ITINÉRAIRES PRO ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉ Diplôme d’État d’ Accompagnement social et éducatif spécialisé DEES • DC1 21 Connaissances Méthodologie thématiques à mobiliser de l’épreuve ✔ Les publics ✔ La psychologie ✔ La connaissance du milieu socio-culturel ✔ L’action éducative ✔ L’oral et l’élaboration d’un dossier (DPP) 5e édition N°1 DIPLÔMES DU SOCIAL Sommaire Introduction générale – Logique et philosophie du DC 1 7 Partie 1 Essai d’une typologie des publics qu’un éducateur spécialisé peut rencontrer Introduction 12 1. Enfants ou adolescents présentant des troubles du comportement, des difficultés d’insertion ou de socialisation 17 2. Publics handicapés moteurs, mentaux ou sensoriels adultes 25 3. Adultes en difficulté d’insertion sociale, familiale, professionnelle ou psychologique 30 Conclusion – Lorsqu’alter rencontre ego 33 Types de structures éducatives, sociales, médicales et médico-sociales 35 Partie 2 Psychologie Introduction 42 1. Les théories du fonctionnement psychique 44 2. L ’être humain : un être en devenir 55 3. Psychopathologie 75 4. Thérapeutiques 91 Conclusion 107 Partie 3 L’acteur dans son environnement socio-culturel 1. Le processus de socialisation par la culture 110 – 5 – 2. S ociétés modernes et sociétés traditionnelles 114 3. L’intégration, processus qui complète la socialisation 121 4. L a socialisation selon Pierre Bourdieu 124 5. Stigmatisation 128 6. D es lieux de socialisation 133 7. La famille 135 8. Le monde de la jeunesse 147 9. L’insertion 171 10. L’entreprise 177 11. L’exclusion 182 12. La situation spécifique de la migration 191 13. Les freins à l’apprentissage 195 14. L ’économie comme facteur de socialisation 202 Partie 4 Éléments de pédagogie de l’éducation spécialisée 1. Fonctionnement collectif et place de la personne 220 2. L ’action éducative : les fondements 255 3. L’action éducative : les supports 304 Partie 5 La certification : épreuve de pratiques professionnelles L’épreuve de pratiques professionnelles 338 Conclusion générale – Un guide pour une éthique éducative spécialisée 342 Bibliographie générale 343 – 6 – 3 Adultes en difficulté d’insertion sociale, familiale, professionnelle ou psychologique Structures et professionnels dédiés aux adultes rencontrant des difficultés de diverses natures sont nombreux à œuvrer quotidiennement. Des publics sont accompagnés par des éducateurs dans des missions diverses dans les asiles de nuit, entreprises d’insertion, centres d’adaptation à la vie active, centres d’accueil pour demandeurs d’asile, centres provisoires d’hébergement pour réfugiés, centres spécialisés de soins aux toxicomanes, centres de cure, de post-cure, lieux de vie, centres hospitaliers universitaires, centres de stabilisation, etc. Ils sont nombreux à développer à la fois projets et identités profession nelles adaptées aux logiques et besoins des publics accueillis. Si l’on se focalise plus particulièrement sur les CHRS, on retrouve dans ces structures des publics que les réfugiés partagent avec d’autres partenaires. Issus de la tradition asilaire, les éducateurs intervenant dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale rencontrent aujourd’hui des nouvelles populations, à l’image des réfugiés ou des demandeurs d’asile par exemple. Dans un rapport FNARS, il était mentionné qu’environ 30 % des publics hébergés en CHRS sont des travailleurs pauvres. Cela crée de fait un effet miroir complexe à gérer pour le travailleur social : son usager lui ressemble de plus en plus. Certains établissements de type CHRS accueillent hommes, femmes, familles ou des publics qui conjuguent des problématiques multiples, parfois singulières (conduites addictives, porteurs du VIH, porteurs du VHC), et voient ainsi leurs missions muer avec le temps, passant de l’hébergement d’urgence à l’accompagnement social. Les éducateurs sont devenus les témoins privilégiés de la paupérisation des publics accueillis et de l’augmentation de problèmes de santé physiques et mentaux. Ces publics fragilisés tant du point physique que psychologique viennent questionner les éducateurs et les institutions sur les critères de prise en charge, certaines personnes se situant à la marge entre prise en charge sociale et psychiatrique. Même si la notion de souffrance psychosociale devient centrale, une question aujourd’hui demeure majeure et réfère aux critères ou traces qui – 30 – Adultes en difficulté d’insertion sociale, familiale, professionnelle ou psychologique permettent de considérer une personne davantage sur un versant qu’un autre : prise en charge médicale ou accompagnement social ? Parce qu’un nombre important de CHRS sont mixtes, les publics sont aujourd’hui composés d’une population hétérogène : femmes et hommes sans ou avec enfants (scolarisés pour la majeure partie d’entre eux, jeunes ou âgés, même si les premiers paraissent moins nombreux), demandeurs d’asile, ex-déte- nus, personnes victimes d’une rupture personnelle, etc. Les profils sont devenus très disparates, invitant les professionnels à une adaptabilité plus grande et une capacité à travailler en réseau plus conséquente. Une partie de cette population a un niveau scolaire au moins égal au baccalauréat, et une part non négligeable d’individus ont une expérience professionnelle effective. Cette configuration balaie vivement les représentations qui associaient les CHRS à des structures n’accueillant que les sans-domicile-fixe, le « SDF » semblant incarner la figure du nouvel errant ou nomade des sociétés modernes. Sans contribuer à la construc- tion d’une nouvelle allégorie, une mise en relief des indices communs à une partie des personnes accueillies en CHRS est cependant permise. « Nous avons de plus en plus, dans notre structure, des personnes qui ont des problèmes de santé assez graves, une dépendance alcoolique plutôt forte, notam- ment chez les hommes, et des femmes qui sont de plus en plus nombreuses à présenter des problématiques psychiatriques. On remarque également chez eux une forme de distance à des choses, telles que le travail, le vivre avec les autres, la sociabilité quotidienne. On a par exemple des personnes qui, malgré une vraie expérience profes sionnelle ou un excellent niveau scolaire, sont aujourd’hui loin du travail, tellement loin qu’on a le sentiment qu’elles ont perdu l’attache ou l’accroche qui pourrait les faire renouer avec cet univers. De fait, cela nous conduit à réviser nos basiques et nos modalités d’appro che et d’accompagnement. » G., éducateur spécialisé Les prestations proposées par les éducateurs en CHRS semblent avant tout orientées vers la resocialisation des personnes, considérant que pour les profes- sionnels rencontrés, les freins les plus importants pour les personnes en grande difficulté sont ceux générés par les problèmes de santé graves. En définitive, la complexité des prises en charge résulte intrinsèquement de la combinaison des difficultés portées par l’usager. Cela n’est pas sans questionner la désignation de ce dernier par les professionnels : quelle problématique devient prioritaire et permet de qualifier l’usager accompagné ? Cette réflexion permet de reconsidérer d’une part la catégorie, d’autre part les dispositifs qui reposent pour la plupart sur une difficulté considérée comme majeure et sur laquelle vient s’appuyer puis se déployer la prise en charge. – 31 – Essai d’une typologie des publics qu’un éducateur spécialisé peut rencontrer « Avec nos publics, je dirais qu’il faut agir en même temps et en fonction de chacun, de sa trajectoire, de ses ressources, de son état, dans des directions diverses. À côté des questions d’hébergement et d’aide à la recherche d’un loge- ment, nous menons de nombreuses actions pour l’insertion professionnelle, avec notamment de l’aide à la recherche d’emploi, de formation ou de stage. À cela il faut ajouter d’autres problé matiques qu’ont à gérer nos usagers, entre autres des besoins en conseil juridique, accès aux droits, particulièrement chez les migrants mais pas uniquement, ainsi qu’un travail d’accompagnement ou d’adaptation à la vie sociale, active, économique : ce que l’on appelle plus simplement de la remobilisation. Cette remobilisation est généra lement complétée par tout ce qui est accompagnement avec consultations et suivi médical, et l’on s’aperçoit que l’on se retrouve avec des publics où tout est enchevêtré, tout est prioritaire, et rien ne peut être traité sans prendre en considération la problématique adjacente. » C., chef de service CHRS Comment donc qualifier ces personnes très souvent considérées comme « en situation de crise ou d’urgence sociale » et dont le qualificatif mériterait qu’on le déconstruise ? Comment qualifier cet usager accompagné aujourd’hui qui peut tout à la fois être malade, apatride, sans logis, désocialisé, seul, sans emploi, etc. ? Comment l’éducateur reconnaît-il ces personnes, considérant que la déclinaison se fait en vue d’une réponse adaptée aux besoins fondamentaux de ces derniers ? Dans cette multitude de personnes en souffrance, en errance ou simplement en difficulté, l’éducateur spécialisé est amené à croiser des « familles échouées, éclatées, explosées » (parfois ce qu’il en reste), ou bien encore des femmes avec leurs enfants plongés ensemble pour de multiples raisons dans des difficultés conplexes, qu’il appréhende à la fois singulièrement et dans leurs logiques grou- pales ou systémiques. Avec toujours ce leitmotiv : comment évoquer une catégorie de publics quand ces derniers ne répondent pas à des indicateurs qui pourraient la fonder, comme c’est le cas pour les victimes de violences qui ne répondent plus aujourd’hui à un profil type ? Les critères d’âge, d’appartenance à une classe sociale, économiques et culturels particuliers, de lieu et de qualité d’habitation ou d’origine géographique, ethnique (pour ne citer qu’eux) ne peuvent en aucun cas dessiner « la femme victime de violence » de la même manière qu’ils ne peuvent désigner des sujets qui traversent d’autres difficultés, tels « les toxico- manes » ou les « addicts » par exemple. Dans ce souci d’identification des publics, nous ne pouvons omettre d’interroger la qualité de ceux que les éducateurs de prévention tout comme les éducateurs de rues rencontrent. – 32 – Conclusion Lorsqu’alter rencontre ego Les publics que rencontrent les éducateurs spécialisés dans le cadre de leurs missions sont très variés tant du point de vue de leur situation, de leurs difficul- tés, de leurs caractères que de leurs problématiques. Ces dernières sont à la fois si semblables et si différentes qu’il serait vain de vouloir en saisir avec précisions toutes les figures. Malgré tout, une des fonctions fondamentales de l’éducateur est de « norma- liser » ou de « rendre acceptable » les personnes qui lui sont confiées, pour un mieux-vivre ensemble. Derrière cette dimension éducative qui traverse de fait la dénomination de sa profession, éducateur, la contradiction présente dans les missions de ce dernier se retrouve également chez les usagers qu’il a en charge, l’incitant à composer avec. « Nous ne savons pas, nous ne voulons pas savoir que nous avons affaire à des êtres essentiellement contradictoires, puisque précisé- ment ils se font à partir de leurs contradictions. En refusant la contradiction ou en la tranchant purement et simplement par un décret volontaire, on renonce à l’assumer et on se prive du même coup du pouvoir de la dépasser 1. » Considérons alors que la volonté farouche d’inscrire l’autre dans cette « démarche normative » se conjuguera sans cesse avec le diagnostic social, psychologique, environnemental, lui-même métamorphosé sous l’effet des représentations communes en pronostic de retour ou pas à l’état de « normalité acceptable ». Inéluctablement, les dispositifs d’assistance ou de prise en charge ont par essence une incitation à redessiner l’autre, l’usager, en début de prise en charge et au fur et à mesure de son évolution. Avec des objectifs de réparation et ce, à partir de standards, modèles et autres figures de référence, l’éducateur spécialisé tente d’éviter certains écueils, notamment l’enfermement de l’autre dans un schéma prescriptif, rejoignant dès lors ce que Jacques Lacan désignait par « orthopédie mentale ». En effet, derrière cette transformation normative d’un enfant, adolescent ou adulte en usager, il préexiste fondamentalement, à travers un certain nombre de protocoles conjugués à des rituels 2, une rencontre entre un professionnel et un sujet où chacun accède à une forme de légitimité 1. Jacques Ardoino, Propos actuels sur l’éducation, Tome 1, Éditions Gauthier-Villars, 1978. 2. Nous entendons « rituel » au sens où Claude Lévi-Strauss le définit : « Il consiste en paroles proférées, gestes accomplis, objets manipulés, indépendamment de toute glose ou exégèse appelée par ce genre d’activité, et qui relève non pas du rituel même, mais de la mythologie implicite, […] en quoi ces opérations telles qu’on les exécute au cours du rite diffèrent des opérations analogues dont la vie quotidienne offre aussi l’occasion » (L’Homme nu, éditions Plon, 1971). – 33 –
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