DE LA REINE DE SABA À MICHELLE OBAMA LL Aoua B. Ly-TaLL a T - y L Dans toutes les sociétés et au fil des temps, B. les contributions des femmes ont été occultées. a u Triplement victimes (colonisation/esclavage, idéologies o A d’infériorisation et domination mâle), de grandes figures féminines Africaines restent méconnues et/ou DE LA REINE DE SABA peu valorisées. C’est dans la perspective de contribuer à les sortir des décombres de l’Histoire que s’inscrit cet ouvrage. Il met en relief leurs A À MICHELLE OBAMA personnalités hors pair, leurs pouvoirs spirituel, M politique, économique, social, culturel et scientifique, A ainsi que leurs influences sur le cours de l’histoire de B Africaines, héroïnes d’hier et d’aujourd’hui leurs sociétés, et meme, sur celui du monde. O De même, à la lumière de l’oeuvre de Cheikh Anta À l a l u m i è r e d e l ’œ u v r e d e C h e i k h A n t a D i o p DIOP, le livre démontre que le Genre était partie E L intégrante des cultures traditionnelles de l’Afrique. L E Au nom du devoir de mémoire, serons tour à tour H présentées les Héroïnes Africaines d’hier et d’aujourd’hui C qui ont jalonné l’Histoire de l’Égypte antique à l’Afrique I M en passant par l’Amérique, les Antilles et même l’Océan indien. Il revient à la jeunesse africaine de s’approprier À de cette page glorieuse de l’histoire africaine pour bâtir A une Afrique nouvelle basée sur l’égalité des genres, B gage du développement durable. A S E Chercheure associée à l’Institut d’études féministes et du D genre de l’Université d’Ottawa au Canada, Docteure Aoua B. LY-Tall est une femme engagée pour les droits humains et E la cause des femmes. Sociologue et Expert en Genre, elle est N analyste des questions sociales, historiques et culturelles. I E Panafricaniste, auteure et Conférencière de renom, elle a été l’invitée de R plusieurs médias et sur diverses tribunes du monde (Afrique, Amérique, Europe). Son engagement a été reconnue à travers de multiples distinctions A dont le Prix du Gouverneur-E- général-e- du Canada pour «l’Affaire L personne» en 2005. Elle a été la première canadienne d’origine africaine à E recevoir ce prestigieux prix que le Canada octroie à ses citoyennes qui se sont D Préface du Pr Serge BOUCHARD distinguées dans la promotion de l’égalité et l’équité femmes/hommes. Illustration de couverture : © merikey - 123RF ISBN : 978-2-343-11163-6 26 € DE LA REINE DE SABA À MICHELLE OBAMA Africaines, héroïnes d’hier et d’aujourd’hui À la lumière de l’œuvre de Cheikh Anta Diop Aoua Bocar LY-TALL DE LA REINE DE SABA À MICHELLE OBAMA Africaines, héroïnes d’hier et d’aujourd’hui À la lumière de l’œuvre de Cheikh Anta Diop © L’HARMATTAN-SÉNÉGAL, 2017 10 VDN, Sicap Amitié 3, Lotissement Cité Police, DAKAR http://www.harmattansenegal.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-11163-6 EAN : 9782343111636 DÉDICACE À Ann Dunham Obama Soetoro, un cœur à contenir l’Humanité. À Ann (Stanley) Dunham, qui a donné à l’humanité un fils tel que Barack Obama. À toi, vaillante mère qui a su lier les 3 A : Amérique – Afrique – Asie en un gigantesque A comme « Amour entre humains ». 7 PRÉFACE LA FEMME NOIRE Notre mère à tous était une femme noire, mais nous l’avons résolument oublié. À ce que l’on sache, l’humain originel apparaît en Afrique. Il est beau, il est noir, et c’est au cours des longues pérégrinations de ce bipède ambulant qu’une partie de l’humanité, sortie du continent africain, va peu à peu voir changer la pigmentation de sa peau ; littéralement, elle va perdre sa couleur. Au départ, donc, nous sommes tous du même terreau, de la même espèce, nous sommes tous sapiens, mais au fil des millénaires et des grandes migrations, les environnements naturels ont façonné nos traits et nos allures. Il restera toujours que le noir précède le blanc, en tout seigneur, en tout honneur. Or, cultivons-nous cette mémoire ? Savons-nous célébrer nos véritables origines, honorer nos liens de parenté ? D’ailleurs, que savons-nous de l’histoire universelle, sinon ce qu’en ont raconté les nations, une à une, dans leur désir de s’éblouir elles-mêmes ; sinon les versions des vainqueurs et des dominateurs qui ont justifié leur avidité, parfois leur agressivité, par des épopées que nous trouverions comiques si nous n’étions pas si polis ? À la fin, cantonnés dans nos ethnocentrismes, obsédés par nos propres tribus et appartenances – ne se dit-on pas avant tout Américain, Français, Espagnol, et ainsi de suite ? –, convaincus de la supériorité de notre village, de notre ville, de notre pays, nous oublions l’essentiel, à savoir que nous sommes des humains. Il y a quelque temps, dans le cadre de la Commission de vérité et réconciliation du Canada mise sur pied afin de reconnaître les torts infligés aux autochtones dans les « pensionnats indiens », j’ai donné une série de conférences dans l’ouest du pays. En fait, j’ai présenté à des professeurs francophones les politiques colonialistes et ethnocidaires pratiquées par nos gouvernements successifs depuis cent cinquante ans à l’égard des Premières nations, des Inuits et des métis. À Edmonton, capitale de l’Alberta, il y avait dans la salle plusieurs Sénégalais, des professeurs de français venus s’installer depuis peu. Ils écoutaient avec grande attention ce récit difficile mettant en lumière orientations 9 racistes et abus de pouvoir. J’ai insisté sur le fait que l’intitulé même de la Commission, « Vérité et réconciliation », sous-entendait qu’il y avait eu un énorme mensonge. Un mensonge par omission, certes, relatif au silence qui a toujours entouré le traitement réservé aux premiers peuples, mais il y a plus. Ce mensonge, ce silence, se sont répercutés dans la mémoire, dans l’histoire enseignée dans les écoles, dans la culture populaire et dominante. À titre d’exemple et de comparaison, mon argumentaire soulignait le caractère suspect de cette « vérité » largement répandue voulant que le continent africain fût sans histoire avant l’arrivée des colonisateurs occidentaux. Et pourquoi l’Afrique n’aurait-elle pas eu son histoire précoloniale ? Pourquoi commence-t- on le récit de ce continent avec les hauts faits des explorateurs – ces Blancs qui débarquent toujours « là où aucun homme n’a jamais mis les pieds » ? Toute cette affaire est si curieuse, en effet, que l’on ne peut s’empêcher de penser à un immense subterfuge. À la fin de ma conférence, un jeune Sénégalais est venu me serrer la main. « Merci d’avoir parlé de l’Afrique, de la non-histoire de l’Afrique, m’a-t-il dit avec émotion, merci d’avoir souligné ce mensonge. Trop peu de gens en parlent et il est vrai que ce silence est un mensonge cruel ». Qui, en effet, discute familièrement des anciens empires du Mali, du Tékrour (actuel Foutah Tooro), du Ghana, du Niger, de la Nubie, qui connaît au minimum les Peuls, les Dogons, les Touaregs. Que savons-nous des grandes langues africaines, des cultures, des civilisations originales de ce continent mal-aimé ? L’Afrique fut piégée par le folklore et l’exotisme colonial. Son art, ses techniques, ses philosophies, tout a basculé dans des univers marginaux. C’est ici qu’intervient l’ouvrage pionnier d’Aoua Bocar Ly-Tall, un livre magnifiquement intitulé De la reine de Saba à Michelle Obama. L’auteure pointe du doigt cette bien coupable amnésie qui a tant frappé le continent africain : comment a-t-on pu oublier à ce point notre mère à tous, le berceau, l’origine ? Comment a-t-on pu effacer de notre mémoire ces remarquables matriarcats, ces richesses, ces cultures, cette grande aventure humaine – l’Africaine ? Aoua B. Ly-Tall rejoint le constat d’une série radiophonique que j’ai animée pendant des années sur les ondes de Radio-Canada, De Remarquables Oubliés, série qui éclairait les zones ombragées de l’histoire, là où l’épopée des maîtres et des vainqueurs ne daigne jamais aller. Ce constat revenait sans cesse : dans le récit de l’Amérique, les Premières nations et les métis sont absents, les gens ordinaires et les Noirs sont absents, mais aussi et encore, les femmes sont exclues de la liste des personnages principaux. 10 Si la femme en général apparaît comme une figure secondaire, si l’Afrique est occultée, alors imaginons le sort réservé à la femme africaine, à la femme noire, dans le récit universel de l’humanité ! Aoua B. Ly-Tall veut redresser ce tort. Elle présente dans ce livre une impressionnante revue de la femme africaine à travers les âges, près d’une trentaine de femmes qui furent des mères, certes, mais aussi des pharaonnes, des monarques, des intellectuelles, des savantes. L’auteure met en lumière ce matrimoine oublié qu’il est si urgent de dévoiler aux nouvelles générations. Dans l’esprit des travaux et enseignements du professeur sénégalais Cheikh Anta Diop, qui a « extirpé l’histoire et la culture africaines des profondeurs obscures dans lesquelles l’idéologie esclavagiste les avait enfouies », Aoua B. Ly-Tall nous sensibilise à cette place importante qu’ont occupée ces « héroïnes » tout au long des époques. Pendant quarante ans et jusqu’à sa mort, Cheikh Anta Diop s’est évertué à redonner leurs lettres de noblesse aux cultures et civilisations africaines, retraçant le legs de l’Afrique à la civilisation universelle. Il l’a fait dans l’adversité, dans l’incrédulité, affrontant les vieux schèmes de la pensée européocentriste. Or, Aoua B. Ly-Tall pousse encore plus loin. À la lecture de son ouvrage, on se plaît à penser qu’au moment où la Grèce antique était si dure envers les femmes, au point de les effacer de la philosophie et même de la Cité, l’Afrique précoloniale leur faisait une bien meilleure part. Se pourrait-il que la pensée présocratique ait protégé en Afrique des valeurs humaines fondamentales que les dires de Socrate dénigraient en bloc : la famille étendue, l’égalité des genres, la moralité des mythes, une sagesse d’avant la raison – d’avant les abus de la raison – ? Aoua B. Ly-Tall, inspirée par la mère de Barack Obama et par sa femme, Michelle Obama, retrace le chemin remarquable des Africaines à travers le temps, sur le continent, jusque dans la diaspora contemporaine. Son inventaire commence à l’époque des pharaons. La culture pharaonique aurait non seulement été d’origine africaine, mais les premiers pharaons auraient même été des femmes, des femmes noires, comme le témoigne la vie de la reine-déesse Hatshepsut, 1 500 ans avant Jésus-Christ. À la même époque, la légendaire reine de Saba, cette guerrière et grande femme politique nommée Azeb ou Makéda, régnait sur l’Éthiopie et sur une partie de l’Arabie. Sa vie est une illustration magistrale du pouvoir féminin en Afrique ancienne. Et ainsi défilent les grandes figures, plus flamboyantes les unes que les autres, depuis l’empire de Nubie jusqu’à l’actuelle Washington… jusqu’à franchir le seuil de la célèbre Maison-Blanche ! Immense 11 chantier ouvert par Aoua B. Ly-Tall, coup de semonce contre l’amnésie ; voici un livre qui change totalement notre vision de l’histoire. Il s’agit quand même d’un redressement profond : que la femme noire, la déesse-mère, mais aussi les grandes personnalités des temps modernes reprennent leur place première dans nos savoirs et dans nos cœurs, que l’Africaine et que l’Afrique, la femme et tout un continent, ne soient plus jamais l’objet d’un si remarquable oubli. Serge Bouchard octobre 2017 Docteur en anthropologie et chercheur en études nordiques, Serge Bouchard est auteur d’une vingtaine d’ouvrages et animateur d’émissions phares telles que De remarquables oubliés, sur Radio-Canada. Il a reçu en 2015 le prix Gérard-Morisset pour l’ensemble de sa carrière et est devenu, l’année suivante, Officier de l’Ordre national du Québec. 12 AVANT-PROPOS Le peu que l’on connaît de la mère de Barack Obama, Ann (Stanley) Dunham, est sa générosité et son ouverture vers l’autre. Elle qui, semble- t-il, « observait les différentes cultures comme d’autres étudient les pierres précieuses » (Time, 2009, 44). Plus que d’observer les cultures, elle y plongeait corps et âme, ses amours en sont la preuve. « Elle est devenue amoureuse – à deux reprises – d’étudiants issus de pays étrangers. » (Time, 2009 : 42) Ainsi, américaine blanche, elle a eu l’audace de les épouser dans les années 1960. Le premier était un Africain (Kenya), le second, un Asiatique (Indonésie). Elle n’a vécu en Afrique qu’en rêves, colorés d’images mythiques telles que celles projetées par le film Orphée Négro, qui relate un récit sentimental filmé au Brésil. C’était le premier film étranger qu’elle vit dans sa jeunesse et qu’elle tint à revoir à New York, en compagnie de son fils. Celui-ci avait alors presque le même âge qu’elle au moment où, enfant, elle avait découvert ce film. Barack nous raconte : « J’ai soudain compris […] que le portrait enfantin des Noirs que je voyais à l’écran était l’image que ma mère avait apportée avec elle à Hawaï des années auparavant, le reflet de rêve interdit à une jeune Blanche de la classe moyenne au Kansas, la promesse d’une vie différente, plus chaleureuse, sensuelle, exotique » (B. Obama, Les rêves de mon père, cité par Time, 2009 : 44). C’est en effet à l’université d’Hawaï qu’Ann Dunham rencontre Barack Obama père. Il était l’un des premiers Africains à fréquenter cette université. Par « sa personnalité magnétique », il faisait l’objet d’une curiosité générale. Ann l’épouse le 2 février 1961, des mois après leur rencontre, alors qu’elle est enceinte de trois mois de Barack Obama fils, futur président des États-Unis d’Amérique (2008– 2016). Après l’obtention de son doctorat en économie à l’université de Harvard, son mari décide de retourner au Kenya pour « contribuer à réinventer le pays » (Time, 2009 : 45). La mère de Barack Obama ne le suivra pas et ne vivra donc jamais en Afrique. En revanche, elle fera corps avec l’Indonésie en y rejoignant son second mari, Lolo Soetoro. Ainsi, elle vivra d’abord à Jakarta de 1967 à 13