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Entre stéréotypes et affirmation identitaire : quatre artistes contemporains d'Afrique occidentale. PDF

347 Pages·2011·8 MB·French
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Preview Entre stéréotypes et affirmation identitaire : quatre artistes contemporains d'Afrique occidentale.

Entre stéréotypes et affirmation identitaire : quatre . artistes contemporains d'Afrique occidentale Thèse pour l’obtention du grade académique de Dr. phil. en Histoire de l’art de l’Université de Trèves Présenté par Didier Marcel HOUENOUDE M.A. Juillet 2007 Expertise : 1- Prof. Dr. Viktoria Schmidt-Linsenhoff 2- Dr. Joseph Adandé 1 Table des matières I. INTRODUCTION 6 1.1. Problématique et état de la question 9 1.2. Le contexte de l'étude 16 1.3. Méthodologie et sources 17 II. QUATRE ARTISTES EN AFRIQUE DE L'OUEST ENTRE 1960 ET 2005 1. Frédéric Bruly Bouabré : écriture et prophétie 21 1.1. Biographie 21 1.2. L’œuvre de Bruly Bouabré entre écriture et art 29 1.2.1. L'alphabet bété 29 1.2.2. Analyse et interprétation de l’œuvre de Bruly Bouabré 32 Prophète et chroniqueur – De l’origine des races – Sexe et morale 1.3. Ecriture, langage, art et sociétés africaines 66 1.3.1. Ecriture versus oralité 67 1.3.2. L’écriture comme paravent contre l’oubli et l’ignorance : réécrire l'identité 71 1.4. Le paradoxe Bruly Bouabré : la réception 76 2. Ousmane Sow : la fierté des vaincus 78 2.1. Biographie de l’artiste 78 2.2. Du Mont des Noubas à la vallée de Little Big Horn : les œuvres 82 2.2.1. Matériaux et technique de travail 82 2.2.2. Les œuvres : description, analyse et interprétation 84 Les Noubas – Les Masai – Les Zulu – Les Peulhs - La bataille de Little Big Horn 2.2.3. Ousmane Sow et le corps de l’africain 127 2.3. La naissance de l’artiste : réception des œuvres de Ousmane Sow. 130 3. Romuald Hazoumé 134 3.1. Portrait d’un rebelle 134 3.2. L’artiste est ses œuvres 136 2 3.2.1. Sous le signe du Fa 137 3.2.2. Le Fa dans l'œuvre de Romuald Hazoumé 140 3.2.3. La Bouche du Roi et la mémoire de l'esclavage 168 3.3. Réception 182 4. Suzanne Ouédraogo : l'animal en l'homme 186 4.1. Une femme dans l’univers masculin de l’art 186 4.2. De l’identité de la femme africaine et sa place dans la créativité contemporaine 188 4.3. Une peinture de la férocité humaine 191 4.4. Humanité versus animalité : à la recherche de l’animal en nous 202 4.5. Réception des œuvres : la difficulté d’être une femme 205 III. ART, IDENTITE ET AFRICANITE 1. Autour de l’identité et la culture 209 1.1. La construction de l’identité culturelle 209 1.2. La problématique de l’identité culturelle africaine 212 1.3. Perversions et dérives identitaires : les cas rwandais et ivoirien 220 1.3.1. Ethnicisation de l’identité : le génocide rwandais 222 1.3.2. Les dérives de l’ivoirité : identité exclusive 224 2. Identité et création artistique 230 2.1. L’identité africaine : une indéfinissable africanité ? 230 2.2. Les manifestations identitaires dans l’art contemporain africain et leurs significations 241 2.3. Pertinence d’un discours identitaire en art : Pièges et ambiguïtés d'un discours identitaire en art 246 3. La Négritude et l’art africain 248 3.1. Cadre et contexte de naissance du mouvement 248 3.2. La Renaissance de Harlem 253 3.3. Senghor, la Négritude et l’art 254 3.4. Critique de la Négritude 261 3.5. Négritude et promotion de l’art africain : du premier au troisième Festival Mondial des Arts Nègres 266 3 3.5.1. Le Premier Festival Mondial des Arts Nègres 266 3.5.1.1. L'école de Dakar 268 3.5.1.2. Le mouvement Vohou-Vohou ivoirien 273 3.5.1.3. Dak’Art : La biennale de l’art africain contemporain 274 IV. CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVE 287 Liste des illustrations 292 Bibliographie générale 298 V. ANNEXES 307 A. Panorama de la situation artistique au Bénin, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire 309 B. Interview du Professeur Yacouba Konaté, commissaire général de Dak’Art 2006 326 C. Fiction de Romuald Hazoumé 336 D. Dossier de candidature pour Dak’art 342 E. Les 16 signes cardinaux du FA et leurs représentations indicielles et ésotériques 344 4 Avant-propos La présente thèse a été préparée et réalisée dans la ville universitaire de Trèves. Cette charmante petite ville d’une centaine de milliers d’habitants qui a vu naître Karl Marx est aussi considérée comme la plus vieille ville d’Allemagne, car elle était sous l’empereur romain Constantin, son lieu de villégiature. La langue qui a priori aurait pu être un handicap sérieux au cours de notre séjour dans la ville, s’est en fin de compte avérée être une difficulté de moindre importance. C’est le lieu ici de remercier tous les étudiants du collège doctoral Identität und Differenz. Geschlechterkonstruktion und Interkulturalität 18.-21. Jahrhundert dont la sollicitude et l’intérêt nous ont permis de pratiquer dans un laps de temps assez court, une langue qui au départ nous paraissait presque inaccessible en si peu de temps. Nos remerciements s’adressent à tous les professeurs du Collège doctoral, ainsi qu’à tous les membres du Département d’Histoire de l’Art de l’Université de Trèves (Fachbereich III : Kunstgeschichte), principalement à Martina Zeimet, secrétaire du Département pour sa grande disponibilité, à l’équipe du laboratoire de photographie et de la Diathèque. Merci aussi au CePoG (Centrum für Postcolonial und Gender Studies) présidé par Jun.- Prof. Dr. Alexandra Karentzos. Les Bibliothécaires des différents Centres de recherche se sont montrés courtois et ont permis une documentation assez aisée. Nous voudrions les en remercier, tout comme les artistes, ceux faisant parties de la présente étude ou ceux ayant manifestés de l’intérêt à nos recherches. Nous tenons à remercier également Madame Gretlies Haungs de l’Akademisches Auslandsamt dont l’aide précieuse nous a permis de résoudre les nombreux problèmes de bureaucratie. Nous n’oublions pas les membres d’Afrika Fokus e. V. pour leur soutien constant, Melanie Ulz et Bernd Elzer dont la présence à nos côtés et les discussions que nous avons eu avec eux nous ont permis de développer notre esprit critique. Un remerciement particulier à la Famille Schankweiler, dans laquelle nous avons été accueillis pour chacun des réveillons de Noël que nous avons passé en Allemagne. Merci aussi aux différents amis pour leur soutien inconditionnel : Katharina Wojtalla, Anna Seiderer, Ian Farrugia, Fanny Bragard, Monica Coralli. Que soient remerciés nos directeurs de thèse : Prof. Dr. Viktoria Schmidt-Linsenhoff qui a été plus qu’une simple directrice de thèse, mais pratiquement une mère et le Dr. Joseph Adandé, qui malgré la distance n’a pas cessé de manifester son intérêt et de suivre le déroulement du travail. Enfin à notre famille restée en Afrique, nous la remercions pour la patience dont elle a du faire preuve durant les trois années et demi que nous sommes partis. A mon épouse et à ma fille ma profonde affection. 5 INTRODUCTION Il est à bien des égards troublant de constater que lorsque l'on aborde avec un interlocuteur quel qu'il soit le sujet de l'art africain contemporain, ce dernier fait aussitôt référence à la statuaire traditionnelle. C'est pour dire le blocage dont sont victimes nombre de personnes, aussi bien en Occident qu'en Afrique. Une situation qui fait croire que l'art africain quel qu'il soit se résume à la sculpture, qui plus est, traditionnelle. Il suffit pour se rendre compte de cet état de fait d'observer la quantité d'écrits et d'études sur l'art ou les arts d'Afrique. Ils font la part belle à la sculpture traditionnelle, parce que jugée plus authentique, plus en accord avec l'Afrique vraie, vierge de toute influence extérieure, en particulier occidentale et marquée le plus souvent du signe du sacré1. Il est bien peu de sujets qui soulèvent autant de polémique en histoire de l'art, que l'art africain contemporain. Sa contemporanéité surtout fait couler beaucoup d'encre. Entre ceux qui pensent que la contemporanéité de l'art africain reste encore à écrire, du moins à définir et ceux qui pensent qu'elle ne fait aucun doute, la discussion est loin d'être close. Ces spécialistes qui pensent l'art africain ont cependant en commun d'être tous, ou pour la plupart, occidentaux. Ainsi comme l'écrit Roger Somé l'art africain existe pour l'essentiel, hors des frontières de l'Afrique où existent des conceptions de l'art qui émanent de divers courants philosophiques2, ce à quoi souscrit Stéphanie Amiot3 lorsqu'elle écrit que l'écriture de l'art africain se fait en Occident sans le plus souvent la participation de critiques ou d'historiens d'art africains. Cette écriture à sens unique d'une histoire de l'art africain est à bien des égards problématique, puisqu'elle laisse le soin à l'Occident seul de décider de ce qui en Afrique peut être ou non qualifié d'art. Ceci à travers le prisme 1 On aurait pu croire que les années passant il y aurait un désintérêt croissant pour l'art traditionnel au profit de l'art contemporain. Apparemment ce n'est pas le cas, puisqu'on note entre les années 1990 et 2004, un grand nombre d'ouvrages consacrés à l'art traditionnel et aux études sur le sacré. A titre d'exemple, nous pouvons citer : Willett F., 1990, African art, New York; Mauzé M.et Degli M., 2000, Arts premiers : Le temps de la reconnaissance, Paris, 2 Somé, Roger. Art africain et esthétique occidentale. La statuaire lobi et dagara au Burkina Faso. Paris : L'Harmattan, 1998. 3 Amiot, Stéphane. Les modalités de la réception de l'art contemporain africain dans les circuits de l'art français. Mémoire de DESS, Université Lyon.2, 2002. 6 déformant du regard typiquement occidental et selon des critères de jugement bien propres à la culture occidentale, et, qui parfois se révèlent être soit obsolètes, soit inappropriés ou limités. Dans tous les cas le jugement sur l'art contemporain africain le tient souvent comme une déjection, au mieux un embryon de l'art occidental, entre primitivisme et prémodernité ou précontemporanéité. Sa naissance comme se plaisent à le rappeler certains auteurs4 ne remonte guère au delà des années soixante ou cinquante pour les plus indulgents. Dans cette naissance on retrouve le rôle important de l'Europe qui vient féconder l'Afrique, stimuler la création artistique déjà présente à l'état de latence, et, comme une accoucheuse, l'assister dans cette tâche difficile qu'est l'enfantement de l'art. La relation fonctionne, comme une Europe consciente du potentiel artistique d'une Afrique qui elle-même s'ignore, l'aide à se révéler à elle-même. Ainsi commence l'histoire des fameuses Ecoles5 dans les années trente-quarante, vues comme les laboratoires du futur art africain. Ces Ecoles, œuvres d'européens en général amateurs d'art ou artistes amateurs et dont l'ambition était de susciter des talents artistiques chez des Africains en leur inculquant des techniques occidentales comme la peinture sur chevalet avec des pigments industriels, sans pour autant altérer leur mode d'expression naturel. Les plus célèbres de ces écoles sont : l'école de sculpture de Bingerville en Côte d'Ivoire installée par le français Charles Combes et qui sera à l'indépendance rattachée à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts ; l'école d'Elisabethville (Lubumbashi) au Congo belge fondée entre 1944 et 1947 par Pierre Romain-Desfossés et qui devient par la suite l'Académie de l'art populaire congolais; l'école de Poto poto à Brazzaville dans le Congo français ouverte par un autre français, Pierre Lods en 1951, qui renouvellera l'expérience en 1961 à Dakar à la demande de Léopold Sédar Senghor6; l'école d'Oshogbo au Nigeria qui se révèlera comme la plus 4 Littlefield-Kasfir, S. L'art contemporain africain. Paris : Thames & Hudson, 2000, Gaudibert, P. L’art africain contemporain. Paris : Cercle d'Art, 1994. 5 Le terme d'école est peut être un doux euphémisme, puisque dans ces hangars ou ateliers aucun enseignement théorique ou pratique n'était au départ dispensé. Ce n'est que par la suite avec l'expérience de Pierre lods à Dakar que l'on peut véritablement parler d'enseignement à caractère académique, quoiqu'il existât de nombreuses lacunes. L'idée première - que reprendra Pierre Lods au Sénégal - était de laisser s'exprimer les divers artistes en ce qu'ils ont de profondément africain. On encourageait donc surtout des représentations figurées comme des scènes de paysages, des couchers de soleil, des scènes de villages ou du quotidien urbain; en un mot des images de l'Afrique telle que la majorité des européens se la représentaient, souvent peintes dans un style naïf. Ces pseudo artistes étaient pour la plupart de professions disparates. Certains étaient pécheurs, gardiens, d'autres, paysans ou désoeuvrés à la recherche du pain dans ce nouveau passe-temps occidental. Ils étaient en général sans aucune qualification et recevaient le plus souvent leur matériel (support, pinceaux, peinture) de travail de leur bienfaiteur. 6 En 1961, Senghor est à la tête du Sénégal, pays nouvellement indépendant. Cet Etat neuf est pour l'un des chantres de la négritude le champ propice pour l'application de ses idées en grandeur nature. Il invite donc Pierre Lods qui résidait alors au Congo français à s'installer au Sénégal. L'idée est de créer une Ecole des Beaux-Arts. A Pierre Lods est adjoint Iba Ndiaye, peintre sénégalais formé à l'école des Beaux-arts de Paris. Ce dernier cependant écourte sa participation dans ce projet, estimant que la conception de l'art africain telle 7 productive et la plus durable et dans laquelle le couple allemand Georgina et Ulli Beier prendra une part très active. Mais pour J. Vansina la frontière entre ce type de production destiné aux touristes auxquels l'on donne aujourd'hui le nom d'art d'aéroport, et l'art qu'il nomme académique7 - ou pour reprendre l'expression poétique chère à Pierre Gaudibert arts savants8- est mouvante. En effet certains artistes qualifiés de naïfs ou populaires peuvent s'installer durablement dans la catégorie arts académiques, tandis que d'autres au départ, académiques, pour des raisons commerciales se rangent peu à peu dans la catégorie arts populaires. Déjà se profile l'un des problèmes majeurs de l'art contemporain africain. Cette difficulté à définir une frontière précise et nette entre amateurisme et professionnalisme. Ce qui sous-tend du point de vue occidental, la recherche d'un style et l'inscription dans une école ou un courant artistique, l'obéissance-allégeance à des règles strictes édictées par une esthétique obsolète. Le problème majeur de l'art africain, du moins tel que l'envisagent de nombreux spécialistes viendrait donc de cette quasi-impossibilité de le situer, de lui affecter une place toute faite qui obéirait à la conception occidentale universaliste de l'art. Ainsi l'art africain contemporain paye cher son désir d'indépendance, son ambition de s'affranchir des règles édictées par l'esthétique, la philosophie ou encore l'ethnophilosophie. L'art africain s'installe ainsi dans la marginalité. Relégué dans l'antichambre de l'art sans en faire encore partie, il attend que les spécialistes occidentaux au terme de leurs querelles se décident soit de le reconnaître et de l'accueillir dans le sérail de l'art, soit de lui trouver un autre vocable plus adéquat. Le cubisme me semble-t-il n'a pas payé un prix aussi élevé quand bien même la pression subie par les artistes au début de leur aventure ait été grande. On nous objectera que le cubisme a fait école et que les styles africains actuels sont trop disparates pour constituer un tout homogène pouvant être qualifié d'école. On oublie alors que chaque œuvre tout comme l'artiste qui la crée est fille de son temps, marquée des forces et des faiblesses de son époque. Le contexte dans lequel est né le cubisme était fortement marqué par les idées sur le primitivisme et la puissance expressive de la statuaire africaine. C'était l'époque où l'Europe redécouvrait l'Afrique. Les récits des explorateurs et voyageurs de que envisagée par Senghor et Lods et magnifiée au premier Festival des Arts Nègres, dans le but d'affirmer une identité noire exaltait un courant primitiviste contre lequel l'artiste était opposé. 7 Ici académique selon le sens que lui attribue J. Vansina renvoie au fait que les artistes pratiquant ce type d'art ont été formés en Europe aux techniques et aux conceptions occidentale de la peinture et de la sculpture. 8 Gaudibert, Pierre. L’art africain contemporain. Paris : Cercle d'Art, 1997. 8 tous poils faisaient prendre conscience à l'Europe d'une richesse, d'une beauté encore à l'état de pureté naturelle et qui pouvait sauver9 l'Europe parvenue au seuil de l'étouffement pour avoir sacrifié ses dieux sur l'autel du rationalisme. Une situation qui fera dire à Paul Valéry quelques années plus tard combien les civilisations [occidentales] étaient désormais mortelles. Dès cet instant l'artiste occidental se lance à la quête d'un univers neuf, vierge de souillure et de dégénérescence occidentale. Les trois phases caractéristiques de cette revivification de l’art occidental mourant sont résumé dans les œuvres de Paul Gauguin à travers le mythe du bon sauvage vivant dans un monde paradisiaque, dans l’emprunt des cubistes menés par Picasso, des valeurs formelles de la statuaire africaine et océanienne, et dans le retour aux sources premières, magiques et sacrées de l’art prôné par Joseph Beuys. Problématique et état de la question Ces ruptures inhérentes à l'histoire de l'art occidental, sont aussi présentes en l'Afrique où l'histoire de l'art semble s'écrire en dent de scie, où à la fois continuité et ruptures se fondent dans une même ligne. A l'opposé des artistes d'Occident qui se découvraient à travers l'altérité de l'autre, les artistes africains partent à la découverte de leur être propre en revisitant leur culture, mais aussi en absorbant ce qui vient d'ailleurs et qui pourrait sup-porter ce qu'ils ont de profondément africain. Les artistes aujourd'hui en Afrique sont hybrides. C'est une métamorphose due à leur héritage colonial. L'identité est dit-on, plurielle10 ; chaque africain porte en lui une multitude d'identités qui font de lui un être radicalement différent d'un autre africain. Les voies que pourraient emprunter chacun des artistes africains pour manifester sa quête identitaire ou pour souligner sa propre personnalité par rapport aux autres, pourraient être totalement opposées. Ce langage qu'ils sont peut être les seuls pour l'instant à pouvoir parler et comprendre est certainement le nœud de la polémique dont ils sont l'objet. Ce langage déconcertant pour les spécialistes de l'art qui n'arrivent plus à le comprendre montre 9 Il faut noter que cette idée d’un art africain africain susceptible de régénérer l’art occident dénégénéré, n’a pas aujourd’hui disparu, puisque dans son ouvrage, L’art de la friche. Essai sur l’art africain contemporain, paru à Paris aux éditions Flammarion, Jean-Loup Amselle compare le champ de l’art africain, comme une terre en friche, non encore véritablement mise en valeur, et qui pourrait revivifier l’art occidental. Selon les propres mots de l’auteur, « […] l’Afrique – l’Afriche, […] -, mais pas seulement elle, représente une source majeure de régénération de l’art occidental ». P. 14. 10 Cf à ce sujet les remarquables ouvrages de Maalouf, Amin. Les identités meurtrières. Paris : Bernard Grasset, 1998, et Castells, Manuel. Die Macht der Identität. Opladen : Leske und Budrich, 2002. 9 combien ces artistes ont pris une longueur d'avance sur l'histoire de l'art elle-même. Ce qui a d’ailleurs été toujours le cas. Mais le regain d’intérêt que connaît la problématique identitaire est-il à mettre au compte d’une véritable quête, ou s’agit-il de stratégies judicieusement exploitées et surexploitées par des artistes essayant coûte que coûte à se positionner sur le marché international de l’art ? Dans un contexte de crise des sociétés postmodernes, la notion d’identités inaltérables et irréductibles surgit comme une équation à inconnues variables avec laquelle, aussi bien le politique, l’économique que le culturel, comptent bien jouer. Comment alors identifier dans cette pluralité de revendications identitaires, ce à quoi pourrait bien renvoyer l’art de l’Afrique contemporaine ? Le recyclage auquel il s’était identifié il y a quelques décennies, ne suffit plus à le circonscrire. Les artistes africains aujourd’hui se sont emparés des techniques dites modernes. Ils s’essayent à la photographie, à la vidéo, à l’installation, à l’art conceptuel etc. Les repères auxquels ils étaient auparavant cantonnés ont volés en éclat, brouillés qu’ils sont aujourd’hui par les interactions dues à la mondialisation. Pourtant certains artistes africains sont en quête d’originalité, une originalité qu’ils voudraient trouver dans la matière, comme signe de leur appartenance culturelle originelle. Doit-on y voir une allégeance à un marché international en quête d’authenticité, une stratégie commerciale ou juste un langage plastique sans préméditation ? La recherche d’originalité ou d’authenticité conduit parfois certains artistes à compromettre la pérennité des œuvres qu’ils créent dans la mesure où certaines matières utilisées ne peuvent convenablement subir avec succès l’épreuve du temps. L’art africain serait-il un art de l’éphémère ? Par ailleurs qui mérite la dénomination d’artiste africain contemporain ? Nous voudrions ici éviter le débat sur la catégorisation qu’implique la notion d’africain. Faut-il revendiquer le statut d’artistes pour l’être ? Dans ce cas qu’en est-il de ceux qui ne s’en sont jamais prévalus, mais qui ont été désignés parfois à leur grande surprise comme tel ? Cette question interpelle la toute puissance dont sont aujourd’hui munis les commissaires d’expositions, et qui leur permet de construire l’artiste. Ce dernier devient juste une pièce dans l’œuvre ultime que créent ces commissaires. Car en effet, le véritable artiste n’est pas toujours celui que l’on croit. Les artistes eux-mêmes ne s’y trompent pas. Que Georges Adéagbo inclut une image d’Harald Szeemann dans l’une de ses installations, que Chéri Samba représente André Magnin dans son tableau La chasse aux bons (Ill. 1), ou encore que Ndary Lô peigne Simon Njami ou Yacouba Konaté dans Le Refus de Rosa Park (Ill. 2 10

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création plastique africaine et qui risque d'imposer une vision peut être subjective de l' . Pour Susan Vogel s'il règne autant de confusion autour de.
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