ثاﺮﺘﻟا تﺎﻴﻟﻮﺣ ﺔﻠﺠﻣ Revue Annales du Patrimoine / P-ISSN 1112-5020 E-ISSN 2602-6945 Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs en Afrique Western ethnocentrism in the accounts of travelers in Africa Dr Maurice Mbah Université de Dschang, Cameroun [email protected] Reçu le : 28/7/2022 - Accepté le : 26/8/2022 22 2022 Pour citer l'article : Dr Maurice Mbah : Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs en Afrique, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 22, Septembre 2022, pp. 121-140. http://annales.univ-mosta.dz *** Hawliyyat al-Turath, University of Mostaganem, Algeria N° 22, September 2022 Revue Annales du patrimoine, N° 22, 2022, pp. 121 - 140 / P-ISSN 1112-5020 E-ISSN 2602-6945 Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs en Afrique Dr Maurice Mbah Université de Dschang, Cameroun Résumé : La présente étude s’intéresse à la relation entre les intertextes eurocentrés et l’ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs britanniques et français en Afrique. Elle considère ces intertextes comme des stratégies discursives au service de l’ethnocentrisme occidental, car les écrivains voyageurs les utilisent massivement pour mettre en avant leur attachement à leur terroir natal, à l’Europe et pour célébrer la culture occidentale. Cette posture énonciative qui constitue une forme de xénophobie traduit la volonté des écrivains voyageurs de s’enfermer dans leur propre culture au lieu de s’ouvrir à l’altérité africaine. Comment se manifeste l’intertextualité dans les récits de voyage étudiés et comment contribue-t-elle à souligner l’ethnocentrisme occidental dont les écrivains voyageurs deviennent des adjuvants ? Pour répondre à cette question, la déconstruction issue de la théorie postcoloniale et l’intertextualité comme l’une des approches du comparatisme nous ont guidé dans nos analyses. Mots-clés : voyage, intertextualité, xénophobie, déconstruction, ethnocentrisme. o Western ethnocentrism in the accounts of travelers in Africa Dr Maurice Mbah University of Dschang, Cameroon Abstract: This article examines the relationship between eurocentric intertexts and Western ehnocentrism in the accounts of British and French travelers to Africa. It considers these intertexts as discursive strategies at the service of Western ethnocentrism, because travel writers use them massively to highlight their attachment to their native land, to Europe and to celebrate Western culture. This enunciative posture, which constitutes a form of xenophobia, reflects the desire of travel writers to lock themselves in their own culture instead of opening up to African otherness. How does intertextuality manifest itself in the travel stories studied and how does it contribute to underlining the Western ethnocentrism of which the travel writers become adjuvants ? To Reçu le : 28/7/2022 - Accepté le : 26/8/2022 [email protected] © Université de Mostaganem, Algérie 2022 Dr Maurice Mbah answer this question, deconstruction stemming from postcolonial theory and intertextuality as one of the approaches to comparatism guided us in our analyses. Keywords: travel, intertextuality, xenophobia, deconstruction, ethnocentrism. o Introduction : Les écrivains voyageurs occidentaux, au fil des siècles, ont exploré le continent africain et relaté leurs expéditions dans les récits. Lorsqu’on se penche sur les présences de "textes" étrangers dans ces récits et sur la propension de certains explorateurs à faire de la lecture et de la contemplation d’objets artistiques issus de leur terroir d’origine des activités majeures lors de leur voyage, il devient évident que le voyage s’effectue non seulement sur le terrain, mais aussi et surtout dans les textes. D’où un dialogue permanent entre les récits et la culture livresque voire artistique des écrivains voyageurs. Julia Kristeva nomme ce phénomène "intertextualité" qu’elle définit comme le "croisement dans un texte d’énoncés pris à d’autres textes"(1). Ce phénomène s’observe amplement dans les récits de voyage avec la relation de coprésence entre plusieurs textes, chaque récit devenant de ce point de vue une bibliothèque narrative qui raconte les autres textes en se racontant. Dans cet article, nous examinerons six récits de voyage à savoir : "Voyage à l’île de France" de Bernardin de Saint-Pierre (1773), "Through the dark continent" d’Henry Morton Stanley (1878), "Travel in West Africa" de Mary Kingsley (1897), "Voyage au Congo" d’André Gide (1927) et "L’Afrique fantôme" de Michel Leiris (1934)(2). La question centrale de notre réflexion est la suivante : Comment se manifeste l’intertextualité dans les récits de voyage étudiés et comment contribue-t-elle à traduire l’ethnocentrisme occidental dont les écrivains voyageurs deviennent des adjuvants ? Pour répondre à cette question, deux méthodes guideront nos analyses : la méthode déconstructiviste - 122 - Revue Annales du patrimoine Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs et l’intertextualité, toutes deux provenant respectivement de la théorie postcoloniale et du comparatisme. Après avoir procédé à quelques clarifications méthodologiques et au résumé du corpus d’étude, nous montrerons ensuite que l’ethnocentrisme occidental s’exprime dans les récits de voyage à travers la chauvinisme des auteurs, leur eurocentrisme et leur discours en faveur de la célébration de la culture occidentale. 1 - Méthodologie de travail et résumé des récits étudiés : Des clarifications sur l’intertextualité et la déconstruction nous semblent nécessaires pour fixer le cap de nos analyses. Parlant de l’intertextualité, il faut noter que dans les récits de voyage étudiés, la citation et la référence sont les pratiques intertextuelles les plus courantes. Sur le plan définitoire, la citation sert à insérer dans l’hypertexte (texte imitant ou citant) un segment de l’hypotexte (texte imité ou cité) en le mettant clairement en évidence pour le distinguer du reste du texte : "La citation est immédiatement repérable grâce à l’usage de marques typographiques spécifiques. Les guillemets, les italiques, l’éventuel décrochement du texte cité distinguent les fragments empruntés"(3). La référence, elle, "n’expose pas le texte cité, mais y renvoie par un titre, un nom d’auteur, de personnage ou l’exposé d’une situation spécifique"(4). L’intertextualité met donc à notre disposition des clés de lecture du récit de voyage comme dialogue entre plusieurs textes, comme absorption et transformation d’autres textes, pour reprendre une formule chère à Julia Kristeva. Grâce à cette méthode, nous avons constaté que les récits de voyage s’illustrent par une multitude d’intertextes occidentaux relevant de domaines épistémologiques diversifiés (littérature, sciences humaines, mythologie, arts, etc.). Par contre, les intertextes africains s’y distinguent par leur rareté. Ces choix esthétiques ne sont en réalité qu’une stratégie de célébration de la culture occidentale, une mise en orbite de la prétendue supériorité de l’Europe sur l’Afrique. Quant à la déconstruction, elle est définie par Jacques - 123 - N° 22, Septembre 2022 Dr Maurice Mbah Derrida par la formule laconique "Plus d’une langue" devenue la devise de cette méthode de lecture des textes : "Si j’avais à risquer, Dieu m’en garde, une seule définition de la déconstruction, brève, elliptique, économique comme un mot d’ordre, je dirais sans phrase : plus d’une langue"(5). Cette formule pourrait renvoyer à la pluralité du sens, donc au refus de toute forme de monologue discursif. Il s’agit d’être attentif tant aux "silences" qu’aux "bruits" du texte, de ne rien laisser passer qui pourrait faire obstruction à la plus-value herméneutique du texte, car "la parole dit toujours autre chose encore que ce qu’elle dit"(6). Dans ce travail, la déconstruction nous permet donc d’aller au-delà de la façade des intertextes pour lire l’envers du décor que ces procédés discursifs laissent entrevoir. Et on voit bien que leurs fonctions vont au-delà de la simple esthétique textuelle pour faire croire à l’hégémonie culturelle de l’Occident sur l’Afrique qui est pourtant le théâtre des explorations dans les récits de voyage étudiés. Dans "Voyage à l’île de France", Bernardin de Saint-Pierre relate son voyage et son exploration de cette île (appelée désormais l’île Maurice) de 1768 à 1770. "Through the dark continent" d’Henry Morton Stanley dresse le bilan de sa traversée de l’Afrique équatoriale d’Est en Ouest, sur les traces de David Livingstone : parti de Zanzibar en 1874, il arrive à Cabinda en 1877. Mary Kingsley, exploratrice victorienne éprise d’aventures, nous rapporte dans "Travel in West Africa" son voyage dans le bas Ogooué (au Gabon), à l’île Fernando Pôo et au Cameroun de 1893 à 1895. "Voyage au Congo" d’André Gide est le récit du voyage que cet explorateur effectue à travers le Congo, le Tchad et le Cameroun de juillet 1926 à mai 1927. "L’Afrique fantôme" de Michel Leiris relate son voyage de près de deux ans, de 1931 à 1933, à travers l’Afrique noire. Les intertextes présents dans ces récits de voyage, en raison de leur forte centration sur l’Occident, sont l’expression du chauvinisme des écrivains voyageurs, de leur eurocentrisme et un hymne en faveur de la - 124 - Revue Annales du patrimoine Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs culture occidentale. 2 - Intertextes et apologie du chauvinisme : Dans le "Dictionnaire des racismes", la définition suivante est donnée au chauvinisme : "Mot français désignant une attitude allant du patriotisme exacerbé au nationalisme agressif… Chauvin est une incarnation du soldat-laboureur, mythe politique très ancien qui associe le travail de la terre à la défense armée de la patrie… Cette image a fini par devenir un thème privilégié de l’idéologie conservatrice"(7). De cette définition, il ressort que le concept chauvinisme a peu de sèmes positifs et davantage de sèmes négatifs qui expriment une tendance presque maladive à survaloriser l’identité et à dénigrer l’altérité. Le chauvinisme reflète donc une admiration exagérée et trop exclusive de son pays. Le risque majeur auquel fait sombrer tout comportement chauvin est la xénophobie, car l’étranger est rejeté au profit de soi et tout dialogue avec l’ailleurs devient impossible, sinon difficile à établir. Les intertextes employés dans les récits le démontrent à suffisance. Tant du côté des écrivains voyageurs britanniques que de celui des Français, nous assistons au même leitmotiv : la célébration avant tout des écrivains nationaux. Tous sont au moins d’accord pour une chose : le rejet systématique des intertextes africains, laissant croire que ceux-ci n’ont aucune existence. Chez tous les autres écrivains voyageurs, les intertextes nationaux prennent le dessus sur les intertextes d’autres pays occidentaux. De ce fait, nous avons : 14 intertextes français contre 10 intertextes d’autres pays européens chez Bernardin de Saint-Pierre, 58 contre 3 chez Henry Morton Stanley, 15 contre 10 chez Mary Kingsley, 70 contre 35 chez André Gide, 34 contre 23 chez Michel Leiris. Cela s’explique par le fait que les écrivains voyageurs mettent en avant la préférence nationale en citant davantage dans leurs textes les auteurs nationaux qui les ont inspirés ou marqués. Si dans certains récits l’expression du chauvinisme se lit davantage en termes statistiques (intertextes - 125 - N° 22, Septembre 2022 Dr Maurice Mbah nationaux en nombre élevé par rapport aux intertextes provenant de nations étrangères), le discours qui accompagne les intertextes nationaux dans d’autres récits étudiés est parfois à même de raffermir cet attachement excessif et même maladif au terroir natal. Du côté des écrivains voyageurs français, le ton est donné par Bernardin de Saint-Pierre dans un segment assez évocateur : "Nous avons cependant des voyageurs estimables ; Addisson me paraît au premier rang : par malheur il n’est pas français"(8). Il aurait donc fallu que le voyageur mentionné ici soit français pour que l’explorateur lui accorde tous les honneurs dus à un personnage de son rang. Plus tôt dans le récit, l’auteur, décrivant la maison du Gouverneur du Cap, cite élogieusement des personnages historiques de la Hollande : "On y voit des portraits de Ruyter, de Tromp, ou de quelques hommes illustres de la Hollande"(9). Son chauvinisme s’exprime lorsqu’il conclut le portrait de ces personnages historiques en ces termes : "Je me félicite de finir le portrait de ces hommes estimables par l’éloge d’un homme de ma nation"(10). Dans une perspective similaire et à travers des références simples, Bernardin de Saint-Pierre présente d’autres "voyageurs estimables" de son pays en mettant en exergue leurs qualités : "Chardin a de la philosophie et des longueurs ; l’abbé de Choisy sauve au lecteur les ennuis de la navigation ; il n’est qu’agréable ; Tournefort décrit savamment les monuments et les plantes de la Grèce, mais on voudrait voir un homme plus sensible sur les ruines d’Athènes"(11). Partisan du patriotisme exacerbé à l’image de Bernardin de Saint-Pierre, André Gide le démontre suffisamment dans le choix de ses intertextes et le discours qui les accompagne le plus souvent. Les multiples lectures d’auteurs français auxquelles il s’adonne au cours de son voyage en Afrique constituent la preuve qu’il éprouve pour la littérature française un profond attachement. Et pour cause, les citations d’auteurs français ainsi que les références à la littérature nationale sont assorties de - 126 - Revue Annales du patrimoine Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs précisions relatives à leur lecture permanente et au "plaisir du texte" qu’il éprouve. L’œuvre renferme en effet un large réseau sémantique autour du thème de la lecture dont voici quelques occurrences illustratives : "je reprends", "je relis avec ravissement", "relu", "j’achève un petit livre", "lecture", "je repasse", "je me replonge", "achevé la relecture", "relire", "je réapprends", "relecture", "je lis", "je savoure et déguste"… Notons que chacun de ces éléments verbaux et nominaux évoqués dans le récit de Gide s’accompagne d’un complément précisant le nom d’un auteur ou le titre d’un ouvrage. Du côté des écrivains voyageurs anglais, Henry Morton Stanley se fait remarquer au premier abord, car son récit est dominé par des intertextes britanniques. Non seulement il cite systématiquement des écrivains voyageurs britanniques dont l’expérience en matière de voyage représente pour lui une ressource indispensable (John Hanning Speke, Francis Burton, David Livingstone…), mais aussi il partage avec le lectorat sa passion pour les écrits de Shakespeare. Il décrit alors cet écrivain comme un véritable génie de l’art littéraire. L’un des épisodes saillants, que Stanley nomme "the Burning of Shakespeare", ressort de son séjour à Mowa (localité du Congo) au cours duquel l’explorateur est sommé, par des Noirs hostiles à son intrusion dans leur localité, de mettre au bûcher un livre de Shakespeare trouvé dans ses affaires que ces derniers désignent comme une sorte de "fétiche pour homme blanc". Stanley, dans la relation de cette mésaventure, redit son attachement à Shakespeare et souligne que ce livre lui a été d’une très grande utilité tout au long de son expédition africaine en berçant ses nuits grâce à la magie de la lecture : "As I was rummaging my book box, I came across a volume of Shakespeare (Chandos edition), much worn and well thumbed, and which was of the same size as my field- book... "We will not touch it. It is fetish. You must burn it"... We walked to the nearest fire. I breathed a regretful farewell to my genial companion, which during many weary hours of night had - 127 - N° 22, Septembre 2022 Dr Maurice Mbah assisted to relieve my mind when oppressed by almost intolerable woes, and then gravely consigned the innocent Shakespeare to the flames"(12). Stanley est suivi de Mary Kingsley chez qui les intertextes nationaux s’accompagnent régulièrement de prises de position visant à préciser leur place prépondérante par rapport aux intertextes étrangers. Ainsi, elle affirmera à plusieurs reprises son parti pris pour l’ouvrage du biologiste britannique Thomas Joseph Hutchinson, "Ten years’ Wanderings among the Ethiopians" (1861) du fait de sa relation de la vie de nombreux peuples africains à partir de données ethnographiques recueillies sur le terrain. Son admiration pour cet ouvrage et pour son auteur est telle que Kingsley en cite plusieurs extraits pour étayer ses propres thèses. De plus, l’exploratrice recommande des lectures précises à tout voyageur désirant se rendre en Afrique ou ailleurs dans le monde. Ce qui frappe est qu’au premier rang de celles-ci figurent exclusivement les textes anglais comme en témoigne la liste suivante(13): James George Frazer, "The Golden Bough"; Edward Burnett Tylor’s book, "Primitive Culture"; Alfred Burton Ellis works ; Robert Burton, "Anatomy of melancoly"; Royal Geographical Society, "Hints to Travellers". Les textes d’autres pays européens ne viendront donc qu’en appui. Elle s’enorgueillit par ailleurs d’avoir lu plusieurs titres phares d’auteurs britanniques. Il s’agit, en plus des titres précédemment évoqués, de l’ouvrage "Geographical Distribution of animals" (1876) d’Alfred Russel Wallace (lequel lui sert de guide dans son étude des peuples africains et de leurs mœurs), de "Savage Africa" de William Winwood Reade (historien, explorateur et philosophe britannique, 1838-1875) ainsi que des œuvres du poète et critique britannique Samuel Taylor Coleridge (1772-1834). Au demeurant, tout véritable patriote ayant vécu pour un long moment loin de sa patrie éprouve à un moment donné une certaine nostalgie, un sentiment de solitude et de déconnexion par rapport à ses racines. Toutefois, lorsque cet attachement au - 128 - Revue Annales du patrimoine Ethnocentrisme occidental dans les récits de voyageurs terroir natal s’accompagne d’un penchant de dénigrement de l’Ailleurs, on a tôt fait de sombrer dans le chauvinisme, donc dans la xénophobie. Toutefois, il arrive que les explorateurs assouplissent leurs positions en convoquant des intertextes issus d’autres pays européens. Les intertextes africains demeurant toujours de grands absents dans les récits, les auteurs migrent dès lors du chauvinisme vers l’eurocentrisme, cette autre forme d’ethnocentrisme. 3 - Intertextes et expression de l’eurocentrisme : Nous pouvons définir l’eurocentrisme comme une forme exacerbée du sentiment d’appartenance au continent européen. Il consiste en la défense d’une Europe conservatrice, suprémaciste et impérialiste qui défend ses intérêts propres tout en imposant au reste du monde la marche à suivre. L’eurocentrisme fait partie des formes d’ethnocentrisme(14), ce dernier désignant, selon le "Dictionnaire des racismes", une "tendance à privilégier un groupe ethnique donné (celui auquel on appartient) sur tous les autres et à appréhender le monde à partir des valeurs de ce groupe. Cette surévaluation de soi face à l’Autre est à la fois refus de la diversité des cultures en même temps que négation de l’unité fondamentale du genre humain"(15). Nous verrons comment les écrivains voyageurs, loin de se laisser absorber par des conflits idéologiques ou de positionnement territorial en fonction de leur patrie, s’entraident régulièrement en célébrant les artistes, penseurs et intellectuels de tous les pays européens. La plupart des écrivains voyageurs nous en apportent la preuve. Bernardin de Saint-Pierre répond en premier à cet état de choses dans la mesure où ses écrits démontrent son admiration pour le Britannique William Dampier (1699-1901), auteur de "New voyage around the world" (1697). "J’ai lu cet après-midi un article du voyageur Dampierre", écrit-il, avant de poursuivre quelques lignes plus loin au sujet des signes célestes annonciateurs des grandes tempêtes : "Je vis au ciel tous les - 129 - N° 22, Septembre 2022