Description:Tandis que la foule matinale prenait d’assaut le métro porte de Clichy, un homme fendait le flot à contre-courant. Grand, large d’épaules et l’allure décidée, vêtu d’une veste de cuir et d’un pantalon de golf, il portait un feutre vert à bord étroit qui pouvait lui donner l’apparence d’un touriste venu tout droit de la Sarre ou du Tyrol. Cet homme respirait la santé. La vie au grand air lui avait donné une assurance et une largeur de geste qui faisaient cruellement défaut à tous ceux qui se rendaient à leur travail en même temps que lui. En admettant que l’homme au chapeau vert fût en train de se rendre à son travail, car il ne suivit pas les quelques voyageurs qui se ruaient vers les autobus ; il se dirigea seul vers le terrain vague, lequel sépare immanquablement Paris de ses banlieues et pataugea, non sans majesté, dans la boue et les flaques d’eau qui reflétaient le ciel soucieux de novembre. À sa gauche la gare des Batignolles sifflait et crachait à perdre haleine ; devant lui les maisons de Clichy paraissaient endormies.Après un coup d’œil circulaire comme pour s’assurer qu’il n’était pas suivi, l’homme reprit sa marche et s’engagea dans la rue de Paris, jusqu’à l’angle de la rue des Cailloux.