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Espace et temps : La cité aristotélicienne de la Politique (Annales littéraires de l'Université de Besançon) PDF

410 Pages·1995·6.96 MB·French
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Centre de Recherches d'Histoire Ancienne Volume 141 Sylvie VILATTE ESPACE ET TEMPS La cité aristotélicienne de la Politique Préface de Claude MOSSÉ Annales Littéraires de l'Université de Besançon, 552 Diffusé par Les Belles Lettres, 95boulevard Raspail - 75006PARIS 1995 AVANT-PROPOS L'ouvrageprésentéconstituelamiseà jour du textede ma thèse de Doctorat d'Etat: "Le problème de l'espace civique chez Aristote", Université de Paris VIII1979.Ce travail tientcompte d'une partdes recherches historiques et philosophiques nouvelles, d'autre part de mes travaux récents: L'insularité dans la pensée grecque, Annales Littéraires de l'Université de Besançon, Besançon-Paris 1991, et Athènes et le concept d'insularité d'Homère à Thucydide", Revue Il belge de philologie et d'histoire, i. 1993,p. 5 à 45. Je me tourne en premier lieu vers Claude Mossé qui a assuré, par son enseignement à la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, ma formation en Histoire grecque, et qui m'a initiée aux recherches sur la vie intellectuelle dans l'Antiquité, lors de mon Diplôme d'Études Supérieures et lors de l'élaboration de ma thèse, dont elle avait bien voulu accepter de diriger les travaux. Je demande à Claude Mossé de trouver dans ce texte l'expression de ma très vive reconnaissance. À cette occasion, j'exprime ma gratitude à Pierre Lévêque, qui a bien voulu intégrercetexteà sacollection. Mes très vifs remerciements vont aussi à Roger Lambrechts, Professeurémérite à l'Université de Louvain, qui a si généreusement ouvertlespagesde sarevue à mes recherches. Je n'oublie pas non plus le soutien moral si constant de mes collègues du Département d'Histoire de l'Université Blaise Pascal ClermontII,en particulier RenéeCarré et Michel Aubrun. Enfin, que mes amis moulinois, Marie-Thérèse Lampin, et Jean-François Lampin trouvent ici le témoignage de ma reconnais sance pour l'ensemble de leur contribution, à la fois intellectuelle, morale et matérielle. PRÉFACE Pour l'historien de la Grèce ancienne, la Politique d'Aristote est, implicitement ou explicitement, la source de l'image qu'il construit de la cité grecque, cette forme politique typique d'une civilisation qui est tenue pour une des plus brillantes de l'histoire humaine. Non seulementen effeton y trouve une réflexion sur lacité etla citoyenneté, mais aussi des exemples concrets, témoignages des recherches menées par le philosophe et ses élèves sur les politeiai existantes, dont la seule constitution d'Athènes nous est parvenue. Première grande oeuvre de "science politique", elle a été abondam ment commentée, discutée, analysée, aussi bien par les philosophes que par les politologues ou les économistes. En bref, il s'agit d'un monumentdonton s'approcheavecprudenceetrévérenceà lafois.Le livre de Sylvie Vilatte, qui s'appuie sur des recherches menées depuis une vingtained'années, ne se veut pas une nouvelle interpré tation du texte dans son ensemble. Le titre en définit bien l'objet: il s'agitde dégagerceque représententlesnotionsd'espaceet de temps dans le cadre d'une réflexion sur la cité, c'est à dire sur une des formes, mais aussi la plus achevée, de l'organisation sociale et politique dans le monde grec ancien. Le point de départ de cette recherche a été le livre, aujourd'hui un classique, de Pierre Lévêque et Pierre Vidal-Naquet sur Clisthène, ce réformateur athénien qui fut, il ya 2500ans lefondateur de cequi allaitdevenir la démocratie athénienne. Les deux auteurs avaient mis en lumière, dans l'oeuvre de l'Athénien, l'importance de l'organisation de l'espace par les systèmesdes tribus, des trittyes etdes dèmes, en même tempsque se mettait en place un temps civique. Comme l'écrivait J.P. Vernant, rendant compte du livre au moment de sa parution: "Face aux anciennes représentations spatiales, temporelles, numériques, chargées de valeurs religieuses, s'élaborent les nouveaux cadres de l'expérience, répondant aux besoins d'organisation du monde de la cité, ce monde proprement humain où les citoyens délibèrent et décident eux-mêmes de leur affaires communes" (Mythe et pensée chez les Grecs, p. 240). Espace et temps civiques, dans les réformes de l'Alcméonide, se caractérisaient par leur homogénéité. Mais Lévêque et Vidal-Naquet démontraient aussi que, au IVème siècle dans les milieux philosophiques,cette conceptiond'un espaceet d'un temps homogènes avait fait place, singulièrement dans l'oeuvre de 10 ClaudeMossé Platon, à un espace hiérarchisé et à un temps devenu "le reflet des réalités sidérales" (Clisthène l'Athénien, p. 146). Ils laissaient toutefois de côté Aristote, le rangeant implicitement parmi l'ensemblede ceuxpourqui "lanotionmême d'unespaceetd'untemps civiques purement conventionnels et abstraits" était devenue totale mentétrangère. C'est cette assimilation des conceptions d'Aristote à celles de Platon concernant l'espace et le temps civiques que réfute Sylvie Vilatte, qui va s'attacher dans ce livre à montrer, chez le philo sophe de Stagire, parallèlement au refus de l'espace et du temps homogènes clisthéniens, l'élaborationd'un espacenon moinsabstrait et mathématique, mais fondé sur d'autres prémisses. De ses recherches sur l'insularité, S. Vilatte a retenu l'importance de la métaphore de l'île comme représentation de l'espace clisthénien : "C'estsur une insularitécivique et politique, fondée sur la notion de circularité territoriale que la réforme des dix tribus de Clisthène établissait son espace civique" (p. 37). Or, une telle représentation "circulaire"et "isonomique" du territoire civique débouche sur l'arithmétique, sur le quantitatif. C'est précisément cette arithmé tique quantitative que refuse Aristote qui fonde sa recherche de l'essence de la cité sur le qualitatif: "A la recréation historique de la cité athénienne par l'Alcméonide, dans un but simplement politique, s'oppose la recherche par Aristote de l'essence de la cité, phénomène éternel et immuable, l'histoire humaine n'intervenant... que dans le domaine éthique, par la médiation d'un personnage destiné à accomplir le geste nécessaire au déroulementdu processus téléologique, source du plus grand bien" (p. 39).EtS.Vilatte conclut son analyse du premier livre de la Politique, d'où découle toute sa démonstration: "La notion d'espace civique est donc bien présente dans la Politique, mais elle est différente à la fois de l'espace civiquede la citégrecqueclassiqueet des constructionsintellectuelles des prédécesseurs du Stagirite". Espace abstrait, qui ne saurait être représenté matériellement sur une carte, et qui par là même justifie quela résidencene puisseêtrelefondementde la citoyenneté,comme Aristote le rappelle dans sa définition du citoyen au livre III. Cette vision abstraite de la cité comme finalité du "bien vivre" n'entraîne pas pour autant la méconnaissance des nécessités du "vivre". Pour reprendre le titre du chapitre consacré à ce livre III "l'essence de la cité" se trouve "confrontée à la réalité" (p. 63). Une réalité que le philosophe n'esquive pas, mais qu'il subordonne à la finalité du "bien vivre". Dès lors, S.Vilatte se refuse à marquer une quelconque Préface 11 différence entre les livres dits "théoriques" et les livres dits "réalistes", qui ne font que reprendre les mêmes thèmes développés dès lelivreI. Laconclusionde la premièrepartiede son livre marque bien la différence qu'elle a tenu à souligner entre Aristote et ses prédécesseurs: "Aristote replaça la dimension spatiale de la cité et ses représentationsdansuneanalysecomplètedu phénomènecivique au sein de la nature, de l'oikoumène et du temps. Il en résulta l'idée que la cité danssonessence se caractérise par la réalisation du vivre et du bien vivre,c'est à dire, dans le système d'analyse du Stagirite, par la subordination de la "cause matérielle" de la cité, dont les éléments sont mesurés par l'arithmétique, science qui parvient à l'illimité, et appréhendés par la science physique, à la "cause formelle" de la cité, qui définit la place de chacun par rapport au monde végétal et animal, par rapport à l'ensemble des peuples établis dans l'oikoumèneet par rapport à l'écoulement des généra tions. En conséquence, l'analyse du vocabulaire utilisé par Aristote montre que la Politique a introduit la polis dans le monde de la géométrie dans l'espace, proposant une représentation neuve de l'espace civique : la sphère. Cette figure offrait au philosophe la meilleure métaphore possible de la "cause formelle" puisqu'elle était issue, selon le Stagirite, de la plus noble des sciences (en raison de son abstraction) : la géométrie dans l'espace, science, pour Aristote, capable à la fois d'une analyse qualitative et d'une hiérar chisation des éléments qu'elle utilise, en particulier ceux procurés par la géométrie plane" (p. 144). Ayant ainsi posé les principes, il reste à S. Vilatte à parcourir "le chemin entre la réalité et l'idéalisme", parcours qui forme la seconde partie du livre. On retrouve la distinction entre "cause formelle" et "cause matérielle", mais inscrite cette fois dans le temps, la première relevant de la finalité (de la nécessité? ), la secondedu hasard. Or, parceque la réalité du mondedescités relève davantage du "vivre" que du ''bien vivre", le poidsdu hasard a joué dans le passéet joue encoredans leprésent. Pourtant, faceà une telle reconnaissance de la réalité, le philosophe n'est pas aussi démuni qu'on pourrait le penser. Car il peut "faire de l'événement dont la causalité est hasard ou fortune, une bonne fortune, au sens aristotéli cien du terme, autrement dit assurer dans le futur la suprématie du bien vivre sur le vivre" (p. 164). Cela justifie en particulier que le philosophe puisse envisager les moyensde sauvegarder les systèmes politiques existants, y compris la tyrannie. Cela explique aussi la recherche du "mieux possible pour la situation donnée". Ce mieux 12 ClaudeMossé possible, c'est "la vertu moyenne que chacun peut atteindre". Mais cela rend compte aussi de la place de l'histoire et du temps dans la pensée du philosophe, car, dit S. Vilatte "le temps est un facteur d'union plus que de rupture dans la philosophie politique aristotéli cienne. C'estun chemin entre la réalité décevante, constatpessimiste du philosophe, mais sans lequel l'action politique ne serait pas envisageable, et l'idéalisme à restaurer dans la cité" (p. 184). Ce chemin passe par le juste milieu, le meson, qui, comme le dit encore S.Vilatte, "trouve au sein de la Politique son expression idéale dans les constitutions qui symbolisent ce qui est commun aux citoyens" (p. 193).Cette analyse des constitutions existantes forme le noyau central de la Politique d'Aristote, et l'on a déjà beaucoup écrit à son sujet. S. Vilatte s'efforce de la mettre en relation avec les principes dégagés dans la première partie de son livre. "Il faudra non seulementmontrerque lejuste milieu est un cheminentrel'idéalisme et le réalisme, en prenant en compte tous les problèmes qu'entraîne l'analysedu conceptde médiété chez Aristote, mais encoremettreen évidence que le juste milieu constitue aussi le point d'intersection, donc l'unité, entre les deux axes de la définition de la cité dans la Politique, la terre et les hommes, l'espace de la cité et les institu tions" (p. 193).Dans le jugement porté par lephilosophe sur chaque type de constitution,la part dévolue au vivre et au bien vivre sera le critère premier, qu'il s'agisse des constitutions idéales proposées par ses devanciers ou des constitutions réelles, aussi bien celles qui sont présentéescomme des modèles que lesconstitutions "déviées". Dans cet examen des constitutions existantes, le philosophe se soucie peu du temps historique. Dès lors, quelle est la valeur des exemples donnés dans la Politique? En fait, il s'agit bien de paradigmes, d'exemples fragmentaires. Aristote "a besoin en effet d'ignorer en partie le tissu historique des institutions dans sa double dimension temporelle et spatiale, afin de le fragmenter et de l'utiliser alors sans égard pour les disparités chronologiques et spatiales que cette méthode peut induire. C'est la condition même de l'introduction de l'histoire constitutionnelle dans la Politique. Cette méthode est conforme à ce que dit Aristote de l'histoire dans la Poétique, y compris de l'histoire des institutions: pour lui il s'agitd'une simple connaissance du particulier qui doit s'intégrer à une hiérarchie de savoirs où l'histoire n'occupe pas la première place" (p. 247). Aristote n'est pas un historien, cela on le savait, mais S. Vilatte dégage bien les raisons de cette attitude du philosophe : "La méthode de réflexion choisie par Aristote est donc bien une Préface 13 généralisation à partir d'exemples historiques soigneusement triés en fonction despréoccupationsphilosophiquesde l'auteur" (p.256). On ne reviendra pas sur les conséquences de ce parti pris du philosophe: elles invitent l'historien de la Grèce ancienne à utiliser avec prudence les exemples donnés par Aristote. S.Vilatte le montre bienen reprenanten particuliercelui de Sparte sur lequel elle s'étend longuement. Et l'on retiendra sa remarque à propos de l'enquête aristotéliciennequi "se détermined'aprèsun savoirdéjà constituésur Sparte depuis le Vème et le IVème siècle, savoir auquel Aristote a apporté des éléments. Mais le tri sur cette information se fait en fonction de problèmes philosophiques. L'histoire institutionnelle de Sparten'intéresseleStagiritequedanslamesureoù elle fournit un ou des exemplesà la démonstration philosophique" (p. 266). Il en va de même pour la Crète (déjà en soi une abstraction, comme s'il n'y avait qu'une seule cité crétoise) et pour Carthage, autres constitutions "modèles". Il en va un peu différemment pour Athènes, qui ne fait pas l'objet d'une analyse d'ensemble dans la Politique, qui n'est évoquée que fragmentairement en tant que telle, même si, comme le dit S. Vilatte, "ses institutions et son histoire imprégnent directement la pensée du Stagirite dans tout ce qui concerneladémocratie, et indirectementen cequi concernela polis en général" (p. 278). Certes, et en cela Aristote est bien à l'origine de "l'athénocentrisrne" qui caractérise toutes les études sur "la" cité grecque. Mais pouvait-il en être autrement? Tous les efforts faits par l'historiographie contemporaine pour se libérer de cet "athénocentrisme" ne font que confirmerqu'Athènes seuleoffraitau penseur politique un terrain susceptible de nourrir sa réflexion, comme seule elle permet à l'historien de comprendre ce qu'a été l'originalité de la civilisation grecque. De cette civilisation, Aristote est assurément l'un des repré sentants les plus complets. Dans sa conclusion, S. Vilatte se plaît à l'opposer à Socrate, bien que comme lui il témoigne des "progrès de l'individualisme au sein du monde grec" (p. 309). Mais Socrate, comme ceux qui le firent parler après sa mort, Platon et Xénophon, était un citoyen athénien. Aristote, lui, fut "l'homme de partout et de nulle part", et comme tel, particulièrement représentatif de son époque, celle du déclin de la cité. En même temps, fondateur d'une école philosophique, il a participéactivementà une communautéqui se "place au-dessus de la vie civique et de la vie ordinaire". Et cependant, "bien que plus proche par son statut personnel du cosmopolitès des Stoïciens que du citoyen philosophe de l'époque 14 ClaudeMossé archaïque et classique", Aristote n'en reste pas moins fidèle à des formes de pensée traditionnelles, pour répondre mieux que ses prédécesseurs au problèmede la recherche de lacitéidéale. Jene sais sicette image que proposeS.Vilatted'un philosophe se considérant comme "le meilleur" correspond à la réalité. Il reste que le désir d'Aristote de rivaliser avec Platon (ou Socrate) est incontestable et s'inscrit bien dans cet esprit agonistique qui se retrouve aussi bien dans la vie intellectuelle qu'à la tribune ou au stade, et justifie cette enquête qui éclaire avec talent et passion une des plusgrandesfigures de laphilosophiegrecque. Claude MOSSÉ INTRODUCTION Ilfaut en premier lieu rendrecomptede l'originedecette étude et en justifier les intentions. Dans un ouvrage consacré à Clisthène l'Athénien, P. Lévêque et P. Vidal-Naquet soulignaient qu'Aristote avait, dans la Constitution d'Athènes, reconstitué le système tribal de l'Athènes préclisthénienne en utilisant les conceptions platoni ciennes en ce domaine, si bien qu'avec un fond de vérité, l'existence des quatre tribus ioniennes anciennes, les indications numériques, c'est-à-dire les quatre tribus à l'imitation des saisons de l'année, les douze subdivisions des tribus (trittyes et phratries), à l'image des douze mois de l'année, les trente génè, comprenant chacun trente hommes" comme le nombre des jours d'un mois, étaient "manifestement controuvêes'". Et les auteurs de Clisthène l'Athé nien d'ajouter: "Mais la notion même d'un espace et d'un temps civiques purementconventionnels et abstraits, qui est à la base de la construction clisthénienne, est devenue totalement étrangère à l'esprit et Aristote, qui dans la première partie de sa Constitution d'Athènes se pose pourtant en historien et non en théoricien politique, créateur d'une cité utopique comme le Platon des Lois,ne peut lui-même échapper aux contraintes des milieux philosophiques de son temps", et de constater, dans une note, que lemaîtredu Lycée conservait, dans le passage précédant la description des tribus préclisthéniennes, la division platonicienne de la société en deux classes, paysans et artisans, même si la Constitution d'Athènes semblaitremonterà des recherchesentreprisesassez tôt2. Les recherches bibliographiques ont été arrêtées avec l'Année philologique, LXI, 1989. Les abréviations sont celles utilisées par l'Année philologique, Les traductions sont données dans la Collection des Universités de France ou dans la Bibliothèque des textes philosophiques de la Librairie philosophique J. Vrin, mais modifiées si nécessaire. 1. P. LÉVÊQUE,P.VIDAL-NAQUET, Clisthène l'Athénien. Essai sur la repré sentation de l'espace et du temps dans la pensée politique grecque de lafin du VIe siècleà la mort de Platon, Paris1960,p.144-145. 2. P.145,n.2;et référence à l'ouvrage de R. WEIL, Aristote et l'Histoire. Essaisur laPolitique,Paris 1960,p. 116. 16 Sylvie Vilatte Ces remarques appellent quelques considérations. Lesauteurs de Clisthène l'Athénien ont appelé avec bonheur "espace civique" l'établissement par l'Alcméonide de dix nouvelles tribus fondées, chacune, sur le mélange d'une trittys de la Ville, d'une trittys de l'Intérieur et d'une trittys de la Côte, qui regroupaient, chacune à leur tour, les dèmes de l'Attique etles quartiers urbains. La fonction purement civique de ce système tribal dont la dimension spatiale est la marque typique s'accompagnaitde l'établissementd'un calendrier prytanique divisant en dix parties l'année organisée traditionnelle mentselon un calendrierde douzemois d'originelunaire, scandépar les fêtes religieuses. Pour P. Lévèque et P. Vidal-Naquet, cette organisation spatiale de l'institution tribale, appuyée sur le système arithmétique décimal et sur une géométrie ternaire, les trois cercles concentriques de la Ville, de l'Intérieur et la Côte, ce qui selon eux pouvait "désormais s'inscrire sur une carte"3, avait sa source moins dans les spéculations philosophiques de l'époque archaïque, en particulier de Pythagore, que dans la notion politique d'isonomie. C'est pourquoi les auteurs de Clisthène l'Athénien qualifient de "conventionnels et abstraits" l'espace et le temps civiques des dix tribus. Mais d'autres travaux historiques ont présenté autrement cette réforme et ses sources, on y reviendra. Corrélativement, il paraît assez curieux de soutenir que la reconstruction par Aristote des quatre tribus préclisthéniennes démontre essentiellement l'incompréhension par le philosophe de la qualité abstraite et conventionnelle de l'espace et du temps civiques des dix tribus. En effet, d'une part Aristote s'est voulu un remarquable classificateur des raisonnements abstraits et d'autre part il s'est manifesté, plus que tout autre à l'époque classique, non seulement comme un "enquêteur" des régimes politiques, par ses politéiai, ainsi que le remarquent les auteurs de Clisthène l'Athénien, mais encore comme un historien (certes critique l) des théories philosophiques par ses doxographies. Enoutre, il faut aussi tenir comptedu soin apporté par Aristote, au sein de divers travaux philosophiques de première importance, à la définition des notions d'espace ou de lieu, par l'élucidation en particulier de termes comme chôra et iopos», L'utilisation par Aristote de notions platoniciennes n'est enfin 3. P.LÉVÊQUE,P.VIDAL-NAQUET,op.cit.,p.13. 4. J.-P.VERNANT, Mythe et pensée chez les Grecs, l, Paris 1971, Espace et organisation politique en Grèce ancienne, citation p. 227-229; M. PIÉRART, Platon et la Cité grecque. Théorie et réalité dans la Constitution des "Lois",Bruxelles1974,p. 17-18,48et s.

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