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Côte d'Ivoire: Économie et société à la veille de l'indépendance (1940-1960) PDF

216 Pages·1982·5.911 MB·French
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LA CÔTE-D'IVOIRE économie et société à la veille de l'indépendance (1940-1960) BIBLIOTHÈQUE DU DÉVELOPPEMENT Collection dirigée par Elsa Assidon et Pierre Jacquemot BIBLIOTHÈQUE DU DÉVELOPPEMENT L'évolution delapensée radicale ou «tiers-mondiste» sur lesous- développement etladynamique qui aprévalu au niveau international vingt ans après Bandoeng, ont conduit à la constitution d'un corps théorique globalisant. Toute l'analyse s'est organisée autour d'un rai- sonnement simple: leTiers-Monde, bloqué dans son développement par l'impérialisme, n'a d'autre choix que de rompre avec le marché mondial pour construire deséconomies autocentrées, évoluant irrésis- tiblementverslesocialisme.Telleestlathèsedu«dépassementnéces- saire du capitalisme par sapériphérie ». Depuis une décennie, lemorcellement du Tiers-Monde estdevenu patent. Ce morcellement donne matière à de nouvelles classifications qui sereflètent dans lespublications des organisations internationales (pays producteurs de pétrole, semi-industrialisés, au seuil de la pau- vreté absolue...). Unité etdiversité du Tiers-Monde sont devenues des réalités projetées dans des luttes politiques et idéologiques dont les enjeux sont en perpétuelle redéfinition. Toutefois, quelle que soit l'appartenance d'école, laréférence àdes «modèles» (chinois, algérien ou brésilien, par exemple) est en recul. Lerenouveau del'analyse sur ledéveloppement semble désormais passer par «un tour au terrain» et laprise en considération des spécifi- cités régionales ainsi mises en lumière. Le cadre dirige des spécialités scientifiques (économie, sociologie, anthropologie, écologie...) éclate et, par tâtonnements successifs, les recherches les plus intéressantes s'enrichissent de nouvelles synthèses qui dépassent lesimple recense- ment des données factuelles. Cette nouvelle collection consacrée audéveloppement privilégiera, en dehors de tout préalable dogmatique, les travaux : - portant surl'analyse desmutations internes desdiversesrégions / du Tiers-Monde, - portant sur laméthode des sciences socialesappliquée audéve- loppement, avec une prédilection pour les études qui, partant du terrain, contribuent àla reformulation del'appareil analyti- que dominant, tant dans lesorganismes d'études et d'interven- tion que dans l'enseignement universitaire. Ceux qui pensent que leur recherche pourrait s'exprimer par le canal decette collection peuvent prendre contact avec: Elsa ASSIDON et Pierre JACQUEMOT c/o L'Harmattan 7, rue de l'École-Polytechnique 75005 PARIS LAURENT GBAGBO LA CÔTE-D'IVOIRE économie et société à la veille de l'indépendance (1940-1960) Éditions L'Harmattan 7, rue de l'École-Polytechnique 75005 PARIS Du même auteur Réflexions sur la ConférencedeBrazzaville, Éd. Clé, Yaoundé, 1978. Soundjata, Lion du Manding, Éd. CEDA, Abidjan, 1979. @ L'Harmattan, 1982 ISBN: 2-85802-203-8 INTRODUCTION Étudier l'histoire des grandes mutations, de leurs causes profondes et des implications qu'elles ont eu sur l'orientation économique, politique, ~lturelle et sociale de tel pays qui s'efforce de devenir un Etat moderne, apparaît comme un impératif. En Côte-d'Ivoire,. c'est entre 1945 et 1960 que se produit cette mutation à la faveur de grands changements survenus dans le monde. En effet, sur le plan international, la Seconde Guerre mondiale met en grande difficulté les puissances colonisatrices; beaucoup de colonisés participent à cette lutte interimpérialiste - facteur important sur le plan psychologique - et les vainqueurs de la guerre, alliés des moments difficiles, ne tardent pas à s'entredéchirer sitôt le fascisme vaincu. Ces bouleversements contraignent les pays colonisateurs (dans le cas de la Côte-d'Ivoire, il s'agit évidemment de la France) à réajuster leur politique coloniale. Ces réajustements sont rendus plus indispensables encore par la situation dans laquelle se trouve l'hexagone français à la fin de la guerre: situation économique catastrophique; poids des formations politiques ayant participé à la libération du territoire fran- çais; volonté de plus en plus affichée des colonisés de se libérer. Comment se répercutent ces mutations sur la Côte-d'Ivoire? Quelles sont les organisations politiques qui vont prendre en compte l'aspiration du pays au changement ? Quelles sont les bases de classe de ces organisations politi- ques? Dans quel contexte vont-elles voir le jour? Quelles sont, enfin, la nature et la signification du changement que vont proposer de telles organisations politiques? Telles sont les questions auxquelles cette étude s'efforcera de répondre. Pour ce faire, nous avons divisé ce travail en deux parties: 5 1) La première panie concerne les années 1945 à 1951. Bien qu'étant une conference coloniale tenue par le Comité Français de Libération Nationale pour préparer la politique coloniale française d'après-guerre (1), la Conférence de Braz- zaville (1944) satisfait l'ensemble de la bourgeoisie ivoirienne dans la mesure pù elle promet la panicipation des colonies à . la gestionde l'Etat français.La victoiresur le fascismeet le poids des forces démocratiques dans la libération de la France et de l'Europe sont des atouts précieux pour les Africains et préparent le terrain aux revendications des colonisés. Quelques faits imponants marquent cette période: l'élec- tion des députés africains à l'Assemblée Constituante; la loi Houphouët-Boigny supprimant le travail obligatoire dans les colonies; la loi Lamine Guèye accordant la citoyenneté fran- çaise aux ressonissants des colonies; la naissance de plusieurs organisations politiques en Côte-d'Ivoire; la naissance du Rassemblement Démocratique Africain (R.D.A.); la grève des cheminots et dockers en A.-O.F.; la sévère répression colo- nialiste contre les militants du P.D.C.I.-R.D.A.; la grève générale déclenchée par le P.D.C.I. pour protester contre la répression, etc. Cette période est donc très imponante. Pour le peuple, et sunout pour la paysannerie, la libené de travail est recon- quise avec la suppression du travail obligatoire. Quant à la bourgeoisie, elle a désormais la possibilité de paniciper à la gestion des Affaires publiques. Mais le plus grand bénéficiaire de cette période de réfor- mes semble bien être la bourgeoisie agraire: sur le plan éco- nomique, la loi Houphouët-Boigny la protège contre la con- currence déloyale des colons en matière de recrutement de main-d'œuvre agricole, et sur le plan politique, elle lui assure le soutien des masses populaires; avec la fin de la guerre, la discrimination cesse au niveau des prix d'achat du café et du cacao) et la reprise de leur exponation ouvre de nouvelles perspectives à cette bourgeoisie agraire qui, désormais, pani- cipe directement à la gestion des affaires politiques. 2) La deuxième et dernière panie de notre étude con- cerne les années 1951 à 1960. Au cours de cette période, la (I) GBAGBO Laurent, Réflexions sur la ConférencedeBrazzaville, Éditions Clé, Yaoundé, 1978. 6 bourgeoisie abandonne ses positions «révolutionnaires », imposées par les circonstances. Pour ce faire, elle opère habi- lement: rupture avec le P.C.F. et nouvelle alliance avec la majorité gouvernementale; essai de réunification de toutes les tendances de la bourgeoisie ivoirienne autour d'une plate- forme commune; harmonisation des positions avec le colonat et l'administration du territoire; intégration de plus en plus poussée dans les structures de dépendance mises en.place par le colonisateur; dépolitisation du peuple, etc. C'est dans cette phase de totale dépolitisation du peuple qu'interviendra la proclamation de 1'«indépendance» en 1960. Tel est, sommairement présenté, le contenu de cette étude. Mais étant donné le rôle important joué par la Seconde Guerre mondiale dans la transformation des mentali- tés et des structures, et plus généralement dans la transforma- tion de la vie des Ivoiriens, il nous a semblé utile de brosser dans ce chapitre introductif un tableau succint de la façon dont fut vécue cette guerre en Côte-d'Ivoire. Il s'agit pour nous d'exposer ici ce que fut l'effort de guerre en Côte-d'Ivoire, ce qui permettra de mieux saisir la suite de notre propos. Nous évoquerons donc successivement les pro- blèmes économiques engendrés par la guerre, et l'esprit de Vichy en Côte-d'Ivoire. Les difficultés économiques de la Côte-d'Ivoire pen- dant la guerre A la veille du déclenchement des hostilités, la Côte-d'Ivoire connaît une période particulièrement floris- sante; en effet, les années 1937-1938 constituent pour la colonisation européenne une phase de prospérité. En effet, seule l'exportation du cacao a baissé, non à cause d'une dimi- nution de la production mais d'une chute du cours. Le ton- nage de tous les autres produits augmente à l'exportation. Le tableau ci-dessous indique cette progression: 7 Produits(2) 1936 1937 Bois 47 162 81 909 Banane 6611 8614 CaÏe 6484 10080 Coton 2018 2219 Chiffres en tonnes. La progression est donc nette. En 1937, le montant des droits de douane, reflet de l'activité économique de la colo- nie, atteint le chiffre jamais égalé de 78 872 569 F, marquant une augmentation de 34 784 278 F par rapport à l'année 1936. A cette situation florissante des produits d'exportation, il convient d'ajouter le développement des cultures vivrières. En effet: «A aucun moment et dans aucune région la disette n'a été redoutée. Au contraire, l'alimentation des populations a été nettement améliorée. On peut dès maintenant prévoir un temps très proche où la production vivrière locale suffira très largement à tous les besoins des habitants de la Côte-d'Ivoire (3). Il Les hostilités vont transformer radicalement cette situa- tion et poser des problèmes nouveaux. En effet, cette écono- mie étant, par essence, extravertie puisque coloniale, toute difficulté qui surgit au niveau du transport et de l'exportation entraîne une désorganisation de l'ensemble de l'économie. Nous examinerons ici quelques-unes de ces difficultés. Les difficultés de l'exportadon Avec la guerre, les mers étant occupées, le transport mari- time devient de plus en plus difficile. Ces difficultés dans le transport rejaillissent immédiatement sur la colonie de la Côte-d'Ivoire qui, de plus, a du mal à exporter les produits de ses plantations et de ses forêts. Pour bien cerner les difficultés traversées par cette colonie (2) Archives de la Chambre d'Agriculture d'Abidjan, Budjet local de la Côte-d'IfJOire, «Exer- cice 1939 ». (3) Archives de la Chambre d'Agriculture d'Abidjan, Budget local de la Côte-d'IfJOire, «mer- cice"~~ - 8 pendant la guerre, il suffit de se rappeler que la Côte-d'Ivoire tire l'essentiel de sa richesse de l'exportation du bois, du café et du cacao. Sans exportation, il n'y a pas d'économie ivoi- rienne, car aucune usine locale ne peut prendre en compte les produits non exportés. C'est donc un véritable désarroi qui s'empare des tenants de l'économie coloniale quand la guerre porte un coup aux frets maritimes. Ce désarroi est exprimé de façon très éloquente par le chapelet de télégram- mes que les Assemblées Consulaires de Côte-d'Ivoire adres- sent les 7, 8 et 9 mai 1940 à la Direction des Transports Maritimes à Dakar: - «Abidjan, le 7 mai 1940 Direction Transports Maritimes - Dakar. Afin permettre évacuation rationnellecafé,vous demandonsdon.. ner toute urgencefaculté votre représentantfaire répartitionfrêt entre cacaopalmiste cafépour tous bateaux stop. Quinze mille tonnes café sont en stock dans colonieet transactionsparalysées par suite manque frêt stop. Chambre Commerce - Chambre Agriculture. Abidjan, le 8 mai 1940 - Direction Transports Maritimes - Dakar. Suite mon télégrammesept mai café honneur attirer également votre attention sur nécessitéévacuer rapidement stocks élevés arachides décortiquéeset amandes karité stop. Serait également désirableprévoir dans répartition quotapour autresproduits tels - bois) huile palm~ cotot; maïs sentiments distingués. Chambre Commerce. Abidjan, le 9 mai 1940 - Direction Transports Maritimes - Dakar. Suite télégrammedes sept et huit courant après conférenceavec délégués syndicats vous demandons autoriser répartition tous navires non encorerépartis par comité local composédélégués syndicats et principaux exportateurs qui opèrent en accord Assemblées Consulaires- stop- cettemesurepermet-trait utili- ser au mieux les bâteaux suivant nécessitéslocales stop - - Reconnaissant télégraphiertoute urgencedécision Sentiments distingués. Chambre Commerce - Chambre Agriculture (4). (4)Chambre de Commerce de la Côte-d'Ivoire, «Compte rendu de la réunion du 26 mai 1940_,p. 9. 9 Ces difficultés sont, de plus, aggravées par le fait que tous les remorqueurs et chalands faisant le cabotage colonial et intercolonial sont réquisitionnés par l'administration, obli- geant les commerçants â utiliser, pour le commerce intercolo- nial, des camions, qui eux-mêmes se raréfient par manque de carburant, ou des bateaux de grandes lignes dont le passage est de plus en plus hypothétique; d'autre part, l'escale de Grand-Lahou est supprimée, obligeant les exportateurs de cette région à engager des frais supplémentaires pour trans- porter leurs produits jusqu'à Port-Bouêt ou Grand-Bassam; enfin les navires affrétés par la Direction des Transports Maritimes sont tenus de ne faire escale qu'à Port-Bouêt; en conséquence, les autres wharfs sont très souvent libres alors que celui de Port-Bouêt est surchargé. Ainsi, M. Lasserre, président de la Chambre de Commerce, signale qu'en mai 1940 la Côte-d'Ivoire disposait de 77445 tonnes de marchan- dises qu'elle n'arrivait pas à exporter par manque de fret. Ces marchandises (qui ne comprennent ni le bois, ni les bananes) sont réparties comme suit: Produits(5) Stocks aux ports Stocks à d'embarquement l'intérieur Cacao 19883 21075 Palmistes 9471 5733 Arachides 1341 518 Huile de palme 1495 - Amandes de Karité 4650 3000 Beurre de Karité 840 200 - Coton 616 Sisal 250 - Café 4000 3808 Divers 365 200 Total 42911 34534 Chiffres en tonnes. Pour le bois, en même temps que des contrats sont pris avec les pays d'Mrique du Nord pour la vente des stocks en souffrance, l'administration ~nterdit tout abattage dans «le (5) Idem, p. 8. 10

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