avoir un sens et il a l’impression de mener une vie sans but, dénuée de toute signification, absurde. L’aliénation a poussé inévitablement l’être humain vers l’absurde: ayant perdu tout contact avec lui-même, les autres et le monde, sa démarche est devenue insensée. Mais l’absurde peut très bien précéder l’état d’aliénation. Jeté dans un monde opaque et hostile, l’homme erre à la recherche d’un 2 C’est surtout la philosophie existentialiste, développée après la Seconde Guerre Mondiale, qui a contribué à mettre en évidence l’état d’absurde sur le plan philosophique, dévoilant une existence humaine inauthentique, sans but, dénuée de toute signification, vouée au néant. 8 sens de l’existence qui lui ouvre la voie à la connaissance de soi et du monde, mais aucune évidence, aucune certitude ne lui sont plus garanties. Prisonnier d’une logique absurde du monde, il se perçoit alors comme en exil, décentré, désorienté, éprouvant une conscience exacerbée de son étrangeté. L’absurde a plongé l’homme dans l’aliénation : l’existence dénuée de sens l’a conduit à l’étangeté de soi-même. Le sentiment d’être aliéné de son environnement ainsi que celui de l’absurde de la condition humaine sont hautement caractéristiques de la période dans laquelle se manifeste le « nouveau théâtre » d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett et d’Arthur Adamov, i.e. le contexte historique atroce, inhumain, de la Seconde Guerre Mondiale, marqué par un climat d’une violence absurde, profondément traumatisant pour une génération déjà aliénée par le déclin des croyances religieuses et des valeurs traditionnelles. Dans les années 1950, l’aliénation et l’absurde, sous leurs diverses formes, se sont déjà emparés de la société tout entière et contribuent à la crise de la personnalité humaine. Eugène Ionesco, Samuel Beckett et Arthur Adamov font partie d’une génération qui a vécu de terribles drames sociaux et c’est dans les événements politiques sanglants de l’époque qu’il faut chercher l’origine des sentiments de l’aliénation et de l’absurde qu’ils portent à la scène. « On peut retrouver ces thèmes à des époques que l’on appelle des époques de crise encore que toutes les époques soient plus ou moins des époques de crise […] car tout est crise »3, précise Eugène Ionesco. L’aliénation et l’absurde apparaissent ainsi comme des conséquences naturelles des époques de crise qui furent celles de la Seconde Guerre Mondiale et de l’immédiat après-guerre. La nouvelle formule théâtrale d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett et d’Arthur Adamov, en tant qu’expression du tragique de cette époque qui découvre un être humain coincé dans des situations absurdes sans issue, désorienté, dépersonnalisé, sans idéal ni perspective, a grandement contribué à imposer la vision désespérée de l’aliénation et de l’absurde, obligeant l’homme, par sa force de frappe particulièrement efficace, à se regarder dans le miroir qui lui est tendu. Les théâtres d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett et d’Arthur Adamov traduisent admirablement, à travers la transposition d’une variété de destins humains aliénés, l’errance de l’homme dans un monde absurde dans lequel il vit la tragique dépossession de lui-même. « Mon œuvre dramatique peut être considérée comme le théâtre de l’âme en exil. J’ai tenté d’y montrer le tragique de l’aliénation sous toutes ses formes »4, confirme Eugène Ionesco. Même si l’étiquette « théâtre de l’absurde », lancée 3 IONESCO, Eugène, Entre la vie et le rêve. Entretiens avec Claude Bonnefoy, Paris : Pierre Belfond, 1977, p.141. 4Cité par BOIDEFFRE, Pierre, Une Histoire vivante de la littérature d’aujourd’hui, Paris : Librairie académique Perrin , 1962, p.583. 9 par Martin Esslin en 1961, est au début désavouée par Eugène Ionesco, Samuel Beckett et Arthur Adamov5, les trois dramaturges transposent au fait, dans leurs œuvres dramatiques, l’état d’absurde, en accordant une large place à la description du comportement insensé de leurs protagonistes, qui découle d’un sentiment d’anxiété métaphysique devant l’absurdité de l’existence. « Le monde m’apparaît à certains moments comme vidé de signification»6 écrit Eugène Ionesco. Commentant la notion d’ « absurde », le dramaturge montre qu’il s’agit d’ « une notion très imprécise »7. C’est pourquoi il ressent en permanence la nécessité d’en éclaircir les significations, proposant toute une série de définitions, qui sont des descriptions de l’état d’absurde : « L’absurde est peut-être l’incompréhension de quelque chose, des lois du monde, il naît du conflit de ma volonté avec une volonté universelle ; il naît aussi du conflit entre moi et moi- même, entre mes diverses volontés, impulsions contradictoires»8 ; « Parfois j’appelle absurde ce que je ne comprends pas, parce que c’est moi qui ne peut comprendre ou parce que c’est la chose qui est incompréhensible, impénétrable, fermée »9 ; l’absurde est défini également comme « ce bloc monolithique du donné, épais, ce mur qui m’apparaît comme une sorte de vide massif, solidifié, ce bloc du mystère ; j’appelle aussi absurde ma situation face au mystère, mon état qui est de me trouver en face d’un mur qui monte jusqu’au ciel, qui s’étend jusqu’aux frontières infinies »10 ; l’absurde est ensuite « cette situation d’être là (influence heideggérienne) que je ne puis reconnaître comme étant mienne, qui est la mienne pourtant »11 ; « L’absurde [...] est la déraison, la contradiction, l’expression de mon désaccord avec le monde, de mon profond désaccord avec moi-même, du désaccord entre le monde et lui-même »12 ; « L’absurde, c’est 5 Eugène Ionesco met en doute la validité de la notion d’ « absurde »: « On a dit que j’étais un écrivain de l’absurde ; il y a des mots comme ça qui courent les rues, c’est un mot à la mode qui ne le sera plus. En tout cas, il est dès maintenant assez vague pour ne plus rien vouloir dire et tout définir facilement » (IONESCO, Eugène, Notes et Contre-Notes, Paris : Gallimard, 1962, p.297) ; Samuel Beckett confie à Charles Juliet : « Les valeurs morales ne sont pas accessibles. Et on ne peut pas les définir. Pour les définir, il faudrait prononcer un jugement de valeur, ce qui ne se peut. C’est pourquoi je n’ai jamais été d’accord avec cette notion de théâtre de l’absurde, car il y a là un jugement de valeur ». (JULIET, Charles, Rencontres avec Samuel Beckett, Paris : Éditions P.O.L, 1999, p.27-28). Arthur Adamov récuse aussi le terme : « Le mot théâtre absurde déjà m’irritait. La vie n’est pas absurde, difficile, très difficile seulement ». (ADAMOV, Arthur L’Homme et L’Enfant, Paris : Gallimard, 1968, p.118). Par la suite, le dramaturge se montrera critique vis-à-vis de cette approche qu’il estime fort éloignée des réalités sociales et politiques et s’orientera vers un théâtre socio-politique. 6 IONESCO, Eugène, Notes et Contre-Notes, Paris : Gallimard, 1962, p.257. 7 IONESCO, Eugène, Entre la vie et le rêve. Entretiens avec Claude Bonnefoy, Paris : Pierre Belfond, 1977, p.140. 8 Ibidem, p.140. L’absurde apparaît ici comme un état de conflit, une tension qui, comme chez Albert Camus, s’établit entre l’être et le monde irrationnel. 9 Ibidem, p.148. 10 Ibidem, p.148. 11 Ibidem, p.148. 12 Ibidem, p.148-149. 10

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qui cherche à éclaircir le sens de l'œuvre à l'aide de stratégies linguistiques protagoniste de Ce formidable bordel, Eugène Ionesco s'inspire de Buster le drame de la conscience humaine et dont le protagoniste sera Buster
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