Colloque « Grippes animales et humaines » 1er juin 2010 - Afssa Ploufragan Résumés des interventions Épidémiologie descriptive et circulation des virus influenza chez les animaux et chez l’homme Jean-Claude Manuguerra Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence, Institut Pasteur F-75724 Paris La pandémie meurtrière dite de "Grippe espagnole" qui a frappé le monde entier en 1918/1919 a stimulé l'intérêt des microbiologistes pour cette maladie. C'est au lendemain de la première guerre mondiale et de la première pandémie du vingtième siècle, que René Dujarric de la Rivière, qui fut un des premiers scientifiques à s'intéresser à la grippe au laboratoire, démontra que l'agent étiologique de la grippe était un "virus filtrable". Il a fallu attendre 1931 pour que Richard Shope, intrigué par la simultanéité de la grippe espagnole chez l'homme et d'une maladie similaire chez le porc vers 1918/1919, isola le premier virus de grippe chez le porc. Ce n'est que deux ans plus tard, en 1933, à la faveur d'une épidémie de grippe en Angleterre, que trois chercheurs du National Institute for Medical Research au Nord de Londres (Wilson Smith, C.H. Andrewes et P.P. Laidlaw) isolèrent pour la première fois un virus de grippe humaine grâce au furet. Toutes ces études ont confirmé le caractère ultrafiltrable de l'agent étiologique de la grippe. Une contamination de laboratoire permit en 1936 de confirmer que l'isolat de 1933 était bien l'agent de la grippe humaine. En réalité, la souche “Hollandaise” de virus de la peste aviaire avait été isolée bien avant en Indonésie avant 1927 ou 1928 mais il a fallu attendre les progrès des connaissances virologiques pour se rendre compte que ce virus était de structure similaire aux virus porcins et humains et donc un virus de type grippal ou influenza. Dès 1971, la nomenclature des virus grippaux ou influenza humains et animaux était unique et en 1980, la nomenclature allait encore plus loin dans l’unification puisque les types moléculaires d’hémagglutinine (HA) et de neuraminidase (NA) ont été groupés : par exemple Neq2 est devenu N8 : il y a depuis lors des virus A(H3N8) équins et aviaires. Les Influenzavirus A, qui forment un des trois genres de virus grippaux (aussi appelés types), infectent naturellement un spectre plus ou moins large d’espèces hôtes en fonction du sous-type, voire du génotype. Les oiseaux constituent le groupe zoologique qui se trouve au cœur du monde grippal, certains ordres regroupant des espèces que l’on peut qualifier d’hôtes ancestraux, très généralement porteurs asymptomatiques, comme les Ansériformes. D’autres ordres sont constitués d’espèces très sensibles aux infections comme les Galliformes. Tous d’origine aviaire plus ou moins anciennes, les virus influenza circulent au sein d’espèces de Mammifères (en particulier les chevaux, les humains et les porcs), chez lesquels ils s’installent durablement et s’y inféodent en infléchissant leur évolution comme les virus A(H1N1) ou A(H3N2) chez l’homme. Dans d’autres cas, les virus grippaux ne s’inféodent pas comme par exemple chez les espèces de Cétacées, une des raisons pouvant expliquer cela tenant à la structure démographique de ces populations. Le passage de virus grippaux entre espèces peut se faire à la suite d’un ou plusieurs réassortiments chez l’espèce hôte ou chez un intermédiaire (cas du A(H3N2) de la grippe asiatique chez l’homme). Les échanges de fragments génétiques entiers sont intratypiques et des études encore assez récentes montrent qu’ils sont fréquents sans que les conséquences biologiques ne soient systématiquement importantes. Les virus grippaux une fois adaptés à leur nouvelle espèce sont affranchis de leur(s) réservoir(s) et leur dynamique de circulation se déroule de manière indépendante dans chaque espèce ou groupes d’espèces. Chez les Mammifères, et l’homme en particulier, cette circulation est saisonnière et centrée sur la saison froide. Chez les oiseaux domestiques, ce type pattern saisonnier se retrouve. La formation d’un nouveau génotype au sein d’un groupe viral proche, entre virus divers, voire appartenant à des sous-types différents, peut générer des virus phénotypiquement inédits capables de propriétés épidémiques particulières à l’origine de panzooties (exceptionnelles) comme celles dues aux virus influenza aviaires hautement pathogènes A(H5N1) depuis la fin de 2003 ou à l’origine de pandémies chez l’homme comme nous l’avons vécu en 2009/2010. Les virus influenza aviaires Véronique Jestin Afssa-Ploufragan-Plouzané, Unité Virologie Immunologie Parasitologie Aviaires et Cunicoles, Laboratoire National de Référence pour l’influenza aviaire et la maladie de Newcastle, B.P. 53, 22440 PLOUFRAGAN Les virus influenza aviaires infectent les oiseaux sauvages (plus d’une centaine d’espèces répertoriées, essentiellement aquatiques) et captifs (notamment toutes les espèces domestiques) et sont capables de se transmettre efficacement dans toutes ces espèces. Ces virus appartiennent tous au type A mais se répartissent en une très large diversité de sous-types correspondant à tout le répertoire connu à savoir 16 sous-types d'hémagglutinine H1-H16 et 9 sous-types de neuraminidase (N1-N9) ; ces derniers peuvent se combiner aux premiers en 144 sous-types HN théoriques dont la plupart a été identifiée chez les oiseaux sauvages. La fréquence de tel ou tel sous type HN dépend de l’espèce, de la zone géographique, de la période de temps considérés, mais certains sous types apparaissent inféodés à des espèces aviaires (tel H13N6 chez les Laridae). Au plan vétérinaire, 2 sous-types d’hémagglutinine : H5 et H7 revêtent une importance majeure et sont l'objet d'une réglementation. En leur sein, un marqueur de virulence correspondant à des motifs particuliers du site de clivage de l'hémagglutinine sert de base réglementaire pour distinguer les virus faiblement pathogènes (FP) des virus hautement pathogènes (HP) pour les oiseaux. De plus, comme les virus appartenant à ces sous-types peuvent avoir un potentiel zoonotique, ils font également l'objet d'une surveillance à des fins de santé publique. D'autres sous-types présentent un intérêt particulier soit du fait de leur importance en santé animale et/ou publique, tel le sous-type H9N2 (voir ci-dessous). Une très grande majorité de virus influenza aviaires possèdent une hémagglutinine se liant à des récepteurs cellulaires présentant des acides sialiques liés au galactose en α 2.3 (présents de façon majoritaire dans le tractus respiratoire et digestif des oiseaux aquatiques), avec d’ailleurs des différences subtiles mais notables dans l’affinité pour différentes polymères sialoglycosylés. Néanmoins les virus influenza aviaires de sous-types H9N2 d’une lignée eurasienne se lient à des récepteurs cellulaires présentant des acides sialiques liés au galactose en α 2.6 abondants dans l'arbre respiratoire et digestif ainsi que l’oviducte de volailles terrestres mais aussi dans l’épithélium respiratoire supérieur humain. Comme chez tous les virus influenza, le génome segmenté des virus aviaires leur permet de se réassortir entre eux mais aussi avec des virus de mammifères. La première situation se produit avec une très grande fréquence compte tenu du large panel d'oiseaux tant sauvages que domestiques pouvant être infectés et des transmissions directes ou indirectes de ces virus entre ces espèces à la faveur des rassemblements d'oiseaux sauvages ou des contacts entre oiseaux sauvages et domestiques ou entre espèces domestiques, contacts favorisés par certains modes d'élevage (plein air, multi-espèces …). La seconde situation est possible chez tout hôte capable d’être infecté par des virus des deux origines, à cet égard, le porc constitue un hôte « idéal ». De plus, comme chez tous les virus influenza, le génome des virus aviaires est constitué d'ARN et montre une grande plasticité. Ainsi il évolue aussi par mutation ponctuelle, délétion, (et même quoiqu’extrêmement rarement par recombinaison), en rapport notamment avec une adaptation à un nouvel hôte aviaire voire à une pression de sélection liée à une vaccination. Un exemple de cette évolution est donné par la distinction de 10 clades de virus H5N1 certains d’entre eux étant subdivisés en sous-clades (2.2 par exemple qui a diffusé d’Asie en Europe et Afrique en 2006, 2.3 récemment détecté en Roumanie au printemps 2010) et eux mêmes subdivisés en sous sous-clades. Cette complexité est encore renforcée par le fait que des virus adaptés aux mammifères peuvent encore néanmoins se transmettre in toto à certaines espèces aviaires par exemple les virus H1N1 porcins appartenant à la lignée « avian-like » et que des virus retrouvés chez les oiseaux peuvent présenter des gènes provenant de virus de mammifères, même si ce phénomène est très rare. Les virus retrouvés chez les oiseaux constituent donc un immense réservoir de gènes qu'il convient de surveiller. Différents programmes de surveillance et de recherche y concourent. Notamment les programmes de surveillance mis en place pour traquer plus spécifiquement les virus aviaires de sous-types H5/H7 (voir exposé spécifique) permettent aussi de récolter des échantillons et d'accumuler des données sur les autres sous-types aviaires, comme s’y emploie le LNR à Ploufragan. Compte tenu de la grande diversité et complexité de ces virus, les outils et méthodes de laboratoire doivent être régulièrement actualisés et enrichis pour permettre une analyse toujours plus poussée. En effet outre le traitement des données d'épidémiologie moléculaire, il convient de chercher à comprendre les bases moléculaires de la résistance dans l’environnement, de la virulence, d’un accroissement du potentiel zoonotique, de la contagiosité… et tenter de repérer des signatures particulières permettant de faire des prédictions et d’aider les gestionnaires du risque. Les virus influenza chez le porc Gaëlle Kuntz-Simon Afssa-LERAPP, Unité Virologie Immunologie Porcines Laboratoire National de Référence pour les Virus Influenza Porcins - 22440 Ploufragan Même s’ils apparaissent plus stables que les virus influenza humains d’un point de vue antigénique, les virus influenza porcins (ou SIV pour swine influenza virus) sont régulièrement soumis à des modifications génomiques, notamment par le biais de réassortiments rendus possibles lors de co-infections, en raison de la nature segmentée du génome viral. Le porc semble être le seul mammifère domestiqué susceptible à la fois aux infections par des virus influenza humains et aux infections par des virus influenza aviaires. Il peut donc servir d’hôte intermédiaire pour l’adaptation de virus aviaires à l’hôte mammifère et pour la génération de nouveaux virus réassortants, pouvant à leur tour être transmis à l’Homme, à d’autres mammifères, voire même à des oiseaux domestiques et sauvages. Trois sous-types de SIV, H1N1, H3N2 et H1N2, circulent simultanément depuis plusieurs années chez le porc dans toutes les régions du monde à forte densité porcine. Cependant, les origines et les caractéristiques de ces trois sous-types viraux varient en fonction des continents et il convient de distinguer les souches circulant en Europe de celles affectant les porcs d’Amérique du Nord ou d’Asie. Plusieurs lignées génétiques peuvent même être différenciées au sein d’un même sous-type dans certaines régions. En Europe, les prévalences respectives des trois sous-types viraux varient d’un pays à l’autre. En France, il n’a plus été détecté de virus H3N2 depuis la fin des années 90, tandis que circulent à des prévalences similaires les virus européens H1N1 et H1N2. De nouveaux virus issus de réassortiments entre SIV de ces deux lignées ont été isolés à plusieurs reprises au cours des dix dernières années dans quelques élevages bretons, sans démonstration toutefois de leur diffusion dans la population porcine. En avril 2009 ont été déclarés en Amérique du Nord les premiers cas pathologiques d’infections humaines par un nouveau virus influenza de sous-type H1N1, devenu responsable de la première pandémie du XXIème siècle. Ce virus présente une constellation inédite de gènes provenant de SIV, bien que n’ayant jamais été détecté chez le porc avant d’avoir été isolé chez l’Homme. Six segments génomiques proviennent d’un SIV multi-réassortant apparu il y a quelques années aux Etats-Unis, tandis que les deux autres gènes proviennent d’un SIV d’origine aviaire apparu en Europe en 1979, ayant diffusé en Asie en 1993, mais n’ayant jamais été isolé chez des porcs du continent américain. Les date, lieu et espèce cible du réassortiment entre les SIV « donneurs » restent non élucidés, mais il a été émis l’hypothèse, dès la connaissance de son émergence, de la capacité de ce virus pH1N1/09 à transgresser facilement la barrière d’espèce entre l’Homme et le porc. Des études d’infections expérimentales ont démontré la susceptibilité de l’espèce porcine et la capacité de transmission intra-espèce. Par ailleurs, depuis un an, des élevages ont été trouvés infectés par le virus pH1N1/09 dans plus d’une vingtaine de pays du monde entier et il semblerait que l’infection des porcins puisse avoir lieu de manière quasi- inapparente, voire asymptomatique. On peut donc craindre que ce virus ne s’adapte à l’espèce porcine, comme ce fut le cas des virus responsables des pandémies de 1918 et 1968, avec le risque de futurs réassortiments avec les SIV actuellement enzootiques, voire d’autres virus influenza d’origines humaine ou aviaire. L’émergence du virus pH1N1/09 confirme la nécessité de surveiller et d’étudier l’évolution des virus influenza en circulation chez le porc, tant d’un point de vue de la santé animale que de la santé publique. Les facteurs limitant la transmission et l’adaptation des virus influenza d’une espèce à une autre, notamment vers et depuis le porc, apparaissent multigéniques mais sont encore largement incompris. Les virus influenza équins Stéphan Zientara UMR 1161 virologie Afssa/INRA/ENVA – 94701 Maisons-Alfort Les virus influenza de type A qui infectent les équidés appartiennent à deux sous types : H3N8 et H7N7 dont les prototypes sont respectivement A/equine/Miami/63 et A/equine /Prague/56. Le sous type H7N7 n’a plus été isolé depuis 1989. Cette valence a d’ailleurs été retirée de la plupart des vaccins en Europe. Ne circulent donc actuellement que des virus H3N8 qui peuvent être regroupés en deux lignages selon les séquences nucléotidiques de leurs segments HA : les lignages américain et européen. Ces lignages sont eux-mêmes divisés en sous-lignages. Les virus H3N8 circulent en France avec une évolution saisonnière (hiver, printemps), en particulier dans les centres équestres, hippodromes et centres d’entraînement. Les chevaux de course sont, en moyenne, régulièrement et correctement vaccinés (le code des courses impose cette vaccination). La situation est différente chez les chevaux de propriétaires. La vaccination s’effectue à l’aide de vaccins inactivés purifiés et adjuvés à base de complexes immunostimulants (ISCOM) ou recombinants (à vecteur canarypox). En 1994, le Lerpaz, en collaboration avec l’association vétérinaire équine française (AVEF), a constitué un réseau de vétérinaires sentinelles sur le modèle des GROG (groupes régionaux d’observation de la grippe) en médecine humaine. Ce réseau a été élargi à d’autres infections (abortives, nerveuses notamment) et s’appelle le RESPE (réseau d’épidémiosurveillance des pathologies équines). Aujourd’hui, environ, deux cents vétérinaires sentinelles participent bénévolement à ce réseau. Les équidés n’échappent pas aux phénomènes de transmissions virales inter-espèces. En Chine, en 1989, un virus isolé chez des chevaux s’est révélé être d’origine aviaire. Cet événement de transmission « oiseau- cheval » du virus influenza d’origine non équine à des chevaux a été décrit une seule fois ; cette épizootie de grippe équine a été provoquée par une souche virale (souche A/Equine/Jilin/1/89) d’origine aviaire puisqu’elle comportait 6 segments génomiques sur 8 d’origine aviaire. Les virus équins H3N8 sont capables de franchir la barrière des espèces. Ainsi, en 2004, aux États-Unis, en Floride, un virus H3N8 du lignage américain a provoqué la mort de lévriers. En Angleterre, des études virologiques et sérologiques ont montré que des lévriers avaient été infectés par des virus d’origine équine en 2003-2004. De même, en Australie en 2007 alors qu’une épizootie majeure sévissait chez les équidés, un virus d’origine équine fut capable d’infecter des chiens. Dans tous ces cas, la transmission directe et la contagion directe entre chiens n’ont pas été observées. Par ailleurs, chez des porcs en Chine, furent isolés des virus d’origine équine. Enfin, en 2009, en Egypte, un virus H5N1 fut isolé chez des ânes qui présentaient des signes cliniques de grippe. Ces données suggèrent fortement que l’espèce équine doit aussi être prise en compte dans le cadre de la surveillance globale des virus influenza. Histoire naturelle des virus influenza et de la maladie chez l’homme Sylvie van der WERF Unité de Génétique Moléculaire des Virus à ARN, CNR des virus influenzae (Région-Nord), Institut Pasteur, URA3015 CNRS, Université Paris Diderot Paris 7, Paris, France Chez l’homme, l’évolution de l’infection par les virus grippaux dépend du statut immunitaire et de la susceptibilité naturelle de l’hôte ainsi que des souches virales en cause. Il convient ainsi de distinguer, la grippe saisonnière, la grippe zoonotique et la grippe pandémique. Lors des épidémies de grippe saisonnière, les virus grippaux de type A(H1N1), A(H3N2) ou de type B sont transmis par les sécrétions respiratoires par aérosol ou par manuportage. Le virus se multiplie initialement au niveau de l’épithélium du nasopharynx puis peut gagner l’épithélium bronchique. Lors des infections les plus sévères le virus gagne les bronchioles voire les alvéoles pulmonaires donnant lieu à la survenue d’une pneumonie. La symptomatologie clinique est peu spécifique, et varie selon les virus grippaux, les infections à virus A(H3N2) étant généralement plus sévères. Le syndrome grippal se caractérise par une survenue brutale et l’association de fièvre plus ou moins élevée, d’au moins un symptôme respiratoire et d’au moins un symptôme général. L’infection grippale peut donner lieu à des complications par surinfections bactériennes favorisées par la multiplication virale mais également à des complications de type cardio-vasculaire, neurologiques, etc. ou encore se traduire par la décompensation de pathologies sous-jacentes. On définit ainsi les sujets présentant des facteurs de risque pour la grippe, pour lesquels la vaccination anti-grippale est recommandée chaque année. L’excrétion virale précède la survenue des symptômes. Maximale 2 à 3 jours après l’infection, elle dure environ une semaine mais est plus prolongée chez les enfants et chez les sujets immunodéficients. Chez les sujets immunocompétents, l’immunité innée puis l’immunité spécifique permettent de contrôler l’infection. L’évolution génétique constante des virus et la pression de sélection liée à l’immunité (notamment humorale) dans la population se traduit par une variation antigénique permettant d’expliquer la survenue des épidémies de grippe saisonnière. L’infection humaine par des virus aviaires ou porcins a été décrite pour une variété de sous-types de virus influenza A (H7N7, H9N2, H5N1, ..). Ces infections zoonotiques qui ne donnent généralement pas lieu à une transmission interhumaine se produisent notamment dans le cadre d’épizooties. L’expression clinique et la sévérité chez l’homme varient, donnant lieu pour les virus porcins à des affections respiratoires généralement sans gravité et pour les virus aviaires à des conjonctivites (sous-type H7), des affections respiratoires bénignes (sous-type H9) ou des pneumonies virales sévères (sous-type H5) selon les caractéristiques virales, en particulier mais pas exclusivement en rapport avec la spécificité du virus pour son récepteur. La grippe pandémique survient lorsque l’introduction chez l’homme d’un virus antigéniquement nouveau vis-à-vis duquel la majorité de la population ne possède pas d’anticorps donne lieu à une transmission inter-humaine efficace. La morbidité et la mortalité varient selon les propriétés du virus et le degré d’immunité préexistante ; très élevée dans le cas de la pandémie de 1918, modérée pour la pandémie de 2009. La grippe pandémique se caractérise notamment par un impact plus élevé chez les sujets jeunes, une sévérité accrue par rapport à la grippe saisonnière chez certaines catégories de personnes (femmes enceintes, obèses) et la survenue de pneumonies virales primaires chez des sujets sans facteurs de risque bien que des pneumonies liées à des co- ou surinfections bactériennes ou à des réponses immunopathologiques soient également à prendre en compte. Une excrétion virale prolongée est également observée vraisemblablement en lien avec l’absence d’immunité préexistante. Dans ce contexte, en absence de vaccination, un traitement antiviral précoce est bénéfique pour éviter la survenue de formes graves comme observé dans le cadre de la pandémie à virus A(H1N1)2009, et les sujets immunodéficients chez lesquels des virus résistants au traitement antiviral sont susceptibles d’émerger doivent faire l’objet d’une attention particulière. Des études complémentaires sont nécessaires pour identifier et caractériser les déterminants viraux de virulence et d’adaptation à l’homme ainsi que les éléments impliqués dans l’existence d’une immunité croisée. Diversité de l’expression clinique et de ses conséquences en pathologie animale chez les oiseaux et le porc Arlette LAVAL École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation, Nantes-Atlantique (ONIRIS) Les conséquences médicales de l’infection par un virus Influenza chez le porc et les volailles sont très variables selon la virulence de la souche, l’espèce animale, la nature et la variété des co-facteurs infectieux et zootechniques présents dans l’élevage. Chez les oiseaux La dinde est l’espèce la plus sensible, mais des manifestations très graves sont également constatées chez la poule et le poulet. Les palmipèdes sont moins sensibles. Dans les formes très graves, associées à une souche hautement pathogène de virus influenza, les symptômes apparaissent après une incubation courte, de 2 à 5 jours. Ils débutent par une perte d’appétit, de l’abattement, une chute de ponte sévère, un gonflement de la tête, des sinus, de la crête et des barbillons qui apparaissent cyanosés. La respiration est difficile. Les oiseaux s’entassent et meurent rapidement, avec des signes nerveux agoniques et parois de la diarrhée. Plus de 75% de l’effectif peut être décimé en moins de 3 jours. Les lésions hémorragiques massives concernent tous les tissus. Les formes moins graves, dues à des souches modérément pathogènes, se manifestent par des troubles respiratoires plus ou moins aigus et des chutes de ponte parfois spectaculaires. L’inflammation des voies aériennes fait le lit des surinfections bactériennes par des mycoplasmes et des colibacilles qui seront finalement plus difficiles à contrôler que l’infection initiatrice. Chez le porc La grippe porcine est connue depuis en France depuis la fin des années 70. C’est une maladie enzootique qui affecte les porcs de tous âges lorsqu’ils sont dépourvus de protection immunitaire naturelle ou vaccinale. Elle évolue en général sur un mode très aigu, après une incubation courte, de quelques jours. Les signes cliniques se manifestent par une fièvre élevée et des troubles respiratoires consécutifs à une bronchiolite et une pneumonie interstitielle en mosaïque associées à une nécrose puis une hyperplasie de l’épithélium bronchique. Chez la truie, la fièvre est à l’origine d’avortements, de troubles de la reproduction et d’agalaxie. Les deux souches qui circulent en France (H1N1 et H1N2) donnent des signes cliniques comparables mais H1N2 peut donner lieu à des formes apparemment récurrentes en post-sevrage. La guérison est plus ou moins rapide selon les conditions de conduite d’élevage et la nature des co-infections. La présence de virus SDRP, Mycoplasme, Actinobacillus pleuropneumoniae sont clairement des facteurs aggravants. Diversité de l’expression clinique et de ses conséquence en pathologie animale Virus influenza équin : de la clinique à la surveillance Loïc Legrand1, C. Marcillaud-Pitel2, Ph. Pitel1, G. Fortier1, S. Pronost1 1 Laboratoire Frank Duncombe, IFR 146 ICORE, 14053 Caen Cedex 2 Réseau d’Epidemio-Surveillance en Pathologie Equine, 23 rue Pasteur 14120 Mondeville Le virus influenza A, plus communément appelé virus de la grippe, est l’un des pathogènes majeurs infectant de nombreux mammifères dont le cheval. Deux sous-types sont à ce jour connus comme agents infectieux du cheval, H7N7 et H3N8. Le premier, appelé aussi « Equi-1 », a été isolé pour la première fois à Prague en 1956, et ne semble plus circuler actuellement; le second, H3N8 ou « Equi-2 », isolé pour la première fois en 1963 à Miami, est donc le seul à ce jour responsable d’épizootie chez les équidés et, comme plus récemment décrit, chez le chien. Il existe différents degrés d’infection allant de la forme mineure, quasi inapparente, se traduisant généralement chez le cheval par une hyperthermie modérée, à une forme majeure pouvant être compliquée par une surinfection bactérienne. Généralement, l’animal infecté développe un syndrome fébrile avec une hyperthermie proche de 41°C, une toux forte, sèche avec un jetage nasal séreux. Ces symptômes sont souvent accompagnés de myalgie, tachypnée et/ou dyspnée. Dans de rares cas, chez les individus les plus jeunes, le virus influenza équin peut être responsable de bronchites, bronchopneumonies, voire de pneumonies pouvant s’avérer fatales. Des atteintes plus rares, comme des encéphalites ou des myocardites, ont été également décrites. Lors d’infections bactériennes secondaires, la fièvre persiste et le jetage devient alors mucopurulent. La forme mineure est le plus généralement retrouvée dans les populations vaccinées. Ces animaux permettent alors une propagation du virus qualifiée de silencieuse et favorisent sa dissémination. Au sein d’une population naïve, le virus se répand rapidement et peut atteindre l’ensemble de l’élevage. De nombreuses méthodes de diagnostic ont été décrites pour la détection du virus basées sur la virologie classique, l’immunologie ou la biologie moléculaire. L’isolement du virus influenza équin se fait principalement par culture sur œuf embryonné de poule qui est la méthode de référence. Cette technique longue et fastidieuse est le plus souvent remplacée dans les laboratoires par les tests immunochromatographiques, rapides, mais peu sensibles, ou les outils de biologie moléculaires comme la PCR (Polymerase Chain Reaction) moins exigeantes que la culture et aux performances équivalentes. Les échanges commerciaux génèrent de nombreux mouvements et rassemblements de chevaux à travers les différents pays ce qui favorise les risques de contamination et la dissémination du virus. Afin de rendre possible un contrôle des chevaux et de réaliser des enquêtes épidémiologiques sur l’ensemble du territoire, le réseau d’Epidémio-Surveillance en Pathologie Equine (RESPE), via le sous-réseau Syndrome Respiratoire Aigu (SRA), centralise les informations de vétérinaires sentinelles et permet la recherche de virus responsables de troubles respiratoires dont le virus influenza équin. Ces enquêtes permettent l’isolement de souches virales et rendent possible un suivi de l’évolution des virus circulant en France. Cette analyse consiste en une étude phylogénique et une analyse des mutations qui surviennent au sein d’une protéine de surface, l’hémagglutinine H3. Ainsi, ces informations peuvent être utilisées pour adapter au mieux la stratégie vaccinale et compléter les bases de données européennes et mondiales en collaboration avec le laboratoire référent de l’Office Internationale des Epizooties (OIE), l’Irish Equine Centre, situé à Johnston, Irlande. Depuis peu, il a été démontré que le virus influenza équin de sous-type H3N8 avait franchi une barrière d’espèce en passant du cheval au chien. Cette découverte réalisée sur des chiens de courses occupant des boxes de chevaux infectés ouvre la porte à une nouvelle hypothèse de vecteur permettant la propagation du virus au sein des haras. Une étude à l’échelle européenne est actuellement mise en place afin de surveiller les chiens présents dans les haras où le virus a pu être détecté. Des épreuves virologiques et sérologiques seront réalisées sur ces chiens afin de déterminer s’ils sont systématiquement infectés lors d’un passage viral mais aussi d’évaluer un potentiel rôle dans le processus de dissémination du virus. Ainsi, l’ensemble de ces moyens et outils participe à la surveillance, la compréhension de la transmission du virus et à la mise en place d’une prophylaxie adaptée sur le territoire français. Surveillance de l’influenza aviaire Hélène Sadones Direction générale de l’alimentation – bureau de la santé animale Principes généraux Le dispositif de surveillance de l’Influenza aviaire en France repose sur deux volets qui visent à la fois les oiseaux domestiques et sauvages : - la surveillance active correspondant à des enquêtes sérologiques au sein des élevages de volailles, à des prélèvements sur des canards appelants et à des captures ou des tirs d'oiseaux sauvages, - la surveillance passive correspondant à des investigations menées suite à des suspicions cliniques en élevages et des mortalités au sein de la faune sauvage. Les modalités de cette surveillance sont définies au niveau communautaire. Objectifs La surveillance passive a principalement pour objectif d’assurer une détection précoce en élevage ou parmi les oiseaux sauvages, de l’apparition de souches influenza aviaire hautement pathogène. La surveillance active a pour objectif d’estimer la circulation des souches de sous types H5 et H7 faiblement pathogènes (IAFP). Compte tenu du risque de mutation de souches faiblement pathogènes et de l’existence d’un réservoir d’IAFP au sein de l'avifaune, la réglementation européenne a imposé dès 2002 aux Etats membres la réalisation d’enquêtes sérologiques visant à détecter, dans les élevages de volailles, la présence d’infections inapparentes par des virus de sous-types H5 et H7 faiblement pathogènes (IAFP). Modalités de mise en œuvre Surveillance active Les modalités de réalisation de l’enquête sérologique obligatoire dans les élevages de volailles sont précisées chaque année par une note de service et sont conformes aux exigences européennes. Chaque année, un échantillon de 900 à 1000 élevages de différentes filières font l'objet de prélèvements pour sérologie, les élevages sont ciblés en fonction de leur risque d’exposition notamment vis-à-vis de la faune sauvage (parcours plein-air) et de la sensibilité de certaines espèces (dindes par exemple). Ces élevages sont répartis sur l’ensemble du territoire. Les canards appelants font également l’objet d’un plan d’échantillonnage qui prévoit le prélèvement d’écouvillons cloacaux à la fin de la saison de chasse. La surveillance active sur l’avifaune est conduite par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et concerne environ 2000 oiseaux capturés ou tués à la chasse. Surveillance passive La surveillance des mortalités en élevage repose sur le réseau de vétérinaires sanitaires et le système d’alerte précoce au sein des services vétérinaires déconcentrés. Pour la faune sauvage, les oiseaux trouvés morts ou malades font l’objet de prélèvements (écouvillons cloacaux et trachéaux) pour recherche influenza en l’absence d’une autre cause évidente de mortalité. Résultats La France a conservé en 2009 son statut indemne vis-à-vis de l’influenza aviaire hautement pathogène au sens du code zoosanitaire de l’OIE. Trois foyers d’influenza faiblement pathogène (H5N3) ont été mis en évidence au sein d’élevages de palmipèdes dans le cadre de l’enquête annuelle en 2009. En 2009, 893 élevages de volailles ont fait l’objet de prélèvement sérologiques, 32 élevages se sont révélés séropositifs pour le sous type H5 et un seul élevage de canard prêt à gaver positif en PCR H5 (H5N3 FP) . Environ 2339 oiseaux sauvages ont fait l’objet de prélèvement pour recherche influenza par PCR : 367 oiseaux trouvés morts et 1972 oiseaux chassés ou capturés. Cette surveillance active a abouti à la mise en évidence de virus IA faiblement pathogènes mais aucun virus hautement pathogène ( 63 résultats positifs en PCR H5 FP et 14 PCR H7 FP). La surveillance des infections grippales chez le porc par l’Afssa Ploufragan-Plouzané François Madec, N. Rose, E. Eveno, S. Quéguiner, S. Gorin, N. Barbier, A. Saulnier, S. Hervé, G. Kuntz-Simon Afssa-LERAPP, Unité Virologie Immunologie Porcines Laboratoire National de Référence pour les Virus Influenza Porcins - 22440 Ploufragan La connaissance de la situation des élevages porcins à l’égard des infections grippales est inégale selon les pays et souvent parcellaire. Elle est rarement obtenue au travers de dispositifs d’épidémiosurveillance formalisés et pérennes. En revanche des études épidémiologiques sont mises en place ponctuellement, par exemple dans le sillage de phénomènes sanitaires d’allure grippale. Une surveillance passive est fréquente et elle est souvent le fait de laboratoires de diagnostic vétérinaire ou d’équipes de recherche ayant en parallèle une activité diagnostique (e.g. Universités US). Il y a une dizaine d’années l’UE a proposé un programme de recherche (ESNIP∗) destiné à permettre la surveillance des infections grippales chez le porc. Le dispositif mis en œuvre par l’équipe de Ploufragan pour la surveillance des infections grippales chez le porc pour la période 2006-2009 est polymorphe. Ainsi comporte t-il : 1- Une surveillance active, dédiée. Celle-ci possède 3 supports que sont : Les signalements à l’Afssa par des correspondants volontaires (vétérinaires, techniciens, éleveurs) de cas cliniques d’allure grippale survenant dans les élevages essentiellement bretons. Un technicien Afssa se rend alors sur place, évalue les symptômes et réalise les prélèvements (écouvillons nasaux, cinétique sérologique). Les isolats sont finement caractérisés. La constitution en Bretagne d’un groupe « d’élevages sentinelles ». Au nombre de 22, ces élevages ont été choisis en fonction de leur localisation géographique (densité des élevages…) et d’autres critères (historique de grippe, volontariat…). Ces élevages sont visités par l’équipe Afssa deux fois par an et des examens sérologiques sont pratiqués sur porcs à l’engrais. Dans l’intervalle entre visites en cas de syndrome grippal signalé, des prélèvements ad hoc sont réalisés (comme au paragraphe ci-dessus). Une enquête sérologique d’envergure nationale pratiquée à l’abattoir sur un échantillon de porcs charcutiers. Les abattoirs sont sollicités au prorata de leur capacité et les lots de porcs sont tirés au sort. 2- Une surveillance indirecte, surtout sérologique, lors de la conduite de programmes de recherche sur des sujets variés de pathologie porcine. Les travaux sont conduits en étroite collaboration avec les organisations professionnelles. 3- Enfin des isolats de virus grippaux sont transmis pour caractérisation par des laboratoires de diagnostic vétérinaire. Pour la période 2006-2009, le dispositif dans son ensemble a permis d’obtenir 71 isolats. Aucun virus A/H N n’a été détecté et les virus obtenus sont des virus A/H N et A/H N de lignées européennes. Quelques 3 2 1 1 1 2 réassortants sont également obtenus. L’étude sérologique sur porcs d’abattoir (n = 1850 porcs, 185 élevages) montre une prévalence élevage de 28 et de 33 % pour A/H N et A/H N respectivement. Par ailleurs on a pu 1 1 1 2 observer une disparité régionale. Ainsi les anticorps A/H N se retrouvent-ils nettement plus fréquemment en 1 2 Bretagne. La valence A/H N est restée muette. Pour le Grand-Ouest, des résultats voisins sont obtenus à partir 3 2 d’un autre échantillon (n = 125 élevages naisseurs-engraisseurs) en 2007-2008. La fréquence élevée d’infections grippales subcliniques, notamment révélées dans le groupe des élevages sentinelles, complique la surveillance virologique. Le programme ESNIP 3 nous donnera l’occasion de réfléchir à la question ainsi qu’à la situation à l’égard du virus pH N . 1 1 ∗ ESNIP (European Surveillance Network of Influenza in Pigs). Le programme a été renouvelé (ESNIP 2) et un troisième cycle (ESNIP 3) vient d’être accepté. Il rassemble une quinzaine de partenaires
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