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Ethnogenèse et nationalisme en Afrique centrale: Aux racines de Patrice Lumumba PDF

464 Pages·2000·19.57 MB·French
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Collection "Congo (Zaïre) Histoire &Société" - dirigée par Benoît VERHAEGEN COUVERTURES: - 1 "Calvaire d'Afrique" par Tshibumba Kan da-Matulu (vers 1973) Lumumba arrive àl'aéroport d'Élisabethville (Lubumbashi). L'artiste apeint les Gendarmes avec lesuniformes de l'époque mobutiste" - 2 "Le conflit Kasa-Vubu / Lumumba" par Tshibumba Kanda-Matulu (vers 1973) Le conflit entre le Président Kasa-Vubu et le Premier ministre Lumumba a conduit à l'arrestation du leader nationaliste età sa déportation vers leKatanga sécessionniste oùilsera assassiné. L'artiste peint lesdivisions politiques ausein de lapopulation congolaise àtravers lespancartes arborées àdroite: VIVELEM.N.C. (Mouvement National Congolais, lumumbiste); VIVEL'ABAKO (Alliance des BaKongo, de Kasa-Vubu); P.N.P. (Parti National du Progrès); C.R.A. (Cartel CEREAC,entre deRegroupement Africain). THOMAS TURNER ETHNOGENÈSE ET NATIONALISME EN AFRIQUE CENTRALE Aux racines de Patrice LUMUMBA Préfacé par Crawford YOUNG Traduit de l'anglais (USA) L'HARMATTAN 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 - PARIS L'AUTEUR Thomas Turner est originaire des U.S.A. Il est docteur en sciences politiques et diplômé d'études africaines de l'Université du Wisconsin. Il a enseigné à l'Université Libre du Congo (campus de Kisangani) ainsi qu'à l'Université Nationale du Zaïre (campus de Lubumbashi). Il enseigne actuellement à la Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Tunis III. Co-auteur, avec Crawford Young, d'un ouvrage publié en anglais: The Rise and Decline of the Zaïrian State (Madison, 1985), et auteur de nombreux articles sur l'histoire et sur la politique du Congo (Zaïre). Traduction de l'anglais: Monique CHAJMOWIEZ, Denise MENDEZ, Elizabeth MONTEIRO-RODRIGUEZ, Cécile VEYRINAUD, Michel VEYS; coordonnée par Monique CHAJMOWIEZ et Michel VEYS. cgL'Harmattan, Paris, 2000 ISBN: 2-7384-7322-9 PRÉFACE deCrawfordYoung Avec cette monumentale monographie, Thomas Turner résume une vie de travail consacrée à l'étude des dynamiques identitaires dans une communauté ethnique relativement réduite mais politiquement importante, les Tetela, située dans le centre-est congolais (ex-zaïrois). Son enquête recouvrant une période de trois décennies se fonde sur des sources riches et variées: entretiens approfondis, inventaire répété des données d'archives, et recension globale des nombreuses informations publiées. Le résultat, c'est une analyse se situant au chevauchement des disciplines de l'histoire, de l'anthropologie et des sciences politiques. Tout au long, Turner ancre sa recherche dans l'ampleur du contexte politique des processus sociaux, régionaux et nationaux, que le Congo a connus. L'ouvrage est bien davantage qu'une ethnographie. Le siècle de turbulences, comme cadre temporel, permet une vision interprétative qui transcende le "présent anthropologique" ou la tendance des sciences politiques à privilégier le contemporain. En même temps, le large recours aux débats conceptuels qui s'élèvent dans ces domaines ouvre la voie à une grande richesse analytique surpassant l'''histoire événementielle". L'épaisseur chronologique de l'étude sous-entend que les données reflètent de multiples visites au cours de trois décennies de travail. Dans ce sens également, l'étude se démarque de la majorité des travaux politiques effectués par les chercheurs d'outre-Atlantique, qui reposent sur une seule et même période de terrain intensif. Dans la séquence intervenue depuis sa première visite au Sankuru, en 1969, l'environnement politique a changé jusqu'à devenir méconnaissable, plaçant les Tetela face à une succession de moments historiques forts qui ont interrogé leur conscience sociale. Turner a adopté une perspective orientée sur le changement et, grâce à cela, il a pu capter cette dimension de processus attachée à lapolitique identitaire. L'environnement politique local, national et international n'est pas seul à avoir subi une transformation, c'est aussi le cas des perspectives conceptuelles que l'observateur a braquées sur le sujet. Les paradigmes successifs, qui ont connu des mouvements ascendants dès les débuts 5 de la recherche, marquent tous l'analyse, depuis ce que l'on a désigné de façon vague comme la "théorie de la modernisation" jusqu'à l'esprit post-moderne d'une certaine érudition. Cependant, Turner ne reste jamais tributaire d'une seule orientation théorique. Le fil directeur de l'étude, c'est l'ethnogenèse. Comment le sentiment d'appartenance Tetela s'est-il durci sous l'interaction d'une multiplicité d'identités localisées, enracinées dans les compréhensions ancestrales du soi collectif, à partir de la classification-type imposée par l'État colonial et les missions chrétiennes, à partir de processus politiques déchaînés par l'essor du nationalisme à la fin des années 1950, le traumatisme des crises consécutives à l'indépendance, les rébellions de 1964-65, l'apparition et le déclin de l'État mobutiste. Dans la recherche d'une réponse à cette énigme, Turner adopte une perspective éminemment constructiviste, une orientation sans expression théorique donnée, à l'époque où l'étude débute. À partir de cette position avantageuse, l'identité culturelle collective n'est pas une quelconque essence "délivrée de toute éternité" mais plutôt un processus de formation permanent, poussé à la fois par une dynamique interne de réponse aux configurations successives des circonstances et par un modèle externe de marquage social. Cette optique permet l'exploration stimulante d'un certain nombre de questions qui intriguent. Pourquoi le projet d'unifier plus largement l'identité Mongo - parfois promu par les missionnaires et quelques intellectuelscongolais- projet basé sur les affinités de langues ainsi que sur quelques points communs de l'idéologie ancestrale, n'a-t-il pas été adopté pleinement chez les Tetela? Pourquoi les Tetela du Sankuru (au Kasaï) conservent-ils un ethnonyme qui les sépare de leurs voisins presque identiques, les Kusu du Maniema (au Kivu)? Comment une conscience des limites identitaires s'est-elle cristallisée au contact d'autres groupes voisins, comme les Luba et les Songye, qui partagent largement leur expérience historique et culturelle? Ces aboutissements identitaires ont eu de grandes conséquences politiques, mais ni leur évidence ni leur prédictibilité n'auraient pu être observées en 1850. Les Tetela et leurs affins Kusu ont joué un rôle historique qui dépasse de loin leur nombre modeste: un fait qui déclencha l'enquête de Turner. Dans les années qui ont précédé l'occupation coloniale, une figure de proue émergea dans la région: Ngongo Lutete (ou Leteta), le chasseur d'esclaves, l'auxiliaire des traiteurs afro-arabes de Zanzibar qui fondèrent des États. Mais ce Ngongo Lutete était-il tetela, kusu ou songye? Turner trouve des récits divergents chez ses informateurs. Ngongo a changé alors ses alliances et ajoint son armée aux forces de conquête envoyées par l'État Indépendant du Congo, de Léopold II. 6 Peu après, quelques-unes de ses troupes initiales se sont mutinées en divers lieux, traçant la légende des "révoltes batatela". Mais étaient-ce là de véritables rébellions tetela? Turner nous apporte l'évidence convaincante des ambiguïtés de cette idée qui, malgré tout, s'est fermement enracinée dans l'historiographie coloniale. Le plus célèbre des fils du pays tetela, Patrice Lumumba, qui surgit comme la figure la plus lumineuse dans le panthéon des héros du nationalisme congolais, a donné aux Tetela une visibilité politique renouvelée. La vision radicale du nationalisme congolais liée à sa mémoire martyre continue d'influencer à cejour la politique nationale. Cela se reflète dans son appropriation par Laurent Kabila lors du soulèvement de 1996-97 qui a mis un terme aux trois décennies de pouvoir mobutiste. De même, la vague des rébellions de 1964-65 s'est- elle placée sous la bannière lumumbiste, alors que Turner démontre que le foyer tetela du Sankuru n'ajoué à l'époque qu'un rôle marginal. Turner démêle l'ethnogenèse des Tetela dans un luxe de détails. En chemin, il engage un débat continu avec un grand nombre d'auteurs congolais et étrangers, dont les écrits empiètent d'une façon ou d'une autre sur la problématique tetela. Cet ouvrage d'importance ajoute un chapitre nouveau à notre compréhension de l'histoire politique, sociale et culturelle de ce vaste pays si agité. 7 8 ~~rJ1~-<u~~~~~~-< ...... ~ ..'..... ~c:J)<)~o~ed;jQ)bO~c:J)g~:..:=8~~o"'Cj~;j0..CI)~NQ)ECI)O"~dQ)Q);j~ ~~:.:::o~0ee20~o~ Q)"0oSQ)bON"5S-c:J).pQ)~ Q) ~o~ Q)<B ~(~--c:J)~~d Q) t.r)o]'-" Q)dos:~od~ zoo:t-J: ..'. ..... . .'.' INTRODUCTION UN VOYAGE SI LONG ET SI ÉTRANGE "Cefut un bien long et bien étrange voyage. " TRUCKIN, The Grateful Dead. Voici un travail d'ethnogenèse: création et transformation d'une identité ethnique. L'énorme fleuve Congo prend sa source dans la savane des hautes terres d'Afrique centrale. Il coule d'abord vers le nord (on le nomme encore Lualaba) et pénètre dans la forêt équatoriale, puis il oblique vers l'ouest (c'est "la courbe dufleuve" du romancier V.S. Naipaul). Il tourne ensuite à nouveau vers le sud, puis descend vers l'ouest, franchissant les bords escarpés du plateau d'Afrique centrale pour se jeter dans l'Océan Atlantique. La concavité de la courbe du fleuve constitue la "Cuvette". Sa forêt équatoriale est drainée d'affluents moins importants qui débouchent dans le fleuve Congo. La plupart des peuples de la Cuvette s'identifient eux-mêmes comme membres de la famille Mongo. Vers le sud-est, où la forêt humide laisse place à la savane, vit un sous-groupe des Mongo connu sous le nom de Tetela. Ces Tetela (ainsi que d'autres Mongo au nord et à l'ouest) se nommaient eux-mêmes autrefois Nkucu (Nkutshu). Cette étude est l'histoire de ces identités ethniques, Mongo (ou Anamongo), Tetela et Nkucu, et la manière dont elles ont changé ou ont été changées au cours du siècle passé. René Lemarchand à écrit à mon sujet que beaucoup de gens ont pour vocation la science politique, mais que "Thomas Turner apour vocation Le Zaïre" (Lemarchand 1986). J'apprécie le compliment, mais je pense plutôt selon les termes employés dans mon cas, par l'anthropologue Lungandjo, un Tetela, s'adressant à ses collègues Osokunda et Anyenyola, des frères d'ethnie: "11nous étudie". 9 Naturellement, je n'étudie pas mes amis et collègues tetela. Je travaille plutôt avec eux pour comprendre leur communauté ethnique. J'ai étudié les Tetela pendant trois décennies, et Lungandjo, Osokunda, Anyenyola, Mambe, Wembolua, Kasongo et bien d'autres m'ont aidé à comprendre leur groupe ethnique, son histoire et sa culture. J'étudie les Tetela, pas seulement par égard pour eux; je prends la connaissance des Tetela comme porte d'accès à une meilleure compréhension du Congo/Zaïre, de l'Afrique et de l'humanité en général. Il est impossible de mener une telle recherche sans devenir en quelque sorte l'avocat du peuple que l'on étudie.1 En matière d'art, par exemple, je dois faire remarquer que le génie des Tetela s'exprime particulièrement dans la musique et le langage des tambours, ce qui n'apparaît pas dans les musées. La sculpture et le tissage sophistiqué des Kuba, admirés à juste titre dans le monde entier, ont été réalisés dans un cadre politique particulier favorisant le parrainage d'une production de biens de luxe, bien plus largement que chez les Tetela "anarchisants" . Il est vrai que je suis étranger (Depelchin 1992) mais chaque aspect de ce livre a été discuté en détail avec des amis et collègues et par-dessus tout avec des Tetela. Partout où cela a été possible les voix africaines sont entendues. Ceci est le récit d'un dialogue, avec les Tetela, au sujet des Tetela. J'ai choisi les Tetela comme thème d'étude pour deux raisons. Premièrement, Patrice Lumumba, l'homme politique congolais le plus important durant la lutte d'indépendance, était tetela. Lumumba était contre le tribalisme et il avait gagné l'appui d'individus issus de nombreux autres groupes ethniques sur la base de son nationalisme territorial. Pourtant Lumumba était soutenu fermement par son ethnie et les ethnies apparentées à la sienne. Comment a-t-il réussi à concilier ces deux positions apparemment contradictoires? Deuxièmement, je voulais enquêter sur la dualité ou le trait d'union de l'identité ethnique Telela-Kusu. Désireux d'étudier - sous l'influence de Crawford Young- des facteurs formateurs d'ethnicité, je pensais qu'il serait instructif de considérer l'évolution de la conscience ethnique au sein d'une même communauté culturelle partagée par une frontière, entre colonies (du Congo Belge et de la Rhodésie du Nord), ou par une division administrative provinciale (au Congo). Sur le conseil de Jan Vansina, j'ai choisi les Tetela, qui avaient été divisés entre le Kivu et le Kasaï (aujourd'hui Maniema et Kasaï-Oriental) pendant de longues années. 1J. Vansina défendit "ses" Kuba accusés de conservatisme invétéré (Vansina 1969). 10

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